De même que les philosophes ne peuvent pas fonder une société, mais peuvent rendre de plus en plus philosophiques les sociétés existantes, de même qu’ils ne peuvent créer des langues (au moins en dehors de la science), mais qu’ils peuvent rendre les langues usuelles de plus en plus claires, logiques, analytiques, en un mot philosophiques, de même ils ne peuvent créer des religions, mais ils peuvent transformer les religions historiques. […] Soit ; mais si l’idée de Dieu est trop pauvre et trop froide pour réunir les hommes en un sentiment commun, avouez alors que c’est une idée vaine, et rendez les armes aux athées.
En lisant l’art poëtique d’Horace, on voit bien que le vice reproché par Quintilien à la déclamation théatrale de son temps, venoit de ce qu’on l’avoit voulu rendre plus vive, plus affectueuse et plus expressive, tant du côté de la récitation que du côté du geste, qu’elle ne l’avoit été dans les temps anterieurs. […] Je ne dirai pas qu’on n’ait point quelquefois gâté notre musique et notre danse à force de les vouloir enrichir et de vouloir les rendre plus expressives. […] Il se trouve toujours des artisans qui passent le but et qui défigurent leur ouvrage à force de vouloir le rendre élegant.
II Rien de plus creux, en effet, que ce volume d’Hoffmann ou sur Hoffmann ; et la faute n’en est pas à Champfleury, qui a remué, comme on dit, le ciel et la terre, pour rendre son ouvrage digne de l’attention des curieux et pour augmenter une gloire déjà trop grande et qui ne pouvait plus que diminuer. […] La fameuse Correspondance entre le baron Walborn et le maître de chapelle Kreisteren en est un exemple frappant… On peut rendre le squelette d’un roman, d’un tableau ; il est impossible de rendre le squelette d’une symphonie… » — « Je ne conseillerais à personne — ajoute un peu plus bas Champfleury — de renouveler ces tentatives, qui ne peuvent être comprises que par une vingtaine de personnes dévouées, intelligentes, s’attachant à tout ce qui sort de la plume d’un auteur et prenant la peine de l’étudier pendant des années entières. » Éloge, en langage négligé, plus singulier encore que les singularités d’Hoffmann lui-même !
Le double regret de les avoir perdus sans les voir les rend plus charmants, et ce regret, voilà leur gloire ! […] Malgré son talent, à qui j’ai rendu souvent et dernièrement encore justice, Sainte-Beuve n’est pas constitué pour faire grand bruit. […] Le reste, et le reste est le tout, n’est que prose : lettres écrites à des amis, mais dans les premiers moments de la vie ; Memoranda, vues sur soi-même ; paysages bretons : admirable rendu de la nature par qui l’adore ; et, pour couronner cet ensemble, Le Centaure, qui n’est pas un fragment, mais un chef-d’œuvre complet et absolu, où pour la première et seule fois Guérin saisit son idéal et n’insulta pas sa pensée.
C’est à qui rendra des oracles sur l’avenir et les destinées de la littérature. […] S’il se moque des romans-sermons, c’est parce qu’ils rendent la morale ennuyeuse en l’assénant hors de saison. […] Il se plaint des historiens qui prennent à tâche de dédorer ces idoles et il travaille de toutes ses forces à leur rendre leur prestige. […] C’est aussi une tradition française de rendre la science aimable et avenante. […] On peut, au nom d’un code ou d’un idéal traditionnel, rendre des arrêts, imposer ou essayer d’imposer des jugements.
Son intervention est décisive, à la vérité ; sans lui, ces matériaux auraient été anéantis ou du moins bientôt ruinés ; il a donné aux monuments qu’il en a formés la solidité, la supériorité qui les rend immortels. […] Au moment où Jean-Baptiste Poquelin, entraîné par sa vocation, engagé dans la troupe de l’Illustre Théâtre, représentait aux fossés de Nesle ou au port Saint-Paul les tragédies de Tristan et de Magnon, ce n’étaient pas seulement les Montfleury, les Floridor, les Madeleine Beauchâteau qui lui enlevaient la faveur du public et rendaient l’Illustre Théâtre désert, c’étaient aussi Tiberio Fiurelli sous les traits du noir Scaramouche, Domenico Locatelli sous le masque de Trivelin, Brigida Bianchi sous les atours et le nom d’Aurélia.
Le vrai coupable de la mort de Jésus finit sa vie au comble des honneurs et de la considération, sans avoir douté un instant qu’il eût rendu un grand service à la nation. […] Sans cesse pressé par cette femme ambitieuse, qui le traitait de lâche parce qu’il souffrait un supérieur dans sa famille, Antipas surmonta son indolence naturelle et se rendit à Rome, afin de solliciter le titre que venait d’obtenir son neveu (39 de notre ère).
Il était naturel que l’effronterie des mœurs générales ne distinguât rien dans ce mélange et qu’elle s’élevât également contre les caricatures et contre les modèles, contre la décence et contre la préciosité, contre l’honnêteté et la pruderie, contre la délicatesse et l’affectation ; la licence confondit tout et rendit tout ridicule. […] La même méprise, qui fait imputer à l’hôtel de Rambouillet la préciosité des manières et du langage, fait méconnaître les services qu’il a rendus aux mœurs, à la langue même et à la littérature, et lui dérobe une gloire qui lui appartient.
Le temps était venu où Richelieu, réunissant à la dignité de cardinal les fonctions de connétable, de grand-amiral et de premier ministre, se rendît terrible aux grands. […] Segrais raconte que le cardinal envoya Boisrobert à la marquise, pour lui demander son amitié, mais à une condition trop onéreuse pour elle, qui ne savait ce que c’était de prendre parti, et de rendre de mauvais offices à personne.
Une autre circonstance est remarquable dans la lettre de madame Scarron, c’est cet empressement de la cour à se rendre chez madame de Montausier malade, presque mourante, au moment où chancelait la favorite qui avait causé sa maladie. […] Le roi avait légitimé les enfants qu’il avait de madame de La Vallière ; madame Scarron était donc fondée à prévoir le même sort pour ceux de madame de Montespan ; et elle s’était mis dans l’esprit que les fils de Louis XIV, confiés à ses soins, ne devaient pas être les tourments de la France comme l’avaient été les bâtards de Henri IV, et qu’elle devait rendre ses élèves dignes de leur haute destinée, par leur moralité et leur esprit.
Dans le même Chapitre, parlant des bonnes qualités de Scipion, qui le rendirent suspect aux Romains, il dit, que dans le temps qu'on l'accusoit, il pouvoit répondre & se justifier ; « mais, ajoute-t-il, il y a une innocence héroïque aussi-bien qu'une valeur, si on peut parler de la sotte ; la sienne négligea les formes où sont assujettis les innocens ordinaires ; & au lieu de répondre à ses Accusateurs : Allons , dit-il, rendre graces aux Dieux de mes victoires : & tout le monde le suivit au Capitole ».
L’impuissance de sa volonté, qui est la cause et le fond de son infortune, est par lui subtilement analysée ; il distingue le penchant à suppléer aux actes par de vagues rêves, sa dépravation morose qui le porte à se regarder faire dans le peu qu’il fait et à se rendre ainsi déplus en plus incapable de toute action spontanée ; enfin apparaît ce dernier symptôme de la décadence volitionnelle, la lassitude anticipée, le dégoût préventif qui détournent même de tout désir, de tout rêve-d’entreprise et bornent définitivement en son incapacité le malade et le moribond que M. […] Et si l’on joint à cette originalité fondamentale celle du faire, le style, qui n’est plus ni coloré, ni abandonné au rendu des choses visibles, mais abstrait et apte à figurer les faits de l’âme des procédés qui ne sont pas la description, mais l’analyse psychologique et rapprochent ainsi la Course à la Mort des dernières œuvres de M.
Personne ne rend mieux le sentiment que Guarini. […] Ils ont été rendus trop heureusement dans notre langue, pour qu’on ose revenir sur cet endroit.
Il fallait ce me semble que l’âne se rendît tout-à-fait insupportable au lion par ses fanfaronnades ; cela eût rendu la moralité de la fable plus sensible et plus évidente.
Tu rends la confiance à ce cœur devenu défiant par le chagrin. » Elle dit ; et Ulysse, pressé du besoin de verser des larmes, pleure sur cette chaste et prudente épouse, en la serrant contre son cœur. […] Il y aurait une étude intéressante à faire : ce serait de tâcher de découvrir comment un auteur moderne aurait rendu tel morceau des ouvrages d’un auteur ancien.
lui dit-elle, je t’en prie, rends-moi mes ailes ! […] Alors Sakaye lui rendit ses ailes et elle les fixa à leur place.
» Mais on leur rend bien leurs adulations. […] Il s’en charge et la rend générale et indirecte. […] Il n’a pas de peine à se rendre. […] Le client rendu muet, assourdi, hébété, se trouve à demi vaincu. […] Cette pesante nécessité les rend durs pour autrui et pour eux-mêmes.
Quelques-uns de leurs philosophes jetaient parfois sur les objets de faibles lumières qui n’en éclairaient qu’un côté, et rendaient plus grande l’ombre de l’autre. […] Le génie moderne conserve ce mythe des forgerons surnaturels, mais il lui imprime brusquement un caractère tout opposé et qui le rend bien plus frappant ; il change les géants en nains ; des cyclopes il fait les gnomes. […] Ainsi Cromwell dira : J’ai le parlement dans mon sac et le roi dans ma poche ; ou, de la main qui signe l’arrêt de mort de Charles Ier, barbouillera d’encre le visage d’un régicide qui le lui rendra en riant. […] Il rend plus solide et plus fin le tissu du style. […] Le temps fera justice du livre, ou la lui rendra.
Il ne peut rendre sensible la transition de l’adolescence qu’en l’arrêtant, ordonner le désordre qu’en le supprimant. […] Que faudrait-il pour rendre cette page exquise ? […] Pragmatique par les services qu’elle a rendus. […] Des romans ont pu rendre des services du même ordre ou d’un autre ordre. […] Bel hommage rendu au plaisir, de ne réserver comme péchés inavouables que les deux péchés contre le plaisir !
Il sentait que les Bourbons devaient quelque chose de grand au monde pour se faire pardonner l’abaissement de la France, qui n’était pas leur ouvrage, et dont l’injustice publique les rendait responsables. […] La politique de la Restauration, entre autres, est une justice sévèrement rendue à la haute pensée de Louis XVIII, le vrai roi de la liberté moderne, compatible avec la démocratie, vraie pensée du temps. […] « Le mouillage de Saïde étant peu sûr, je vis la goélette mettre à la voile pour Saint-Jean d’Acre, où nous nous donnâmes rendez-vous, et je restai seul sur la côte de Syrie. […] « Lady Stanhope apprit avec plaisir que le voyage d’Ali-Bey avait un autre but que des découvertes astronomiques, et qu’il avait la mission de se rendre à Tombuctoo. […] Pitt était mort comme Moïse avant d’avoir rendu la liberté au monde ; Bonaparte était vaincu et prisonnier à Sainte-Hélène.
La verbosité oiseuse du philosophe et de ses interlocuteurs ne les rend pas moins fastidieux dans beaucoup de leurs parties, qu’ils ne sont frivoles dans quelques-unes. […] « Nous nous rendîmes donc tous ensemble, ses deux frères Lysias et Euthydème, avec Thrasymarque de Chalcédoine, Charmantide du bourg de Péanée, et Clitophon, fils d’Aristonyme. […] « — Oui. « — Ne se trouvât-elle que dans un seul homme, elle produira les mêmes effets : elle le mettra d’abord dans l’impossibilité de rien faire, par les séditions qu’elle excitera dans son âme, et par l’opposition continuelle où il sera avec lui-même ; ensuite elle le rendra son propre ennemi et celui de tous les justes ; n’est-ce pas ? […] « À la vérité, c’est l’injustice qui leur avait fait former des entreprises criminelles ; mais elle ne les avait rendus méchants qu’à demi, car ceux qui sont entièrement méchants et injustes sont par cela même dans une impuissance absolue de rien faire. […] Croyons-nous que les femelles des chiens doivent veiller comme eux à la garde des troupeaux, aller à la chasse avec eux, et faire tout en commun, ou bien qu’elles doivent se tenir au logis, comme si la nécessité de faire des petits et de les nourrir les rendait incapables d’autre chose, tandis que le travail et le soin des troupeaux seront le partage exclusif des mâles ?
Quand l’homme est dévoré, ou plutôt réduit en poussière par l’incrédulité, cet esprit merveilleux est le seul qui rende à l’âme une puissance d’admiration, sans laquelle on ne peut comprendre la nature. […] « Puis de ces hauteurs et de ces mille points de vue spéculatifs et anecdotiques où se plaisait madame de Staël, nous l’avions entendue revenant sans cesse à la France, insistant avec une joie naïve d’amour-propre sur l’ascendant que la paix et la liberté légale allaient rendre à cette terre natale de l’intelligence, disait-elle, à cette métropole des esprits dont la civilisation de l’Europe était une colonie. […] La seconde restauration lui rendait Paris, le gouvernement représentatif, la liberté de la pensée, l’influence de la parole, la faveur de Louis XVIII, la fortune de M. […] Ce second époux, qu’elle avait rendu heureux, ne put survivre à sa perte. […] Son dernier soupir fut encore éloquent : « Quand je n’aurais pas la certitude d’une vie future, dit-elle à ses amis, je rendrais encore grâce à Dieu d’avoir vécu.
Encore aujourd’hui nous les voyons fonctionner et rendre difficile, sinon impossible, toute stabilité gouvernementale. […] Ai-je besoin de dire avec quelle fièvre je m’y rendais, quand son indulgente amitié m’y conviait ? […] Mais ce qui rend cet infatigable ouvrier de la pensée plus admirable encore, c’est l’attitude morale qu’il sut conserver jusqu’à la fin et dans la gloire. […] Le syndic s’y rend à son tour, pieds nus, lui aussi, en chemise. […] On sait où cette méconnaissance envieuse des services rendus aux rois de Prusse par leur génial serviteur a conduit l’ingrat.
La multiplicité des journaux rend à la société les mêmes services de sagesse que la multiplicité des lectures de journaux différents rendra aux rares amateurs de conversation écrite. […] Et le journal fanatique de gauche nous rend le même service contre le fanatique de droite. […] Je voudrais seulement en marquer les origines, en préciser la nature, en rendre sensibles les limites. […] En les prenant par le dedans, elle les prend et les rend comme une nature. […] le seul service que tu auras rendu à ces ignorants sera d’avoir changé leur ignorance simple en une ignorance triple.
En lisant cet énoncé ridicule qu’il allait rendre immortel, Rousseau pleura. […] Il les rend témoins de ses crises sensitives, de ses idées de suicide. […] ce pouvoir dont la privation le rend implacable, au fond il n’en veut pas. A peine pourvu, il se rend impossible et sincèrement ne parle que de partir. […] Le défaut d’eurythmie et l’empâtement de style de Delphine et de Corinne rend ces gros romans peu pernicieux.
Cela me rend fou. […] La contradiction est pour ces hommes ce que la vue du rouge est pour les taureaux : elle les rend fous. […] Il avait appelé les chefs volsques pour les rendre témoins de ses refus, et devant eux il accorde tout et pleure. De retour à Corioles, un mot insultant d’Aufidius le rend furieux et le précipite sur les poignards. […] Sa forte voix virile, — revenant au fausset enfantin, ne rend plus que les sons grêles — d’un sifflet ou d’un chalumeau.
Un certain Apollonide qui avait l’accent béotien, proposa de se rendre au roi. […] Ils dirent qu’ils les rendraient à condition qu’on ne brûlerait pas leurs villages. […] Xénophon et Chirisophe composèrent pour obtenir les morts en échange du guide ; ils leur rendirent, selon leur pouvoir, tous les honneurs qu’on est dans l’usage de rendre aux hommes braves. […] Toutes deux vont dans Saint-Simon au même effet, qui est de le rendre historien. […] Il n’est pas d’affaire qu’il n’anime, ni d’objet qu’il ne rende visible.
La peur de perdre sa petite place a porté le bourgeois à rendre plus rares ses visites à ses voisins ; il va même moins au café. […] C’est un Protée qui communique sa nature à tout ce qu’il touche, et qui rend Protées eux-mêmes tous les objets qu’il regarde. […] Parce qu’il le rend idolâtre. […] On peut l’invoquer, la réclamer, se la faire rendre, son contrat en main. […] Elles l’ont souvent rendu injuste et ont altéré la sûreté ordinaire de son goût.
Cette médiocrité est telle qu’au lieu de rendre sympathiques les personnages statufiés, elle les fait prendre en mépris. […] Malgré cette politesse qu’ils nous font d’adopter notre transcription de quelques noms étrangers, je ne crois pas que nous devions leur rendre la pareille. […] C’était un voluptueux mais aussi un perpétuel amoureux et, assurément, il n’a pas conté ses bonnes fortunes dans un style érotique, plus propre à en diminuer la valeur qu’à les rendre plus précieuses à son souvenir. […] Si elles sont très intéressantes, je ne les ai pas feuilletées assez longtemps pour m’en rendre bien compte, mais elles sont des lettres de Verlaine et cela suffit. […] Mais si ce n’était pas une torture, ce serait encore une humiliation, car ses manifestations extérieures rendent l’homme grotesque.
Cette âme qu’on sent partout, c’est bien elles qu’ont voulu rendre les symbolistes. […] Je les raconte pour mieux vous rendre participant à mon mal. […] Brunetière, n’ayant d’autre origine que le besoin profondément humain de rendre l’abstraction sensible en la matérialisant, n’a pas aussi d’autre raison d’être que de manifester physiquement à tout le monde ce qui n’est spirituellement accessible qu’à quelques-uns. […] « Notre poésie est un symbole, et c’est ce que doit être toute vraie poésie, car la parole de Dieu, lorsqu’elle se transforme en la parole de l’homme, doit se rendre accessible à nos sens, à nos facultés, s’incarner en nous, devenir nous-mêmes. […] L’allégorie est inutile, puisqu’elle remplace pour l’agrément l’expression directe de ce que les mots les plus simples suffiraient à rendre ; le symbole est indispensable puisqu’il représente ce que l’on ne pourrait autrement suggérer. » Beaunier.
La réclame éhontée des mauvais livres nous rend plus précieuse encore la beauté des beaux livres. […] Et les salons parisiens, quand on lit dans les journaux le compte rendu des fêtes, des dîners et des bals, nous apparaissent comme des casinos de stations thermales où vient se donner rendez-vous toute la pègre cosmopolite. […] — Et vous, monsieur Maurice Barrès, est-ce que vous allez aussi me rendre heureux ? […] D’abord il ne voulut pas se rendre à l’évidence. […] Faguet rend à M.
Certains ont le droit de croire que l’expression de notre âme collective fut plus énergiquement rendue au Moyen Âge entre autres. […] On a su rendre à Gérard de Nerval tout l’honneur qui lui revient d’avoir découvert dans les ballades du Valois une mine précieuse de lyrisme. […] Une des raisons du vers libre, en effet, est de rendre à la strophe sa vérité et ses lois organiques. […] Grâce à la pureté de ses horizons, à ses couchers de soleil sans poussière, elle a fait rendre à la couleur sa plus folle intensité. […] Par ce très succinct aperçu on comprendra le service qu’Albert Mockel a rendu à la poésie de son temps.
Il se rendait à un concours de poésie. […] Il n’ignore rien des jugements qui se rendent au sein des villes. […] Qui nous les rendra ? […] Et dire que nous en rendions responsable l’esprit moderne ! […] Au bout de dix jours, la Méditerranée rendît leurs cadavres.
Le plus modeste, le plus humble des hommes, il offrait en lui cette union si rare d’une expérience clairvoyante et précise, et d’une naïveté d’impressions, d’une sorte d’enfance merveilleusement conservée ; cela donnait à sa personne, à sa conversation, un grand charme, que sa parole écrite ne rendait pas. […] Vinet n’a pas eu le même bonheur que Topffer ; il a vu son cher pays en proie aux violents, la culture de quinze années détruite en un jour, ses meilleurs amis dispersés ; il a bu tout le calice d’amertume dont était capable sa nature tendre, et il est à croire que, tout en sentant qu’il en souffrait et qu’il en mourait, sa belle âme en tirait un nouveau sujet de rendre grâces et de bénir.
D’autant que le régime social, par l’indépendance, par le droit souverain qu’il reconnaît à l’individu, exalte les énergies, et rend plus nécessaire l’action d’un irrésistible frein. […] Elles rendent impossible la saine conception de l’histoire : et il est notable que dans l’âge moderne l’esprit français, substituant une conception philosophique à la conception théologique de l’univers, n’arrivera pas encore sans grande peine à l’intelligence historique, comme si sa nature répugnait secrètement à la considération du contingent, du relatif, de ce qui passe dans les choses qui passent.
Il ne parle que des choses les plus simples, les plus quotidiennes, les plus humbles, mais il en parle avec une grâce délicieuse, une émotion naïve, une exactitude qui les rend visibles et palpables. […] Dieu te rendra bon comme les hommes Et doux comme le miel, le méture et les pommes Où se collent les guêpes en or tout empêtrées.
Quelques observations peuvent rendre claire sa valeur, et la limiter ; et une ou deux raisons évidentes expliquent son insuccès relatif. […] Ce don n’est déparé par aucune timidité à rendre exactes ses imaginations.
Les rhumatismes, qui me rendent maintenant la marche si difficile, je les avais déjà. — Quant à l’âme, oh ! […] Cela sert médiocrement à réussir ; cela sert à quelque chose de mieux ; cela rend heureux.
Viennent ensuite des syllabes sourdes et pesantes, qui rendent admirablement les pénibles soupirs des enfers. […] Si toutefois nous osions proposer nos doutes, peut-être que ce tour élégant, nous laissâmes échapper le livre par qui nous fut révélé le mystère de l’amour, ne rend pas tout à fait la naïveté de ce vers : Quel giorno più non vi leggemmo avante.
L’auteur dont je parle, expose ce mistere d’iniquité sur la scene comique, sans le rendre plus odieux que Terence cherche à rendre odieux les tours de jeunesse des eschines et des pamphiles, que le boüillant de l’âge précipite malgré leurs remords dans des foiblesses que le monde excuse, et dont les peres eux-mêmes ne sont pas toûjours aussi desesperez qu’ils le disent.
Loin d’être « la réfutation absolue de nos manuels et de notre système », cet aveu nous absout donc au lieu de nous condamner. « Mais, dit-on, Taine n’aurait pas écrit comme eux, s’il n’avait vu les choses comme eux », Sans doute, il fallait de toute évidence qu’il eût d’abord en lui et en germe la faculté de voir les choses comme il devait les rendre, pour les rendre ensuite comme il les avait vues.
» D’où vient maintenant qu’un poëte par l’âme et par l’expression, comme l’était Mme de Staël, abordant en vers un sentiment si profond chez elle, l’ait prosaïquement rendu ? […] Exact et bien dirigé en ce qui touche les sentiments politiques de Benjamin Constant, l’ingénieux écrivain n’a pas rendu la même justice à Mme de Staël. […] Or, c’est le Christianisme qui a agi sur cette masse combinée des Barbares et des Romains : où est le Christianisme nouveau qui rendra aujourd’hui le même service moral ? […] Rocca lui rendit encore un peu de l’illusion de la jeunesse ; elle se laissait aller à voir dans le miroir magique de deux jeunes yeux éblouis le démenti de trop de ravages. […] Ici une main dispensatrice rendait la scène facile et ouvrait une part large au drame et au roman, par une sage économie de moyens.
Ce passé une fois ressaisi, ces hôtes invisibles et silencieux une fois reconnus, on jouit mieux, ce semble, du séjour, on le possède alors véritablement, et le Genius loci, que notre hommage a rendu propice, anime doucement chaque objet, y met l’âme secrète, et accompagne désormais tous nos pas. […] Cœur délicat sans doute et reconnaissant, on le voit empressé de payer sa bienvenue à chacun des membres ; lui aussi il se sent riche à sa manière, il veut rendre et donner. […] Après vingt-sept ans de prison, ce dominicain philosophe venait d’être rendu à la liberté par la bonté d’Urbain VIII. […] A la seconde Fronde, ce fut bien autre chose, et, le 29 décembre 165l, le parlement rendit l’arrêt de vandalisme qui ordonnait la vente de la bibliothèque et des meubles du cardinal. […] Naudé, s’en prenant à un bénédictin italien, le Père Cajetan, qui était petit et assez contrefait, l’avait appelé rabougri ; les bénédictins de Saint-Maur ne se rendirent pas bien compte du terme, et le confondirent avec un bien plus grave qui a quelque rapport de son.
” « C’est à ce danger de Ménalque que se rapporte probablement l’anecdote du centurion ravisseur qui ne voulait point rendre à Virgile le champ usurpé, et qui, mettant l’épée à la main, força le poète, pour se dérober à sa poursuite, de passer le Mincio à la nage. […] Une âme tendre, amante de l’étude, d’un doux et calme paysage, éprise de la campagne et de la muse pastorale de Sicile ; une âme modeste et modérée, née et nourrie dans cette médiocrité domestique qui rend toutes choses plus senties et plus chères ; — se voir arracher tout cela, toute cette possession et cette paix, en un jour, par la brutalité de soldats vainqueurs ! […] « “Du reste, le mot impaluda rend parfaitement l’aspect des environs de Mantoue. […] En mourant, il doutait qu’il l’eût accompli : c’est à nous de rendre aux choses et à l’œuvre tout leur sens, d’y voir toute l’harmonieuse ordonnance, et de dire que Virgile mourant, au lieu de se décourager et de défaillir, aurait pu se faire relire son hymne glorieux du troisième chant des Géorgiques, et, satisfait de son vœu rempli, rendre le dernier souffle dans une ivresse sacrée27. » Les Géorgiques sont, dans leur genre, le plus parfait modèle de poésie didactique qui ait enchanté les agriculteurs de tous les âges, la limite précise où la nature et la poésie se rencontrent pour s’embrasser. […] Et bien que je ne me repente nullement des services énergiques que les événements m’ont entraîné à rendre à mon pays en 1848, et que je ne rougisse pas de la part de vigueur et de prudence que j’ai pu apporter alors, avec d’autres, à ces événements historiques, retirons-nous, pendant le peu d’années que les circonstances politiques nous laissent avant notre mort, dans le domaine des lettres où vous brillez et où je m’éteins.
Nous allons faire de même pour M. de Balzac, et on ne saurait rendre un plus grand service à sa mémoire. […] Alexandre Dumas aurait dû pourtant rendre le parterre indulgent pour toutes les extravagances. […] De plus en plus épris d’assimilations, d’analogies et de métaphores, il a cru les rendre plus frappantes en supprimant tous les intermédiaires. […] Rendons-nous bien compte de la situation de l’illustre patriarche au moment où il s’occupa de ces deux affaires. […] Je livre à M. de Tocqueville cette observation supplémentaire, qui pourrait s’ajouter à cette partie de son livre et ne la rendrait que plus frappante.
Rien de bizarre, rien d’extraordinaire ni de farouche ; rien chez Jocelyn de ce que d’admirables poëtes ont su rendre dans des types maladifs, bien qu’immortels. […] Par vous rendu décent et non pas magnifique, etc. […] Au contraire, les belles apostrophes de Lamartine à Fido, loin de paraître singulières à personne, ne feront que rendre la pensée de bien des cœurs. […] Nous essayerons de le rendre : LE CHÂTEAU DE BOTHWELL. […] Mais, quoique revenu près des bords que j’appelle, Je ne puis rendre aux lieux de visite nouvelle.
Et d’abord rendons, réservons au premier éditeur l’honneur et la reconnaissance qui lui sont dus. […] En comparant et en suivant de près ce qu’il rend avec fidélité, ce qu’il élude, ce qu’il rachète, on voit combien il était pénétré de ces grâces. […] Pleure, ouvre-lui tes bras et rends-lui son baiser. […] L’examen des manuscrits restants m’a rendu cette supposition de plus en plus difficile à concevoir. […] Il faut la traduire et rendre l’opposition de paroles… la mer t’a reçu avec elles (les Pléiades). » 64.
Heureux ce jeune homme s’il peut un jour rendre un Pétrarque aux philosophes, aux poètes, aux amants ! […] XIV Ce jeune homme aura évidemment un autre don de la poésie moderne, le don de rendre en vers familiers quoique expressifs les choses et les sentiments que l’orgueil emphatique de la poésie du dix-huitième siècle avait relégués dans le domaine de la prose, comme si le vers était incapable de dire juste et vrai, comme si la poésie n’était pas, par excellence, le langage du cœur ! […] Ajoutez à cela les simples accidents ordinaires de la vie privée, la mort de l’aïeule, la naissance d’un nouveau-né, le départ du fils pour l’inconnu de sa destinée, hors du nid et du pays, les amours, le mariage de la sœur aînée, les fêtes du foyer, la religion introduisant l’infini des espérances et la sainteté des amours dans ce petit monde qui s’étend de la cheminée à la fenêtre, et du seuil au cimetière : voilà l’épopée de famille, sujet dont le drame s’agite sous quelques tuiles, et qui ne se dénoue que dans l’éternité, ce rendez-vous de tout ce qui s’aime ; voilà ce qu’il se chante tout bas à lui-même, ce jeune Homère de l’Iliade du cœur ! […] Les visiteurs et les enfants du château s’ingéniaient à chercher des yeux, à appeler de la voix ces petits bergers invisibles, et qui se gardaient bien de se montrer, quand j’arrivai moi-même au rendez-vous par le sentier opposé de la montagne. […] XVIII Il y a dans ce petit volume des pages exquises comme celles-là ; mais quelquefois aussi ces pages sont de bronze, et rendent l’accent du métal par leur profondeur et leur solidité.
Il craignait qu’une lutte plus obstinée ne rendît le vainqueur plus inexorable. […] Le buste d’un homme de bien réhabilite tout un corps avili, et rend quelque généreuse émulation à toute une époque de décadence. […] On rendit l’impunité aux persécuteurs, on fit des funérailles publiques aux illustres victimes. […] » XXXV Ici, la page est déchirée, et le livre des histoires, interrompu par la mort de Rome, attend sous quelques monceaux de cendres qu’un heureux hasard rende la parole à la plus grande voix de l’antiquité……………………………………………………………………… XXXVI Les Annales de Tacite sont de la même main, mais d’une main plus magistrale encore et plus ferme. […] « En ce moment, on l’avait invitée à un long festin afin que la nuit ajoutât encore son ombre au secret du crime. » XL « On croit généralement qu’il y avait eu un révélateur, ou qu’Agrippine, avertie du péril, mais hésitant à y croire, s’était rendue à Baïes en litière.
Tout art est déformateur et toute science est déformatrice, puisque l’art tend à rendre le particulier tellement particulier qu’il devienne incomparable, et puisque la science tend à rendre la règle tellement universelle qu’elle se confonde avec l’absolu. […] Mais chez les peuples enrichis d’une littérature, la langue est d’autant plus stable que la littérature est plus forte, qu’elle nourrit un plus grand nombre de loisirs et de plaisirs ; à un certain moment, la tendance à l’immobilité ou les ondulations rétrogrades d’un langage rendent parfois nécessaire une intervention directrice dans un sens opposé, et l’aristocratie intellectuelle, au lieu de restreindre la part du nouveau dans la langue, doit au contraire souffler au peuple abruti par les écoles primaires les innovations verbales qu’il est désormais inapte à imaginer. […] Il est porté constamment à la rendre différente ; il ne peut la rendre mauvaise. […] Ces ruisseaux si lourdement chargés de sable et de bois mort ont encombré la langue française : il suffirait de les dessécher ou de les dériver pour rendre au large fleuve toute sa pureté, toute sa force et toute sa transparence.
Certes je ne crois pas qu’aucun sentiment d’envie vous ait inspiré cette mauvaise pensée ; mais je crois plutôt qu’en vous mettant en opposition avec la vieille nation, vous avez découvert un moyen pour vous rendre favorable une jeunesse vive, spirituelle, toujours prête à s’émouvoir pour le triomphe d’une idée nouvelle. […] Ce n’est que dans un parallèle des moyens dramatiques que j’ai adoptés et de ceux que vous employez pour arriver plus vite, que je puis tirer des conséquences utiles à ma cause ; mais le désir que j’ai de la gagner ne me rendra point injuste à votre égard. […] Mais avant de commencer à vous parler de votre procès, je dois vous remercier d’abord du service que vous venez de rendre aux auteurs en forçant les comédiens à venir s’excuser de ne pas jouer une pièce que le public a repoussée avec tant d’éclat. […] Selon moi le vrai civisme de l’auteur dramatique qui ne s’est point lancé dans la carrière de la politique est d’éclairer les hommes par une douce philosophie, de les reprendre spirituellement de leurs vices et de leurs travers, et enfin de chercher à les rendre meilleurs. […] Dès le matin il se rendit humblement chez Paësiello, implora sa bienveillance, reçut ses conseils, en profita ; et grâce à la dure vérité du maître, il en devint l’élève le plus chéri et le plus distingué.
Avant eux, c’est Cicéron lui-même qui le rapporte, on ne savait rendre le discours nombreux qu’en y mêlant certaines mesures poétiques. […] Cette méthode abrégée, appliquée aux mots et aux lettres, donna plus d’activité aux esprits, et les rendit capables d’abstraire ; ensuite purent venir les philosophes, qui, préparés par cette classification vulgaire des mots et des lettres, travaillaient à celle des idées, et formèrent les genres intelligibles. […] La lenteur des esprits, la difficulté du langage, voilà ce qui dut le rendre spondaïque ; et il a conservé quelque chose de ce caractère, en exigeant invariablement un spondée à son dernier pied. […] Ennius, cité par le même Festus, nous apprend que les faunes de l’Italie rendaient en cette forme de vers leurs oracles, fata. […] La topique rend les esprits inventifs, comme la critique les rend exacts.
Tu t’en rends bien compte, n’est-ce pas, Guignolet ? […] Busnach qui a rendu possibles à la scène des romans de M. […] Léopold cependant ne se rend pas encore. […] Qu’en coûte-t-il à Rabagas de lui rendre sa sécurité ? […] Il se rend à conditions.
C’est un devoir à chaque génération comme à une armée d’enterrer ses morts, de leur rendre les derniers honneurs. […] comme il l’a rendue par une énergique et expressive image dans sa comédie de Lorenzaccio ! […] On s’était aperçu depuis quelque temps que plus d’un de ces jolis proverbes qui composaient le Spectacle dans un fauteuil pouvait, bien compris et bien rendu par des acteurs et des actrices de société, procurer une heure de très agréable délassement.
« La rapidité et la précision de votre marche, lui écrivait le général Bonaparte, vous ont mérité la gloire de détruire Mourad Bey. » Mais Mourad Bey détruit renaissait sans cesse. « Je désire fort, lui récrivait le général Bonaparte, que vous ajoutiez aux services que vous n’avez cessé de nous rendre, celui bien majeur de tuer ou de faire mourir de fatigue Mourad Bey. […] Le ban fermé, les officiers sont appelés à venir former le cercle, et l’empereur leur dit : « Officiers des grenadiers de ma Garde, voilà le chef que je vous donne. » Puis se tournant vers le nouvel élu : « Général Friant, c’est la récompense de vos beaux et glorieux services. » Et plus familièrement, il ajouta : Mon cher Friant, vous ne prendrez ce commandement qu’à la fin de la campagne ; ces soldats-ci vont tout seuls, et il faut que vous restiez avec votre division, où vous aurez encore de grands services à me rendre. […] » disait-il à la journée d’Austerlitz, en menant au feu le 15e léger dont les deux tiers étaient détachés ailleurs et qui était réduit à 500 hommes, et le petit 15e se piquant d’honneur fit des prodiges. — Maintenir en belle humeur une troupe de braves au moment où on les force de rester en ligne immobiles sous les boulets, leur rendre de cet entrain qu’on perd aisément à demeurer au feu l’arme au bras, n’est point un talent à mépriser.
, l’auteur, en arbitre et presque en syndic désigné, dresse le bilan de la fortune littéraire de la France ; il établit la balance par profits et pertes, ce sont les termes mêmes qu’il emploie ; il compte devant nous tout ce qui doit entrer dans l’un ou l’autre plateau ; il sait faire rendre à chacun, il en obtient tout ce qu’il exige pour la régularité de son inventaire. […] Il rend surtout témoignage du caractère et du talent de l’auteur, — un caractère ami du bien et jaloux du mieux, un de ces esprits comme il y en a peu, fixés et non arrêtés, défendus par des principes, et qui restent ouverts aux bonnes raisons ; un esprit qui a en soi son moule distinct, et qui imprime à tout ce qu’il traite ou ce qu’il touche un certain composé bien net de sagacité, de savoir, de moralité et de style —, qui y met sa marque enfin. […] [NdA] Si l’on cherchait un nom pour rendre l’idée plus sensible, le vrai représentant de l’esprit français dans ce que j’appelle un congrès européen serait Voltaire.
Il parle aux autres, c’est pour eux seuls et non pas pour lui qu’il écrit ; aussi c’est leur suffrage plus que le sien qu’il ambitionne, et de là vient que son talent ne de rendra jamais heureux, car le fondement de la satisfaction qu’il pourrait en recevoir est hors de lui, loin de lui, varié, mobile et inconnu. […] Si vous y prenez garde, la seule qualité acquise qui ait été imprimée en lui avec force, et qu’il ait invariablement retenue, est celle qui rendrait propre à ce métier, une grande circonspection. […] poursuit-il, avec la même franchise et la même sévérité de jugement je vous dirai, et en opposition avec les circonstances, que, s’il me paraît inévitable qu’un tel homme fasse quelques étourderies, il ne me paraît pas possible qu’il commette des fautes graves, des fautes qui méritent une disgrâce ; il y a, et il y aura toujours en lui, un fonds d’enfance et d’innocence qui le rendent aussi incapable de torts sérieux que de bienfaits suivis.
On s’en aperçut dès le premier jour, dès les premières heures, lorsque l’armée entière s’étant ébranlée à trois heures du matin, Vandamme, une des têtes de colonne les plus importantes, se trouva en retard et manqua au rendez-vous faute d’avoir été prévenu. […] Thiers montre que la difficulté n’est pas là, et que la lettre fut rendue bien à temps dans la matinée (avant onze heures). […] La consolation qu’il y a à se dire qu’on a été surtout vaincu par la fatalité, et à s’en rendre raison, n’est pas une consolation puérile et vaine.
« Quand on a su vivre quinze ans avec Lucrèce sans se pénétrer de son esprit, il serait miraculeux qu’on eût réussi à rendre les innombrables beautés par lesquelles cet esprit se manifeste et transpire à chaque page, et presque à chaque vers. […] « Et M. de Pongerville : Des ruses de l’amour prévenons les succès ; Car il est plus aisé d’éviter ses filets Que d’épurer un cœur par lui rendu coupable, Et de rompre les fers dont Vénus nous accable. « Tout le vers : que d’épurer un cœur, etc., est à la fois une faute grossière de style, car il n’y a nulle analogie pour l’image entre filets, épurer et rendu coupable ; et un contresens formel, car il n’entre nullement ici dans la pensée de Lucrèce de dire que l’amour souffle le cœur ; le poète n’entend parler que des douleurs et des tortures que cause la passion.
Jules Lefèvre, tout poëte éminent et rare qu’il est par le dedans, certaines qualités de l’artiste lui manquent ; il est de ceux qui sentent mieux qu’ils ne rendent, qui possèdent et gardent plus qu’ils ne donnent. […] Je voudrais rendre toute ma pensée, sans diminuer en rien l’expression de l’estime que je fais du livre de M. […] En parlant d’une femme qui rend tour à tour son amant ou stupide ou spirituel : « Qu’elle dise au plomb de devenir de l’or !
D’Aubigné et Regnier, grands admirateurs et défenseurs de Ronsard, appartenaient par leur talent à l’ancienne poésie, et lui rendaient son accent d’énergie familière et, si j’ose ainsi dire, son effronterie naïve ; Passerat et Gilles Durant lui conservaient son badinage ingénieux et ses piquantes finesses. […] Ces circonstances réunies nous semblent propres à expliquer la défaveur de La Fontaine à la cour, et l’injustice dont on accuse l’auteur de l’Art poétique de s’être rendu coupable envers lui. […] Sa dissertation sur Joconde, et vingt passages formels où il rend à son confrère un éclatant hommage, l’attesteraient au besoin.
Mais en même temps, avec Jefferson, sachons discerner la majorité vraie d’avec les minorités spoliatrices qui l’abusent, qui la retiennent en tutelle et retardent par mille chicanes le jour de lui rendre des comptes. […] La vie de Jefferson fut de 83 ans (1743-1826) ; aucune autre, ni celle de Franklin, ni celle même de Washington, n’offre plus de travaux éminents et de services rendus au pays. […] Que ceci nous serve d’exemple à nous-mêmes : déjà nous avons éprouvé par un rude démenti que la négation de la légitimité ne rend pas toute autre monarchie excellente.
Si l’on disait en français précisément les mêmes mots, la table est remplie, le plus grand acteur du monde ne pourrait, en les déclamant, faire oublier leur acception commune ; la prononciation française ne permettrait pas cet accent qui rend nobles tous les mots en les animant, qui rend tragiques tous les sons, parce qu’ils imitent et font partager le trouble de l’âme. […] Dans les pays pauvres, et surtout dans les classes moyennes de la société, on a souvent trouvé des mœurs très pures ; mais c’est aux premières classes qu’il appartient de rendre plus remarquables les exemples qu’elles donnent.
Il donne aux arbres une immortalité « sur les bords du noir rivage. » Et il rend vraisemblable par ce ton naïf qui dégénère quelquefois en gentillesse enfantine, mais qui n’en convient que mieux à l’historien de Jupin et de la fourmi. […] N’est-ce pas une puissance étrange que ce talent qui nous les rend sensibles, qui les relie entre eux, qui, en dépit du siècle, amenant les dieux et les animaux dans la cité poétique, rassemble tous les êtres de la nature et la nature elle-même en une comédie universelle, les transforme et les proportionne suivant une idée maîtresse et pour un seul dessein ? […] C’est par cette sensibilité universelle et imitative qu’il voit et nous fait voir les choses ; c’est par elle que La Fontaine est capable, en dépit de son siècle, de comprendre les dieux comme les bêtes et de nous les rendre présents.
L’Angleterre s’est francisée autant qu’elle pouvait l’être : cela la met en état de nous rendre l’équivalent de ce que nous lui avons prêté. […] L’Allemagne nous prend beaucoup, nous rend tard et peu587. […] Il est érudit, liseur, penseur, paradoxal avec délices, prophète tour à tour lucide et saugrenu : esprit fin, plaisant, bouffon, ayant gardé dans son style un peu de cet accent napolitain, de cette gesticulation effrénée, qui rendaient sa conversation si amusante.
Les hommages qu’on lui rend sont platoniques. […] Car si la justice se réalise un jour, elle n’aura pas d’effet rétroactif ; le futur ne rachètera pas le passé et le contraste de la perfection de l’état futur avec l’imperfection ancienne ne fera que rendre plus sensibles les injustices passées et irréparables. — Spiritualisme, Messianisme, ce sont deux « stades de l’illusion » dont parle M. de Hartmann. […] De plus, les moralistes universitaires, opérant dans l’idéal et dans l’abstrait, n’étant pas d’ailleurs chargés par profession de surveiller et de diriger la pratique morale, ne se sentent pas obligés, comme l’étaient les directeurs de conscience, de rendre leur morale praticable ; de l’adapter à la diversité des circonstances et aux exigences de la faiblesse humaine.
Le baptiste une fois emprisonné, son école fut fort amoindrie, et Jésus se trouva rendu à son propre mouvement. […] Par ce mot : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », il a créé quelque chose d’étranger à la politique, un refuge pour les âmes au milieu de l’empire de la force brutale. […] L’idée de Jésus fut bien plus profonde ; ce fut l’idée la plus révolutionnaire qui soit jamais éclose dans un cerveau humain ; elle doit être prise dans son ensemble, et non avec ces suppressions timides qui en retranchent justement ce qui l’a rendue efficace pour la régénération de l’humanité.
Il avait avec elles ces manières réservées qui rendent possible une fort douce union d’idées entre les deux sexes. […] L’une d’elles, Marie de Magdala, qui a rendu si célèbre dans le monde le nom de sa pauvre bourgade, paraît avoir été une personne fort exaltée. […] On disait qu’il conversait sur les montagnes avec Moïse et Élie 475 ; on croyait que, dans ses moments de solitude, les anges venaient lui rendre leurs hommages, et établissaient un commerce surnaturel entre lui et le ciel 476.
Chanteuses de salons et de cafés-concerts Ne prêtons pas aux riches : ils ne rendent jamais. […] On a osé comparer à Villon notre Verlaine sans malice et sans âpreté, notre Verlaine dont l’érotisme même n’est que rire et bonhomie. — On a voulu faire de lui un poète triste, sans doute pour que notre abandon eût cette excuse d’avoir rendu plus douce et plus profonde sa poésie. […] Voyez-vous, monsieur, ma grand’mère avait bien raison de me répéter : Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux !
Villemain excelle à ces traductions qui rendent si bien le génie d’une langue, sans offenser jamais celui d’une autre. […] Villemain admire beaucoup, et nul ne sait mieux que lui varier les formes et les aspects de l’admiration, de manière à ne la rendre jamais fastidieuse ni monotone. […] Villemain, dans cette étude des pères et dans ce tableau de leur éloquence, les loue beaucoup ; et ce qui est le comble de l’art, il sait, au moyen de cette louange répandue sur tous, les rendre pourtant distincts les uns des autres et les laisser pour nous reconnaissables.
Bouillaud : « Matériellement, la main est aussi assurée qu’elle l’était en état de santé55 ; les lettres sont bien tracées, mais les lettres ne forment point de mots, et ne peuvent rendre une pensée quelconque…, et cependant, ayant pris un papier rayé, le malade se mit à composer quelques lignes, que sa femme exécuta sur le piano, toute stupéfaite de l’exactitude de la composition, exempte de toute toute ou erreur musicale. Il se mit ensuite à moduler de sa voix l’air écrit, et accompagna avec correction et harmonie les sons rendus par le piano56. » Dans la plupart des cas cités, où plusieurs des signes artificiels parole, écriture, dessin57 sont plus ou moins altérés, il semble que la faculté du geste reste intacte. […] On peut rapprocher des cas précédents ce que l’on appelle la substitution de mots, un malade ne trouvant pour s’exprimer que des mois absolument opposés à la pensée qu’il veut rendre : « Une dame disait les choses les plus inconvenantes, les injures les plus grossières, en faisant le geste gracieux d’une personne qui invite quelqu’un à s’asseoir ; et c’était en effet ce qu’elle voulait qu’on fit. » Quelquefois il y a un désaccord absolu entre la pensée et le vocabulaire, et, quoiqu’il soit assez impropre d’appeler aphasie ce genre de désordre, puisque ces sortes de malades parlent et parlent beaucoup, le fait n’en est pas moins curieux et assez voisin des précédents.
Il ne faut point oublier que la littérature est un art, que ce qui distingue l’art de la science, ce n’est pas seulement la nature des vérités qu’il exprime, c’est encore la manière dont il les exprime, que son principal objet est de rendre le vrai ou l’intelligible par des formes sensibles, en un mot de parler au cœur, aux sens, à l’imagination en même temps qu’à l’esprit. […] Nisard, et, par l’exposition seule que nous venons d’en faire, on voit à quel point elle diffère de la première : quelques observations rendront cette différence tout à fait visible. […] Telle était la décision que devait rendre le bon sens d’alors.
Un voyage qu’il fit à Spa, puis à Cologne, ne lui rendit pas la santé qu’il avait espéré y retrouver. […] Chamfort expira le 13 avril 1793, non pas sur un grabat, comme l’ont dit quelques personnes mal instruites ou mal intentionnées, mais dans le modeste asile où ses malheurs l’avaient relégué La terreur était alors si générale, que ce fut un acte de courage que de l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure : et celui qui, au temps de sa faveur dans le monde, avait vu se presser autour de lui tant d’hommes se disant ses amis, semblait moins se rendre au champ de repos qu’à la terre de l’exil. […] C’est une âpreté dévorante dont ils ne sont pas maîtres et qui les rend très odieux.
J’ai vu naguère la ville éternelle, la ville antique des souvenirs, la ville qu’un pauvre voyageur, venu de la Judée, seul, mais accompagné de la force de Dieu, rendit la ville des destinées nouvelles, la capitale du monde chrétien, comme elle avait été la ville des destinées anciennes, la capitale du monde païen. […] Agis mourut pour avoir voulu rendre un instant la vie aux lois antiques de Lycurgue, lois qui firent la gloire et la force de Sparte, mais qui étaient tombées en désuétude. […] Sortons à présent de ces emblèmes et de ces allégories que j’ai employés pour rendre ma pensée plus sensible, et entrons dans la sphère de la réalité.
Il a toute sa vie trop touché à l’homme ; il l’a trop manié, trop commandé, surtout dans ces terribles moments où, sous la foudre du danger, il se déchire, s’entrouvre et se montre jusqu’aux racines de son être, pour ne pas le connaître à fond et pour ne pas appuyer sur cette connaissance impitoyable de la nature humaine un système de discipline qui doive la rendre héroïque, de lâche qu’elle est ordinairement devant la mort. […] Quand la mécanique, l’abominable mécanique, s’empare du monde et le broie sous ses bêtes et irrésistibles rouages, quand la science de la guerre a pris des proportions de destruction inconnues, par le fait d’engins nouvellement découverts et perfectionnés qui ne font plus d’elle qu’un épouvantable massacre à distance, voici une tête assez maîtresse de sa pensée, dans ce tapage du monde moderne bouleversé, pour ne pas se laisser opprimer par ces horribles découvertes, qui rendent, à ce qu’il semble, les Frédéric de Prusse et les Napoléon impossibles, et qui dépravent jusqu’au soldat ! […] Ce colonel, à longue vue toujours comme s’il était devant l’ennemi, ne se borne pas aux détails d’un métier qu’il adore et qu’il veut rendre plus puissant par des combinaisons nouvelles.
En effet, si, dans son livre sur les Césars, où il s’agit bien moins de ces hommes, qui totalisèrent dans leur personnalité monstrueuse les vices et les grandeurs de leur temps, que de la société même qu’ils dominaient, de cette plante sanglante et pourrie par le sang qui l’avait abreuvée et dont eux, les Césars, étaient la fleur immense, éclatante et vénéneuse, Champagny, pour nous en montrer les racines, creuse plusieurs civilisations ; si, dans son livre, l’érudit ne défaille jamais ; si l’antiquaire, aux yeux de lynx, voit ce qu’il y a de faits inobservés derrière un bas-relief ou un lambeau d’inscription ; s’il y a tour à tour en lui, pour les besoins de son histoire, du Champollion et du Cuvier ; et si, enfin, planant sur le tout, pénétrant tout, le moraliste achève de clarifier un sujet où l’énormité des choses les rend presque incompréhensibles, pouvons-nous dire que l’homme politique se montre, dans ce beau livre, au même degré que l’antiquaire, le moraliste et l’érudit ? […] L’Empire avait des raisons d’être intimes et profondes… Il était le développement définitif, et auquel la République avait travaillé, d’une loi plus haute que les ambitions et plus impérieuse que les volontés humaines, à savoir : que toute victoire pour Rome s’était changée en nécessité de gouverner les peuples conquis, et que cette nécessité de gouverner le monde méditerranéen avait fini, en grandissant les vices de l’élection, par la rendre complètement impossible. — Le travail de Champagny nous semblait digne de cette imposante conclusion. […] Comment croire qu’il n’eût pas montré que ces institutions ayant seules rendu l’ordre à une société qui le demandait à toutes les formes de l’élection depuis dix ans, le triomphe du Consulat était précisément, et devait être, de placer le pouvoir exécutif en dehors de l’élection et de ses erreurs ?
Renée nous dit quelque part que madame de Montmorency aimait tellement le duc son mari que, le cœur dévoré par la jalousie, elle sentait un involontaire attrait pour les femmes qui le rendaient infidèle, et qu’il lui fallait toute la dignité de l’épouse outragée pour se roidir et résister à la pente qui l’entraînait vers elles. […] Les services qu’il avait rendus, très comptés par l’État, et d’ailleurs récompensés par le rang qu’il tenait dans le royaume, n’auraient pas suffi cependant pour lui valoir ces deux lignes d’histoire qui empêchent un nom de périr. […] Il convint de tout et qu’il méritait bien sa peine, quoique dans ces têtes de gentilshommes qui faisaient la guerre au roi pour le roi, ces ultras armés, la notion de patrie ne fût pas établie comme dans la nôtre, ce qui rendait le crime moins grand.
Charles 8 I Si jamais j’avais eu pour Gœthe la passion qu’ont certaines personnes, voici une publication qui me rendrait fort triste, car ce livre d’un innocent, qui ne se doutait guères de ce qu’il écrivait quand il écrivait, ôte, d’un seul coup, à Gœthe, pour les esprits de sang-froid et fermes, les grandes qualités à travers lesquelles on est accoutumé de le voir. […] Comme il le dit, le temps l’avait rendu spectateur. […] , et qui par conséquent est astreint à travailler, abandonne le monde futur à son sort et dans celui-ci travaille à se rendre utile… » Certes !
Dans ces sortes de discours, il était, dit-on, plein de chaleur et de génie et semblait inspiré comme le prêtre qui rendait les oracles. […] Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes. […] Il se moquait hautement de tous ces panégyriques de princes ; et pendant treize ans qu’il régna, il ne voulut jamais souffrir qu’on lui rendît un honneur qui lui paraissait plus ridicule encore que dangereux : mais dans ses moments de loisir, il célébrait lui-même les princes les plus vertueux qui avaient régné à Rome.
Les premiers regardent ces éloges comme une justice rendue à des citoyens utiles, ou qui ont voulu l’être ; comme une manière de plus d’honorer les arts ; comme un tribut de l’amitié entre les hommes qui ont été unis par le désir de s’instruire ; comme des matériaux pour l’histoire de l’esprit humain ; enfin, comme un encouragement et une leçon qui apprennent aux citoyens de toutes les classes que le mérite peut quelquefois tenir lieu de fortune et attirer aussi le respect. […] D’autres, toujours agités et toujours oisifs, et qui passent laborieusement leur vie à ne rien faire, veulent qu’on ne loue jamais que des services importants rendus à l’État. […] Fontenelle pensait que, pour mériter un éloge, il ne suffisait pas d’avoir fait inscrire son nom dans une liste ; que les hommes du plus grand nom, quand ils ne portaient pas des lumières dans une compagnie savante, devaient du moins y porter du zèle ; que des titres seuls ne peuvent honorer un corps où l’on compte les Cassini, les Leibnitz et les Newton ; et qu’enfin, s’il y a des lieux où un rang et des dignités suffisent pour que la flatterie soit toujours prête à prodiguer l’éloge, ce n’est pas à une compagnie de philosophes à donner cet exemple : il avait donc alors le courage de se taire ; et il serait à souhaiter que dans les mêmes occasions on rendît toujours la même justice.
C’est toute Rome et toute la Grèce connue d’eux qu’ils ont voulu nous rendre. […] Le plus grand service que la fatalité ait rendu à Lucrèce est de détruire les œuvres d’Épicure. […] Ducros a rendu là au public. […] Lisons-le donc dans le compte rendu intelligent et impartial que nous en donne M. […] Assez, en effet, mais dans un esprit qui en vicie parfaitement l’étude et qui tend à la rendre assez inutile.
Il les rendait d’ailleurs après les avoir avalées fort prestement. […] On dit que l’un est le commensal de l’autre et qu’ils se rendent de mutuels services. […] Les journaux américains polémiquent à ce sujet, qu’ils n’ont pas su me rendre limpide. […] C’est cela qui rend supportable la conscience d’être. […] C’était en tout temps un lieu de rendez-vous.
Excellant à rendre les intuitions, sa phrase est impuissante à conclure et n’aboutit qu’au sentiment. […] Exister pour eux c’est se rendre utile ». […] Cela est rendu manifeste par l’exemple contemporain. […] Voici le témoignage que rend beaucoup plus tard (1889) M. […] L’hypothèse orthodoxe est donc affectée d’un vice principiel qui la rend insoutenable.
On jugea qu’il fallait rendre. […] Le moine lui paraît être je ne sais quel gui attaché à l’humanité et qui lui prend tout sans rien lui rendre. […] Il lui rend les plus grands services. […] Par la Pragmatique Sanction de Charles VII, par le Concordat avec Léon X, ils s’étaient rendus for ! […] Les écrivains antiques ont commencé par rendre d’assez mauvais services aux nôtres.
Il leur rendra les coups reçus par l’enfant. […] C’est ce qui rend la vie moderne si pénible et si âpre. […] Il a, sous l’Empire, rendu un bel hommage à la monarchie de Juillet. […] Et nos bons boulevardiers rendraient des points à M. […] Daudet excelle à rendre.
Mais leurs découvertes, leurs méthodes, leur influence ont-elles rendu le même service à la littérature ? […] Nous l’avons dit et nous le répétons, — parce que la distinction est capitale, — nous ne méconnaissons aucun des services qu’elle peut rendre, qu’elle a déjà rendus à la linguistique, à la critique, à l’histoire. […] Il est certain encore que la connaissance de cette littérature a rendu, rend tous les jours d’inappréciables services à l’histoire des coutumes. […] et c’est une justice à leur rendre. […] Boucherie, relevant dans une Revue d’Allemagne un compte rendu de mon article, où M.
Un passage du ix e livre de l’Ane d’Or d’Apulée nous rend bien sensibles ces infractions habituelles aux règles de la grammaire, qui devaient être d’usage dans le peuple. […] Littré) « que c’est un des plus grands services qui aient été rendus à l’étude de notre vieil idiome. […] Les services que, depuis près de trente ans, n’ont cessé de rendre M. […] Génin la lui rendit et au-delà, et, opposant boutade à boutade, se déclara contre les patois et en proclama l’étude inutile. […] Génin pourtant a rendu des services ; il a contribué, par l’édition et la traduction qu’il en a données, et par l’encadrement un peu artificiel qu’il y a mis, à populariser parmi les lettrés la Chanson de Roland.
Une série d’aventures bizarres lui fait quitter Goritz ; il se rend à Vienne et à Dresde : le premier ministre, comte Marcolini, goûte son talent et le protège. […] Lord Byron, le plus grand poète des temps modernes, a voulu rendre en poésie ce caractère de Don Juan, que Mozart a rendu en musique ; mais quelle différence entre la verve moqueuse, ironique, impie ou cynique du poète anglais, et la foi dans l’art sincère, convaincue, communicative et religieuse du musicien de Salzbourg ! […] « Outre le plaisir et la surprise de mon arrivée imprévue, il y avait une circonstance antérieure qui rendait cette surprise et ce bonheur infiniment plus frappants pour lui, car ce jour-là était précisément le second jour du mois de novembre ou le jour des Morts, fête funèbre particulièrement solennisée dans tous les pays catholiques. […] Que penseriez-vous de la sculpture qui emprunterait les couleurs de la peinture pour rendre les divines formes de Phidias plus semblables aux figures de cire coloriées devant lesquelles s’extasie l’ignorante multitude de nos places publiques ? […] Est-ce que l’homme qui parle le mieux ou qui écrit le mieux sa langue n’éprouve pas, à chaque instant, qu’il y a des nuances, des spiritualités, des inexpressibilités, de ces sensations, de ces pensées, de ces sentiments qui meurent sur ses lèvres ou sous la plume, faute de paroles assez indéfinies pour les rendre ?
Ferrare était le salon de l’Italie ; la noblesse, la jeunesse, la beauté, la modestie d’Arioste, le rendaient, comme le Tasse le fut bientôt après lui, l’ornement et le favori des hommes et des femmes de cette cour. […] Il avait pour fonction unique, dans la société, de rendre une espèce de culte, uniquement poétique, à la comtesse Léna, et de composer sur chacun de ses attraits, sur chacun de ses pas, sur chacun de ses sourires, des milliers de sonnets, qu’on imprimait sur papier rose, qui se distribuaient aux amis de la famille. […] Il n’y avait point de déjeuner en famille ; chacun jouissait de sa première matinée à sa guise et sans rendre aucun compte de ses heures jusqu’après midi. […] Je dirai ces choses, si toutefois celle qui m’a rendu presque aussi fou que lui, et qui m’enlève de jour en jour davantage le peu de sens que j’avais, m’en laisse assez pour accomplir ici ce que j’entreprends ! […] Le jour, il faisait une large tache d’ombre sur la colline ; le soir, il rendait, en frissonnant au vent de mer, des frissons mélodieux qui faisaient chanter l’âme à l’unisson de ses branches dans la poitrine.
il faut en faire des hommes, il faut leur donner part aux délices de l’idéal, il faut les élever, les ennoblir, les rendre dignes de la liberté. […] Un tuteur a rendu son pupille idiot pour conserver la gestion de ses biens. […] Leur crime est de s’être rendus nécessaires et d’avoir maintenu des hommes dans un tel avilissement qu’ils appellent d’eux-mêmes les fers et la honte. […] Ils trouvent mauvais que les administrateurs et les instituteurs des provinces viennent puiser à Paris une éducation qui les rendra supérieurs à leurs administrés. […] C’est rendre un mauvais service à un pupille que de lui remettre trop tôt la disposition de ses biens.
N’étant pas assez riche pour fournir à moi seul les fonds manquants, n’ayant reçu d’aucun membre de la Société la demande de compléter entre amis, la somme de 2 000 francs, répugnant à rouvrir une souscription qui depuis plusieurs années n’avait pas réuni 9 000 francs, je me rendais au vœu du Conseil général et je demandais, le mois dernier, une représentation au Théâtre-Français. […] Elle s’indigne de l’accusation portée par l’écrivain, contre Mme Laetitia, d’avoir été une femme malpropre, et s’écrie : « Eh bien je ferai cela… j’ai une visite à rendre à Mme Taine… je lui mettrai ma carte avec P. […] Elle dit que c’est presque une réunion de famille, que les cinq cents personnes, qu’on rencontre partout à Paris, se donnent rendez-vous là, et qu’entre ce monde, il s’établit des courants curieux sur les choses qui se disent, sur les jugements qui se produisent. […] Léon Daudet vient me prendre pour me conduire chez Potain, auquel il a demandé un rendez-vous pour moi. […] En tout cas, je crois pouvoir vous assurer que dans vos biographies passées, présentes, futures, on ne trouvera pas un hommage plus éclatant, rendu à votre cœur et à votre intelligence.
En quittant, pour se rendre à Belley, les plaines grasses et monotones de la Bresse, cette Lombardie française, on traverse la rivière d’Ain. […] L’éducation éminemment religieuse qu’on nous donnait chez les jésuites, les prières fréquentes, les méditations, les sacrements, les cérémonies pieuses répétées, prolongées, rendues plus attrayantes par la parure des autels, la magnificence des costumes, les chants, l’encens, les fleurs, la musique, exerçaient sur des imaginations d’enfants ou d’adolescents de vives séductions. […] Il me rendait contemplateur par force. […] Ces impressions auraient rendu le rocher poète. […] On pourrait dire que l’homme est la pensée manifestée de Dieu, et que l’univers est son imagination rendue sensible.
Le Tellier, accompagné d’un officier et de trente gardes, se rendit aussitôt à la maison où il savait qu’était Mlle Marianne : il la trouva à table chez un de ses oncles où se faisait le festin de noces, avec sa famille, et le duc de Lorraine à son côté : Je crois, dit Lassay, que la surprise fut grande de voir arriver M. […] Au moment de partir, il écrivait naïvement à la maréchale de Schomberg ses raisons et ses excuses : Demeurer aux Incurables sans dévotion, lui disait-il, être à Paris sans voir le roi, porter une épée à mon côté sans aller à la guerre, passer ma vie avec des femmes sans être amoureux d’aucune, était une vie qui me rendait trop ridicule à mes yeux pour que je la pusse supporter plus longtemps. […] Les jeunes princes amoureux du métier des armes y étaient accourus de tous côtés et s’y étaient donné rendez-vous comme à une école : « Il y a une si grande quantité de princes dans notre armée que je ne crois pas qu’on en ait jamais vu tant ailleurs, hors dans les romans. » Le prince Eugène, à ses débuts, y était. […] Lorsque le duc de Lorraine s’est porté du siège de Neuhaeusel qu’il est sur le point de prendre, au secours de Gran que les Turcs étaient près de forcer, on assiste à toute cette marche et à tous les accidents qui précédèrent la bataille ; la rapidité des Turcs, leur hardiesse à passer et repasser un ruisseau assez large et profond dont les bords sont escarpés, sous les yeux d’une armée ennemie de trente mille hommes, est bien rendue : « Il faut avouer que cette nation-là fait de belles diligences. » Pendant la bataille, les trois charges des Turcs, dont la première s’annonçait comme vive et dont la dernière est tout à fait molle, se dessinent aux yeux.
En ce dernier acte qui trancha la destinée de la république, Villetard, secrétaire de la légation française, joua un rôle102 ; dans l’absence de son supérieur, le ministre de France Lallement, homme modéré, et tandis que les commissaires du grand conseil s’étaient rendus pour traiter auprès du général en chef avec un dernier espoir, cet agent secondaire prit sur lui de révolutionner Venise, et, en excitant les hommes exaltés, il renversa le fantôme de gouvernement aristocratique qui restait encore debout : Dans ce temps d’effervescence, dit à ce sujet M. […] Et il cite à quelques pages de la lettre du général Bonaparte à Villetard, dans laquelle il est dit des bavards et des fous, à qui il n’en coûte rien de rêver la république universelle : « Je voudrais que ces messieurs vinssent faire une campagne d’hiver. » Traversant avec Bonpland les forêts de l’Amérique centrale et rencontrant dans une mission écartée un curé théologien qui se mit à les entretenir avec enthousiasme du libre arbitre, de la prédestination, et de ces questions abstruses chères à certains philosophes, Alexandre de Humboldt, en sa relation, ajoute : « Lorsqu’on a traversé les forêts dans la saison des pluies, on se sent peu de goût pour ce genre de spéculations. » Faire une campagne d’hiver, ou traverser les forêts vierges dans la saison des pluies, double recette pour se guérir ou de la fausse politique ou de la vaine métaphysique ; c’est la même pensée de bon sens rendue sous une image différente, et je me suis plu souvent à rapprocher les deux mots. […] Daru, dans la retraite où il composait son Histoire de Venise, rendu tout entier à sa nature d’écrivain et se rouvrant, comme la plupart des esprits d’alors, à une impulsion d’idées qui sera bientôt universelle, n’oublie donc pas les résultats de l’expérience, laquelle a condamné souvent certains désirs que l’homme estimait plus conformes à sa dignité (t. […] Lorsque les affaires sont venues, j’ai eu beaucoup à apprendre ; mais, cette seconde éducation une fois faite, j’ai pu sans effort rendre ma pensée.
Mais, malgré ces traits à noter et bien d’autres, ce second sermon pour la Toussaint est pénible, je le répète, un peu obscur, et, si l’on veut retrouver Bossuet tout à fait grand orateur, il faut passer au troisième : ou plutôt, dans une lecture bien faite et bien conseillée de cette partie des œuvres de Bossuet, on devra omettre, supprimer et le premier sermon et le quatrième, qui ne sont que des canevas informes, ne pas s’arrêter à ce second, qui est difficultueux, et alors on jouira avec fraîcheur de toute la beauté morale et sereine de cet admirable troisième sermon prêché en 1669 dans la chapelle royale, et où Bossuet réfutant Montaigne, achevant et consommant Platon, démontre et rend presque sensibles aux esprits les moins préparés les conditions du seul vrai, durable et éternel bonheur. Et ici remarquez qu’il ne fait pas comme dans le discours de Metz où il songeait bien plus à diviser, à approfondir son sujet qu’à le rendre manifeste ; il ne raisonne plus pour lui seul, il pense à ses auditeurs, il ne les perd pas de vue un seul instant : «Ô largeur, ô profondeur ! […] Tu arrêtes cette eau d’un côté, elle pénètre de l’autre, elle bouillonne même par-dessous la terre… Après tout, Bossuet est un orateur ; si peu qu’il cherche son art, il en possède et en connaît toute la pratique comme un Démosthène ; ce beau morceau, qui a l’air d’être brusque et soudain, il sait bien qu’il est beau, il le garde et le met en réserve pour le répéter dans l’occasion. — On remarque aussi, jusque dans ses sermons de la grande époque, des expressions non pas surannées, mais d’une énergie propre et qui n’est pas de l’acception commune : « Notre siècle délicieux, qui ne peut souffrir la dureté de la croix » ; pour notre siècle ami des délices. — « C’est vouloir en quelque sorte déserter la Cour que de combattre l’ambition. » Déserter, c’est-à-dire dévaster, rendre déserte (solitudinem facere). — « Il y a cette différence entre la raison et les sens, que les sens font d’abord leur impression : leur opération est prompte, leur attaque brusque et surprenante. » Surprenante est pris ici au sens propre et physique, et non dans le sens plus réfléchi d’étonner et d’émerveiller. […] Mais notons encore un service que Louis XIV et son règne rendirent à Bossuet : ces grands sujets, il les aurait eus également dans les époques désastreuses et à travers les Frondes et les discordes civiles, mais il les aurait eus épars, en quelque sorte, et sans limites : Louis XIV présent avec son règne lui donna le cadre où ces vastes sujets se limitèrent et se fixèrent sans se rétrécir.
Ce fut sur ces entrefaites qu’il quitta décidément non pas le monde, mais la carrière laïque, et qu’il se décida à acheter une prébende vacante qui le rendit chanoine de la cathédrale de Reims : il avait vingt-huit ans. […] Et pour le définir lui-même dès à présent au moyen de La Fontaine et par l’idée qu’il nous en donne, citons ce qu’on lit à la dernière page de l’espèce de registre, assez peu intéressant d’ailleurs, qu’on appelle les Mémoires de Maucroix ; mais ce témoignage si simple et si naturellement rendu a bien du prix : Le 13 avril 1695, mourut à Paris mon très cher et très fidèle ami M. de La Fontaine ; nous avons été amis plus de cinquante ans, et je remercie Dieu d’avoir conduit l’amitié extrême que je lui portais jusques à une si grande vieillesse, sans aucune interruption ni aucun refroidissement, pouvant dire que je l’ai toujours tendrement aimé, et autant le dernier jour que le premier. […] Ici le nonchaloir et la philosophie sembleraient aller jusqu’à une égoïste indifférence pour les maux de tous : avec un peu de travail, Maucroix aurait rendu sa pensée sans prêter à ce reproche. […] voilà ce qu’il voulait dire, et ce que la fin de la précédente strophe ne rendait qu’imparfaitement.
Elle lui rendit en Béarn des services d’amie avec dévouement et vaillance. […] Pardonnez mon amour, qui me rend si audacieuse de vous parler si librement… Il vaudrait mieux perdre vingt mille hommes que régner au plaisir des rebelles… Pour l’amour de Dieu, ne dormez plus ce trop long sommeil. […] Si je ne m’en suis rendu digne, j’y ai fait tout ce que j’ai pu. […] Votre dernière dépêche me rapporta (me rendit) la diligence d’écrire que j’avais perdue.
Quand nous voyons dans la série des lettres missives de Henri IV son voyage en Limousin, dans l’automne de 1605, pour y étouffer quelque rébellion, sa lettre écrite de Bellac au landgrave de Hesse, où il se plaint des menées du duc de Bouillon, ce chef astucieux d’une intrigante famille laquelle a eu grand besoin de Turenne pour se faire pardonner de la France tous ses méfaitsq ; quand on lit ces pièces instructives, on n’a pas encore l’impression soudaine que faisait éprouver aux hommes de sens et aux amis de leur pays le réveil de ces remuements funestes, chers à quelques ambitieux mécontents ; et c’est ce que Malherbe, si sensé quoique poète69, a rendu dans une strophe admirable de son ode, ou plutôt de sa prière à Dieu pour le roi allant en Limousin : Un malheur inconnu glisse parmi les hommes, Qui les rend ennemis du repos où nous sommes : La plupart de leurs vœux tendent au changement ; Et comme s’ils vivaient des misères publiques, Pour les renouveler ils font tant de pratiques, Que qui n’a point de peur, n’a point de jugement. […] En arrivant à cette armée déguenillée qu’il allait rendre si glorieuse, et la passant en revue, Bonaparte disait : Soldats ! […] Mais, en insistant sur ces détails, je crains aussitôt d’être injuste ; car il faudrait en même temps que je pusse faire remarquer combien il y a d’excellentes choses, et neuves et fines, et subtiles (au meilleur sens, au sens latin du mot), dans ce modeste ouvrage qui rend l’étude du même sujet plus facile à ceux qui viendront après.
Santeul, le poète latin si fier de ses vers, si heureux de les réciter en tous lieux ou de les entendre de la bouche des autres, et qui aimait encore mieux qu’on dît du mal de lui que si l’on n’en avait rien dit du tout ; Santeul, qui dans une de ses plus grosses querelles écrivait à l’abbé Faydit, qui l’avait attaqué sur son épitaphe d’Arnauld : Je fais le fâché par politique, mais je vous suis redevable de ma gloire ; vous êtes cause qu’on parle de moi partout, et presque autant que du prince d’Orange ; vous avez rendu mes vers de l’épitaphe de mon ami plus fameux que l’omousion du concile de Nicée ; ceux des autres poètes sur le même sujet sont demeurés ensevelis avec le mort, faute d’avoir eu comme moi un Homère pour les prôner et les faire valoir ; — Santeul, qui était si fort de cette nature de poète et d’enfant qui tire vanité de tout, serait presque satisfait en ce moment. […] Du Périer, à sa manière, le rendait bien à Santeul, qu’il prétendait avoir formé, et dont il se repentait, disait-il : « Paenitet me fecisse hominem » Leurs querelles, leurs paris en présence de Ménage pris pour arbitre, faisaient alors d’amusantes histoires. […] « — Et ne croyez pas, jeune homme, que dans ce premier vers la césure qui manque soit un défaut ; c’est la fatigue de monter, c’est la respiration inégale des Nymphes qu’il s’agissait de rendre. » — Santeul a dû bien des fois faire remarquer cette beauté d’harmonie à quelque écolier qui passait devant la fontaine ; et si l’écolier avait été un peu émancipé déjà et un peu précurseur de l’âge futur, ou seulement s’il avait eu pour mère une d’Hervart ou une La Sablière, il aurait pu lui répliquer aussi tôt, en le narguant ; Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au soleil exposé. […] Femmes, moines, vieillards, tout était descendu ; L’attelage suait, soufflait, était rendu… « En fait d’essoufflement pittoresque, voilà, ô poète latin, ce qui vaut encore mieux que ton vers, et ce qui le fera oublier. » Mais personne sans doute alors ne faisait ces comparaisons.
Je vous demande donc, mon très cher père, si l’on conserve dans Saint-Victor la même mortification intérieure et extérieure, telle qu’elle était dans son origine… Je vous demande encore si les frères de Saint-Victor, c’est ainsi qu’on les appelait, allaient à la campagne chez leurs amis, chez leurs parents, passer des trois semaines entières et des mois entiers ; s’ils allaient par la ville rendre des visites ; s’il en recevaient de toutes personnes et de tout sexe ; s’ils changeaient d’habits, s’ils en prenaient de plus propres et de plus mondains quand ils sortaient pour se montrer en public ; s’ils affectaient de ces airs libres et dégagés, pour ne pas dire licencieux, qui sont si contraires à la tristesse sainte de la modestie religieuse ; s’ils parlaient indifféremment et sans scrupule dans les lieux réguliers ; s’ils s’entretenaient de contes, d’affaires, d’histoires du monde, de plaisanteries, de nouvelles, qui sont choses qui doivent être entièrement bannies des cloîtres. […] Telle est l’esquisse très abrégée de cette grande bataille de collège, qui rendit peut-être Santeul au fond moins à plaindre qu’on ne croirait et que ne le supposaient ses adversaires ; car, après tout, une si bruyante tempête était une bien bonne fortune, et bien inespérée, pour six ou sept vers. […] Il ne fut pas longtemps à en être éclairci, ajoute Saint-Simon, qui a rendu l’anecdote célèbre ; les vomissements et la fièvre le prirent, et en deux fois vingt-quatre heures le malheureux mourut dans des douleurs de damné, mais dans les sentiments d’une grande pénitence. […] Je puis cependant rendre ce témoignage à la vérité, qu’en quatre repas où je me suis trouvé avec lui, je n’ai jamais vu d’homme qui, dans une aussi grande chère, fût plus modéré, soit pour le boire, soit pour le manger.
À qui pourrais-je mieux confier les intérêts d’un pays que je dois rendre heureux qu’à une sœur que j’adore, et qui, quoique bien plus accomplie, est une autre moi-même ? […] Dans cette extrémité, tandis que Frédéric raisonnait de sa situation en homme qui avait lu et médité le chapitre XIIe De la grandeur et de la décadence des Romains, et qu’il prétendait usurper le droit le plus ambitieux pour un mortel, celui de finir la pièce où il était acteur en ce monde à l’endroit où il le voulait, les choses subitement changèrent, et un souffle léger de la fortune vint rendre vaines ces altières réminiscences de Caton. […] Les lettres de la margrave et de son frère dans les premiers mois de 1758 sont assez rares, soit qu’on en ait perdu ou supprimé un bon nombre, soit que la maladie de la margrave les ait rendues moins fréquentes. […] Et c’est ici, puisqu’il s’agissait d’un hommage funèbre, qu’on se rend bien compte de tout ce qu’il aurait fallu encore, — quelque chose de la flamme d’un Bossuet, si ce n’est de celle d’un Pindare.
Son œuvre véritable, sa mission franco-espagnole était alors accomplie : c’est alors qu’on pouvait dire à bon droit, à Versailles comme à Madrid, qu’elle avait rendu des services. […] Elle rend des services. […] Une fois la chose jetée en avant, elle ne laisse guère passer de courrier sans y revenir, sans y ajouter, n’omettant rien pour la rendre et la montrer possible et même facile. […] Je ne crois pas, madame, que M. le marquis de Torcy ait quelque difficulté à me rendre ce bon office, avec les circonstances que je dis, comptant assez sur l’honneur de son amitié pour espérer tous ceux qui lui seront possibles.
Ce qu’elle nous dit du duc d’Orléans, à ce moment et dans toute la suite, s’accorde bien, au reste, avec le jugement que les meilleurs esprits ont porté de ce déplorable prince ; Ainsi, il résulte du récit de Mme Elliott que ce soir du 12 juillet, en arrivant à Monceaux, le duc était encore très indécis ; que, deux ou trois heures après, Mme Elliott, qui était sortie à pied avec le prince Louis d’Arenberg pour juger par elle-même de la physionomie des rues de Paris et de ce qui s’y disait, revint à Monceaux, et, dans un entretien particulier qui dura jusqu’à deux heures du matin, conjura à genoux le duc de se rendre immédiatement à Versailles et de ne pas quitter le roi, afin de bien marquer par toute sa conduite qu’on abusait de son nom. […] Mme Elliott, malade des émotions de ces journées, ne put retourner savoir le résultat de la démarche ; mais le duc vint lui-même chez elle le lui apprendre, et lui raconta de quelle manière il avait été reçu ; comment, arrivé à temps pour le lever du roi et s’y étant rendu, ayant même présenté au roi la chemise selon son privilège de premier prince du sang, et ayant profité de ce moment pour dire qu’il venait prendre les ordres de Sa Majesté, Louis XVI lui avait répondu rudement : « Je n’ai rien à vous dire, retournez d’où vous êtes venu. » Le duc paraissait ulcéré ; cette dernière injure, venant après tant d’autres affronts, avait achevé de l’aliéner. […] Le roi en a mal usé toute sa vie avec lui ; mais il est son cousin, et il feindra une maladie pour rester chez lui, samedi, jour de l’appel nominal qui doit décider du sort du roi. » — « Alors, monseigneur, dis-je, je suis sûre que vous n’irez pas à la Convention mercredi ; je vous en prie, n’y allez pas. » Il répondit qu’il n’irait certainement pas, qu’il n’en avait jamais eu le projet, et il me donna sa parole d’honneur qu’il ne s’y rendrait pas ce jour-là, ajoutant que, quoique, selon lui, le roi eût été coupable en manquant de parole à la nation, rien ne pourrait le contraindre, lui, son parent, à voter contre Louis XVI. […] Au milieu de ce cercle presque entièrement aristocratique, un pauvre homme et sa femme qui avaient un petit théâtre de marionnettes aux Champs-Élysées furent amenés un matin, pour avoir exposé une figure en cire de Charlotte Corday. « Ces pauvres gens étaient bons et honnêtes, et quoique nous ne pussions leur être utiles en rien, ils nous rendaient tous les services qui étaient en leur pouvoir.
Cette savante édition, devenue la base des autres qui ont suivi et qu’elle rendait faciles, n’était pas exempte toutefois de quelques fautes d’inadvertance et même d’étourderie, s’il est permis d’appliquer un mot si léger au respectable érudit à qui on la devait ; M. […] On conjecture que, né dans un village près de Dourdan, il fut élevé à la campagne ; car il garda toujours de la nature une impression vive qu’il a exprimée avec bonheur, et il porte à l’homme des champs, pour l’avoir vu de près à la peine, un sentiment de compassion et d’humanité qu’il a rendu d’une manière poignante. […] Non, ce ne saurait être dans un tel recueil de société qui n’est bon qu’à donner la nausée aux gens de goût, que La Bruyère aurait été prendre l’idée d’un genre littéraire qu’il voulait rendre surtout jeune et neuf. […] « Personne presque, remarque-t-il, ne s’avise de lui-même du mérite d’un autre. » On ne se rend au mérite nouveau qu’à l’extrémité.
Il n’y a pas à combattre, car on est disposé, même en se tenant à distance, à lui rendre toute justice et à reconnaître ses mérites d’esprit. […] « Cicéron distrayait sa vieillesse par l’étude qu’il en faisait, et ce travail la rendait douce et agréable à ses yeux. […] Elle ne prétend à rien moins qu’à réhabiliter la vieille femme ; elle aspire à lui rendre tout son prix. […] Elle se fait, croyez-le bien, les objections ; elle se rend bien compte que, pour lui donner raison, il faut commencer par tourner le dos à la nature et se placer « dans la partie la plus providentielle des desseins de Dieu. » Aussi tous ceux qui feront ce chemin sous sa conduite et en fils dociles passeront-ils légèrement sur ses défauts pour se récrier à tout moment sur la beauté des points de vue.
On n’a jamais mieux défini Voltaire dans sa qualité d’esprit spécifique et toute française, qu’il ne l’a fait ; on n’a jamais mieux saisi dans toute sa portée la conception buffonienne des Époques de la Nature ; on n’a jamais mieux respiré et rendu l’éloquente ivresse de Diderot ; il semble la partager quand il en parle : « Diderot », s’écrie-t-il avec un enthousiasme égal à celui qu’il lui aurait lui-même inspiré, « Diderot est Diderot, un individu unique ; celui qui cherche les taches de ses œuvres est un philistin, et leur nombre est légion. […] Quand il a rendu à son temps ce qu’il en a reçu, il est pauvre. […] Et encore ne vous imaginez pas le Paris d’un siècle borné et fade, mais le Paris du xixe siècle, dans lequel, depuis trois âges d’hommes, des êtres comme Molière, Voltaire, Diderot et leurs pareils ont mis en circulation une abondance d’idées que nulle part ailleurs sur la terre on ne peut trouver ainsi réunies, et alors vous concevrez comment une tête bien faite, grandissant au milieu de cette richesse, peut être quelque chose à vingt-quatre ans. » Certes, de tels témoignages rendus avec cette magnificence, et venant de quelqu’un qui s’est toujours passé de Paris, ne sont pas humiliants pour cette noble tête de la France ! […] Il le supposait né dans une condition pareille, de parents tailleurs, à Weimar ou à Iéna, soumis à des traverses plus ou moins analogues, et il se demandait « quels fruits aurait portés ce même arbre, croissant dans un tel terrain, dans une autre atmosphère. » Gœthe rendait donc toute justice à l’air vif de Paris.
Toute la peine qu’il s’est donnée pour le faire, il nous la rend. […] Mais il s’agit, me dira-t-on, de l’Afrique et non de la Grèce, d’un paysage austère et dur, d’un climat écrasant, d’une civilisation avare et cruelle, qui vous tient et vous broie comme ferait une meule ; il faut que le livre vous rende cet effet. […] Le roman historique est un moule suspect et ambigu, qui ne peut nous rendre, en telle matière, qu’une médaille en grande partie fictive et controuvée. […] Quant à la peinture même des visages, c’est la physionomie qu’il convient de rendre d’un mot et d’un éclair, bien plus que le détail des traits dont l’énumération ne doit pas revenir sans cesse.
Parmi les écrivains et critiques du jour les plus faits pour rendre courage aux amis un peu timides de l’antiquité et pour contre-balancer leurs craintes, je distingue M. […] Villemain nous l’a si souvent rendue. […] Quelques-uns seulement y auront perdu : Aristarque, je le sais, tel que l’analyse nous l’offre, ne répond plus tout à fait à l’idée proverbiale et grandiose qu’en avaient conçue les Anciens ; c’est le sort et le malheur des plus excellents critiques, dont les services se consomment en quelque sorte sur place, et qui travaillent à se rendre inutiles. […] Phidias a été inspiré par Homère ; il le lui rend et le protège à son tour.
L’Académie française, il faut lui rendre cette justice, n’a pas été des dernières à appeler les esprits dans cette voie plus libre et à la proclamer ouverte désormais. […] On disait « monter dans le trône », comme on dit « monter dans la chaire. » Boileau, traduisant des vers d’Homère, dira encore : « Pluton sort de son trône… » Corneille n’a pas inventé la locution ; mais on ne peut la lui rendre et la rétablir sans la justifier. […] Il riposte et lui rend dédain pour dédain, en se redressant dans sa fierté et dans sa gloire : « Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu’à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux. […] Racine est incomparablement plus près de la perfection… » Dans ce jugement si bien rendu par M.
Le service inappréciable que rendit alors l’historien du Consulat et de l’Empire fut d’apporter de l’ordre dans cette confusion, de nous développer avec étendue et clarté les motifs de son admiration et de la nôtre, au triple point de vue militaire, administratif, civil. […] On peut trouver, d’ailleurs, en ce qui est de l’explication individuelle et de la psychologie du héros, que l’historien lui-même a hésité, a varié en plus d’un endroit ; il a introduit des divisions plus commodes sans doute que réelles dans l’analyse du génie et du caractère : il semble tout accorder d’abord au Consul, même à l’Empereur, et ensuite, dans quelques-uns des avant-derniers volumes, il paraît vouloir revenir sur ses premiers jugements ; il lui retire beaucoup, pour tout lui rendre encore une fois au dernier moment, aux heures du suprême effort et de l’adversité. […] Renoncer à notre influence rivale de la sienne en Italie, lui restituer la Lombardie, et lui rendre aussi, lui concéder sur la rive droite du Rhin les principautés ecclésiastiques qui avaient été sacrifiées à Campo-Formio. […] Jamais l’on n’a vu une plus jolie campagne que celle de Nassau, et la maison qui porte ce nom paraît être tombée en ruine tout exprès pour rendre le paysage plus pittoresque.
Toutes ces choses ne sont que momentanées… Le roi désire plus ; il voudrait que Votre Majesté lui rendit tous les bons offices à la Cour de Russie (sur laquelle l’on est persuadé ici que nous influons beaucoup) pour qu’elle ne se mêle point de la présente guerre… » En résumant, pour finir, tous les avantages que trouve le roi de Pologne à cette alliance française, l’esprit de famille à son tour triomphe chez Maurice, et le fils de race saxonne s’applaudit : « Enfin, Sire, que vous dirai-je ? […] Il veut faire sa cour, rendre la commission honorable et amener la princesse, voilà tout20. […] Il rend bonnes grâces pour bonnes grâces, et voit tout sous le meilleur jour : « J’ai été enchanté de Mme la Dauphine, écrit-il au comte de Loss, et n’osais pas m’imaginer la trouver comme je l’ai vue ; j’en ai rendu un compte au roi qui, sûrement, lui fera grand plaisir.
Et comme si l’aspect de l’hypocrisie libertine avait rendu Regnier à de plus chastes délicatesses d’amour, il nous y parle, en vers dignes de Chénier, de … la belle en qui j’ai la pensée D’un doux imaginer si doucement blessée, Qu’aymants et bien aymés, en nos doux passe-temps, Nous rendons en amour jaloux les plus contents. […] C’est alors qu’un soir, après avoir assez mal dîné à Covent-Garden, dans Hood’s tavern, comme il était de trop bonne heure pour se présenter en aucune société, il se mit, au milieu du fracas, à écrire, dans une prose forte et simple, tout ce qui se passait en son âme : qu’il s’ennuyait, qu’il souffrait, et d’une souffrance pleine d’amertume et d’humiliation ; que la solitude, si chère aux malheureux, est pour eux un grand mal encore plus qu’un grand plaisir ; car ils s’y exaspèrent, ils y ruminent leur fiel, ou, s’ils finissent par se résigner, c’est découragement et faiblesse, c’est impuissance d’en appeler des injustes institutions humaines à la sainte nature primitive ; c’est, en un mot, à la façon des morts qui s’accoutument à porter la pierre de leur tombe, parce qu’ils ne peuvent la soulever ;— que cette fatale résignation rend dur, farouche, sourd aux consolations des amis, et qu’il prie le Ciel de l’en préserver. […] Chez l’un comme chez l’autre, même procédé chaud, vigoureux et libre ; même luxe et même aisance de pensée, qui pousse en tous sens et se développe en pleine végétation, avec tous ses embranchements de relatifs et d’incidences entre-croisées ou pendantes ; même profusion d’irrégularités heureuses et familières, d’idiotismes qui sentent leur fruit, grâces et ornements inexplicables qu’ont sottement émondés les grammairiens, les rhéteurs et les analystes ; même promptitude et sagacité de coup d’œil à suivre l’idée courante sous la transparence des images, et à ne pas la laisser fuir, dans son court trajet de telle figure à telle autre ; même art prodigieux enfin à mener à extrémité une métaphore, à la pousser de tranchée en tranchée, et à la forcer de rendre, sans capitulation, tout ce qu’elle contient ; à la prendre à l’état de filet d’eau, à l’épandre, à la chasser devant soi, à la grossir de toutes les affluences d’alentour, jusqu’à ce qu’elle s’enfle et roule comme un grand fleuve.
Charcot avait nié Burcq pendant longtemps, mais à la fin de sa vie il lui rendit un sérieux hommage. […] À rebours, avons-nous dit, relève avant tout d’un point de départ auto-neurasthénique, mais les documents relatifs à la grande lèpre68, en ses apparitions médiévales et ses manifestations actuelles lui furent indirectement fournies par un religieux bénédictin que son titre profane de docteur en médecine rendait apte à le documenter. […] Zola absorba des mots et les rendit intacts : « Problème ardu (médite le docteur Pascal), et dont il remaniait la solution depuis des années. […] Chose bien remarquable et qui à elle seule ferait reconnaître la fiction, le romancier est venu échouer sur le même écueil que les simulateurs ; eux aussi, afin de faire mieux croire qu’ils sont fous, multiplient les extravagances de toutes sortes dans leurs propos et dans leurs actes, sans se douter qu’ils se rendent coupables de dissonnances révélatrices et qu’il leur suffit d’afficher, au même moment, des formes de folie qui, chez les vrais malades, s’excluent mutuellement, pour montrer que chez eux la folie n’existe pas.
Les Romains avaient commencé par mépriser les beaux-arts, et en particulier la littérature, jusqu’au moment où les philosophes, les orateurs, les historiens rendirent le talent d’écrire utile aux affaires et à la morale publique. […] Les principales bases des opinions philosophiques des Romains sont empruntées des Grecs ; mais comme les Romains adoptèrent, dans la conduite de leur vie, les principes que les Grecs avaient développés dans leurs livres, l’exercice de la vertu les a rendus très supérieurs aux Grecs, pour l’analyse de tout ce qui tient à la morale. […] Si l’on veut toujours appeler la philosophie l’art des sophismes, l’on pourra dire avec raison que, pendant toute la durée de la république, les Romains repoussèrent ce faux esprit des Grecs, mais si l’on veut rendre à la philosophie l’honorable acception qu’elle a toujours eue dans l’antiquité, l’on verra que les Romains n’ont pu être de grands hommes d’état, de profonds législateurs et d’habiles orateurs politiques, sans être philosophes. […] C’est fort tard que les Romains se sont occupés de la littérature des Grecs ; et lorsque la fin des guerres puniques eut rendu le repos à la république.
Le peuple se moque du peuple tant qu’il n’a point reçu l’éducation de la liberté, et l’on n’aurait fait que se rendre ridicule en France si, même avec des idées fortes, on eût voulu s’affranchir du ton qui était dicté par l’ascendant de la première classe. […] Le bon goût dans le langage et dans les manières de ceux qui gouvernent, inspirant plus de respect, rend les moyens de terreur moins nécessaires. […] La littérature se perdra complètement en France, si l’on multiplie ces essais prétendus gracieux qui ne nous rendent plus que ridicules : on peut encore trouver de la vraie gaieté dans le bon comique ; mais quant à cette gaieté badine dont on nous a accablés presque au milieu de tous nos malheurs, si l’on en excepte quelques hommes qui se souviennent encore du temps passé, toutes les tentatives nouvelles en ce genre corrompent le goût littéraire en France, et nous mettent au-dessous de tous les peuples sérieux de l’Europe. […] Il y a des vertus qui vous attachent à votre famille, à vos amis, aux malheureux ; mais dans tous les rapports qui n’ont point pris encore le caractère d’un devoir, l’urbanité des mœurs prépare les affections, rend la conviction plus facile, et conserve à chaque homme le rang que son mérite doit lui obtenir dans le monde.
Ce qui semble naïveté chez eux n’est qu’une grâce et une fleur de langage qui orne leur maturité, et d’où leur expérience, si consommée qu’elle soit, prend à nos yeux je ne sais quel air de nouveauté précoce, qui la rend agréable et piquante, et qui l’insinue. […] La scène du matin entre le roi et le duc nous est rendue au vif. […] Des poètes, des romanciers en ont tiré des sujets ; mais ni le roman de Walter Scott, ni la chanson de Béranger, ne rendent la réalité dans toute sa justesse, et avec la parfaite mesure qu’elle nous offre sous cette plume de Commynes, curieuse, attentive, fidèle, et si étrangère à un but littéraire, à un effet dramatique. […] Mal enrichi par Louis XI, qui le combla des confiscations injustes faites sur la maison de La Trémoille, Commynes eut, après la mort de son maître, à purger ses comptes, et il ne rendit qu’à la dernière extrémité les dépouilles de l’innocent.
Aujourd’hui qu’à distance il est permis de dégager, d’accuser les traits plus vivement et même crûment, j’essaierai de rendre l’impression que j’ai reçue en repassant les principaux écrits de cette femme-auteur, car il faudrait être bien osé pour prétendre les avoir tous lus. […] Mais tout ce qu’elle apprenait là en ce moment, remarquez-le bien, elle le rendra tout à l’heure à d’autres ; car, si elle a la passion d’apprendre, elle a surtout la verve d’enseigner. […] C’est ici qu’il est véritablement curieux de l’observer, et qu’il convient de lui rendre la justice qui lui est due. […] VIII (3e éd.), p. 546 :] De plus (au tome III, p. 34, même édition dernière), à l’article de « Mme de Genlis », un correcteur, croyant bien faire, a tout à fait altéré ma pensée et l’a rendue inintelligible : « En repassant les ouvrages de Mme de Genlis, il me semble (me fait-on dire) que Louis-Philippe est de son côté véritablement historique, le seul par lequel elle continuera de mériter quelque attention sérieuse. » Or, j’avais dit : « En repassant les ouvrages de Mme de Genlis, il me semble que Louis-Philippe est son côté véritablement historique, etc… » C’est ainsi qu’au xviie siècle, Madame (mère du Régent) écrivait dans une de ses lettres : « La Montchevreuil est le bel endroit de la Maintenon, et le seul que je trouve louable en elle. » En vertu d’une locution analogue, on peut dire que Louis-Philippe est le côté véritablement historique de Mme de Genlis.
Avant d’en venir à nous rendre l’esprit des premières scènes de la Restauration, M. de Lamartine s’est engagé dans le récit de la campagne de 1814. […] D’ailleurs, la nature supérieure et d’elle-même généreuse de M. de Lamartine se fait jour dans l’impartialité de quelques appréciations : il rend à Marmont, duc de Raguse, la justice qui lui est due pour sa défense de Paris, et il le lave du reproche de trahison en déterminant la part d’erreur et de faiblesse, commune alors à bien d’autres moins accusés. […] C’est ainsi que les choses ont dû se passer, ou peu s’en faut, et que M. de Lamartine les recompose pour leur faire rendre tout leur effet aux yeux des générations nouvelles. […] Les premiers tâtonnements du gouvernement royal et les premiers balbutiements du régime de publicité et de discussion sont également saisis et rendus avec une justesse pleine de largeur.
On a, chemin faisant, de jolis tableaux flamands qu’elle rend à ravir : à Mons, par exemple, à ce festin de gala où la belle comtesse de Lalain (née Marguerite de Ligne), dont la beauté et le riche costume sont décrits si particulièrement, se fait apporter son enfant au maillot et lui donne à téter devant toute la compagnie, « ce qui eût été tenu à incivilité à quelque autre, dit Marguerite ; mais elle le faisait avec tant de grâce et de naïveté, comme toutes ses actions en étaient accompagnées, qu’elle en reçut autant de louanges que la compagnie de plaisir ». […] Au retour de ce voyage, les scènes de Dinant, dans lesquelles Marguerite fait preuve de beaucoup de sang-froid et de présence d’esprit, nous rendent encore un tableau flamand, mais non plus gracieux comme celui du festin de Mons et de la belle comtesse nourrice : c’est une scène d’ivrognerie populaire, de grotesque mutinerie bourgeoise, et de bourgmestres en gaieté. […] Marguerite, qui avait été passer quelque temps à Paris à la cour de son frère (1582-1583), n’en revint auprès de son mari qu’après un affront odieux qui avait rendu publiques ses faiblesses. […] Henri IV fut touché des sentiments qu’elle témoigna durant cette longue négociation : « Aussi suis-je très satisfait de l’ingénuité et candeur de votre procédure, et espère que Dieu bénira le reste de nos jours d’une amitié fraternelle accompagnée d’une félicité publique, qui les rendra très heureux. » Il l’appelait désormais sa sœur, et elle-même lui disait : « Vous m’êtes et père et frère, et roi. » Un biographe qui a judicieusement parlé de la reine Marguerite (M.
en religion alors, en théologie, ce fut un peu de même ; il y eut une génération animée de zèle, qui essaya, non pas de renouveler ce qui, de soi, doit être immuable, mais de rajeunir les formes de l’enseignement et de la démonstration, de les approprier à l’état présent des esprits, de combattre certaines routines, certaines habitudes devenues rigides ou étroites, et de rendre le principe catholique respectable à ceux même qui le combattaient : « Pour agir sur le siècle, se dirent de bonne heure ces jeunes lévites, il faut l’avoir compris. » Des noms, j’en pourrais citer quelques-uns qui, avec des nuances et des différences que l’on sait dans le monde ecclésiastique, avaient alors cela de commun, de représenter la tête du jeune clergé intelligent et studieux : M. […] S’il avait été, une fois ou l’autre, assujetti à rendre sa parole publique, il aurait bien été obligé d’éclaircir, de dégager, d’élargir, non pas ses points de vue, mais les avenues qui y mènent. […] Voici quelques vers (car, sans y prétendre, l’abbé Gerbet est poète) qui rendent déjà le premier effet et qui marquent le ton de l’âme ; la pièce est intitulée Le Chant des Catacombes, et elle est destinée, en effet, à être chantée51 : Hier j’ai visité les grandes Catacombes Des temps anciens ; J’ai touché de mon front les immortelles tombes Des vieux chrétiens : Et ni l’astre du jour, ni les célestes sphères, Lettres de feu, Ne m’avaient mieux fait lire en profonds caractères Le nom de Dieu. […] En vous interrogeant, j’ai senti que sa flamme Ne peut périr ; Qu’à chaque être d’un jour qui mourut pour défendre La vérité, L’Être éternel et vrai, pour prix du temps, doit rendre L’Éternité.
Par sa radiation injuste de l’Institut après les Cent-Jours, on fit de lui l’homme de l’opinion, et il profita avec art de ce revirement inattendu : « Il est des injustices si criantes, disait-il, qu’il y a une certaine douceur à les subir ; le public vous rend alors bien plus que l’autorité ne vous ôte. » Il est vraiment curieux de considérer ce fonds du vieux parti libéral à sa naissance, de voir quels en furent les premiers fondateurs, et d’où ils étaient sortis. […] C’est à lui que l’un de ces auteurs de brochures disait en 1812, en parlant du silence imposé aux journaux sur la dispute de Conaxa : Rendez-nous, monsieur, la malignité des journaux… rendez-nous leur fiel… Laissez-nous rire d’un sot écrivain ou d’un insolent plagiaire… Je n’exige pas, monsieur, que vous trahissiez vos devoirs, mais n’exigez pas non plus qu’ils oublient les leurs… Rendez aux journaux, je vous le demande en grâce, leur indépendance ; brisez le charme que vous avez étendu sur eux60.
Pourtant, c’est de plus en plus rare, et cette gaieté franche, ronde, inépuisable, cette source qui n’avait rien de mince et qu’on voyait comme sortir à gros bouillons, qui nous la rendra ? […] Les femmes, selon lui, n’étaient que des victimes et ne faisaient que leur rendre la pareille bien faiblement : Ce sexe plein d’attraits, sans secours et sans armes, Peut assez se défendre avec ses propres charmes ; Et les traits d’un critique affaibli par les ans Sont tombés de ses mains sans force et languissants. […] Je m’étais dit d’abord : cette fin n’est pas naturelle ; puisque Angélique aime réellement Valère, elle doit l’épouser malgré son défaut, et lui il continuera de jouer, sauf à la rendre malheureuse : ainsi les deux passions auront leur satisfaction et atteindront leur fin. […] Hector, le valet du Joueur, dira dans son rêve de fortune : J’aurais un bon carrosse à ressorts bien liants ; De ma rotondité j’emplirais le dedans… Et le fat marquis, s’étalant aussi tout à l’aise, lâchera ce couplet que chacun achève de mémoire, mais que nous ne pouvons nous empêcher de rappeler : Moi, j’aime à pourchasser des beautés mitoyennes ; L’hiver, dans un fauteuil, avec des citoyennes, Les pieds sur les chenets étendus sans façons, Je pousse la fleurette et conte mes raisons… J’ai rendu toute justice et tout hommage à Boileau ; mais ici, dans cette large et copieuse façon de dire, Regnard remontait par-delà Boileau, et dérivait en droite ligne de Régnier.
» évoque tout à coup tant de spectacles dans l’imagination remuée et par là rendue difficile. […] de difficulté scientifique, — n’ont guères demandé, pour le rendre si fringant, que quelques lectures rapides et faciles à travers des livres plus ou moins gros. […] Mais à cela près de cette tempête, hommage rendu au sujet et coup de rhétorique dont l’ancien professeur n’a pas voulu se priver, Michelet n’est plus partout dans son livre qu’utilitaire, progressif, homme des travaux publics, appliquant la philanthropie et les congrès de paix aux baleines, parlant, parlant, parlant télégraphie sous-marine, lois des tempêtes, phares, bains de mer (bains de mer pour les femmes ! […] Reconnu presque comme un artiste de génie, dans un pays où le talent, à tort ou à raison, rend imposants ceux qui prêtent le plus au sourire, Michelet a, surtout en ces derniers temps, fidèlement porté à sa boutonnière une fleur de gaieté qu’y plaçaient les autres et qui fleurissait d’un peu de ridicule son talent.
Selon eux, il y a une force qui réside dans le germe, le développe, l’organise, maintient l’ordre des parties, rend l’estomac capable de digérer, le cœur de se contracter, le foie de sécréter la bile, le poumon d’amener le sang au contact de l’air, les nerfs de remuer les muscles, les muscles de se bander en tirant les tendons et les os. […] Je ne vois plus de fluide, de monade, de mystère, mais seulement deux ordres de faits : un fait principal, le mouvement de destruction et de rénovation qu’on nomme vie ; des faits subordonnés, les fonctions et la structure qui rend ces fonctions possibles ; un rapport, la nécessité qui attache ces faits subordonnés au fait principal. […] Dans tous les cas, j’ai recréé mon idée, en reproduisant la circonstance particulière qui l’a fait naître ; j’ai démêlé cette circonstance en la rendant sensible ; je l’ai rendue sensible en la grossissant ; et je l’ai grossie en la répétant plusieurs fois. […] Vos successeurs liront vingt pages de plus et rendront votre traduction plus complète.
Cela rendait des sons bizarres, pleurards, s’exhalant en plaintives et douces harmonies. […] le pauvre instrument, usé par le service, détraqué, ne rendait plus aucun son. […] Le titre le dit un peu, c’est déjà beaucoup et rien ne le rendait nécessaire. […] Une sensation de tendresse flottante, d’amour bestial épandu, alourdissait l’air, le rendait plus étouffant. […] Nul n’a su rendre la mer sous tous ses aspects, comme Pierre Loti.
On doit s’efforcer de rendre sa pensée avec toute l’exactitude possible, au moyen des mots de la langue commune à tous les métiers, à toutes les classes. […] Au contraire, il ne s’agit ici que des choses les plus particulières, qui ne peuvent être rendues que par des vocables exotiques ou techniques, incompris de la foule des lecteurs : c’est qu’alors, et ce n’est qu’alors, que les termes généraux, clairs et intelligibles, seront préférables aux termes propres, prétentieusement obscurs.
La vérité, c’est que, sans doute, le gouvernement n’a mis aucun empressement à nous renseigner ; mais c’est aussi que, rendus timides par une humiliation d’un quart de siècle, conscients de notre impuissance à défendre désormais, à travers le monde, les causes « humaines », nous ne tenions pas beaucoup à savoir, parce que nous étions incapables d’agir. […] Elle rend timide à l’excès.
Cet heureux Athénien, après nous avoir restauré plus d’un genre lyrique, l’ode, la chanson, l’épigramme, l’épître, même la satire et surtout l’élégie qu’il a rendue si belle, nous promet une tragédie : la première représentation d’une nouvelle Iphigénie, imitée d’Euripide, dont quelques scènes achevées courent déjà de main en main, verra tous ces instincts classiques, refoulés depuis soixante ans aux veines de la France, prendre enfin leur revanche du désastre de Hernani. […] Tibulle, que nous apporte et que nous rend M.
Il se désolait de ne posséder qu’une très médiocre fortune, ce qui lui rendait impossible l’exécution de la partie orgiaque du livre. […] Leo d’Orfer enregistrait ainsi sa mort dans les Notes de quinzaine du Scapin (nº 3, 16 octobre) : « Madame Lutèce vient de rendre le dernier soupir.
L’ami de Quanto (le roi) en parlait comme de sa première ou seconde amie : il lui avait envoyé un illustre (Le Nôtre) pour rendre sa maison admirablement belle. […] Cette économie ruine plutôt qu’elle n’enrichit. » Dans les mois de novembre et de décembre, madame de Montespan épuisa, pour se rendre les charmes de la jeunesse, toutes les ressources qui restent à la beauté par les ans confirmée.
Quand d’autres volumes se seront joints à ceux-ci, de façon à rendre l’œuvre un peu moins incomplète, cette série d’empreintes, vaguement disposées dans un certain ordre chronologique, pourra former une sorte de galerie de la médaille humaine. […] Il mêle quelquefois à l’homme, il heurte à l’âme humaine, afin de lui faire rendre son véritable son, ces êtres différents de l’homme que nous nommons bêtes, choses, nature morte, et qui remplissent on ne sait quelles fonctions fatales dans l’équilibre vertigineux de la création.
Grâces lui soient donc rendues, ainsi qu’à cette jeunesse puissante qui a porté aide et faveur à l’ouvrage d’un jeune homme sincère et indépendant comme elle ! […] Cette lecture, si pourtant elles veulent bien faire d’abord la part de l’immense infériorité de l’auteur d’Hernani, les rendra peut-être moins sévères pour certaines choses qui ont pu les blesser dans la forme ou dans le fond de ce drame.
Pour vos femmes, et le reste de votre composition, je conviens qu’il y a de la beauté ; des caractères de l’expression ; de la sévérité de couleur ; mais mettez la main sur la conscience, et rendez gloire à la vérité ! […] et qu’il rend votre composition froide et commune.
L’anatomiste s’endurcit de même et il acquiert l’habitude de disséquer sans répugnance des malheureux, dont le genre de mort rend les cadavres encore plus capables de faire horreur. […] Si je cherchois à rendre leurs décisions suspectes, que ne pourrois-je pas dire sur les injustices qu’ils commettent tous les jours de propos déliberé, en définissant les ouvrages de leurs concurrens.
Ceci donc ne plut guère à messire Jean de Clermont de ce qu’il vît porter sa devise à messire Jean Chandos… De là les grosses paroles des deux héros qui en viendraient aux coups, n’était la trêve, et qui se donnent rendez-vous au lendemain. […] C’est par cette disposition forte et sensée que le Prince Noir comptait bien racheter l’extrême inégalité du nombre et rendre inutile la plus grande partie des forces de l’ennemi. […] Quant à la bataille du duc d’Orléans qui était venue, on ne sait trop pourquoi, se mettre derrière celle du roi toute saine et entière, il n’en est guère question, et il ne paraît pas qu’elle ait rendu de services en cette journée27. […] Ici se déclare en traits bien énergiques l’hommage loyal et généreux que rend Froissart à la vaillance des vaincus : selon lui, la bataille de Poitiers n’est point à comparer à celle de Crécy, bien qu’aussi fatale par le sort, mais elle fut bien autrement combattue : Et s’acquittèrent si loyalement envers leur seigneur tous ceux qui demeurèrent à Poitiers morts ou pris, qu’encore en sont les héritiers à honorer et les noms des vaillants hommes qui y combattirent à recommander. […] qu’il rend son épée ou du moins son gant.
Son patrimoine, ses économies, ses privations ont passé à ces œuvres pies, à ces œuvres utiles, qu’il a accomplies en toute simplicité, sans aucune idée de gloire ni d’honneur ; et comme après l’inauguration solennelle des grands établissements de Blamont, son œuvre capitale, on s'étonnait devant lui que son nom fût le seul qui n’eût pas été prononcé dans les comptes rendus de la cérémonie, il répondit : « Je suis très-content qu’il ne soit pas question de moi ; c’est assez que le bon Dieu le sache, c’est de lui seul que j’attends ma récompense. » De fait, l’abbé Brandelet a le goût des fondations, des constructions, et ce qui est beau à lui, c’est d’avoir su trouver moyen d’en faire un si grand nombre en les rendant utiles. […] Il n’hésita pas à s’en rendre adjudicataire pour une somme de 13,500 francs qu’il n’avait pas, qu’il dut chercher : sur ces entrefaites, un spéculateur lui offre 25,000 francs pour lui racheter le château : fi donc ! […] Mais ce serait mal répondre au caractère d’une telle loi, à la nature des idées qu’elle fait naître et qu’elle remue, que de ne pas dire quelques mots de l’état des choses qui l’a rendue nécessaire et des intérêts élevés auxquels elle pourvoit. […] Ces besoins, ces demandes de la société créent ou développent des genres autrefois fort resserrés et qui rendaient peu. […] Mais aussi il n’est rien de respectable et de touchant (je reprends le mot, et, pour ma part, je sais aussi de tels exemples) comme de voir un homme, lui-même laborieux ou distingué dans son étude, dans sa profession, s’honorer d’une femme remarquable par un talent et un don qui la rend célèbre et qui ne la laisse pas moins aimable ; lui en permettre le libre et facile exercice, s’y prêter ; ne parler d’elle qu’avec respect et une sorte de modestie ; oser l’admirer et cependant rougir presque lui-même quand on la loue.
M. de Balzac a surtout dès l’abord mis dans ses intérêts une moitié du public très-essentielle à gagner, et il se l’est rendue complice en flattant avec art des fibres secrètement connues. « La femme est à M. de Balzac, » a dit quelque part M. […] Pourtant le non-succès de sa tentative industrielle le rendit vite à la seule littérature, mais sur un tout autre pied que devant. « L’imprimerie, dit-il, m’a pris tant de capital, il faut qu’elle me le rende ; » et redoublant d’activité, révélant enfin son talent, il a tenu son dire. […] Je le lui ai peut-être moi-même rendu à l’occasion. […] Je lui avais rendu autrefois quelques petits services littéraires, des conseils pour ses romans, pour son style, que sais-je ?
Sans se faire reflet ni écho de personne en particulier, il s’est laissé couramment inspirer des divers essais et des vogues d’alentour, et en a rendu quelque chose à sa manière. […] Arthur n’est pas né méchant, mais il s’est rendu méchant. […] Il a débuté par une crudité systématique ; dans Brulard d’Atar-Gull, il a exprimé le mécompte violent poussé jusqu’à la rage contre l’humanité ; dans Szaffie de la Salamandre, il a rendu l’ironie calculée qui va à tout flétrir. […] Il faut rendre d’abord à M. […] Dans le jardin des Récollets de Nîmes où le jeune chef se rendit (mai 1704), le peuple admira, au passage, sa jeunesse, son air de douceur, sa belle mine ; et en sortant du jardin, est-il dit, on lui présenta plusieurs dames qui s’estimaient bienheureuses de pouvoir toucher le bout de son justaucorps.
Sainte-Beuve eut la parole au début et prononça le discours suivant : Messieurs, Il faut que ce soit le sentiment bien vif d’un devoir à remplir qui m’amène ici, — qui m’y ramène malgré un état de santé très-peu satisfaisant, et quoique je sache à l’avance que la faveur du Sénat, qu’il m’a publiquement retirée dans une circonstance regrettable et mémorable, — je veux dire regrettable pour d’autres que pour moi, — quoique cette faveur, dis-je, ne doive point m’être rendue au sujet des quelques observations que j’ai aujourd’hui à lui soumettre. […] Que si j’avais, par hasard, à intervenir quelquefois et bien rarement, pensais-je, ce ne serait guère que s’il était question de littérature, c’est-à-dire de ce que je connais bien ; s’il s’agissait de défendre les intérêts de mes confrères du dehors, de rendre hautement justice à tant d’efforts laborieux, malheureusement trop dispersés, et de répondre peut-être à quelques accusations comme on est tenté d’en élever trop légèrement, à chaque époque, contre la littérature de son temps. […] Il ne faut pas plus d’une de ces grosses méprises pour rendre un nom, d’ailleurs honorable, ridicule à jamais devant toute une postérité. […] « Vous répondîtes sur-le-champ, monsieur, un mot qui se lit au Moniteur dans le compte rendu de la séance. […] » (Suétone, Vesp., IX.) — « Il ne faut point dire de parole mal sonnante à un sénateur ; mais s’il en dit une lui-même, il est permis de lui bien répliquer. » Or, c’était à l’occasion du démêlé d’un chevalier avec un sénateur que Vespasien rendait cet arrêt : à plus forte raison est-ce vrai de sénateur à sénateur.
Gaufrey Arthur, de Monmouth, avait mis en émoi le monde des clercs par sa fabuleuse Historia regum Britanniæ, dont quatre traductions françaises avaient presque aussitôt rendu Arthur et Merlin universellement populaires. […] Mais comme Tristan s’agite, impatient, sur son lit et demande si l’on aperçoit le vaisseau qu’il attend, sa femme, torturée de jalousie, lui annonce un navire aux noires voiles : et il meurt, au moment où débarque la seule, la toujours aimée Yseult, qui se précipite et prie pour lui : « Ami Tristan, quand vous vois mort, Je n’ai droit ni pouvoir de vivre ; Vous êtes mort pour mon amour, Et je meurs, ami, de tristesse, De n’avoir pu venir à temps. » Auprès de lui se va coucher ; Elle l’embrasse, et puis s’étend : Et aussitôt rendit l’esprit. […] Rien ne l’embarrasse : il clarifie tout, ne comprend rien, et rend tout inintelligible. […] Il triomphe, au contraire, partout où il s’agit de rendre quelque accident, quelque sentiment de la vie ordinaire. […] Une autre raison nous rend l’étude de cette littérature intéressante.
Et pendant tout le temps des représentations, à la fin de chaque journée, ils se rendent à la même église pour chanter un Salve, Regina. […] Croyant a l’absolue réalité des choses qu’ils montraient, ils ne se doutaient pas que souvent c’était les dégrader, les fausser, les vider de leur sens, que de les figurer uniquement comme des réalités : mais parfois, quand ils s’approchaient familièrement des objets de leur foi, avec un sens instinctif de la vie, ils ne rendaient pas sans bonheur le pathétique des situations ou le mouvement des passions que les livres sacrés indiquaient. […] Toute la partie de la « mondanité » de Madeleine nous présente une amusante et vive silhouette de coquette évaporée et vaniteuse : il a bien rendu aussi, avec une saisissante brièveté, le dialogue suprême du Christ et de sa mère. […] En possession du droit de jouer leurs mystères, d’interdire à tous autres d’en jouer à Paris ou dans sa banlieue, établis à l’Hôpital de l’Hôtel de la Trinité, plus tard à l’Hôtel de Flandre, ils lurent peut-être les premiers à représenter le drame de la Passion : ils furent sans doute les promoteurs des vastes compositions cycliques, dont la permanence de leur théâtre leur rendait facile, autant qu’avantageuse, la représentation. […] répond : Je me rends, et qui crie à tour de rôle : « Vive France !
César humilie sa gloire devant Cléopâtre : il lui rend grâces-de la victoire qu’il vient de remporter à Pharsale : Car le dieu des combats M’y favorisait moins que vos divins appâts. […] M. de Montausier, avant que la belle Julie d’Angennes daigne se rendre à ses désirs et l’accepter pour époux, doit faire quatorze ans bien comptés le siège de ce cœur récalcitrant : le siège de Troie avait duré quatre ans de moins. […] « Je le regarde, dit-elle, comme un long esclavage. » Et, fidèle à ses principes, elle sauvegarde son indépendance avec une constance que sa figura lui rend peut-être plus facile qu’elle n’aurait souhaité. […] Ce n’est plus un vieillard morose, un Géronte ou un Harpagon, qu’on berne et dupe sans scrupule, parce qu’il semble prendre à tâche de rendre ridicule ou odieuse la dignité paternelle. […] ma chère Angélique, s’écrie-t-elle, tu ne me rends pas. tendresse pour tendresse. » Dans toute la comédie, Marivaux nous offre le spectacle curieux de cette mère qui soutient comme une gageure le parti qu’elle a pris.
Mais d’éclatante qu’elle était cette voix devient bientôt lamentable, le clairon d’apothéose rend des sons funèbres. […] Des comptes seront réclamés et seront rendus ; le roi rassemblera son peuple, et tous deux se mettront à l’œuvre du salut commun : — « Pour ce qui concerne la cité, nous en délibérerons ensemble dans l’Agora. […] La voilà en proie aux épreintes de l’Esprit qui gonfle son sein ; elle rejette en fumée la flamme dont il la remplit ; elle rend par mots convulsifs la divination qui l’oppresse. […] Soyez-en témoins, puisque je vais mourir. » Sa dernière parole est un oracle d’une mélancolie infinie, tel que La Sibylle du Dies irae aurait pu le rendre. […] qui lui rendra les honneurs funèbres ?
Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, héritier d’un nom si beau, qu’il devait rendre plus beau par sa vie et sacré par sa mort, était né le 6 décembre 1721. […] M. de Malesherbes, dans une remarquable lettre, répondit au ministre qu’il n’y avait guère, au fond, à compter sur la censure ; que des gens d’esprit, dans un ouvrage de longue haleine, viendraient toujours à bout de l’éluder ; qu’il ne savait qu’un seul moyen sûr de remédier aux abus, c’était de rendre les auteurs responsables personnellement de leurs fautes : Si ce moyen est le plus sûr, continuait M. de Malesherbes en s’adressant à l’abbé de Bernis, vous me demanderez pourquoi je n’ai pas employé jusqu’à présent ? […] Il y joignit une lettre à l’abbé Morellet, qui s’était entremis dans cette affaire, et il lui disait : Pour les gens de lettres, l’expérience m’a appris que quiconque a à statuer sur les intérêts de leur amour-propre doit renoncer à leur amitié, s’il ne veut affecter une partialité qui le rende indigne de leur estime. […] C’est Boissy d’Anglas qui nous le montre ainsi, et Chateaubriand achève le portrait en ajoutant : « Mais, à la première phrase qui sortait de sa bouche, on sentait l’homme d’un vieux nom et le magistrat supérieur. » Sa conversation était riche, nourrie, abondante ; il savait tout, ou du moins il savait beaucoup de tout, et cela sortait à flots avec une vivacité et une profusion qui rendait sa parole aussi piquante qu’instructive. […] M. de Chateaubriand, en deux ou trois endroits de ses Mémoires, où il introduit M. de Malesherbes, a très bien rendu ce mouvement de paroles qu’on a comparé « au mouvement irrégulier et perpétuel d’une liqueur bouillante ».
Nous nous rendons en troupe avec le ménage Daudet, chez Brébant, où Chabrillat a fait préparer un souper pour ses amis et les amis de Zola. […] Il parle de la désorganisation du service de sûreté, de ces hommes uniques, qui avec un flair de chien de chasse, et sans se rendre bien compte comment — c’était l’aveu de l’un d’eux — arrivent à la connaissance du voleur, de l’assassin. […] Après dîner, je tombe sur un petit album de Gavarni, où il a cherché à rendre les penchements de côté et en avant des jockeys, dans la rapidité d’une course : « Tiens, dit-il, regarde ça, c’est curieux, j’ai relevé, un matin, dans une allée de course à Chantilly, une piste », — et il me fait voir un petit losange se resserrant et obliquant jusqu’à une ligne, formée de points qui ferait croire, qu’à la fin le cheval ne court plus que sur un pied : « C’est drôle, n’est-ce pas ? […] Et le repas lui coûtait 400 francs, parce que la jeune femme emmenait ses amies et les amis de ses amies, qui, les jours suivants, rendaient la collation au voyageur. […] La maison de banque prend des renseignements sur la capacité de l’aspirant, et lui prête les 10 000 taëls demandés, à condition qu’il en rendra 20 000, quand il aura passé ses examens.
Même dans le monde végétal, où l’organisme est généralement fixé au sol, la faculté de se mouvoir est plutôt endormie qu’absente : elle se réveille quand elle peut se rendre utile. […] Pour que la pensée devienne distincte, il faut bien qu’elle s’éparpille en mots : nous ne nous rendons bien compte de ce que nous avons dans l’esprit que lorsque nous avons pris une feuille de papier, et aligné les uns à côté des autres des termes qui s’entrepénétraient. […] D’autre part, la matière provoque et rend possible l’effort. […] Ils ont beau être au point culminant de l’évolution, ils sont le plus près des origines et rendent sensible à nos yeux l’impulsion qui vient du fond. […] La société, qui est la mise en commun des énergies individuelles, bénéficie des efforts de tous et rend à tous leur effort plus facile.
Malgré ce que l’exacte sagacité des modernes et leur subtile esthétique peuvent ajouter à l’intelligence du texte antique, ne croyons pas que ces Hellènes judaïsants du second ou du premier siècle avant notre ère, que les Septante, que plus tard un Origène d’Alexandrie, qu’un saint Jérôme, entre les docteurs de Béthleem, et les pieuses Romaines qui chantaient pour lui les psaumes dans la langue hébraïque, n’aient pas entendu ce texte que rendait avec tant de force une nouvelle diction grecque ou romaine. […] Cette beauté est fréquente dans les poésies bibliques, et rend leur simplicité merveilleuse, comme par exemple dans ce psaume, où le Dieu redoutable est peint sous l’image la plus naïve de la vie paisible des champs : « Jéhovah est mon pasteur ; rien ne peut me manquer. […] dans le cours des ans ; rends-la manifeste dans le temps ; et, dans ta colère, souviens-toi de ta miséricorde. […] Pour nous, tâchons seulement ici de ne pas détruire par l’expression ce que l’âme seule peut rendre, ce que l’âme seule peut saisir, ce qu’a senti le Prophète, devant la chute du roi de Babylone. […] Ceux qui t’avaient vu se pencheront vers toi, te regarderont de haut : Est-ce là cet homme qui troublait la terre et secouait les empires, qui rendait le globe désert, qui détruisit les villes et n’ouvrit pas à ses captifs la porte de leur prison ?
Mais ne soyons pas dupe des mots, et rendons-nous compte de cette induction extraordinaire. […] L’homme peut dire : Ma raison ; rendons-lui cette justice qu’il n’a jamais osé dire : Ma vérité. […] Si le sentiment agit sur l’imagination, on le voit, l’imagination le lui rend avec usure. […] noble hommage rendu à son talent ; malheureux s’il ne fait dire que cela ; car il a manqué son but. […] Donnez au plus savant symphoniste une tempête à rendre.
Il semblera peut-être que ce soit venir bien tard aujourd’hui, et qu’il y ait peu de chose à ajouter aux hommages de plus d’une sorte qui lui ont été publiquement rendus. […] Quatre-vingt-neuf, en éclatant, vint couper court à ce genre de vie modérément animé, le rendre impossible en même temps que le faire sembler insuffisant. […] Dans un journal de Mercier, les Annales patriotiques et littéraires, Daunou rédigeait le compte rendu (anonyme) des séances de la Convention. […] Didot d’avoir consenti, en ce temps de spéculations hâtives, à rendre ce service aux lettres sérieuses. […] C’est cette disposition de son tempérament qui rend précisément si méritoires ses actes de courage moral dans le passé.
C’est d’avoir embelli sa statue au point de la rendre méconnaissable. […] Il se mit à les frotter, pour les rendre propres, sur la manche de son habit. […] Un âne traversant un champ ne le rendait pas sérieux comme Boileau ; il ne se préoccupait pas pour Homère de la nécessité que ce mot fût très noble en grec. […] Richter a trouvé une fort belle métaphore pour rendre la même idée. […] Qu’on la remette à sa véritable place, qu’on lui rende son soleil, sa terre, qui sait ?
Harley, le premier ministre, lui ayant envoyé un billet de banque pour ses premiers articles, il se trouva offensé d’être pris pour un homme payé, renvoya l’argent, exigea des excuses ; il les eut, et écrivit sur son journal : « J’ai rendu mes bonnes grâces à M. […] Voyez maintenant comment un amas d’exemples sensibles rend probable une assertion gratuite. « Votre journal dit qu’on a vérifié la monnaie. […] Par exemple, l’Art de mentir en politique est un traité didactique dont le plan pourrait servir de modèle. « Dans le premier chapitre de cet excellent traité, l’auteur examine philosophiquement la nature de l’âme humaine et les qualités qui la rendent capable de mensonge. […] Un ministre est un entremetteur qui, ayant prostitué sa femme ou clabaudé pour le bien public, s’est rendu maître de toutes les places, et qui, pour mieux voler l’argent de la nation, achète les députés avec l’argent de la nation. […] « Proposition modeste pour empêcher que les enfants des pauvres en Irlande ne soient une charge à leurs parents ou à leur pays, et pour les rendre utiles au public. » 1729. — Swift devint fou quelques années après.
Je ne veux pas être à titre de matière ; je ne veux pas rendre honneur à ceux qui n’existent qu’à ce titre. […] Rendez-moi donc ma richesse, rendez-moi mon droit de donner, même quand je ne veux pas m’avilir à n’exister que par la matière, en vertu d’elle, et pour elle. […] Rendez-moi l’égalité dans l’Église, ou donnez-moi l’égalité dans la cité laïque. […] La sentence n’est pas moins rendue. […] Va-t-elle donc réédifier le passé, et rendre à la tiare et aux sceptres leur puissance ?
Alors il repasse son nom de Sôri à son élève Sôji, et rend à la famille Tawaraya la signature qu’il avait reçue d’elle. […] Alors, Ogouri la rencontre, lui donne un rendez-vous la nuit, mais Hanako avertie la précède et prend sa place. […] Ici les exercices du corps, dans un prestigieux rendu du déploiement de la force et de l’adresse. […] Une impression de la plus grande originalité et où l’artiste japonais eu la bravoure de rendre l’effet qu’il a vu, dans toute sa vérité invraisemblable. […] Une aquarelle extraordinaire, où le maître a rendu la vie remuante de la plume : l’un des plus merveilleux kakémonos d’Hokousaï que j’aie vus.
Il vit tout en un clin d’œil, mais au moment de remonter au ciel, il s’avisa d’avoir oublié de jeter un regard sur les lieux où se rend la justice. […] Il y avait appel d’un premier jugement rendu en son absence contre le mari. […] rend lumineuse suffisamment pour s’y reconnaître vers onze heures, midi. […] Comment rendre ? […] Le dimanche, nous nous rendions à l’église avec les Andrews.
Cette affinité nous rend de très grands services, puisque sans elle la mémoire, l’imagination seraient impossibles. […] Quel service nous rend donc le signe dans le cas du souvenir ? […] Nous dispenser de cela, tel est le plus grand service que rende le langage à la pensée. […] Tel est le second service que rend le langage à la pensée. […] Se reconnaître responsable, c’est se reconnaître justiciable d’une loi : le compte que l’on sent avoir à rendre de ses actions, c’est à la loi qu’on le doit rendre.
Si quelqu’un a rendu possible de repeupler en idée Versailles et de le repeupler sans ennui, c’est lui. […] Et ceux mêmes qui sembleraient le mériter moins et qui seraient des visages effacés chez d’autres, il leur rend cette originalité, cette empreinte individuelle qui, à certain degré, est dans chaque être. […] Plus on accordait à un homme de son âge du sérieux, de la lecture et de l’instruction en lui attribuant ce caractère indépendant, plus on le rendait impossible dans le cadre d’alors et inconciliable. […] Ici Saint-Simon se trompait peut-être de date comme en d’autres cas, et il ne se rendait pas bien compte de l’effet et de la fermentation qu’eussent produits les états généraux en 1716 ; la machine dont il voulait qu’on jouât pouvait devenir dangereuse à manier. […] Mme de Turpin mourut, j’en demeurai là ; cela est mal écrit, mais le goût que nous avons pour le siècle de Louis XIV nous en rend les détails précieux. » Il est curieux de voir comme chacun s’accorde à dire que c’est mal écrit, que les portraits sont mal faits, en ajoutant toutefois que c’est intéressant.
« Puisqu’il en est ainsi, je vais essayer de vous rendre un plaisir équivalent à celui que m’a fait votre lettre, et vous dire à mon tour la façon dont je gouverne ma vie… « J’habite dans ma métairie, et, depuis mes disgrâces, je ne crois pas avoir été vingt jours en tout à Florence. […] Ses interrogatoires, rendus plus âpres par la torture, ne purent lui arracher un aveu. […] Machiavel, mal inspiré, ne s’y rendit pas. […] Le climat et les mœurs lui rendent la vie si gaie et si douce que la vie lui devient plus chère qu’aux peuples du Nord, qui ont si peu à perdre en la risquant. […] Cette constitution, qui n’était ni républicaine ni monarchique, mais insurrectionnelle à tous ses articles, rendait également impossibles la monarchie et la république ; elle était l’anarchie organisée.
D’ailleurs, deux sens sont convaincus et satisfaits à la fois par l’œuvre de l’artiste : l’œil voit, la main touche ; l’un de ces sens rend témoignage à l’autre, l’admiration enveloppe la statue par toutes ses faces ; la beauté, l’éclat et le poli de la matière d’où la statue semble naître immortelle, ravissent également le regard et le tact ; son éternité même imprime un respect de plus aux sens qui en jouissent. […] Pie VII ne se réservait que le sanctuaire ; le pape temporel, c’était son ami Consalvi ; il m’aimait, et je le rends bien à sa mémoire. […] Cette forme admirable, chef-d’œuvre de convenance et d’harmonie, apparaissait à ce peuple comme la figure de l’esprit, dont elle rendait pour ainsi dire les lois visibles. […] Le temps seul peut rendre les peuples capables de se gouverner eux-mêmes. […] Dans chaque coup de ciseau il a ressuscité le génie de la beauté grecque ; il nous a rendus contemporains de Périclès, de Praxitèle et de Phidias.
Tragicomédie et farce rendaient la comédie inutile. […] Ces dénouements sont d’autant plus vicieux, qu’ils consistent dans un renversement du pour au contre : je veux dire qu’ils annulent d’un coup l’effet des caractères et des passions, pour rendre tout le monde heureux et satisfait. […] Il n’y a guère d’œuvre où l’on ne trouve à la fois du comique de farce, du comique de mœurs, et du comique de caractère, selon les objets qu’il s’agit de rendre et l’impression que le poète veut donner. […] C’est même ce point de vue qui rend la comédie possible : tous les personnages ridicules sont des gens qui s’acharnent à dévier ou supprimer la nature, qui n’ont pas su voir qu’elle était toute bonne et toute-puissante ; et ainsi ils se présentent dans leur opposition au vrai, non au bien : par conséquent, ridicules, et non odieux. […] Il a porté cette vérité même dans son jeu, qu’il a rendu le plus naturel possible.
Semblable à une vieille femme qui teint ses cheveux, frotte de rouge ses joues ridées, se couvre de bijoux et s’enguirlande de fleurs, pour se rajeunir, et qui ne réussit qu’à se rendre hideuse, l’art cherche lâchement à pallier ses décrépitudes par toutes sortes de procédés factices, au lieu de tenter dignement sa régénération dans une voie nouvelle. […] Cette forme, il a fallu la changer, la varier, la modifier à l’infini ; il a fallu la rendre bien feuillue, bien plantureuse, bien luxuriante, afin qu’elle pût cacher le vide sans fond qu’elle recouvrait. […] Qu’elle vienne, et l’occupation ne lui manquera pas ; elle aura fort à faire ; car en ne touchant pas aux idées qui remuent le monde maintenant, nous semblons capitaliser notre propre fortune pour rendre plus riche encore notre jeune héritière. […] Par suite d’un dédain condamnable, mais naturel aux hommes perdus dans les hautes contemplations, les savants semblent avoir fait de grands efforts pour rendre leurs œuvres inabordables ou tout au moins inintelligibles. […] Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi ; la littérature a soutenu assez de luttes, rendu assez de services, découvert assez de soleils pour mériter, exiger et obtenir son droit de cité.
Il est pourtant une restriction qu’il lui faut apporter, sans quoi elle ne rendrait qu’un compte insuffisant de la réalité. […] Un écrivain de l’autre sexe, désireux de rendre témoignage à un amour dont il tiendrait le meilleur de son inspiration, sans doute y mettrait quelque réserve, quelque atténuation. […] Libre au moraliste de faire telle réserve qu’il jugera bonne sur cet affaissement, sur ce perpétuel abandon de soi-même qui rend possible une création comme celle-ci. […] Pour rendre témoignage de vigueur créatrice, il n’est pas que ce pouvoir de s’extérioriser. […] Mme Marcelle Tinayre, l’a senti et délicatement rendu.
Ainsi, m’égarai-je sous les combles de l’extravagance universitaire et ma jeunesse ne fut-elle pas exacte au rendez-vous qu’elle s’était fixé. […] Ma foi, ces messieurs vous rendraient poètes. […] Alors, que lui, à son tour, et un peu plus vite que ça, scrognegneu, rende à César ce qui est à César. […] D’où, justement, l’allure juridique du conseil : Rendez à César… Rendez à Dieu… manteau de Noé, mi-or (César), mi-azur (Dieu) qui couvre le désir secret du Christ. […] Le hennin ou « bonnet pointu » a été rendu à la mode par Isabeau de Bavière.
car les malades de l’infirmerie rendraient des points au malade de Molière. […] Qu’on nous permette de la remettre sous son vrai jour et de lui rendre son véritable aspect. […] Folantin essaya d’un excitant qui lui réussissait dans son enfance : tous les deux jours, il se rendit aux bains. […] J’ai quitté Paris et manqué à un rendez-vous donné par lui. […] L’orgueil et la paresse vous avaient rendu à peu près insupportable, ô mon oncle Victor !
Les mots ne suffisent presque jamais pour rendre précisément ce qu’on sent. » (Diderot.) […] On ne retient presque rien sans le secours des mots, et les mots ne suffisent presque jamais pour rendre précisément ce qu’on sent. » (Diderot, Pensées détachées sur la peinture, la sculpture, l’architecture et la poésie. […] VIII, p. 175 à 180, 187 à 191. — Cette théorie explique certaines formules inexactes, dans lesquels Bonald (donnant ainsi un démenti à sa propre doctrine) dépasse sa vraie pensée : « Toutes nos pensées sont dans nos paroles ; — la parole n’est que la pensée rendue extérieure ; — la parole est l’idée elle-même et toute l’idée » ; etc. […] Dans quelques passages, entraîné par la logique de ses formules, il paraît nier l’intermédiaire entre les mots et les réalités, c’est-à-dire l’esprit individuel, et soutenir que les mots n’éveillent pas des idées latentes, mais les apportent avec eux : il dit, par exemple, que l’idée de Dieu « entre naturellement dans notre entendement » dès que l’expression qui lui est propre vient la rendre présente (Dissert. […] Tant d’éléments différents concourent à produire et à varier la parole intérieure, surtout à la rendre universelle et constante, que la plupart des questions psychologiques seraient engagées dans l’étude complète dont nous venons de tracer le programme.
Ses hommes politiques sont vertueux, ineffablement : ils rendent les millions volés par beau-papa. […] Leur âme noblement inquiète fait les femmes curieuses ; la futilité de leur esprit rend leur curiosité trop facile à amuser. […] Les prévisions pessimistes se sont réalisées au point de rendre étonnants, malgré ce qu’ils ont d’inquiet et de tremblant, les éloges. […] Le délire d’une bonne fièvre typhoïde rendra innocemment bavard le professeur qui fut jusque-là héroïquement muet. […] Et c’est sa misandrie qui la rend ridicule et intéressante.
Napoléon est un homme à la façon de César en effet, et qu’on doit louer comme tel ; mais il n’est pas comme Charlemagne, il ne cherche pas à éveiller le genre humain, à le rendre libre, juste, moral dans la belle acception du mot. […] — Le duc de Raguse vient de publier sous ce titre, Esprit des institutions militaires, un volume plein de feu, d’intérêt, de science et d’agrément ; il rend accessibles au lecteur une foule de questions qui semblaient du ressort des hommes spéciaux ; il fait comprendre la guerre, l’empereur, Wellington, le génie de la France et de l’Angleterre.
C’est que l’âme contente ne lutte pas, ne désire pas ; absorbée dans le présent, toute repliée sur soi, elle ne contient que le sentiment pur, infini, inexprimable, et, à vouloir le rendre, on court le risque de verser dans le radotage on la fadeur. […] Pour rendre toute l’intensité du sentiment qu’on éprouve, pour lui garder sa couleur originale, pour en noter les degrés, les phases et les nuances, pour dire enfin exactement tout ce que l’on sent, comme on le sent, il faut de l’esprit infiniment, du plus exercé et du plus pénétrant.
Il faut compter avec et sur l’intelligence du lecteur, outre que rien ne fait trouver de l’intérêt à une lecture, comme le témoignage qu’on se rend d’être allé plus loin que l’auteur : mais c’est à lui de préparer à notre amour-propre l’innocent triomphe de ces découvertes. […] La concision peut être plus ou moins apparente : il y a une façon nerveuse, un peu brusque, de tourner les pensées, de les ramasser en antithèses ou en formules, de les frapper comme des médailles, qui rend la brièveté visible, mais qui parfois aussi n’en est que l’illusion et le mensonge.
Tu feras bien, en train d’énergie, De rendre un peu la Rime assagie ; Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ? […] Sans s’embarrasser d’une barrière inutile, il donna au vers ternaire le droit de cité : Il a vaincu — la Femme belle — au cœur subtil… Néoptolème — âme charmante — et chaste tête… Et sur mon cœur — qu’il pénétrait — plein de pitié… Ces braves gens — que le Journal — rend un peu sots… Quoi que j’en aie — et que je rie — ou que je pleure… Rien de meilleur — à respirer — que votre odeur… Pour supporter — tant de douleur — démesurée… Pour, disais-tu, — les encadrer — bien gentiment… Cette coupe nouvelle de vers, d’où l’on allait tirer des effets si imprévus, offrait toutes les garanties d’une réforme née viable, puisqu’elle était l’épanouissement naturel d’une idée lentement mûrie et qu’elle avait subi le contrôle à la fois du Génie et du Temps.
Des fautes de langue ne rendront jamais une pensée, et le style est comme le cristal : sa pureté fait son éclat. […] Il existe certaines eaux qui, si vous y plongez une fleur, un fruit, un oiseau, ne vous les rendent, au bout de quelque temps, que revêtus d’une épaisse croûte de pierre, sous laquelle on devine encore, il est vrai, leur forme primitive, mais le parfum, la saveur, la vie, ont disparu.
J’allais demander grâce et me rendre à merci. […] Je sais bien que l’art rend sacré tout ce qu’il touche ; n’abusons pas de cette excuse-là. […] Un doux délire lui a enfin rendu son fils. […] Ses yeux se mouillèrent de larmes, et il rendit grâces à Dieu. […] Mettez donc leurs noms près du sien, et pesez les services rendus à la cause de 89.