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1379. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

J’en doute, ou que du moins cela puisse durer ainsi, car il y aurait grand danger que l’amour ne reprît le dessus. » Le 10 mai, madame de Sévigné écrit à son cousin : « Je ne vous parle pas de tout ce qui s’est passé ici depuis un mois. […] Ne craignez rien ; je lui parlai en chrétienne et en véritable amie de madame de Montespan. » Cette lettre, qui n’est point expressément datée, porte sa date dans les faits qu’elle présente. […] Il n’eut pas besoin de parler : la tristesse religieuse empreinte sur son visage révélait toute la douleur de son âme. […] Nous avons parlé de cette lettre sous la date de 1673, parce qu’elle s’applique à deux années de mésintelligences, de prétentions d’un côté, de griefs de l’autre… « Ce secret, ajoute la lettre, roule sous terre depuis plus de six mois. […] Le 27 octobre, elle écrivait, de Bagnères, à l’abbé Gobelin : « Ces agitations (elle parle de celles que lui causait la santé du duc du Maine) ne sont pas les seules que je souffre.

1380. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Combattre, en philosophie, c’est, pour parler en jeune homme, mettre la couronne de la Victoire sur la tête de la Vérité. […] Un orateur aime à parler sur la vertu, et fait volontiers la leçon aux hommes. […] Repoussez cette littérature énervante, tour à tour grossière et raffinée, qui se complaît dans la peinture des misères de la nature humaine, qui caresse toutes nos faiblesses, qui fait la cour aux sens et à l’imagination, au lieu de parler à l’âme et d’élever la pensée. […] Nous parlerons éloquemment de la certitude, on ira l’étudier dans le livre de M.  […] On parle ici d’Hégel lui-même, et non de la secte grossière qui l’a continué et défiguré.

1381. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 274-275

Sa diction est pure, sa versification coulante : les figures qu'il emploie sont analogues aux personnages qu'il fait parler. […] La plupart de nos Poëtes bucoliques font parler les Bergeres comme des petites Maîtresses qui débitent des sentences galantes sous des expressions recherchées.

1382. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Baudouin » p. 233

Allons, vous rougissez ; n’en parlons plus. […] L’orateur n’est pas mauvais ; mais qu’il est loin de la grandeur, de l’enthousiasme, de la chaleur et de tout le caractère d’un Périclès ou d’un Démosthene qui eût parlé pour sa maîtresse !

1383. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Cet écuyer, témoin du bon accueil que lui font le roi et les seigneurs, et le sachant d’ailleurs historien, l’accoste à dessein et offre de lui raconter le voyage et la conquête du roi Richard II en Irlande, et la soumission des quatre rois irlandais, lesquels semblaient alors aux Anglais de purs sauvages : « Messire Jean, dit Henri Crystède, avez-vous point encore trouvé personne en ce pays ni en la Cour du roi notre sire, qui vous ait dit ni parlé du voyage que le roi a fait en cette saison en Irlande, et de la manière dont quatre rois d’Irlande, grands seigneurs, sont venus en obéissance au roi d’Angleterre ? » Et je répondis, pour avoir matière de parler : « Nenni. » — « Et je vous le dirai, dit l’écuyer, afin que vous le mettiez en mémoire perpétuelle quand vous serez retourné dans votre pays et que vous aurez de ce faire plaisance et loisir. » De cette parole je fus tout réjoui et répondis : « Grand merci. » Notez qu’à la première question que lui adresse l’écuyer, s’il a déjà entendu parler de ce voyage, Froissart fait semblant de n’en rien savoir pour mieux tout apprendre. […] La grâce de Dieu est bonne quand on la peut avoir, et elle a certes son prix ; mais on voit peu de seigneurs terriens présentement augmenter leurs seigneuries, si ce n’est par force et puissance ; et quand je serai retourné en la comté de Hainaut, où je suis né, et que je parlerai de cette matière, sachez que j’en serai examiné et questionné très avant. […] Nisard, ont tour à tour parlé de Froissart avec une sorte de prédilection, et avec une variété de louanges qui s’accorde dans un même jugement. […] Lacabane est tombé dans un travers qui fait sourire : Froissart lui est devenu une espèce de remords, à ce point qu’il n’en parle, dit-on, qu’avec déplaisance et comme du plus infidèle des narrateurs : il le déprécie encore plus que M. 

1384. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Je n’admettrai pourtant jamais que Rome, la Rome même du peuple, que nous avons vue depuis si fine et si piquante à la raillerie, n’ait pas eu, dès qu’elle en eut le loisir et l’occasion, l’esprit aiguisé en même temps que le parler agréable et doux. […] Il y eut un jour où la grandeur biblique et la beauté hellénique se rencontrèrent, se fondirent et se mêlèrent d’esprit et de forme dans une haute simplicité ; et quand nous parlons aujourd’hui de la tradition et de ce qui ferait faute, si elle avait manqué, de ce qui serait absent dans les fonds les plus suaves, dans les plus nobles fresques de la mémoire humaine, nous avons le droit de dire, à des titres également incontestables : Quoi ? […] Si nous le voyions paraître tout à coup et entrer en personne, je me le figure (comme nous l’a montré un critique ingénieux)73 noble et humain de visage, n’ayant rien du taureau, du sanglier ni même du lion, portant dans sa physionomie, comme Molière, les plus nobles traits de l’espèce et ceux qui parlent le plus à l’âme et à l’esprit modéré, sensé de propos, et le plus souvent (pitié ou indulgence) souriant et doux ; car il a créé aussi des êtres ravissants de pureté et de douceur, et il habite au centre de la nature humaine. […] Écoutons-les parler, sous leur beau ciel et comme sous leur coupole l’azur, les grands poètes et les orateurs de ce temps-là : leurs hymnes de louanges sonnent encore à nos oreilles ; ils ont été bien loin dans l’applaudissement. […] Quand je parlerai de Boileau, je ne louerai que modérément la poésie ou la pensée de ses satires, et même la pensée de ses épîtres ; nous verrons pourtant bien au net sa qualité rare, à titre de poète, dans quelques épîtres et dans Le Lutrin ; mais surtout je vous le montrerai tout plein de sens, de jugement, de probité, de mots sains et piquants et dits à propos, souvent avec courage, — caractère armé de raison et revêtu d’honneur, et méritant par là, autant que par le talent toute l’autorité qu’il exerça, même à deux pas de Louis XIV.

1385. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Laissez nos cœurs parler une fois en toute liberté et vous exprimer notre vénération reconnaissante. […] En pareil cas, ce sont les témoins les plus immédiats qui parlent le mieux ; ils disent comme ils ont vu et comme ils sentent. […] Voilà, Messieurs, le plus beau titre, l’œuvre maîtresse, pour ainsi dire, de ce brave prêtre qui est de ceux qui parlent peu et qui agissent beaucoup. […] En employant ces termes, Messieurs, en les empruntant à la science économique, je ne crois pas diminuer ce dont je parle devant vous. […] La pratique et l’exemple parlent contre eux.

1386. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

C’est comme un docteur encore jeune qui a une entrée dans la ruelle et dans l’alcôve ; il a pris le droit de parler à demi-mot des mystérieux détails privés qui charment confusément les plus pudiques101. […] Rien n’a changé au fond sur ce point, mais l’attention y a été portée, et l’on a parlé plus crûment. […] quels furent ses débuts littéraires, et les tâtonnements multipliés et infructueux dont ses anciens amis nous parlent tant depuis qu’il est devenu célèbre ? […] La morale scrupuleuse en est exclue dès le titre, et il n’en faut pas parler. […] Quoi qu’il en soit, c’est un besoin pour moi d’indiquer que, vers l’époque de sa mort, j’ai parlé de lui (Constitutionnel du 2 septembre 1852) sous un point de vue plus général et en embrassant de mon mieux l’ensemble de son œuvre, que je ne suis point cependant arrivé à admirer autant que je le voudrais.

1387. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Le jeune historien de vingt-six ans y parlait de la journée de la Saint-Barthélemy et des causes qui l’avaient préparée. […] C’est en soi, si l’on peut ainsi parler, un beau livre d’histoire. […] Nous avons à dire quelques mots des principaux écrits que nous venons d’énumérer ; mais, avant tout, nous parlerons de la manière dont M.Mignet conçoit en général l’histoire elle-même. […] Ici et dans tout ce qui suivra, il est bien entendu que je ne parle que de l’ancienne diplomatie : quant à la nouvelle, là où il existe encore telle chose qu’on doive appeler de ce nom, je suis disposé à faire en sa faveur toutes les exceptions qu’on pourra désirer. […] Il est une dernière remarque que j’oserai glisser ici, bien que contraire à la prévention qui règne aujourd’hui en faveur du langage du siècle de Louis XIV ; tous ces hommes d’esprit dont j’ai parlé causaient à merveille, mais comment écrivaient-ils pour la plupart ?

1388. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Il nous parle des choses qui, n’ayant que deux qualités, comme la fièvre ou la musique : l’intensité et le temps, — marqués par un bâton montant et descendant sur un plan fixe, — devraient écrire leur forme. […] Il nous parle de son jardin, des choses qu’il veut y amener, des nouveaux arbres qu’il y plantera, de son dégoût absolu de l’arbre caduc, de son projet de tout mettre en arbres verts et de tuer ses grands arbres avec du lierre qui montera dans leurs branches. […] — Pas possible plus que le vendredi. » Et il me montre des photographies de Memling qu’il appelle le Vinci flamand, et parle de la spiritualité de ses vierges, faite chez cet artiste avec la lymphe des Flandres. […] Mgr l’archevêque de Paris en a parlé, de ce règne de Jésus-Christ, dans son mandement. […] Il me parle d’un travail qu’il lui a fallu faire d’abord, tout simplement pour se convaincre que cela était comme il le disait, puis il se plaint de l’absence de dictionnaire qui le force aux périphrases pour toutes les appellations, trouvant que les difficultés augmentent à mesure qu’il avance, et forcé d’allonger sa couleur locale, ainsi qu’une sauce.

1389. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Je vous parlerai aujourd’hui de l’éducation d’esprit de La Fontaine, puis de sa philosophie générale, car il est bien certain qu’il a une philosophie, quoique un peu flottante, et enfin de sa morale, qui est une suite assez naturelle de sa philosophie. De l’éducation de son esprit, j’ai déjà dit un mot quand il s’est agi de vous parler de ses premières études. Je parlerai aujourd’hui de l’éducation d’esprit qu’il s’est donnée à lui-même pendant toute sa vie. […] Cependant il ne pouvait pas s’empêcher de songer à Marot quand il faisait des contes ou quand il parlait des contes qu’il avait écrits, et dans la préface de son second recueil de Contes, Marot est encore nommé avec révérence. […] L’âme sensitive dont je parlais plus haut et intelligente ; âme de sensation et âme d’intelligence.

1390. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

C’était déjà, pour elle, ce Maurice dont elle devait dire avec cette manière de parler qui n’appartient qu’à elle et qui crée : « Lui et moi, c’étaient les deux yeux d’un même front !  […] Nous avons l’impertinence de parler d’une Sainte, morte, — comme disait le rêveur, son frère, — avec « son auréole d’obscurité » autour de la tête. […] Les médecins, qui parlent de la puissance du soleil quand ils ne croient plus à la leur, l’envoyèrent réchauffer ses derniers frissons dans le Languedoc et mourir où il était né. […] « Je crois bien qu’elle vit venir la mort, — a écrit Mlle Marie, sa sœur, — mais elle n’en parlait pas : elle aurait craint de nous faire mal. […] Une autre femme pleurant comme elle la mort d’un frère (Mme Augustus Craven dont nous allons parler), y a péri.

1391. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Assez d’autres parleront le jargon de l’atelier et se feront valoir au détriment des artistes. […] je préfère parler au nom du sentiment de la morale et du plaisir. […] Il est encore une erreur fort à la mode, de laquelle je veux me garder comme de l’enfer. — Je veux parler de l’idée du progrès. […] Quant à la Jeanne d’Arc qui se dénonce par une pédanterie outrée de moyens, je n’ose en parler. […] Mais que nous font les hésitations des gouvernements (je parle d’autrefois), les criailleries de quelques salons bourgeois, les dissertations haineuses de quelques académies d’estaminet et le pédantisme des joueurs de dominos ?

1392. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Deux passages précieux de Tacite, qu’on lit dans les Mœurs des Germains, appuient cette tradition et nous donnent lieu de conjecturer que l’usage dont il parle était celui de tous les premiers peuples : Non casus, non fortuita conglobatio turmam aut cuneum facit, sed familiæ et propinquitates ; duces exemplo potius quàm imperio, si prompti, si conspicui, si ante aciem agant, admiratione præsunt. […] Enfin, en ouvrant les asiles, ils donnèrent lieu aux clientèles, qui, par suite de la première loi agraire dont nous avons parlé, devaient produire les cités. […] Au moment où les sociétés devaient naître, les matériaux, pour ainsi parler, n’attendaient plus que la forme. […] Lorsque les philosophes ou les historiens parlent des premiers temps, ils prennent le mot peuple dans un sens moderne, parce qu’ils n’ont pu imaginer les sévères aristocraties des âges antiques ; de là deux erreurs dans l’acception des mots rois et liberté. […] En conséquence de l’éducation sauvage des géants dont nous avons parlé, l’éducation des enfants doit conserver chez les peuples héroïques cette sévérité, cette barbarie originaire ; les Grecs et les Romains pouvaient tuer leurs enfants nouveau nés ; les Lacédémoniens battaient de verges leurs enfants dans le temple de Diane, et souvent jusqu’à la mort.

1393. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

On pouvait se parler d’une fenêtre à l’autre. […] — Précisément  Et l’on ne parla plus d’aïeux ce soir-là. […] C’est un personnage du livre qui parle. […] Qui eût voulu parler quand Méry était là! […] Il ne faut pas parler ses livres, il faut les faire.

1394. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 316-318

On avoit beaucoup parlé de Romans dans sa Société. […] Nous ne parlerons pas des anonymes Productions de Madame de Tencin.

1395. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Je parlais très vite à Cros de mon admiration pour Mallarmé, il répondit : « C’est un Baudelaire cassé en morceaux, qui n’a jamais pu se recoller » ; je lui parlais de Verlaine, disparu, évanoui, et de Rimbaud. […] On parlait assez couramment, entre autres Paul Adam qui réalisa son désir, de romancer sur Byzance. […] On parlait bien parfois de Tiel Ulenspiegel, mais si peu ! […] Elle ne chanta plus, elle parla, d’une voix précise, mais lointaine, comme atténuée. […] Les humbles croyants qui lui parlent rencontrent un confesseur un peu bouddhiste.

1396. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Ils en parlaient avec leurs amis. […] Ce soir-là on parlait de l’art du roman. […] On entend que je veux parler de Balzac. […] Elle remit sa lettre sans parler de son projet. […] Ainsi quand il nous parle du nez de Cléopâtre.

1397. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Elle n’en a entendu dire que du mal à ses frères les anges, qui ont eu l’imprudence de lui en parler un jour : c’est assez pour que déjà elle se destine à lui et qu’elle l’aime. […] Quelqu’un a dit : « Il faut écrire comme on parle, et ne pas trop parler comme on écrit. » M. de Vigny ne suivait pas le précepte : il conversait comme il écrivait ; il pointillait chaque mot ; il laissait peu pénétrer d’idées étrangères dans le tissu serré et le fin réseau de sa métaphore ou de son raisonnement. […] Je ne répondrais pas que dans ces visites M. de Vigny ne se soit pas montré plus homme de lettres qu’il ne convenait peut-être à un homme du monde, qu’il n’ait point essayé de parler de lui comme il aurait désiré qu’on en parlât, qu’il n’ait point offert peut-être de donner une clef de sa pensée et de ses écrits à l’homme d’esprit qui se croyait fort en état de s’en passer ou de la trouver de lui-même. […] Je parle au point de vue de l’art : il est un autre point de vue encore. […] Si vous voyez cet Alfred, parlez-lui de nous et regardez-le ; il me semble impossible qu’un certain nom ne flatte pas son oreille.

1398. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Après avoir ainsi traité tous les genres et parlé toutes les langues dans les œuvres diverses, Mozart se résume dans un effort suprême et nous donne, avec la partition de Don Juan, la plus complète expression de son génie. […] Lorenzo part, il arrive à Hambourg, il traverse l’Allemagne et les Alpes ; il arrive ivre d’amour pour le ciel retrouvé de sa patrie, à Castelfranco, non loin de Venise et de Cénéda, sa ville natale ; laissons-le maintenant parler. […] « Comme personne ne me parlait de mes deux autres frères chéris, Jérôme et Louis, enlevés par la mort à la fleur de leur âge, je me gardais bien d’en prononcer moi-même le nom, de peur d’attrister, par quelques douloureuses réminiscences, la joie de ce beau jour. […] « Comme son cœur avait besoin de se soulager, je pensai que c’était le moment de lui parler de ses deux fils perdus pendant mon absence. […] Les hommes parlent, les anges chantent.

1399. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

« Parlons de votre dernière lettre ; elle est bien aimable. […] Je suis un peu inquiet de Ladvocat, dont je n’entends plus parler ; ferait-il banqueroute ? […] Aujourd’hui je ne puis vous parler que du bonheur de vous revoir jeudi. » Que cette commémoration est touchante, et qu’il y a de vraie sensibilité dans cette date ! […] Charles X ne daigna pas lui parler. […] Il était la fidélité bruyante ; il y parut, il y parla, et revint sans avoir produit autre chose qu’un effet poétique, des cheveux blancs sur une scène du passé.

1400. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Son amie, dont nous allons beaucoup vous parler, venait de lui faire élever un lourd et assez plat monument funéraire à côté des tombeaux de Machiavel et de Michel-Ange (ces vrais grands hommes !) […] On m’avait bien prévenu que le roi n’adressait la parole qu’aux étrangers de distinction, et, qu’il me parlât ou non, je n’y tenais guère. […] Un jour, en 1770, le duc de Choiseul, qui avait songé un instant à la restauration des Stuarts, fait exprimer au Prétendant le désir de lui parler très confidentiellement à Paris. […] Il parle du Piémont et de ses souverains en Coriolan vengeur ; il passe son temps librement en sigisbé assidu et toléré dans la maison de son ami. […] On y parle français : il y a quelques religieuses d’un mérite très distingué.

1401. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Je ne parle pas de son génie en général, c’est trop évident ; je ne parle que de sa Physique en particulier, et je pense que la théorie du mouvement, telle qu’elle s’y présente, est le point de départ de toutes les théories qui ont suivi sur le même sujet. […] Le miel prend de la consistance en se mûrissant, si l’on peut parler ainsi. […] Elle parle à tous les hommes le même langage, quoique tous ne l’entendent pas également. […] S’il n’est pas facile déjà de faire parler la raison au cœur de l’homme, c’est une tâche bien autrement ardue de la faire parler au cœur des peuples, en supposant qu’on ait soi-même le bonheur de l’entendre. […] « Aristote n’a pas profité de cet avertissement suprême ; et il est difficile de parler de l’âme plus improprement qu’il ne l’a fait.

1402. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Reléguée hors de leur vie, pour ainsi dire, elle parle encore par ce stérile amour pour une perfection qu’on ne leur demande pas. […] Pour ne parler que de la question de la richesse, qui occupe si fort l’utopiste, comme si convoitise et utopie étaient un peu parentes, on demande à Rousseau ce qu’il faut faire de la richesse. […] De quels enfants parlait-il ? […] Je ne m’étonne pas que ce mariage, où un sophiste a remplacé la mère auprès de la jeune fille et Dieu auprès des deux époux, où l’homme qui défend qu’on parle des vices aux enfants, pour ne pas les rendre vicieux, ose parler de l’incontinence dans le mariage, au risque d’en suggérer l’idée ; je ne m’étonne pas, dis-je, qu’un pareil mariage ait mal tourné. […] » Qu’il parle pour lui.

1403. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Comment voulez-vous que de telles gens, s’ils se mêlent de parler à la multitude, n’encourent pas sa disgrâce. Ceux-là seuls parlent au peuple un langage intelligible qui s’adressent à ses passions ou qui s’intitulent ducs ou comtes. […] On parle sans cesse de liberté, de droit de réunion, de droit d’association. […] Nous usons la force pour conserver à tous le droit de radoter à leur aise ; ne vaudrait-il pas mieux chercher à parler raison et enseigner à tous à parler et à comprendre ce langage ? […] À quoi sert d’être libre de parler et d’écrire si l’on n’a rien de vrai et de neuf à dire ?

1404. (1894) Textes critiques

De Guignet, deux jeunes filles penchées sur l’aube douce des fleurs, et le Forgeron roussi dont je parle ailleurs ; — ainsi que des Maufra restés.‌ […] Lisons ce livre avec un plaisir doux en attendant de parler de la pluie d’étoiles miroitantes de Monnaie de Fer.‌ […] De celui-là qui l’aime doit mieux n’en point parler, et dire : Allez-y voir. […] Et j’écoutai dans le désert celui qui allait parler. […] S’il était semblable à la nature, ce serait un duplicata superflu… On parlera plus loin de la nature décor.

1405. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Cela parle aux yeux, mais cela ne dit pas le mot à l’esprit, ni au cœur. […] Cela parle, cela s’entend. […] Cela parle et cela s’entend. […] Cela parle encore et cela s’entend, sans dire le mot. […] Parle, ô déesse, et que les romains te doivent la paix et le repos.

1406. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Mais le présent réel, concret, vécu, celui dont je parle quand je parle de ma perception présente, celui-là occupe nécessairement une durée. […] D’où vient alors qu’une existence en dehors de la conscience nous paraît claire quand il s’agit des objets, obscure quand nous parlons du sujet ? […] L’ordre des représentations est donc nécessaire dans un cas, contingent dans l’autre ; et c’est cette nécessité que l’hypostasie, en quelque sorte, quand je parle de l’existence des objets en dehors de toute conscience. […] Nous parlions tout à l’heure de la récente hypothèse qui attribue le sommeil à une interruption de la solidarité entre neurones. […] La vérité est qu’il y a un cas, un seul, où l’observation semblerait d’abord suggérer cette vue : nous voulons parler de l’aphasie, ou plus généralement des troubles de la reconnaissance auditive ou visuelle.

1407. (1900) Molière pp. -283

Toutes les pièces de Scribe, pour ne parler que de lui, en sont remplies. […] Tu es un philosophe bien subtil ; mais, puisque tu es si subtil, ne vois-tu pas qu’Aspasie et moi nous avons à nous parler ? […] Nous t’écoutons aussi, nous ; voyons, parle, explique-nous l’origine des choses, si tu crois que je viens chez Aspasie pour philosopher. […] Si j’ai rempli Athènes de mes folies, peut-être, pensais-je, en fixant l’attention universelle, que j’attirerais aussi la sienne ; plus on parlera autour d’elle des saillies de mon humeur frivole, plus elle en parlera elle-même, et la curiosité m’ouvrira le chemin de son cœur. […] Ceux-ci parlent modérément et ne maîtrisent pas toujours leur langue ; celles-là, qui parlent sans cesse, et de tout, ne disent rien que ce qu’il leur faut dire.

1408. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Taine, dans ses Essais de critique et d’histoire, en a très agréablement et très spirituellement parlé ; M.  […]  » Est-ce Montaigne, est-ce Pascal qui parle ? […] On s’est fait depuis lors une agréable obligation de réparer l’erreur ; et tant de maîtres, l’un après l’autre, ont si bien parlé de Gil Blas, qu’il pourrait sembler inutile d’en parler une fois de plus. […] sans doute, je sais que Werther, que René, que Lélia, quand leur temps sera venu, parleront d’un autre style. […] C’est une femme ici qui parle, et une femme qui donne le ton à la meilleure société de son temps.

1409. (1925) Dissociations

Il faut croire qu’elle est inutile et que j’ai parlé dans le néant, car les hommes continuent à vivre, à penser et à sentir dans la confusion. […] Il ne parlait qu’après dîner et pourvu qu’il eût trouvé un Louis sous sa serviette. […] Je parle du voleur de trains de luxe, puisque ces remarques ont été suggérées par une petite aventure récente dont ont parlé les journaux. […] C’est tout le corps qui parle et il parle un langage délicat sensible seulement à l’intelligence. […] Et je ne parle pas seulement des maîtres dans l’école et dans la classe, je parle des maîtres dans la vie.

1410. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « II » pp. 9-11

Dans la Revue des Deux Mondes du 1er mars, il y a une chronique où Rossi, nageant entre deux ou trois eaux, et ne voulant guère parler de choses d’ici, a très-bien parlé, ce me semble, de Genève et de la Suisse.

1411. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 175-177

Pendant tout le temps que M. l’Abbé Aubert a été chargé de la continuation du Journal de Trévoux, il a eu le courage de parler avec impartialité de tous les Ouvrages, &, ce qui est plus courageux encore, de tous les Auteurs. Nous userons de la même liberté à son égard, & nous ne craindrons pas de dire qu’il auroit dû laisser aux autres Ecrivains le soin de parler de lui.

1412. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 113-114

L’Ouvrage dont nous parlons a exigé la plus grande assiduité & les plus grands efforts de patience ; ce qui suffit pour obtenir grace à son Auteur sur plusieurs inexactitudes échappées à son attention. […] L’Editeur s’est sur-tout appliqué à donner une idée des Ouvrages qui ont précédé l’établissement des Journaux littéraires, ou dont les Journalistes n’ont pas parlé.

1413. (1886) Le naturalisme

Les héros de ces romans, tout en portant des noms grecs, turcs et romains, parlaient et sentaient comme des Français contemporains des Précieuses. […] Nous ne parlons pas d’Alexandre Dumas et d’Eugène Sue, nous parlons seulement de George Sand qui vaut infiniment plus qu’eux. […] Non-seulement les individus, mais encore les choses, avec le pourquoi irraisonné de leur charme ou de leur déplaisance, leur parlaient mêmement à tous les deux. […] Il parle toujours de sa femme, non pas d’une manière galante ou passionnée, — ce qui n’est pas dans ses notes, — mais affectueusement et avec une extrême cordialité. […] Par malheur, on ne peut nier non plus que personne ne parle plus ainsi, comme un personnage de Cervantès.

1414. (1895) Hommes et livres

Il écoutait beaucoup et parlait peu. […] Nisard avait pu tout d’abord oublier d’en parler. […] C’est se payer de mots que de parler ainsi. […] D’abord lorsque, sentant la lutte impossible, il se replie ; alors il sait se taire, mieux encore, parler peu et parler bas, il a du tact, du calme, de la mesure. […] Qu’on ne lui parle pas d’un carrosse de louage : il ne déshonorera pas son maître.

1415. (1901) Figures et caractères

Maurice Paléologue parle de lui avec délicatesse et réserve. […] La bouche d’ombre parle. […] Napoléon lui parla. […] Il correspondait par télégrammes et parlait par apologues. […] Wilde parlait.

1416. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

On parla beaucoup dans le monde de l’accusation portée contre David et de sa condamnation à la prison. […] Mais, ajouta-t-il en ayant l’air de parler à tout le monde, quoique parlant de Ducis, il ne faut pas vouloir faire plus qu’on ne peut. […] Ils parlaient peu, si ce n’est avec Granet et de Forbin ; mais ils se montraient affables et polis envers tous. […] … Mais je vous parle très-sérieusement. […] À plusieurs reprises, il renouvela cet éloge en évitant de parler du fond de la composition.

1417. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il parle pour se faire comprendre, voilà tout ; et va comme je te pousse ! […] Mais cela ne lui, donne que plus de sécurité pour en parler à son aise. […] Brunetière la parle, lui, aussi parfaitement que Bersot parlait celle du commencement du XVIIIe siècle. […] Est-il assez content de parler la bonne langue, la meilleure, la seule ! […] Et, pour parler à peu près sérieusement, faisons les comptes.

1418. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Je parle en ce moment de Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Vigny etc. […] Il parlait avec une remarquable facilité, en me tenant par le bouton de mon habit. […] Jusqu’alors je ne savais à qui je parlais. […] — Ne m’en parlez pas ! […] Mais alors, accordons-leur trois mois d’été, et n’en parlons plus !

1419. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Ne me parlez pas de Charleroi ! […] Rien, dans ce que nous voyons, n’y ressemble… » N’en plus parler ? […] Il parle beaucoup, fût-il seul : c’est qu’il n’a pas l’impression d’être seul, les animaux, les arbres et les meubles étant ses amis, ses confidents ; il parle à son petit jardin, il parle au paysage qu’il aime et il parle à son bonheur. […] … » C’est Potterat qui parle ainsi ? […] Il a parlé ; il a énormément parlé : son langage n’était pas médiocre.

1420. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il est bien inutile de parler de Newton et de tant d’autres  On dira peut-être : Ces traits sont la marque d’une vocation qui se révèle. […] A proprement parler, c’est moins un état qu’un intermède entre deux états, une rupture brusque, une lacune, un hiatus. […] Us n’en parlent qu’en termes vagues ou mystérieux, comme d’un « état de l’âme » et d’une manifestation hyperorganique. […] Rappelons aussi le rôle des mouvements respiratoires dont Feehner ne parle pas. […] Il y a une agitation constante, un besoin continuel de parler, de crier, d’agir violemment.

1421. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Mais le Tasse est presque toujours faux quand il fait parler le cœur ; et, comme les traits de l’âme sont les véritables beautés, il demeure nécessairement au-dessous de Virgile. […] « Pendant qu’il parle, Herminie attentive recueille un discours dont la douceur l’enchante ; la sagesse du vieillard pénètre son cœur et calme l’orage de ses sens. […] Ainsi parlait cette amante égarée aux arbres insensibles et sourds. […] « Un jour que le père Biondo, célèbre prédicateur, confesseur du cardinal, était avec nous dans l’antichambre, en attendant son tour d’être reçu, et que nous parlions du Dante, il le blâma d’avoir parlé de lui-même en termes trop présomptueux. […] Il ne me convient plus, dans un tel état, de parler de ma mauvaise fortune obstinée, ou de me plaindre de l’ingratitude du monde qui a remporté sa victoire en me conduisant indigent à ma tombe, tandis que j’avais toujours espéré que cette gloire (quelque chose que soit la gloire) que mon siècle va tirer de mes écrits ne m’aurait pas laissé mourir sans récompense.

1422. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Brucker et Tennemann, sans parler de Tiedemann, la passent dédaigneusement sous silence. […] L’âme est donc l’achèvement du corps, sa perfection, son acte, et, pour parler la langue aristotélique, son entéléchie5. […] Si Platon a mieux parlé de la morale que ne l’a fait Aristote, si surtout il a su l’inspirer mieux que son disciple, n’en cherchons pas d’autre cause. […] Je ne parle pas de cette philosophie qui écrivait en vers et conservait, au grand préjudice de la pensée, les indécisions de la poésie, sans en garder les grâces. […] Parfois même, on parle de quatre, en y joignant celle de Vida.

1423. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Enfin, il se rend à ses instances, et la Destinée parle par sa voix. […] Parle, si tu le peux sans péril. » — « Il célébrera des noces déplorables. » — « Avec une déesse ? […] Parle, s’il est permis. » — « Qu’importe avec qui ? […] Le père t’ordonne de dire quel est cet hymen dont tu parles avec insolence, et qui doit le renverser de son trône. […] Ailleurs, il parle des Croix du Caucase, Crucibus Caucasorum.

1424. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Dans l’illusion de ses regrets, il parlait de 1811 et des concours glorieux comme d’hier. […] Il s’est ressouvenu ainsi plus d’une fois qu’il parlait en Sorbonne (comme il disait), et il s’est détourné spirituellement là où son tact pouvait tout oser. […] Villemain, ajoutait avec sa vivacité pittoresque de critique : « Mais lorsqu’on est aguerri au feu, si j’ose ainsi parler, c’est alors qu’on est frappé de la fécondité, de la sagacité, de l’étendue et de la justesse des vues du professeur. » Benjamin Constant, dans un charmant portrait de femme, a parlé de ces traits d’esprit, qui sont comme des coups de fusil tirés sur les idées, et qui mettent la conversation en déroute. […] Villemain parler de Milton, de ce Paradis Perdu qu’il traduit aujourd’hui, et qu’on attend. […] Villemain se détachait nettement de ceux du Globe qui parlaient avec peu de révérence de la langue courtisanesque de Louis XIV, qui traitaient cavalièrement le grand style de Bossuet, et faisaient bon marché de l’originalité française.

1425. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

C’est la loi du pays, c’est de ce qu’ils appellent la spécialité : retire-toi de notre soleil, chante quand il faut parler, cache-toi quand il faut combattre, et fais l’amour en cheveux blancs !  […] XII C’est ainsi que le jeune poète dont je parle vient de faire sa modeste apparition dans le demi-jour. […] Cette poésie qui marche à pied, qui ne se drape pas à l’antique, qui ne se met ni blanc ni rouge sur la joue, qui ne porte ni masque tragique ni masque comique à la main, mais qui a le visage véridique de ses sentiments, et qui parle la langue familière du foyer, cette poésie qui semble une nouveauté parce qu’elle est la nature retrouvée de nos jours sous les oripeaux de la déclamation et de la rhétorique en vers, sera la poésie de ce nouveau venu dans la famille qui chante. […] Ces vers parlent malheureusement de moi ; ils en parlent avec cette exagération d’affection qui exagère aussi démesurément le nom de l’hôte chez lequel on va souper le soir d’un beau jour : c’est la politesse des poètes. […] XX Je parlerai surtout bientôt d’un autre hasard ou plutôt d’un autre bonheur de génie, dans une rencontre qui nous a donné et qui donnera probablement à l’Angleterre, à la France, à l’Europe, d’étranges étonnements et de vives admirations quand l’heure sera venue.

1426. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Quand je parle du bouddhisme de M.  […] Kaïn est, si l’on veut, un Prométhée qui parle et sent comme Lucrèce, c’est-à-dire comme le plus jeune des poètes anciens. […] Je trouve tout cela dans Kaïn, et c’est par là qu’il est si complètement moderne  Sans parler davantage de l’âpre et généreuse pensée qui est au fond de cette belle histoire symbolique, le passé surgit aux regards de Thogorma avec une précision si poignante et dans un détail si arrêté qu’on n’y peut rien comparer, sinon les plus belles pages de Salammbô. […] Je ne dirai rien de ces poèmes, sinon qu’ils partent de la même inspiration que ceux dont j’ai parlé et que la forme en est aussi parfaite. […] Ils ne se parlent point, ils n’ont pas commerce d’amour, car elle n’est ni consciente ni juste, et elle ne saurait aimer.

1427. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Chacun des acteurs parlera comme il doit parler ; les scènes se suivront franchement et se déduiront logiquement ; l’orchestre enveloppera la tragédie d’une atmosphère de sons appropriés, commentera les péripéties, fera comprendre les âmes et, par des mélodies typiques qui circuleront à travers toute l’œuvre, rappellera à la pensée de l’auditeur tel personnage, telle situation, telle émotion. […] La Revue et Gazette musicale, qui n’avait donné du concert de 1860 qu’un compte-rendu insignifiant, reçut, en 1865, une correspondance non signée où il était surtout parlé de l’excentricité de M.  […] La Revue et Gazette reproduisit encore un article de la Revue des Deux Mondes, par Blaye de Bury (sous le pseudonyme de Lagenevais) : « Puisque nous sommes en Allemagne, (on vient de parler de Mendelssohn), restons-y pour nous donner un amusant spectacle… » Ensuite un développement de ce thème : « Heureuse Bavière, Bavaria félix… qui possède M.  […] Ils se cachèrent derrière les mitres et virent les deux amants se parler tendrement et se faire mille caresses. […] Dans nos concerts on parle, chez M. 

1428. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

On y parle en style de papier timbré, on y dresse des actes de vente et des contrats de mariage, à dérouter un vieux praticien. […] Qu’on l’interdise et n’en parlons plus. […] Tout à l’heure encore, il rangeait Navarette parmi sa livrée ; il en parlait comme d’une bête de luxe qu’il aurait à son râtelier. […] vois Loredan. — Parle : Étais-je innocente ? […] Qu’ils parlent, si bon leur semble ; on leur répondra.

1429. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

— Parler ainsi, peut-on répondre, c’est oublier que les dimensions des choses sont toutes relatives, et que, par rapport à des vibrations infiniment petites, notre cerveau devient un monde infiniment grand. […] Les physiologistes croient se dispenser d’admettre l’élément psychologique en attribuant comme propriété à la matière vivante l’irritabilité, mais cette irritabilité dont ils parlent tant est un mot vague qui désigne deux choses différentes, quoique inséparables : d’une part, la sensibilité intérieure, d’autre part, le mouvement extérieur. […] Une jeune fille, dans le paroxysme de la fièvre, parle le gallois, langue oubliée de son enfance. […] Certains malades ont oublié une des langues qu’ils savent ; d’autres ne savent plus écrire et savent encore parler ; d’autres ne savent plus parler et savent écrire ; d’autres ne peuvent ni parler ni écrire, mais reconnaissent le sens des mots qu’en prononce ou qu’on écrit. […] Tel ce grand propriétaire dont parle Trousseau, qui se faisait présenter les baux, traités, etc., et, par des gestes intelligibles seulement pour ses proches, indiquait des modifications à faire, le plus souvent utiles et raisonnables.

1430. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Il l’inonde pendant trente ans de sentiments vrais, d’idées fausses, de romans systématiques et de systèmes politiques plus romanesques que ses romans ; mais il l’enivre en même temps du plus beau style qu’aucune langue ait jamais parlé depuis les Dialogues de Platon. […] Rousseau l’éloquence de nos tribunes ; il était le maître de diction des orateurs qui allaient naître et parler après sa mort. […] Remarquez bien que nous ne parlons ici que des lettres et non des sciences. […] Démosthène et Cicéron ne parlaient que pour eux, de leurs affaires ou de leur nation : nous parlions pour l’humanité tout entière ; notre affaire était l’affaire de la raison générale, la cause de l’homme et de l’esprit humain. […] Il n’y avait qu’à rire : on frémit, tout fut perdu ; la démocratie avait laissé parler les fous, on la crut folle elle-même.

1431. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Il parle pourtant des passions qui l’entraînaient ou du moins auxquelles il croyait devoir céder, faussement persuadé alors que les passions sont la mesure de la force et de l’énergie. […] Il parle en un endroit et « de la décadence de ce corps qu’il a tant aimé », de la prétention qu’il avait eue « d’être placé au premier rang par les qualités agréables et solides, par la beauté du corps comme de l’esprit ». […] Doué d’une organisation délicate qui lui donnait l’éveil et le qui-vive sur quantité de points du dedans, enclin à s’écouter et à se sentir vivre, il commença de bonne heure à noter les états successifs et, pour ainsi parler, les variations atmosphériques de son âme ; il se rendit compte de lui à lui-même. […] Maine de Biran se plut toute sa vie à embellir cet héritage paternel et à en faire une de ses créations ; mais, à l’époque dont nous parlons, il ne pensait d’abord qu’à s’y recueillir un peu. […] Bien d’autres ont passé par le même chemin, mais il y procède à sa manière, il y parle avec son accent.

1432. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Quoi qu’il en soit de ces aperçus toujours sujets à conjectures et qui demanderaient bien des développements, tel était, dans le plus beau de son rôle et dans l’ensemble de sa physionomie, l’homme qui, à vingt-deux ans, se mit à causer de toutes choses par lettres avec Vauvenargues ; et ici nous n’avons plus qu’à les laisser parler l’un et l’autre. Ce sont deux jeunes militaires, ne l’oublions pas ; ils parlent de tout, même de femmes. […] Vous me l’avez dit assez souvent ; je n’y ai pas pensé quand il le fallait ; j’ai laissé prendre à mes étourderies la couleur des crimes, n’en parlons plus. […] Je ne sème point ici de louanges, c’est la vérité qui parle ; des gens du meilleur goût, ayant vu vos premières lettres, m’obligent à leur envoyer toutes celles que je reçois de vous, et je les ai entendus s’écrier, quand je leur ai dit que vous n’aviez pas vingt-cinq ans : Ah ! […] Mirabeau qui va et vient à sa guise, qui est maître d’une fortune considérable dont il use et abuse déjà, qui n’est à son régiment que quand il le veut bien ; qui, dès que l’envie lui en prend, s’installe à Paris où il va acheter un hôtel ; qui, cette année même (1740), achètera la terre de Bignon dans le Gâtinais pour être toujours à portée de la capitale, Mirabeau en parle donc bien à son aise.

1433. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

qui me fera penser et parler d’honnêtes gens, des natures non gâtées, comme elles ont l’habitude de sentir et comme elles s’expriment ? […] Les arbres, qui déjà n’étaient plus verts, le jour moins ardent, les ombres plus longues, les nuées plus tranquilles, tout parlait, avec le charme sérieux propre à l’automne, de déclin, de défaillance et d’adieux. […] Au premier abord, cette disproportion ne se fait pas encore sentir : « Elle sortait du couvent ; elle en gardait la tenue comprimée, les gaucheries de geste, l’embarras d’elle-même ; elle en portait la livrée modeste ; elle usait encore, au moment dont je vous parle (c’est Dominique qui raconte), une série de robes tristes, étroites, montantes, limées au corsage par le frottement des pupitres, et fripées aux genoux par les génuflexions sur le pavé de la chapelle. […] Elle en parlait, dans le premier désordre d’une mémoire encombrée de souvenirs tumultueux, avec la volubilité d’un esprit impatient de répandre en quelques minutes cette multitude d’acquisitions faites en deux mois. De temps en temps elle s’interrompait, essoufflée de parler, comme si elle l’eût été de monter et de descendre encore les échelons de montagne où son récit nous conduisait.

1434. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Dans le drame espagnol, don Diègue parle d’une incursion des Maures des frontières, qui ont fait du butin et qui emmènent des prisonniers ; l’occasion s’offre de rendre un signalé service en leur coupant la retraite ; il s’agit de se mettre au plus tôt à la tête de cinq cents amis et parents, déjà rassemblés et convoqués à cette fin. […] Les spectacles de cette espèce doivent être regardés d’en haut. » Sancho parlerait comme ce berger. […] En France, dans la tragédie (je parle comme si l’on y était encore), on ne voit pas les choses si en réalité et en couleur ; on est plus ou moins de l’école de Descartes : Je pense, donc je suis. […] Après avoir longtemps parlé comme un bailli, ce roi tout d’un coup s’exprime en roi. […] Corneille avait trente ans quand il fit le Cid : bel âge où il avait tout son lutin (ce lutin dont parlait Molière) et tout son démon.

1435. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Elle a cela pour elle, Que les sots d’aucun temps64 n’en ont pu faire cas, Qu’elle nous vient de Dieu, — qu’elle est limpide et belle, Que le monde l’entend et ne la parle pas. […]Parle, aimes-tu ton père ? […] Pourquoi ces deux M. voix mystérieuses, qui ont parlé à Frank endormi, n’ont-elles plus à retentir à son oreille ? […] Il n’est pire fléau qu’un méchant poëte, ni de plus acharné, sous prétexte qu’il parle la langue des dieux. […] Non ; cette main que voilà serait plutôt capable de rougir l’infinité des mers, changeant leur couleur verte en sang. » (Acte II, scène II.) — Et encore (acte V, scène ier ), lorsque lady Macbeth se parle dans son délire, en frottant la tache à sa main : « Il y a ici une odeur de sang toujours ; tous les parfums de l’Arabie ne sauraient purifier cette petite main. » — Et dans l’Œdipe-roi, acte V, scène i, sur les horreurs de la maison de Cadmus : Non, les eaux du Danube et du Phase épanchées Ne laveraient jamais les souillures cachées Dans cet abominable et sinistre séjour… 71.

1436. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Il faut, quand on parle d’un marchand, nommer, comme La Fontaine, « les facteurs, les associés, les ballots, le fret », raconter la vente « du tabac, du sucre, de la porcelaine et de la cannelle. » Si vous voulez peindre un singe qui dissipe le trésor de son maître et fait des ricochets avec des louis, ne dites pas simplement qu’il jette l’argent par la fenêtre ; donnez le détail de cet argent ; appelez chaque pièce par son titre ; amoncelez les « pistoles, les doublons, les jacobus, les ducatons, les nobles à la rose » ; nous nous rappellerons l’effigie et l’exergue, et, au lieu de comprendre, nous verrons. […] Il parle assez peu respectueusement de ces princes « qui vont s’échauder bien loin pour le profit de quelque roi » ; c’est le mot d’un homme qui a vu bouillir la marmite. […] On se lance jusque dans des phrases qui semblent d’abord des niaiseries ; on parle « d’un chat qui fait la chattemitte », et « d’un saint homme de chat. » On imagine des épithètes héroïques à la façon d’Homère : « le chat grippefromage, triste oiseau le hibou, Rongemaille le rat, le milan porte-sonnette. » On change en dieux, à la façon des peuples primitifs, des conjonctions et des adjectifs. « Que-si que-non frère de la Discorde, avecque Tien-et-Mien son père. » On invente comme le peuple ces expressions hardies, étranges, qui faisaient dire à l’abbé d’Olivet qu’on fabrique plus de tropes en un jour à la halle qu’en un an à l’Académie. […] Il n’ose être sincère, montrer la chose toute nue, parler sans apprêt, en bonhomme, retomber du haut du style passionné dans les petites idées communes qui viennent ensuite. […] Qu’on réserve l’alexandrin pour le drame et la tragédie, à la bonne heure : les personnages parlent d’un ton sérieux et soutenu.

1437. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

M. de Régnier sait fréquemment éviter la manière d’allégorie dont je viens de parler, ou plutôt s’il marche constamment à son extrême limite, il a sa manière propre d’y échapper lorsqu’il s’y sent glisser. […] Et c’est encore la suggestion dont je parlais plus haut ; l’idée, acquérant ainsi l’aspect d’une chose inconnue puisque le lecteur ne la vit jamais auparavant environnée de ces similitudes rayonnantes, semble naître à la vie par un effort de son esprit. […] Mais, je l’ajoute bien vite, rien dans ses vers ne fait songer à la « pièce à thèse » dont je parlais tout-à-l’heure. […] Mais au contraire de M. de Régnier dont le Je paraît représenter non le poète, mais un personnage supposé, il ne reste pas toujours fidèle à l’expression indirecte ; lorsqu’il n’use pas du symbole, il parle simplement sa pensée. […] Je ne parle pas ici des leit-motive en général, — ils désignent admirablement les mouvements de l’âme en traduisant le geste ou l’attitude qui les exprime, — mais de quelques-uns d’entre eux comme le thème de l’anneau, par exemple.

1438. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il faut absolument que je fasse ce qu’il détestait le plus quand cela n’était pas à deux siècles au moins de distance, une biographie ou du moins quelque chose qui y ressemble, et qui rende quelque vie, quelque physionomie, à ce qui de soi seul parlerait peu. […] Ce roman, d’ailleurs, est froid ; le soi-disant Gascon manque tout à fait de verve gasconne ; c’est partout l’auteur qui parle, on le sent, et non son cadet. […] On sent que l’auteur ne parle point de tout cela « tanquam potestatem habens », comme dit l’Écriture, « en tant qu’ayant pouvoir et vertu. » Son meilleur emploi est ailleurs. […] » On a parlé d’autres morceaux inédits de M.  […] Là où il était le mieux à rencontrer et à entendre, le plus à son avantage peut-être, c’était au Cercle des Arts, son lieu d’habitude, où il venait tard et où il se plaisait assez à parler quand un petit nombre de gens d’esprit l’environnaient.

1439. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

La façon dont le cardinal de Retz parle de lui-même, la franchise avec laquelle il découvre son caractère, avoue ses fautes, et nous instruit du mauvais succès qu’ont eu ses démarches imprudentes, n’encouragera personne à l’imiter. […] Quand je viens en parler aujourd’hui, ce n’est point toutefois pour y chercher aucune application politique, ni pour y pratiquer aucune perspective selon les vues du moment ; j’aime mieux les prendre d’une manière plus générale, plus impartiale, et plus en eux-mêmes. […] Possédé de l’ardeur de faire parler de lui, et d’arriver au grand, à l’extraordinaire ; en même temps qu’il entrait dans le monde sous le règne d’un ministre despotique, il n’avait de ressource que dans l’idée de conspiration, et il tourna de ce côté ses prédilections premières, comme, en d’autres temps, il les eût peut-être inclinées autre part. […] On peut observer comme dans ses Mémoires, où il parle de lui-même avec si peu de déguisement, il emploie perpétuellement ces expressions et ces images de théâtre, de comédie ; il considère le tout uniquement comme un jeu, et il y a des moments où, parlant des principaux personnages avec qui il a affaire, il s’en rend compte et en dispose absolument comme un chef de troupe ferait pour ses principaux sujets. […] il a toujours eu en tout, comme en son parler, de certaines obscurités qui ne se sont développées que dans les occasions, mais qui ne se sont jamais développées qu’à sa gloire » ; Mme de Longueville qui « avait une langueur dans ses manières qui touchait plus que le brillant de celles mêmes qui étaient plus belles.

1440. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Lorsqu’il envoya un exemplaire de son ode au grand tragédien Le Kain, il lui disait : Quelle sensation n’eût point faite cette ode où parle l’Ombre de Corneille, si vous l’eussiez lue sur le théâtre après Cinna ou Les Horaces ! […] Il sentait, du reste, tout ce qu’il y avait de discordant dans un tel lieu rapproché des circonstances où il le proférait : « Comment parler d’avenir, disait-il, à des gens que le présent dévore ?  […] Mais de quels ministres parlait-il donc, encore une fois, lui qui avait comparé Calonne à Sully ? […] Comme tant de poètes vieillissants, il aimait à parler de lui-même et s’y renfermait. […] Dans cette absence de tout principe d’honneur et de dignité, il poursuivait encore avec fierté je ne sais quels fantômes et quelles idoles qui lui parlaient d’un monde supérieur.

1441. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

C’est ainsi qu’en parlaient tous ceux qui ne la connaissaient que de réputation : « Mélise peut passer pour une des plus raisonnables précieuses de l’île de Délos », est-il dit dans Le Grand Dictionnaire des précieuses. […] À toutes ses plaintes, « on lui répondit, nous dit Mme de Motteville, que ma mère était demi-Espagnole, qu’elle avait beaucoup d’esprit, que déjà je parlais espagnol, et que je pouvais lui ressembler. » Mme Bertaut emmena donc sa fille, âgée de dix ans, en Normandie, où elle acheva de l’élever avec soin. […] Cette comédie italienne, représentée chez le cardinal, excita l’enthousiasme de quelques courtisans tels que le maréchal de Grammont ou le duc de Mortemart qui paraissait enchanté au seul nom des moindres acteurs ; « et tous ensemble, afin de plaire au ministre, faisaient de si fortes exagérations quand ils en parlaient, qu’elle devint enfin ennuyeuse aux personnes modérées dans les paroles ». […] Il me dit un jour qu’il était persuadé de cela, parce que je ne lui disais jamais rien des autres, que j’écoutais parler les mécontents, que j’étais dans leur confidence… Et en effet, plus d’un mécontent ne craignait pas de se confier à Mme de Motteville sans même qu’il y eût intimité, et on lui parlait « comme à une personne qui était en réputation de savoir se taire ». […] Cette religion éclairée et soumise lui a dicté dans ses Mémoires quelques pages qu’on peut dire charmantes autant qu’elles sont solides et sensées, sur les querelles du temps, sur les disputes du jansénisme et du molinisme, auxquelles les femmes n’étaient pas les moins pressées de se mêler : Il nous coûte si cher, dit-elle en se souvenant d’Ève, d’avoir voulu apprendre la science du bien et du mal, que nous devons demeurer d’accord qu’il vaut mieux les ignorer que de les apprendre, particulièrement à nous autres qu’on accuse d’être cause de tout le mal… Toutes les fois que les hommes parlent de Dieu sur les mystères cachés, je suis toujours étonnée de leur hardiesse, et je suis ravie de n’être pas obligée de savoir plus que mon Pater, mon Credo et les Commandements de Dieu.

1442. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Il en parla si bien que, peu de jours après, le prince de Marcillac ayant envoyé son intendant à M. d’Émery, celui-ci lui dit à la première rencontre : « Quand vous aurez quelque chose à me faire dire, envoyez-moi la casaque rouge (c’était Gourville en livrée) qui m’a déjà parlé une fois de votre part. » Cela donne occasion à Gourville de faire ses premières affaires auprès de M. d’Émery, tout à l’avantage et au profit de son maître : il y gagne lui-même un pot-de-vin, qui revient à deux mille livres sur dix mille. […] Il fit comprendre au prince, par son attitude à la messe, qu’il avait à lui parler en particulier, et, au sortir de l’église, Son Altesse lui dit de la suivre, l’emmena en carrosse, et le garda à dîner en tête-à-tête. […] Voici une lettre badine du prince de Conti, alors généralissime en Catalogue, adressée au duc de La Rochefoucauld, le premier auteur de fortune de Gourville ; elle est datée du camp de Saint-Jordy, le 17 septembre 1654 : Quoique j’eusse résolu, écrit le prince de Conti, de faire réponse à votre lettre et de vous rendre grâce de votre souvenir, j’ai présentement la tête si pleine de Gourville, que je ne puis vous parler d’autre chose. […] Son Altesse se l’étant fait lire, et n’y ayant pas trouvé mon nom, elle me jeta un regard de ses yeux étincelants, comme en colère, et me dit de faire ajouter les cinquante mille écus pour moi, dont elle m’avait parlé ; mais je la remerciai très humblement, lui représentant qu’il n’y avait point de temps à perdre, et que je la priais de le signer, ce qu’elle fit. […] Saint-Simon parle d’un mariage secret qu’aurait contracté Gourville avec une des trois sœurs de M. de La Rochefoucauld : ce sont là choses restées très secrètes et non éclaircies.

1443. (1902) Le critique mort jeune

Faguet a parlé de la « Henriade » en des termes qui ne laissent pas de doute. […] C’est de la théorie qui fait de l’intérêt le moteur universel qu’on veut parler ici. […] Observez le ton qu’il prend pour parler du « Roman de l’énergie nationale ». […] « Et pourtant je ne leur ai jamais parlé que de justice !  […] On n’a point parlé de l’intrigue qui est vive et bien agencée.

1444. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Diderot nous parle d’un éditeur de Montaigne, si modeste et si vaniteux à la fois, le pauvre homme, qu’il ne pouvait s’empêcher de rougir quand on prononçait devant lui le nom de l’auteur des Essais. […] Bien qu’il y ait eu peut-être quelque mérite à elle de donner le signal et de sonner la charge dans la mêlée, il ne convient pas qu’elle en parle comme ce bedeau si fier du beau sermon qu’il avait sonné. […] Chargée de faire la leçon au public, elle est exactement dans le cas de ces bons précepteurs dont parle Fontenelle, qui travaillent à se rendre inutiles, ce que le prote hollandais ne comprenait pas. […] Ce n’est plus croire à la rédemption que de parler ainsi ; c’est voir l’univers et l’humanité comme avant la venue, comme avant Job, comme en ces jours sans soleil où l’esprit était porté sur les eaux.

1445. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Si ce volume, qui ne doit pas contenir moins de six mille vers, tombait aux mains de lecteurs qui aiment peu les vers, et ceux d’amour en particulier ; si, d’après la façon austère et assez farouche qui essaye de s’introduire, on se mettait aussitôt à morigéner l’auteur sur cet emploi de sa vie et de ses heures, à lui demander compte, au nom de l’humanité entière, des huit ou dix ans de passion et de souffrance personnelle que résument ces poëmes, et à lui reprocher tout ce qu’il n’a pas fait, durant ce temps, en philosophie sociale, en polémique quotidienne, en projets de révolution ou de révélation future, l’auteur aurait à répondre d’un mot : qu’attaché sincèrement à la cause nationale, à celle des peuples immolés, il l’a servie sans doute bien moins qu’il ne l’aurait voulu ; que des études diverses, des passions impérieuses, l’ont jeté et tenu en dehors de ce grand travail où la majorité des esprits actifs se pousse aujourd’hui ; qu’il s’est borné d’abord à des chants pour l’Italie, pour la Grèce ; mais qu’enfin, grâce à ces passions mêmes qu’on accuse d’égoïsme, et puisant de la force dans ses douleurs, en un moment où tant de voix parlaient et pleuraient pour la Pologne, lui, il y est allé ; qu’il s’y est battu et fait distinguer par son courage ; que, s’il n’y a pas trouvé la mort, la faute n’en est pas à lui ; qu’ainsi donc il a payé une portion de sa dette à la cause de tous, assez du moins pour ne pas être chicané sur l’utilité ou l’inutilité sociale de ses vers. […] En commençant on ne peut s’empêcher d’être frappé, avant tout, de cette multitude d’épigraphes dont j’ai parlé ; l’auteur a cru devoir dire à ce sujet, dans son ingénieuse préface : « Je ne pense pas qu’on m’accuse d’avoir abusé des épigraphes. […] Mais, en laissant parler M. […] Ainsi, selon lui, le soleil de ses lettres de feu blasonne les coteaux ; la lune, glissant à travers le feuillage, d’une dentelle errante estampe les gazons ; ainsi, démontrant à Maria les richesses du ciel, il parle de ces tableaux qui, dans les nuages, Changent à chaque instant leur magique hypallage.

1446. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Il y en a qui sont générales et communes, et qui existent dans tous les esprits, au moins dans tous les esprits des hommes qui parlent la même langue. […] Certaines façons de parler proverbiales ne le sont devenues que par là :         Belle Philis, on désespère,         Alors qu’on espère toujours. […] Il arrive à chaque moment qu’un son appelle un son et le mot un mot : on s’amuse de leur cliquetis, et le hasard fait parfois qu’il en jaillit l’étincelle d’une idée : quand on regarde ce qu’on dit, après qu’on a parlé, il se trouve qu’on a dit quelque chose ; l’oreille a chassé pour l’esprit. « Traduttore, traditore », dit-on : sans la ressemblance des sons, on n’eût peut-être pas sitôt ni si bien remarqué la trahison que faisaient les traducteurs à leurs originaux. […] Hugo qui a pour titre la Vache 10, lire le vers où il parle Du beau coq vernissé qui reluit au soleil sans penser plutôt à une enseigne de cabaret et d’auberge qu’à une cour de ferme.

1447. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Colin Muset parlait une fois de son ménage : dans ces remuantes communes picardes, où les têtes sont chaudes, rien ne passionne plus les poètes du cru que les affaires locales, la vie de la cité, du quartier, du foyer, ils nous parlent d’eux, de leurs femmes, de leurs compères, raillant, invectivant, aimant, regrettant selon l’événement qui les inspire ou selon le vent qui souffle. […] Je veux parler de Rutebeuf, le poète parisien84. […] Mais c’est ici le lieu de parler de lui : pour la première fois, nous rencontrons dans l’histoire de notre littérature une individualité fortement caractérisée, qui se retrouve dans les ouvrages les plus divers.

1448. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Je prends un étrange chemin pour vous parler d’eux ; mais croyez que j’y arriverai d’autant plus vite que j’en suis plus loin… Lamartine est la poésie même. […] De quoi vais-je leur parler, mon Dieu ? […] S’il vient à parler des petites filles qui, l’été, vendent des fleurs aux terrasses des cafés et vendraient volontiers autre chose, il sait qu’il faut s’indigner, et il s’indigne. […] S’il parle de Mgr l’archevêque de Paris, il sait qu’il convient que le digne prélat soit « un fin prélat », et il lui prête des mots, et il nous entretient avec émotion des bons rapports du cardinal avec l’acteur Berthelier.

1449. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

« Entrent le duc Ottavio et Pantalon, son affidé, qui parlent de leurs affaires. […] Don Juan, qui se défie de lui, met l’épée à la main, et menace de le tuer, s’il s’avise de parler. […] Afin de le mettre en bonne humeur, il lui parle d’une veuve charmante, dont il est amoureux, et dit qu’il voudrait souper à l’instant pour aller au rendez-vous qu’elle vient de lui donner. […] Comme il ne peut parler qu’à peine, il dit que l’homme qui a fait ainsi (Arlequin baisse la tête) est là.

1450. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Le grand défaut des religions dont nous parlons était leur caractère essentiellement superstitieux ; ce qu’elles jetèrent dans le monde, ce furent des millions d’amulettes et d’abraxas. […] L’israélite pensait bien que son culte était le meilleur, et parlait avec mépris des dieux étrangers. […] Je rappelle que ce mot désigne simplement ici les peuples qui parlent ou ont parlé une des langues qu’on appelle sémitiques.

1451. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Quelques étrangères [Gabrielle d’Annunzio] « Je ne sais parler que de moi-même », déclare le héros du Feu. Et nous entendons bien que, lorsqu’un Stelio Effrena nous parle de lui-même, c’est Gabriele d’Annunzio qui, « sous le voile de quelque allégorie séduisante, avec le prestige des belles cadences », nous entretient de la « chère âme » de Gabriele d’Annunzio. […] Il parle toujours « avec un fluide abandon ». […] Puisque, au désordre vivant de ses odes et au désordre inorganique de ses romans, l’auteur de l’Intermède de rimes et du Feu ne sait parler que de lui-même, examinons qui il est.

1452. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Mais les grands Attiques protestèrent toujours contre ce serpent sonore dont le sifflement fascinait. « — Préférons, disait Platon, Apollon l’inventeur de la lyre à Marsyas l’inventeur de la flûte, c’est-à-dire un Dieu à un Satyre. » — Aristote condamne la flûte « parce que, loin de tempérer le caractère, elle l’excite à l’emportement, et que ses sons troublent la raison. » — « Que les Béotiens, s’écriait AIcibiade, soufflent dans les flûtes et les hautbois, puisqu’ils ne savent point parler. […] Un jour, aux Lénéennes, un homme, un inconnu, « quelqu’un », dit le Scholiaste, — είς τις — élu mystérieux de Melpomène, pris aux cheveux par elle, comme Achille le fut par Pallas, Habacuc par l’Ange, s’élance sur la table du sacrifice, converse avec le Chœur, lui parle, lui répond. […] Thespis arrive ; la statue surgit, la tragédie parle, abrupte et inculte encore, mais ayant déjà forme dramatique, perfectible puisqu’elle est viable : le miracle est fait. […] Les anciens en parlent avec ravissement — « C’est de là », — dit Aristophane dans les Oiseaux — « que Phrynicos a tiré le fruit de ses vers exquis comme l’ambroisie, et les chants si doux qu’il fait toujours entendre. » — Dans les Guêpes, il montre les vieillards se plaisant à fredonner ses refrains antiques, comme à boire un vieux vin qui les rajeunit.

1453. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Leur querelle a fait tant de bruit en Europe, on en a parlé si différemment, que c’est rendre service au public de lui en donner une histoire fidelle. […] Ce grave président lui rapporta que M. de Voltaire, dans un souper avec le roi, avoit mal parlé du qu’En dira-t-on & de l’auteur ; qu’il avoit prétendu que cet ouvrage étoit injurieux à sa majesté, qu’on l’y « comparoit lui-même aux petits princes Allemands, & qu’on traitoit ses courtisans de nains & de bouffons ». […] La critique porte sur les opinions singulières & ridicules où l’a conduit la fureur de dire des choses nouvelles, de se distinguer par sa manière d’écrire, comme il se distingua toujours par celle de s’habiller, de se présenter & de parler. […] L’écrivain le plus fait pour mériter des égards, se voyant ainsi la victime de la jalousie, & sacrifié par un prince dont l’histoire parlera longtemps, & pour lequel il avoit tout quitté, patrie, amis, parens, emplois, repos ; comprit, mais trop tard, qu’il avoit mal connu les rois : peut-être n’eût-il jamais été dans le cas de s’en plaindre, s’il eut pu se plier au manége des cours.

1454. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Ils se parlent sans se rien dire. […] Les surprises en sont bien ménagées ; les sentimens sont délicats ; les passions y parlent le langage qui leur est propre. […] On imagine bien que je veux parler de l’inépuisable Abbé Prévot, dont la vie fut remplie par beaucoup de ces incidens romanesques, qu’il sema dans ses écrits. […] Les autres personnages écrivent presque tous comme elle, & l’on sent trop que c’est le même homme qui les fait parler.

1455. (1760) Réflexions sur la poésie

Osons en dire davantage, et parler avec vérité. […] Nos meilleurs écrivains conviennent que les phrases, et si on peut parler ainsi, les formules du langage poétique sont insipides dans la prose. […] Il en est même de plus mécontents, qui n’attendent que le jour de leur arrêt pour lancer contre l’académie quelque épigramme qu’elle ignore ; ils se font d’ailleurs célébrer par des journalistes, car il y en a qu’on fait taire et parler comme on veut ; et si leur amour-propre n’est pas satisfait, il croit du moins être bien vengé. […] Il n’y a, ce me semble, qu’un seul poète épique parmi les morts, dont la lecture plaise et intéresse d’un bout à l’autre ; j’en demande pardon à l’ombre de Despréaux, mais je veux parler du Tasse : il est vrai qu’il a plusieurs siècles de moins qu’Homère et Virgile, et j’avoue que c’est là un grand défaut.

1456. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

De tous les livres d’une époque d’orgueil et d’illusion qui ont des prétentions et des visées immenses, il ne restera peut-être à lire fructueusement dans un siècle que de modestes et courageux travaux d’histoire, dont on parle à peine au milieu du fracas des grandes théories et de l’usurpation des sciences fausses. […] sans une philosophie de l’histoire ; l’histoire sans esprit de parti ou sans parti pris, sans prêchaillerie, sans thèse au fond, comme celle de Macaulay, par exemple, dont nous venons de parler, voilà ce qui doit venger une époque troublée comme la nôtre des impuissances de sa métaphysique et des démences de son orgueil ! […] Aussi doit-on le reconnaître, entre tous les historiens qui ont eu à parler de cet homme illustre, entre tous ceux-là qui touchent d’une main pieuse aux saintes poussières du passé, je n’en sache guères qu’un seul qui ait refusé sa sympathie à une si grande condition et à une si grande infortune. […] Michelet, cet esprit ardent et faible, et à qui l’Histoire a souvent donné le vertige, parle de Jacques Cœur dans son histoire de France avec un mépris superficiel.

1457. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Les esprits qui se disent positifs et qui, le plus souvent, ne sont que grossiers, parlent beaucoup des faits, — et c’est même la dernière malhonnêteté du matérialisme contre la pensée, — mais les faits, quelque respect qu’on ait pour eux, ne sont, après tout, que le côté accidentel ou pittoresque de l’histoire, c’est-à-dire, en soi, une chose nécessaire, mais inférieure. […] … On y voit des faits recueillis dans tous les courants et tous les ravins de la chronique, des masses de faits, qui tombent un peu trop les uns sur les autres comme les avalanches tombent des montagnes, des faits dans leur brutalité muette et dans les obscurités de leur mystère, mais on n’y voit point assez la lumière d’une doctrine qui les éclairerait, les ferait parler et les ferait vivre. […] Nous savons à qui nous parlons. […] Il y avait au xviiie  siècle — on l’y voit passer dans quelques coins de lettres de mesdames Necker ou Du Deffand — un homme presque mystérieux, dont personne ne parle maintenant, qui s’appelait tout uniment Dubucq, et qui n’a laissé que des mots, mais frappés comme des médailles d’or à l’effigie du génie.

1458. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

A proprement parler, Eckermann ne fut point, humainement, le valet de chambre de Gœthe. […] Des perroquets qui ne s’entendent point quand ils parlent. […] L’oracle parlait très bien tout seul, comme l’Océan sur son rivage ; mais, quand il se taisait et somnolait, Eckermann le réveillait et le provoquait, lui étalait sous les yeux quelque sujet de thèse, et le « Thomas, quid dicis ?  […] Il remâche, dans la conversation, bien des idées qu’il a mieux dites dans ses ouvrages, et le livre dont j’ai parlé déjà, de M. 

1459. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

C’était comme si les Oracles avaient parlé quand on disait : « Monsieur de Humboldt !  […] Lorsque les savants, qui seuls parlent d’eux avec compétence, auront assez répété à la masse ignorante et superficielle ce que furent Geoffroy Saint-Hilaire, Ampère et Cuvier, ce triumvirat de génie, ces grands hommes, trop enterrés dans leur science même et la technicité de leur langage, ne seront plus cachés par l’éclat de personne et auront sur leur nom autant de rayons qu’on leur en doit. Seulement, jusque-là, ne nous étonnons pas que Humboldt, qui est moins un savant, dans le sens profond et découvrant du mot, qu’un magnifique beau parleur scientifique, tienne toute l’oreille et toute l’attention d’un public, pour lequel il a voulu, et presque exclusivement, parler ! […] On n’est pas méchant pour signaler une lettre du prince Albert, qui parle des terrasses du ciel .

1460. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Je ne parle pas de Clarisse, qui est un roman de l’esprit humain, à sa meilleure place, en Angleterre. […] Il n’avait plus le ciment social qui unit et qui fond les hommes dans une préoccupation plus haute qu’eux, et ce fut alors d’eux qu’ils parlèrent. […] Elle aima Boufflers, ce polisson de petit abbé à bénéfices de Boufflers, qui devint le chevalier de Boufflers, un chevalier de Malte comme ceux dont parle Guy Patin, « cadets de bonne maison qui voulaient bien ne rien savoir et ne rien valoir, mais qui voulaient tout avoir ». […] Il lui parlait machine à dessaler l’eau pour les besoins de la colonie, et cela ne la dessala pas, cela ne la dégrisa pas de son amour !

1461. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Voilà la question très embarrassante, mais fatale, qui s’élève du livre de Gogol dans l’esprit de tout critique qui a pour devoir d’en parler. […] Il dit positivement, dans sa confession d’auteur : « Les Russes ne se parlent qu’à « l’étranger ; en Russie, ils ne s’adresseraient pas une parole ». […]  » Mais alors, si vous ne la connaissez pas, peintre de mœurs, pourquoi en parlez-vous ? […] En supposant que la Gloire, qui est une capricieuse, veuille se gargariser jamais avec les deux syllabes du nom de Gogol, les Âmes mortes, ce long poème en prose, feront moins d’honneur à leur auteur que tel petit poème ou telle petite nouvelle, son Tarass Boulba, par exemple, dont relativement on ne parle pas.

1462. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Le mot dictatorial dont nous parlons a été dit, et comme nous ne le prévoyions bien, du reste, il vient d’être dit par une intelligence chrétienne. […] La fonction de la Raison, en un mot, est de rappeler constamment l’homme des perceptions contingentes et personnelles aux perceptions impersonnelles et immuables ; de la nature physique où le retient le corps, à la Raison éternelle d’où lui descend la vérité. » Une telle faculté, qui soude presque l’homme à Dieu, s’il est permis de parler ainsi, devait être la première que la philosophie du dix-huitième siècle, la philosophie du moi et de la chose exclusivement humaine, dût fausser. […] Elles ont été exprimées déjà par beaucoup d’esprits dans la discussion dont nous parlions plus haut au commencement de ce chapitre. […] Nous voulons parler de cette analyse de la Raison, avec les huit facultés qui la composent, et qui sera peut-être pour la gloire philosophique de M. 

1463. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

C’était comme si les Oracles avaient parlé quand on disait : « Monsieur de Humboldt !  […] Lorsque les savants qui seuls parlent d’eux avec compétence auront assez répété à la masse ignorante et superficielle ce que furent Geoffroy Saint-Hilaire, Ampère et Cuvier, ce triumvirat de génie, ces grands hommes, trop enterrés dans leur science même et la technicité de leur langage, ne seront plus cachés par l’éclat de personne et auront sur leur nom autant de rayons qu’on leur en doit. Seulement, jusque-là, ne nous étonnons pas que Humboldt, qui est moins un savant, dans le sens profond et découvrant du mot, qu’un magnifique beau parleur scientifique, tienne toute l’oreille et toute l’attention d’un public, pour lequel il a voulu, et presque exclusivement, parler ! […] On n’est pas méchant pour signaler une lettre du prince Albert, qui parle des terrasses du ciel.

1464. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

J’ai nommé plus haut Locke et Bacon, dont il parle avec une considération que je suis loin de partager. Il parle encore de Descartes et de Pascal, mais il les cite en bloc, pour les opposer, comme philosophes, aux sophistes nés d’eux et qui les ont suivis. […] Il a un accent à lui dans les matières où la plupart des hommes parlent uniquement ce langage des abstractions et des généralités, qui, d’ordinaire, n’a pas d’accent… Il n’a rien du cuistre que voulait Cousin et dont s’honorait Cousin ! […] … Il parle beaucoup d’idées contingentes et nécessaires, que la Sophistique de tous les temps a pour habitude ou pour calcul de confondre.

1465. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Il nous l’a dit dans tous ses détails, tous ses accidents, toutes ses nuances, avec la fidélité de la mémoire du cœur et cette mélancolie des biens perdus qui rend l’aveugle si éloquent lorsqu’il parle de la lumière. […] Ainsi, pour n’en donner qu’un seul exemple, s’ils ont à parler de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de son divin sacrifice, ils s’obstineront à rappeler Christ avec la simplicité d’une irrévérence naïve, et ils oseront comparer, avec une familiarité sacrilège, le philosophe Socrate au fils de Dieu. […] Oubli déplorable de la meilleure portion de son génie, l’auteur de la Famille dogmatise ainsi quand il s’agit de nous refaire, avec une puissance de poésie nouvelle, ce poème de la maison de Gray dont il parle dans son épigraphe. […] Seulement, cela dit, nous n’entendons ne parler que d’effets d’art et de résultats littéraires quand nous reprochons à Dargaud de n’être pas, dans la réflexion de son esprit, le catholique qu’il est dans la spontanéité de ses sentiments.

1466. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

I J’ai parlé, dans le précédent chapitre, de l’édition d’André Chénier, une de celles qui font tant d’honneur à la maison Lemerre, ce champ d’asile des poètes dans ce temps de prose si dur à la Poésie. […] … Toujours est-il que les éditeurs qui les ont retrouvés ont mis l’Histoire littéraire et la Critique à même de juger un homme seulement entrevu par la postérité, et sur lequel la Gloire, cette ignorante bâtarde de tout le monde, s’était tue longtemps — comme elle va parler — sans trop savoir pourquoi. […] Mais elles n’y furent jamais pour lui l’impedimentum belli dont parle Tacite… Entre temps d’une lecture d’Homère, de la Bible, de Platon, il se battait comme un lansquenet. […] Corneille et d’Aubigné font des choses différentes, mais ce sont des esprits de même race, qui diffèrent bien plus par la forme, par la langue, par l’heure de la langue qu’ils parlent, que par le fond de la pensée.

1467. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

On parle toujours des sept cordes de la lyre… mais je crois que la sienne en a plus de sept. […] Il l’a gardée dans un de ces vases « à corsage bleu » dont il nous parle en ses sonnets : J’ai cueilli des sonnets, — belles fleurs de Tantale, — J’ai fait luire une perle à leur triple pétale, Mis à leur gorgerette un anneau de saphir. […] Quelque chose de plus simple et de plus savant dans sa simplicité, de plus un et de plus complet, de plus « sphérique », enfin, comme disait Platon quand il parlait de la beauté accomplie ? […] lisez tout Le Dernier Chant, si vous êtes digne de boire à cette coupe d’Hercule de poésie, de cette poésie filtrée, épurée, gardée tant d’années en bouteille parle poète, et devenue ainsi plus savoureuse, comme le vin, ce fils du soleil et du temps !

1468. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Mais, pour ne pas parler de ces hommes trop rares dont nous avons le souvenir et dont nous n’avons plus la race, les Estienne, les Alde Manuce, les Elzévir, etc., il y en eut, au-dessous de ceux-là, beaucoup d’autres, qui avaient au moins l’art de leur industrie, et pour qui l’unique et suprême question n’était pas de vendre et de gagner, n’importe à quel prix ! […] En publiant le Traité de l’Amour, c’est à ces esprits qu’il s’est associé, et il s’y est associé davantage en confiant à Paulin Limayrac le soin d’apprécier le livre de Stendhal et de nous parler de la vie de l’homme, pour le caractériser et nous faire mieux connaître le talent de l’observateur. […] Qui donc parla jamais comme lui de Raphaël ? […] Il ne donnait jamais à la pensée cet étonnement dont parle Rivarol, qui le donnait, lui, toujours.

1469. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Mirèio, dont nous avons tant parlé, Mirèio et ses douze chants, ce poème de longueur à l’Énéide, est un poème écrit en provençal ; mais, en français, nul grand travail de poésie, de philosophie et d’histoire n’a révélé des noms nouveaux ou consacré des noms déjà connus. […] Mais une œuvre courte, ou, pour parler exactement, d’une concision sévère, peut-elle atteindre dans sa concision ce degré de profondeur qui est de l’ampleur et de la largeur à sa manière ? […] On a souvent parlé de la vérité de Cécile de Volange, dans un roman affreusement puissant, et on a admiré, en frémissant, la force d’impersonnalité qui l’a créée. […] Éliane est une jeune fille très forte, malgré l’image languissante penchée, pour ainsi parler, dans son nom.

1470. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

On ne peut douter que Bossuet, en composant cet éloge funèbre, ne fût profondément affecté, tant il y parle avec éloquence et de la misère et de la faiblesse de l’homme. […] où retentit comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte. » Et quelques moments après, ayant parlé de la grandeur d’âme de cette princesse, tout à coup il s’arrête ; et montrant la tombe où elle était renfermée : « La voilà, malgré son grand cœur, cette princesse si admirée et si chérie ; la voilà telle que la mort nous l’a faite ! […] Jamais, surtout, orateur sacré n’a parlé de Dieu avec tant de dignité et de hauteur. […] Qui mieux que lui a parlé de la vie, de la mort, de l’éternité, du temps ?

1471. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Ce qui fait à nos yeux l’intérêt de ces lettres, c’est leur entière vérité, c’est-à-dire la faiblesse, la misère de la nature humaine et de toutes choses, prises en quelque sorte sur le fait dans une de ces âmes qu’on appelle grandes, comme parle Bossuet. » — A merveille ; mais pourquoi avoir tant triomphé de ces mêmes misères dans Pascal, au nom d’un cartésianisme impuissant et tout satisfait de lui-même ? […] Les soirs dans le monde, il est très-paré mais lourdement, et y montre peu d’esprit et de vivacité de conversation ; il y parle bas et avec une sorte d’affectation de bon ton. […] Soyez donc élevé par madame de Maintenon et à l’ombre des charmilles de la plus noble cour, pour venir parler en égrillardes de la rue du Helder.

1472. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

La destinée du pays dépend en ce moment du rôle qu’oseront prendre ces hommes sages, mais un peu timides, et c’est toujours avec une sorte d’anxiété affectueuse que la France les écoute parler. […] Si par malheur vous comprenez peu et que vous n’aimiez guère la poésie ; si vous n’avez pas reçu de la nature le sens délicat de la mélodie, le goût exquis du chant, et que vous vous trouviez embarrassé pour apprécier directement le mérite d’un poète, écoutez-le une demi-heure parler en prose ; et si sa prose est molle, vide d’idées, sans éclat, sa poésie court grand risque d’être elle-même pauvre, pâle et chétive ; osez-le ranger impitoyablement parmi les versificateurs. […] Il a parlé des premières Méditations avec esprit, mais sécheresse.

1473. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

L’école dont nous parlons (si on peut appeler du nom école la réunion assez nombreuse et peu homogène qui se groupa autour de quelques principes communs), réussit plus vite qu’on ne l’aurait osé croire d’abord, à se fonder une influence grave, salutaire, incontestable. […] Quant au jeune groupe dont nous voulons parler, et qui se comporta, sinon plus sagement, du moins avec plus d’esprit et de décence, le fait principal qui le concerne, c’est qu’il se dispersa à l’instant, et que l’ensemble des idées qui avaient l’air de se tenir pour un bon nombre d’années encore, s’éparpilla en un clin d’œil comme le plus vain des nuages. […] Lerminier porte dans son enseignement un don trop invincible et trop naturel pour qu’on en puisse faire abstraction quand on parle de lui : c’est une faculté de parole, une puissance d’enthousiasme et d’images, un génie d’improvisation, entraînant, éblouissant, exubérant, qui me fait croire, en certains endroits, à ce qu’on nous rapporte des merveilles un peu vagabondes de l’éloquence irlandaise ; de la gravité toutefois, un grand art, des illustrations de pensée empruntées à propos à d’augustes poètes ; et puis un geste assuré, rhythmique, un front brillant où le travail intérieur se reflète, et, comme on le disait excellemment sous Louis XIV, une physionomie solaire et une heureuse représentation.

1474. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Je n’ai point la prétention, dans un article de journal, vite écrit pour être lu cent fois plus vite encore, de parler dignement d’un tel livre. […] J’en parle d’autant plus librement que je ne suis point sûr de n’avoir pas été moi-même, un jour, un peu béotien à cet égard. […] Puis, sa philosophie s’est faite, pour ainsi parler, de plus en plus cosmique.

1475. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

On exalte, sans y regarder, la Fille Élisa, roman écrit, selon la déclaration de l’auteur, pour « parler au cœur et à l’émotion de nos législateurs » et auquel, en effet, les parlementaires ont pu s’intéresser sans effort, roman dont l’émotion demeure à la préface, livre pauvre d’humanité et mince de littérature, bien loin, ce me semble, des chefs-d’œuvre que fabriquait, avec son frère, M.  […] On ne défend pas l’histoire, et c’est pour nous déjà parler d’histoire que parler du naturalisme.

1476. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

Il a parlé de tout et de tous avec intelligence, loyauté et désintéressement. […] Ils peuvent parler d’un mauvais livre par complaisance, ils ne le rendront pas meilleur. […] Écoutez-la parler de son pays : « La rue sent le pain de maïs chaud, l’huile de noix et les raisins mûrs… Les colporteurs vendent des mouchoirs écarlates et des bijoux de cuivre ; les vieilles femmes en marmottes étalent sous des parapluies rouges des tomates et des piments doux ; les lépreux se font traîner sur de petits chariots, et les enfants viennent les regarder dans l’ombre grouillante de vermine et de mouches.

1477. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Comment ose-t-on parler de tyrans devant tant de rayonnantes majestés ? […] Voici ce que les snobs de 1897 estiment façonné à leur usage particulier : « Savoir parler de Nietzche, Ibsen, Darwin, Schopenhauer. […] Savoir parler des primitifs en peinture.

1478. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Elles paroissent les unes après les autres sur la scène, y parlent leur différent langage. […] Quelques-uns prétendirent qu’il avoit voulu parler de la pierre philosophale. […] Sans parler ici de Théophile, de Tristan l’hermite, qu’on a représentés comme insensibles à ces petites disgraces, & de Pierre Boissat, qu’on dit avoir été cruellement puni dans une ville de province, pour avoir abusé du privilège des masques, n’a-t-on pas prétendu que Despréaux lui-même avoit reçu des marques du ressentiment de M. de Dangeau ?

1479. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

On peut parler différemment, & parler également bien. […] L’auteur se propose d’y montrer le ridicule qu’il y a de prétendre bien écrire en latin, bien parler & bien entendre cette langue.

1480. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Je ne vois guère que la girafe, le chacal ou le canard dont il ne soit pas parlé dans ceux que je reproduis ici. […] Puisque je suis amené à parler de La Fontaine, je citerai quelques fables de lui auxquelles certains détails des contes et fables indigènes nous font penser : Livre VIII, 3. […] Je ne parle que pour mémoire de la royauté du riz, cette royauté étant toute allégorique dans le conte où les animaux la proclament (Choix d’un lanmdo).

1481. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Trois espèces de raisons La première est la raison divine, dont Dieu seul a le secret, et dont les hommes ne savent que ce qui en a été révélé aux Hébreux et aux Chrétiens, soit au moyen d’un langage intérieur adressé à l’intelligence par celui qui est lui-même tout intelligence, soit par le langage extérieur des prophètes, langage que le Sauveur a parlé aux apôtres, qui ont ensuite transmis à l’église ses enseignements. […] Dans les temps héroïques où les gouvernements étaient aristocratiques, les héros avaient dans l’intérêt public une grande part d’intérêt privé, je parle de leur monarchie domestique que leur conservait la société civile. […] Ainsi le peuple de Rome ne souffrit plus le droit caché, jus latens dont parle Pomponius ; et voulut avoir des lois écrites sur des tables, lorsque les caractères vulgaires eurent été apportés de Grèce à Rome.

1482. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Ainsi chaque œuvre me parle en son langage. […] Nous admettons qu’on parle d’une âme candide. […] C’est parler en profane. […] Je parle des sincères, des modestes. […] Que parlez-vous d’invention plastique ?

1483. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Plus tard, on reprochera à Ronsard de parler grec et latin en français. […] Je parlerai de lui d’abord. […] Écrivant selon qu’avait parlé le poète professeur, M.  […] Mais celui-ci déjà parle une langue sûre et pure. […] Mais c’est du poète Gustave Kahn que je dois parler ici.

1484. (1876) Romanciers contemporains

Tout marche, tout parle, tout vit. […] Le poète parle et entend une langue ignorée du vulgaire. […] Il nous reste à parler du style de M.  […] Il va parler et se venger. […] On voit qu’un Père de l’Église n’eût pas plus saintement parlé.

1485. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Elle rendit, si l’on peut parler ainsi, de grandes idées avant que la parole sût les exprimer. […] Il fallait parler contre Chrysogonus, affranchi de Sylla. […] Horace et Virgile n’en parlent jamais. […] Il parle de sa famille avec cette effusion de tendresse qu’une âme douce et pure ajoute encore à la force du sentiment paternel. […] Maintenant, tandis que je parle, elles tombent de fatigue ; et cependant la crainte me les fait rouvrir.

1486. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Ils laissaient au vulgaire l’art de parler d’une manière intelligible. […] tais-toi, tu m’empêches de dormir. — Est-ce que c’est à toi que je parle ? […] Loret parla de ce spectacle dans sa Muse historique du 7 juin suivant. […] Il voulait parler du Tartuffe. […] Ce silence parle plus haut que toutes les critiques.

1487. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Mais l’association dont vous parlez n’existe guère que pour vous, et comme procédé, d’explication. […] Mais nous établirons d’abord une distinction entre ceux qui pensent que la connaissance des antécédents permettrait de formuler une conclusion probable, et ceux qui parlent d’une prévision infaillible. […] Le mouvement dont on parle ici n’est donc pas un mouvement qui se produit, mais un mouvement que l’on pense ; c’est un rapport entre des rapports. […] Le physicien pourra parler de forces, et même s’en représenter le mode d’action par analogie avec un effort interne, mais il ne fera jamais intervenir cette hypothèse dans une explication scientifique. […] » — A quoi nous répondons : oui, s’il s’agit du temps écoulé ; non, si vous parlez du temps qui s’écoule.

1488. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VI » pp. 22-24

Hier, 16, un journal (le Globe) a donné une prétendue scène de Lucrèce, cette tragédie dont on parle tant. Tout le monde de se jeter sur ce morceau, et le soir tous d’en parler à qui mieux mieux.

1489. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIII » pp. 291-293

— On ne fait que parler aussi (car on trouve moyen à Paris de parler de bien des choses) d’une symphonie d’un jeune compositeur nouveau, M.

1490. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Boschot, Adolphe (1871-1955) »

Il a cet accent incisif qui fait que la voix qui parle bas semble descendre au plus profond de nous-mêmes et s’y graver. […] Il nous parle non des accidents passionnels de sa biographie, mais des inquiétudes éternelles de la vie intérieure… Il a bien fait ce qu’il a voulu.

1491. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 302-304

Gillet le] Nous avions négligé de parler de celui-ci dans la premiere édition de notre Ouvrage, parce que sa Tragédie de Manco-Capac est une de ses productions que la Critique doit oublier, à l’exemple du Public. […] On a compris qu’un Roi imbécille, sottement disposé à croire le premier qui lui parle ; qu’une Princesse indéfinissable, occupée sans cesse à gémir & à hésiter ; qu’un Amant enthousiaste qui ne sait ni ce qu’il dit ni ce qu’il fait ; que des Prêtres en délire qui ne se rencontrent que pour disputer & s’injurier ; que des incidens accumulés sans vraisemblance & sans nécessité ; que des Scenes déclamatoires absolument décousues, étoient le comble du ridicule.

1492. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Mais, au moment où nous avons à parler d’un moraliste excellent, ne désespérons pas trop de l’avenir d’un genre si précieux, et qui, jusqu’à ces derniers temps, n’avait jamais chômé en France. […] Ainsi de celle dont nous parlons : elle commence du ton de Duclos, elle finira en se faisant lire Bossuet. […] … Vous y parlez de la religion ! Qui ne peut en parler comme vous ? […] Il était difficile qu’on ne parlât pas beaucoup dans le monde des articles de Mlle de Meulan, et qu’on n’en parlât pas en divers sens.

1493. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Essayez de faire la description d’une montagne de manière à la faire reconnaître : quand vous aurez parlé de la base, des flancs et du sommet, vous aurez tout dit ; mais que de variété dans ces formes bombées, arrondies, allongées, aplaties, cavées, etc. ! […] On peut y relever les traces d’un esprit méfiant, inquiet, d’un homme vieillissant, solliciteur avec instance, ne sachant pas assez contenir la plainte ni ensevelir les petites misères, parlant trop des ports de lettres, comme bientôt dans ses préfaces il parlera des contrefaçons. […] Les femmes, les jeunes gens, tout ce public grossissant d’Émile et de Saint-Preux, saluèrent d’un cri de joie ce nouvel apôtre au parler enchanteur. […] Sans parler du poète Robbé qui se mêlait d’avoir des idées là-dessus, plus d’un chaud partisan se déclara pour le système des marées, la fonte des glaces, l’allongement du pôle. […] La manière dont Bernardin de Saint-Pierre envisageait la femme s’accorde à merveille avec sa façon de sentir la nature ; et c’est presque en effet (pour oser parler didactiquement) la même question.

1494. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Mais je ne te comprenais pas jusqu’à ce que tu eusses envoyé ta mère parler à mon père, jusqu’à ce que notre mariage fût conclu. […] La mère, qui entre tenant son fils par la main, parle pour lui à son mari avec une adresse inspirée par la plus habile tendresse. […] Mais, je vous en prie, ne lui parlez pas, à elle ; ne laissez pas soupçonner vos intentions ; interrogez les anciens, et voyez ce qu’ils raconteront d’elle. […] Mais ils ne se parlent pas d’amour. — “Je suis ici pour toi, dit simplement Herman. […] Il pensait et parlait librement sur ces matières, mais il ne proscrivait ni n’insultait personne pour sa foi ou pour son incrédulité.

1495. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Mais ne parlons que de poésie. […] La prose ne s’adresse qu’à l’idée ; le vers parle à l’idée et à la sensation tout à la fois. […] c’était vous, ô mon Ange gardien, C’était vous dont le cœur déjà parlait au mien ! […] c’était vous, ô mon Ange gardien, C’était vous dont le cœur parlait encore au mien ! […] C’est aussi cette voix intérieure qui lui parle à tous les âges, qui aime, chante, prie ou pleure avec elle à toutes les phases de son pèlerinage séculaire ici-bas.

1496. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

« Il faut bien le reconnaître, cette strophe, qui a la dureté anguleuse d’un beau marbre bigarré, éblouit l’œil plus qu’elle ne parle directement à l’esprit ou au cœur. […] Il n’est pas non plus le rêvasseur ignorant, amant de la lune, dont parle quelquefois la chronique ; le chercheur de rimes dont l’ingénuité confine à la niaiserie. […] — Le groupe lorrain comprend un grand poète : Charles Guérin dont nous avons déjà parlé et il comprend aussi de bons poètes. […] Vous parlez de mourir de mon ingratitude ; Vous aimez à me voir souffrir d’inquiétude ; Vous m’offrez tous les vœux qui vous sont adressés. […] Le déroulement ensoleillé des images bibliques, la faveur jalouse qui parle au cœur des nabis d’Israël est en elle.

1497. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Il n’a ni le protestantisme étranglé de Guizot, ni le protestantisme dilaté et attendri de Dargaud, l’auteur de l’Histoire de la liberté religieuse, qui a aussi parlé des Guise et de leur époque. […] On avait parlé d’eux fastueusement, comme ils avaient agi. […] On parle, bien entendu, à ceux qui savent l’histoire ; on ne parle point à ceux qui l’ignorent. […] Il n’y a qu’un écrivain catholique qui puisse parler avec autorité et compétence de Philippe II, et non pas seulement pour l’excuser et l’innocenter de ses fautes, — comme les ennemis du Catholicisme se l’imaginent, — mais même pour les lui reprocher ! […] Mais il a tenu tellement à l’être, qu’il a fait parler avec leurs propres paroles les acteurs de son histoire plutôt que de la raconter lui-même, afin qu’elle fût plus fidèlement racontée et d’une vérité plus intime.

1498. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Trop souvent nous parlons de nos sentiments de plaisir et de peine comme s’ils naissaient vieux, comme si chacun d’eux n’avait pas son histoire. […] III. — Mais nous avons assez parlé de la répétition et de l’inversion. […] La personne en cause, d’ailleurs, n’est pas toujours celle qui parle. […] Souvent à une personne absente, dont il suppose qu’elle a parlé et qu’il lui répond. […] On parle d’une mariée de quarante ans qui porte des fleurs d’oranger sur sa toilette de noce : « Elle aurait droit à des oranges », dit Giboyer.

1499. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Les chiffres parlent seuls ! […] Aussi je dis que ce livre est dans la langue que je parle, et que je suis fier de parler ; je ne me vante point de connaître ce monstre à tant de têtes que de mots impropres, confus et étrangers. […] De parler clairement. […] Parlez-moi d’Arbogaste ! […] de qui parle-t-on ?

1500. (1927) Approximations. Deuxième série

Qui parlera de M. de Villèle, de M. de Martignac, dans cent ans ? […] … Leurs mains parlent, et leurs pieds semblent écrire. […] À quoi Jane répond : « Pourquoi parlez-vous de ne plus jamais goûter des moments comme ceux du passé ? […] Les mots sortent boudeurs, ainsi qu’il advient chez ceux qui ont à la fois envie et pas envie de parler. […] Sous son inspiration la mélodie parle et prie.

1501. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Ils parlent, ils jurent et ils déposent faux pour le moindre intérêt. […] Je vins à Anarghie, village et petit port dont j’ai parlé. […] C’est un portail de ce beau marbre blanc dont on a parlé. […] Ce sont ces habits que le roi donne par honneur, dont j’ai parlé diverses fois. […] Le 17, le nazir me mena parler au roi.

1502. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Qu’on ne vienne pas me parler de devoirs, à moi !  […] Voilà ce qu’il ne faut jamais oublier quand on parle de lui. […] Il parla de Dieu, et l’on se mit à « adorer l’Etre suprême ». […] Il lui parle durement et ironiquement. […] A vrai dire, s’il a parlé tout haut, c’est presque à son insu.

1503. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Tournemine ne parle point. […] Mais c’est un moine apostat qui parle. […] En cela, ils ne parloient que d’après Baronius & Bellarmin. […] Versoris parla pour la société. […] Elles ont été les sémences des divisions dont je parle.

1504. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Je ne parle point des projets criminels qu’on lui supposa. […] On me sçaura gré, dans la suite, d’avoir parlé comme j’ai fait. […] En quels termes en parle M. […] Parler Latin comme un cordelier, c’étoit le proverbe. […] Les libraires parlèrent ; celui de l’Académie fut allarmé.

1505. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Ciceron disoit qu’il lui sembloit que les Muses eussent parlé par sa bouche. […] Tous les historiens dont nous venons de parler, ont écrit en grec. […] Je ne vous parlerai donc que de nos principaux historiens. […] L’historien a également bien parlé dans son ouvrage de la politique, de la guerre & des lettres. […] Il avoit eu la foiblesse d’y parler de ses aventures galantes.

1506. (1823) Racine et Shakspeare « Préface » pp. 5-7

Occupé toute sa vie d’autres travaux, et sans titres d’aucune espèce pour parler de littérature, si malgré lui ses idées se revêtent quelquefois d’apparences tranchantes, c’est que, par respect pour le public, il a voulu les énoncer clairement et en peu de mots. Si, ne consultant qu’une juste défiance de ses forces, l’auteur eût entouré ses observations de l’appareil inattaquable de ces formes dubitatives et élégantes, qui conviennent si bien à tout homme qui a le malheur de ne pas admirer tout ce qu’admirent les gens en possession de l’opinion publique, sans doute alors les intérêts de sa modestie eussent été parfaitement à couvert, mais il eût parlé bien plus longtemps, et par le temps qui court, il faut se presser, surtout lorsqu’il s’agit de bagatelles littéraires.

1507. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VI. L’antinomie religieuse » pp. 131-133

Au premier abord il semble qu’on ne puisse parler d’individualisme religieux. […] C’est en ce sens et dans ces limites qu’on peut parler d’un individualisme religieux et d’une antinomie entre la personnalité et la sociabilité dans l’ordre du sentiment religieux.

1508. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 277-279

Nulle onction, nuls mouvemens, nulle véhémence ; c’est à l’esprit & jamais au cœur qu’il parle. […] Nous n’ignorons pas que les Philosophes & leurs partisans en pensent ou en parlent bien différemment ; mais nous nous faisons gloire de manifester ce que nous pensons du mérite des Auteurs, & nous invitons celui-ci à ne point se laisser aveugler sur les qualités qui lui manquent, par les applaudissemens des Sectateurs d’une Morale ennemie de celle qu’il prêche : leur suffrage n’est propre qu’à humilier l’Orateur Evangélique & Chrétien.

1509. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Elle ne parlait qu’amitié ; je me figurais ce que ferait une telle voix si elle parlait ou si elle avait jamais parlé d’amour ! […] Peu importaient les paroles ; le timbre parlait de lui-même : c’était une âme répandue dans l’air qui vous caressait de sons. […] Je n’ose prononcer, mais je crois que l’inspiration du lyrique est supérieure à la combinaison du machiniste qui fait jouer sur la scène ces marionnettes humaines qu’on appelle des personnages dramatiques ; seulement, quand ces personnages parlent comme les font parler les grands poètes dramatiques, le génie est égal et l’emploi est différent. […] « Si j’ai parlé de ces premières années, malgré mon intention d’abréger tout ce qui m’est personnel, c’est à cause de l’influence qu’elles ont souvent à un si haut degré sur l’existence entière : elles la contiennent plus ou moins. […] Nous parlâmes d’autre chose.

1510. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Si je parle, demain il sera désert ; pensez-y. » « Il faut suivre sa conviction », lui répondis-je. […] « Le ministre de la police, Fouché, me fit demander pour me dire que le premier consul me soupçonnait d’avoir excité celui de mes amis qui avait parlé dans le tribunal. […] Sa conduite précédente ne pouvait en rien annoncer de la moralité, et souvent il parlait de la vertu comme d’un conte de vieille femme. […] Un matin, à huit heures, on m’éveilla pour me dire que le prince Louis-Ferdinand était à cheval sous mes fenêtres, et me demandait de venir lui parler. […] Penser fortement, sentir sincèrement, agir dignement, parler éloquemment, agir au besoin héroïquement étaient à ses yeux une même condition littéraire.

1511. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Il parle un baragouin mi-partie français et italien. […] Il parle des hémisphères de Mazarin, voulant dire ses émissaires ; il dit que les ennemis sont dans la constellation, ce qui signifie qu’ils sont dans la consternation ; il se plaint d’avoir reçu dans la bataille une conclusion, ce qui serait pour d’autres une contusion. […] En tout pays et de tout temps, les hommes aiment à parler d’eux et à occuper les autres de leur personne ; mais, en ces moments-là, ce désir devient une passion et pour beaucoup un besoin véritable. […] Le peuple en tout temps, je parle du peuple mal dégrossi, tel qu’il l’est encore par la faute d’une élite trop longtemps insouciante ou malveillante à son égard, aime ce qui émeut fortement  ; il a le goût du grandiose, du passionné et en même temps du simple ; il comprend peu ce qui est savant et raffiné. […] Au poète libéré de la tyrannie des bienséances le droit de parler de tout et de lui-même en particulier, de chercher son inspiration dans les sentiments de famille ou dans les incidents de la vie quotidienne.

1512. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

L’homme a parlé des choses humaines ; il a chanté les choses divines. […] Qui est-ce qui a enseigné ou imposé à l’humanité qu’il fallait parler en prose ces choses, et chanter en vers celles-là ? […] Je vous défie de parler, en face de ces merveilles, le langage vulgaire. […] Nous avons parlé déjà des Védas. […] Fasciné d’admiration devant les charmes de la beauté qu’il vient de délivrer, il ose lever les yeux sur elle et lui parler de son amour.

1513. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Il s’élève de toutes parts une sorte de biographie universelle en marbre et en bronze, et qui parle aux yeux. […] Disons-le sans détour, l’abbé Prévost, reparaissant à Hesdin sous forme de marbre et couronné de la main de ses compatriotes, ce n’est pas seulement l’homme célèbre qui est salué avec respect, c’est à la fois moins et plus, et c’est mieux : c’est l’Enfant prodigue, qui, après une longue absence et après avoir longtemps fait parler de soi en bien des sens, illustré par ses erreurs mêmes et par cette sorte de magie qu’il n’est donné qu’au génie d’y répandre, a terminé son temps d’exil, et qui revient plus aimé, plus embrassé de tous, fêté même et pardonné par les plus sévères. […] Danvin parla d’abord, puis M.  […] Gustave Planche, d’autres encore, eurent les honneurs de la citation : ce fut un titre de ce jour-là d’avoir bien parlé de Manon Lescaut. […] [NdA] C’est la troisième fois que je parle de l’abbé Prévost, et chaque fois j’ai tâché, sans trop me répéter, d’ajouter quelque chose à ce qu’on savait déjà de lui.

1514. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Le président Jeannin, amateur de la paix et sachant qu’au fond c’était aussi la politique de Henri IV, sut dissimuler dans l’origine et ne pas donner son dernier mot : Il était, a dit Grotius, si puissant en paroles et tellement maître des mouvements de son visage, que, quand il cachait le plus ses sentiments, il semblait toujours qu’il parlât à cœur ouvert (Vultus autem sermonisque adeo potens, ut cum maxime abderet sensus apertissimus videretur). […] J’ai parlé de longue trêve : ce fut, en effet, dès l’origine la visée du président Jeannin et la solution qu’il entrevit ; il eut, dès son arrivée et dans son premier examen des choses et des esprits, le coup d’œil du seul biais par où on arriverait à mener l’affaire à bien. […] Le président Jeannin, en cette occasion du projet de longue trêve comme en plusieurs autres, eut à parler dans l’assemblée des États-Généraux. […] Barneveld disait de lui, au sortir d’une conférence : « Je m’en vais toujours meilleur de quelque chose quand je parle à cet ambassadeur, et je ne sais ce que nous ferions sans lui. » — Et pour une marque certaine de l’estime auquel il était, nous dit Saumaise, témoin oculaire, c’est qu’il n’y a point de familles honnêtes ni de bonnes maisons en toutes ces provinces, où son portrait en leurs plus belles chambres ne servît d’ornement ; et, pour dire la vérité, cette figure est agréable à voir, car ce front élevé et cette grosse tête a je ne sais quoi de romain qui respire la liberté. […] On sait que ce fut d’après son examen et son rapport au Conseil privé que la seconde édition du livre De la sagesse de Charron, l’édition de Paris (1604), pût être mise en vente, moyennant quelques corrections qu’il y fit, et se débiter librement : « Ce ne sont des livres pour le commun du monde, disait-il à l’adresse de ceux qui en parlaient en critiques, mais il n’appartient qu’aux plus forts et relevés esprits d’en faire jugement ; ce sont vraiment livres d’État. » Pendant son séjour en Hollande, il avait tout fait pour se rendre utile à notre compatriote le célèbre et docte Scaliger (M. de L’Escalle, comme il l’appelait), qui vivait à Leyde et touchait à la fin de sa carrière.

1515. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Quoi qu’il en soit, ce dilettante brillant et incrédule dut à quelque chose de fier et de hardi qu’il avait dans l’imagination, et qui tenait sans doute à ses origines méridionales, d’être le premier chez nous à parler dignement de Dante, et même de le juger très finement sur des beautés de détail et d’exécution qui semblaient être du ressort des seuls Italiens : Il faut surtout varier ses inversions, disait-il en pensant au travail imposé aux traducteurs ; le Dante dessine quelquefois l’attitude de ses personnages par la coupe de ses phrases ; il a des brusqueries de style qui produisent de grands effets ; et souvent, dans la peinture de ses supplices, il emploie une fatigue de mots qui rend merveilleusement celle des tourmentés. — Quand il est beau, disait-il encore, rien ne lui est comparable. […] La Harpe, après Rivarol, rétrogradait et se repliait sur le jugement de Voltaire, lorsqu’en quelques lignes rapides de son Cours de littérature il parlait de l’ouvrage de Dante comme « d’un poème monstrueux et rempli d’extravagances, que la manie paradoxale de notre siècle, disait-il, a pu seule justifier et préconiser ». […] Ces recherches de Fauriel, connues bien des années avant qu’il les écrivît et même avant qu’il les professât, transpirant hors du cercle intime où il vivait, communiquées par lui à tous ceux qui l’interrogeaient avec la libéralité du savant généreux et du galant homme, viennent seulement d’être réunies en volumes et de paraître dans leur ensemble30 : on peut dire quelles étaient depuis longtemps dans la circulation, et que le niveau du goût en France (je ne parle que de la classe instruite) s’en est ressenti. […] Ayant chanté ses premières amours d’enfant dans des poésies délicates et subtiles, il se dit que ce n’était point assez et qu’il fallait élever à la beauté et à la reine de son cœur un monument dont il fût à jamais parlé : La Divine Comédie naquit dans sa pensée, et il mit des années à la construire, à la creuser, à l’exhausser dans tous les sens, à y faire entrer tout ce qui pouvait la vivifier ou l’orner aux yeux de ses contemporains, afin de faire plus visible et plus brillant le trône d’où il voulait présenter Béatrix au monde. […] S’il nous est donné aujourd’hui, grâce à tant de travaux dont il a été l’objet, de le mieux comprendre dans son esprit, et de le révérer inviolablement dans son ensemble, nous ne saurions abjurer (je parle au moins avec la confiance de sentir comme une certaine classe d’esprits) notre goût intime, nos habitudes naturelles et primitives de raisonnement, de logique, et nos formes plus sobres et plus simples d’imagination ; plus il est de son siècle, moins il est du nôtre.

1516. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

mais c’est cette opinion même qui renferme toute la question de goût au sujet du poète dont nous parlons. […] Lié avec tous les beaux esprits de l’époque, Saint-Amant fut un des premiers membres nommés par l’Académie française : il demanda et obtint d’être exempté de la harangue d’usage, « à la charge qu’il ferait, comme il s’y était offert lui-même, la partie comique du dictionnaire, et qu’il recueillerait les termes grotesques, c’est-à-dire, comme nous parlerions aujourd’hui, burlesques. » C’est Pellisson qui parle. […] Et sans être un Poussin en gravité, Saint-Évremond, cet esprit délicat, n’a-t-il pas dit dans un écrit sur la vraie et la fausse beauté des ouvrages d’esprit, et en traitant de l’honnêteté des expressions : Je m’avise peut-être trop tard de faire ces réflexions ; mais c’est ordinairement lorsque l’on est arrivé où l’on voulait aller, et que l’on parle du chemin que l’on a fait et de la route que l’on a tenue, que l’on s’aperçoit de ses égarements. […] Dès qu’il a à parler de cette princesse, il change subitement de ton, il sort du cabaret pour donner dans le sublime et dans la dernière quintessence.

1517. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Et Guérin, au contraire, n’y résiste pas ; tous les accidents naturels qui passent, une pluie d’avril, une bourrasque de mars, une tendre et capricieuse nuaison de mai, tout lui parle, tout le saisit et le possède, et l’enlève ; il a beau s’arrêter en de courts instants et s’écrier : « Mon Dieu ! […] Guérin avait dû lire la Marie de Brizeux, et je ne vois pas qu’il en parle. […] Je ne parle pas des divers recueils qui ont suivi et qui, sauf quelques pièces assez rares, ne sont que les produits ingrats et de plus en plus saccadés d’une veine aride et tarie. […] écrivait l’un d’eux. — Mais pour nous qui n’avons ici qu’à parler de littérature, il est impossible de ne pas noter un tel moment mémorable dans l’histoire morale de ce temps, de n’y pas rattacher le talent de Guérin, de ne pas regretter que l’éminent et impétueux esprit qui couvait déjà des tempêtes n’ait pas fait alors comme le disciple obscur, caché sous son aile, qu’il n’ait pas ouvert son cœur et son oreille à quelques sons de la flûte pastorale ; qu’au lieu de se déchaîner en idée sur la société et de n’y voir qu’enfer, cachots, souterrains, égouts (toutes images qui lui reviennent perpétuellement et qui l’obsèdent), il n’ait pas regardé plus souvent du côté de la nature, pour s’y adoucir et s’y calmer. […] Caen, imprimerie de Hardel, 1855, avec cette note : « Ce volume, tiré à petit nombre, ne se vend pas. » — J’en ai parlé au tome xii des Causeries.

1518. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Parlez pleins de joie, jeunes soldats de l’Art ! […] Disait-il, par exemple, dans la notice sur l’architecte Hurtault, après avoir parlé pendant une bonne demi-heure déjà : « Pour faire connaître, non ce que M.  […] Quel dommage, encore une fois, qu’ayant à parler parmi des gens aussi susceptibles et légers que ceux d’Athènes, ce Grec de la grande époque, mais de mauvaise humeur, ait non-seulement négligé de plaire, mais qu’il ait même affecté souvent de mécontenter ! […] N’avons-nous donc parmi nous personne qui sache pertinemment parler de nous et de nos travaux ? […] Je parlerai comme s’il ne l’était pas.

1519. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

L’ouvrage n’étant qu’une attaque à fond, une guerre déclarée aux romans de chevalerie dont n’entendirent jamais parler ni Aristote, ni Cicéron, ni saint Basile, il n’est pas plus à propos de venir citer ces grands noms que de s’inquiéter des règles de la rhétorique auxquelles un tel sujet, né si tard et si étranger aux anciens maîtres, échappe naturellement. […] Dans les parties sérieuses, lorsqu’il fait parler le chanoine, par exemple, on le voit tenté presque d’entreprendre contre les folles et extravagantes comédies du temps une levée de boucliers du même genre que celle qu’il est en train de mettre à exécution contre les mauvais romans. […] Je n’entends point parler ici de maint anachronisme ni des inadvertances de détail qu’on a relevés et qui sont échappés à la plume rapide de l’auteur ; je ne parle que de l’ensemble des caractères et de l’action. […]  » Est-ce qu’on parle ainsi des beaux génies et des grandes intelligences ?

1520. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Ceci me mène à parler du père de M.  […] Je me console toutefois de ce qui est arrivé, parce que j’espère que l’acte sanglant de Vincennes nuira au premier Consul. » Ainsi parlait d’un Bourbon français cette sœur de Marie-Antoinette. […] Lefebvre eut cessé de parler, elle leva la tête et tourna vers lui ce visage sillonné moins encore par le temps que par les soucis du trône : son regard avait, en ce moment, quelque chose de dur et de sinistre qui semblait dire que toutes ces explications arrivaient trop tard. […] Elle parla avec amertume des Anglais ; elle dit qu’elle avait peu d’estime pour cette nation de marchands, et finit par laisser pressentir qu’elle n’était pas éloignée de changer de système. […] Il embrassa toute la littérature allemande, passée et présente ; il y marcha à pas de géant, peignant tout à grands traits, d’une manière rapide, mais avec une touche si vigoureuse et des couleurs si vives, que je ne pouvais assez m’étonner ; il parla de ses ouvrages peu et avec modestie, beaucoup des chefs-d’œuvre en tout genre de la France, des grands hommes qui l’avaient honorée, du bonheur de sa langue, des beaux génies qui l’avaient maniée, des littérateurs présents, de leur caractère et de celui de leurs productions ; enfin, j’étais un Français qui était allé pour rendre hommage au plus beau génie de l’Allemagne, et je m’aperçus bientôt que M. 

1521. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

. — Je ne parle pas (bien entendu) de ses deux amis de tous les temps et confrères de l’Académie, M.  […] C’est ainsi que ce journal d’opposition et réputé hostile, qui donnait à la fois asile à un républicain proscrit et à un sénateur de la gauche de l’Empire, entend et pratique le vrai principe de la liberté de la presse, quand les voix s’élèvent d’en haut, — non plus des régions officielles, mais des sommités du talent et de la pensée. — M’est-il permis de parler ainsi de mon maître, et M.  […] On y dissipera la légende de ce dîner, dont on a tant parlé, donné, je crois, chez lui, un vendredi (c’était le 10 avril 1868, puisqu’on tient à savoir exactement le jour), et dont M.  […] Sainte-Beuve pouvaient y parler librement et sub rosa, — selon le mot favori qu’il se plaisait à répéter dans ses lettres d’invitation. […] Orléaniste était encore, à l’heure dont je parle, un de ces termes vagues à l’usage des esprits politiques qui ne trouvent pas mieux dans le moment.

1522. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Le bon sens et l’humanité parlent trop haut et par trop de bouches pour ne pas être entendus. […] Ceci nous amène naturellement à parler du général Jomini, mort à Passy le 22 mars 1869, à l’âge de quatre-vingt-dix ans. […] Il faut être consommé pour les entendre ; et il est impossible de se former le jugement sur les historiens qui ne parlent de la guerre que selon qu’elle se peint à leur imagination… — Gustave-Adolphe a créé une méthode que ses disciples ont suivie, et tous ont fait de grandes choses. […] Un Français, Guibert, parla de lui aux Français avec feu, avec savoir, avec éloquence ; mais, dans ses laborieux traités, il fit presque aussitôt fausse route, s’enfonça dans les détails de tactique et d’ordonnance, dans l’école de bataillon, et laissa de côté les grandes vues. […] Thiers qui, dans son premier ouvrage, a marché sur ses traces, et qui a plus d’une fois parlé de lui, dans son Histoire de l’Empire, avec considération et haute estime.

1523. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Les troubles civils tireront de lui une manifestation originale et considérable, les Discours, dont nous parlerons en leur lieu ; auprès des contemporains, ils ont plus nui que servi à sa gloire, en lui aliénant les protestants. […] Et là, ce sont bien des chefs-d’œuvre, les premiers du lyrisme moderne, qui s’épand en toutes formes, et, négligeant les factices distinctions de genres que seule la spécialisation rigoureuse des mètres maintenait chez les anciens, met la même essence, la même source d’émotions et de beauté dans l’ode et dans le sonnet, dans l’hymne et dans l’élégie : ces chefs-d’œuvre se constituent par l’ample universalité des thèmes, et par l’intime personnalité des sentiments : c’est de l’amour, de la mort, de la nature que parle le poète, mais il note l’impression, le frisson particulier que ces notions générales lui donnent, la forme et la couleur par lesquelles se détermine en lui leur éternelle identité. […] Il a manié toutes ces formes avec un réel instinct du rythme : s’il n’a pas semblé avoir une conscience nette du rôle des accents dans les vers, s’il n’en parle jamais, non plus que Du Bellay dans sa théorie, en fait il les distribue souvent avec un très juste sentiment. […] Bien ne compensa suffisamment eu lui la rudesse de la langue : Amyot, Montaigne ont été sauvés par leurs sujets, par l’objectivité, la généralité des choses dont ils parlaient. […] Les nouvelles générations arrivaient, nourries dans leurs collèges de Virgile et d’Horace, n’ayant parlé, écrit, étudié qu’en latin.

1524. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Oedipe parle comme Didier et Buridan ! […] « La langue d’Amphitryon est la plus souple, la plus épanouie, la plus polie, la plus savoureuse, la plus riante, la plus pure qu’on ait écrite. » Quand il nous parle de Labiche, il n’y a plus que Labiche et son rire épique ; et quand il nous parle d’Octave Feuillet, il n’y a plus qu’Octave Feuillet et son délicieux romanesque, consolateur de l’homme dont le cœur est supérieur à sa fortune. […] Il nous parle comme d’une chose toute simple et évidente « de la mollesse et de la pureté délicieuse de la versification de Regnard ». […] Toutes les fois qu’il parle d’une œuvre sur laquelle son sentiment ne m’est pas connu d’avance, j’ai cette impression, s’il l’exalte, qu’il aurait aussi bien pu la mépriser, et s’il la trouve médiocre, qu’il aurait aussi bien pu la juger admirable.

1525. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Marmont, ramené lui-même à ces temps de splendeur et d’enivrante espérance, lui en exprimait avec feu l’esprit ; il lui parlait de son père, comme il l’avait vu, comme il l’avait aimé alors ; il ne craignit pas d’entrer dans les détails de nature et de caractère : il lui disait que son père avait été bon, avait été sensible, avant que cette sensibilité se fût émoussée dans les combinaisons de la politique ; il lui disait, comme il l’a dit depuis à d’autres, et avec une larme : « Pour Napoléon, c’était le meilleur et le plus aimable de tous les hommes, le plus séduisant, le plus sûr en amitié ; mais l’homme privé était tellement chez lui l’instrument de l’homme politique, que tout ce que l’on a dit de lui, tout ce que j’ai souffert moi-même de l’homme politique, tout cela se concilie avec le sentiment que j’exprime. » Et il avait deux traits singuliers qu’il aimait à citer comme indice et preuve de cette sensibilité première, et si bien recouverte ensuite, de Napoléon. […] Ce Dandolo, homme d’esprit, assez bon chimiste, occupé de sciences, d’améliorations et d’industrie, était une tête très vive, et parlait avec facilité, abondance et feu. […] Quand il y eut moyen de parler, Dandolo répondit ; et cette fois la nécessité, la circonstance extrême, lui inspira des forces et une audace inaccoutumée ; il fut noble, courageux, éloquent ; il fit résonner avec sincérité les grands mots de patria, libertà ; il les appuya de raisons : La force de ses raisonnements, sa conviction, sa profonde émotion agirent sur l’esprit et le cœur de Bonaparte, au point de faire couler des larmes de ses yeux. […] Mais ici la méfiance, déjà propre à cette jeune nature, se marqua à l’instant ; sa physionomie se ferma : « Mais je ne connais personne à Paris », répondit-il ; — et après une pause d’un instant : « Je n’y connais plus que la colonne de la place Vendôme. » Puis s’apercevant qu’il avait interprété trop profondément une parole toute simple, et pour corriger l’effet de cette brusque réponse, il envoya le surlendemain à M. de La Rue, qui montait en voiture, un petit billet où étaient tracés ces seuls mots : « Quand vous reverrez la Colonne, présentez-lui mes respects. » Au maréchal Marmont, comme à toutes les personnes avec qui il parlait de la France, le jeune prince exprimait l’idée qu’il ne devait, dans aucun cas, jouer un rôle d’aventure ni servir de sujet et de prétexte à des expériences politiques ; il rendait cette juste pensée avec une dignité et une hauteur déjà souveraines : « Le fils de Napoléon, disait-il, doit avoir trop de grandeur pour servir d’instrument, et, dans des événements de cette nature, je ne veux pas être une avant-garde, mais une réserve, c’est-à-dire arriver comme secours, en rappelant de grands souvenirs. » Dans une conversation avec le maréchal, et dont les sujets avaient été variés, il en vint à traiter une question abstraite ou plutôt de morale, et comparant l’homme d’honneur à l’homme de conscience, il donnait décidément la préférence à ce dernier, « parce que, disait-il, c’est toujours le mieux et le plus utile qu’il désire atteindre, tandis que l’autre peut être l’instrument aveugle d’un méchant ou d’un insensé ». Se rappelant la conversation qu’il avait eue avec Napoléon avant Leipzig, à Düben, le 11 octobre 1813, et que les événements subséquents avaient gravée en traits brûlants dans son souvenir, le maréchal fut très frappé de ce qu’il croyait une coïncidence fortuite ; mais, comme il en parlait à une personne de la Cour, il sut que le jeune prince avait été informé par elle de cette conversation de Napoléon et des traces qu’elle avait laissées dans le cœur du maréchal.

1526. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Vous, Monsieur, vous n’y mettez pas tant de façons ; pour vous, le Romantisme n’est qu’un château de cartes : un souffle, — un article, et l’on n’en entendra plus parler. […] » Mais alors abattez donc tout de suite le chêne magnifique, puisque le champignon difforme pousse au bas du tronc, — et n’en parlons plus. […] Rien de plus net et de plus précis. — Puisqu’il parle et qu’il s’exprime de manière à être compris, le Romantisme n’a pas besoin qu’on parle pour lui et qu’on lui fasse dire officieusement que « la forme est le principal, et la pensée l’accessoire », lorsqu’il dit tout le contraire. […] Jouvin ne passe point pour être subventionné par la Société des auteurs dramatiques, à la seule fin de porter leurs pièces sur le pavois du feuilleton ; s’il parle parfois des comédiens et des comédiennes, on ne peut rigoureusement en conclure que des serviteurs chargés de présents viennent le saluer, chaque matin, au nom du Vaudeville et du Théâtre-Français.

1527. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

— on n’a jamais tant parlé d’intentions et d’intentions insuffisantes ! […] Il est évident que si l’opinion, cette fois encore, n’admettait pas cette déclaration sur la beauté de son génie, faite par Mme George Sand elle-même, l’opinion serait inconséquente ; car c’est elle qui a fait de ses propres mains cet orgueil qui parle aujourd’hui. […] Thiers a pour lui les moyennes ; — le centre de l’opinion française, comme il a pour lui le centre de la Chambre, quand il y parle. […] Un jour, si j’avais besoin de continuer cette étude sur Mme Sand et si je la spécialisais davantage, je ferais, pour l’édification des amateurs, le relevé de ces prudhommismes, que la Critique a vus sans les voir… ou sans en parler. […] J’ai cité plus haut Mme Gottin, l’auteur de Malek-Adel, l’inspiratrice de tant de pendules d’épicier ; mais Mme Cottin parlerait-elle plus de « l’ange de la destinée, du volcan, de la chaîne brisée et du bouclier ?

1528. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

C’est, lui, le naturel dans l’étrange, si on peut dire de l’étrange qu’il soit naturel… et on ne se douterait jamais, en l’entendant parler des choses de la vie réelle, que c’est là un poète visionnaire ! […] IV Elles parurent et firent leur effet, ces Névroses que j’avais annoncées bien avant tous les autres qui en ont parlé, bien avant que les Spéculateurs connus en matière de publicité, avec leurs trompettes, — qui ne sont pas les trompettes du jugement dernier, — aient vomi le nom de Rollinat de leurs horribles conques, intéressées seules au bruit qu’elles font ! J’avais montré, de loin, à l’horizon, le poète qui allait y poindre et qui l’a, d’un trait, subitement envahi, pour y rester, étoile à sa place, malgré les efforts réagissants de l’Envie qui voulait l’en précipiter, et j’attendis longtemps alors avant de parler des Névroses. […] Après avoir beaucoup parlé de M.  […] Ses Névroses sont contagieuses ; elles donnent réellement des névroses à ceux qui parlent d’elles !

1529. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Il a dit partout : beau, parfait, sublime, et il n’a point décrit ni défini ce dont il parlait. […] On disserte avec Mlle de Scudéri, on fait des portraits avec Mademoiselle, on apprend le pur français avec Vaugelas, et l’on se pique de bien parler et bien écrire. […] Ces mots magiques, nul raisonnement, nulle science ne les découvre ; ils sont le langage de l’imagination qui parle à l’imagination ; ils expriment un état extraordinaire de l’âme qui les trouve, et mettent dans un état pareil l’âme qui les écoute ; ils sont la parole du génie ; ils ne sont donnés qu’à l’artiste, et changent la triste langue des analyses et des syllogismes en une sœur de la poésie, de la musique et de la peinture. […] Il s’est épris si vivement qu’il a parlé de Condé comme d’un beau-frère et de La Rochefoucauld comme d’un rival.  […] Mais de ce labeur infini et de ces petits détails est sortie une œuvre vivante ; ces portraits si nombreux, attachés les uns au bout des autres, sont animés ; ils parlent au visiteur ; on sent la main d’un romancier et d’un poëte.

1530. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Il est vrai que nous parlons souvent sans lui et plus haut que lui. […] Le philosophe parle et écrit. […] Racine parle celle de Louis XIV et des femmes qui étaient l’ornement de sa cour. […] Toutes les langues comme toutes les nations ne parlent-elles pas de liberté, de devoirs et de droits ? […] Ne me parlez pas de l’opinion publique.

1531. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Aussi bien, le moment n’est-il pas arrivé de parler de M. de Musset autrement que l’encensoir à la main ? […] il se trouve que cet affreux mari n’est pas aussi noir, aussi blasé, aussi sceptique qu’il en a l’air, et qu’après avoir pensé, parlé et agi comme un roué du dix-neuvième siècle (les plus pitoyables de tous), il vient un instant où il pense, parle et agit comme M.  […] Oromédon parle à Méganyre de ses appas, de ses feux, ce qui force celle-ci à lui parler de ses faibles attraits. […] Parlerai-je d’Héloïse ? […] Mignet, on le comprend, n’a pu nous parler d’hommes tels que M. 

1532. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

C’était plus qu’un auteur qui parlait, c’était un homme. […] Il ne laisse pas parler les objets, il les force à lui répondre. […] —  Astarté, ma bien-aimée, parle-moi ! […] Parle-moi ; —  regarde les démons autour de nous ; ils se sentent un cœur pour moi. —  Je ne les crains pas, je ne sens mon cœur que pour toi seule. —  Parle-moi, quand ce serait avec courroux. […] » Elle parle, quelle triste et douteuse réponse !

1533. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Elle lui parla des aptitudes et des succès de son frère, et, à quinze ans et demi, Ernest Renan se trouva transplanté à Paris. […] Personne n’a mieux parlé que lui des règles et des devoirs de la philologie ; personne ne les a mieux pratiqués. […] Il voit les objets inanimés, il en parle comme s’ils étaient des êtres vivants. […] Michelet ne veut pas qu’on parle trop tôt à l’enfant de Dieu. […] Villemain, à qui il en a parlé, a prononcé le mot de mercantilisme.

1534. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Celui qui de nous deux, parlait le plus purement, c’était lui : car j’ai un peu, très peu, l’accent breton, et l’Empereur parle comme un Parisien. […] J’ai parlé plus haut du poète qu’était M.  […] On ne le remarquait guère quand il se présentait quelque part, on le distinguait dès qu’il commençait à parler. […] Jules Claretie s’est remis, comme il le dit, à parler des choses de son temps. […] L’auteur est breton, il aime sa terre natale et il la chante pieusement, en parlant comme un enfant parle de sa mère.

1535. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Mais en attendant, ce sont bien elles aussi qui ouvrent, ou pour ainsi parler qui dessillent les yeux de Molière. […] … J’en parlais un jour à Mme de B… qui est de vos amies, et qui en vérité a regret à votre raison. […] Il eût encore mieux parlé, s’il eût dit qu’on y met plus de brillant ou de clinquant que d’esprit. […] Il en arrive, et il le faut dire, que si l’on a jadis écrit ou parlé un français plus noble, plus grave, plus sérieux, on n’en a jamais parlé de plus « joli » qu’entre 1685 et 1715 ou à peu près, ni de plus transparent, qui fût un calque plus fidèle de l’idée, ni qui fût aussi plus concret. […] J., Bourdaloue, sa vie et ses œuvres] ; — et tous ceux qui en ont parlé ; — catholiques ou protestants.

1536. (1896) Les Jeunes, études et portraits

elle est jolie, oui, parlons-en ! […] Mais qui parle à Durtal d’aimer son prochain ? […] Il lui parle de la faute et de l’amant. […] Celui qui parle est un ami et un père plutôt qu’un mari. […] On n’en parle pas.

1537. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Goffic, Charles (1863-1932) »

Anatole France Au sortir des études, Charles Le Goffic fit des vers, et ils parlaient d’amour, et cet amour était breton. […] Et l’idiome de Le Goffic est d’une perfection égale à celui que parle Vicaire : rien de hâtif, rien de laissé au hasard, de banalement « inspiré », n’y traîne, bien que tout y soit le retentissement élargi d’une voix de l’âme.

1538. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1823 »

Il a donc pensé que si l’on plaçait le mouvement de l’Ode dans les idées plutôt que dans les mots, si de plus on en asseyait la composition sur une idée fondamentale quelconque qui fût appropriée au sujet, et dont le développement s’appuyât dans toutes ses parties sur le développement de l’événement qu’elle raconterait, en substituant aux couleurs usées et fausses de la mythologie païenne les couleurs neuves et vraies de la théogonie chrétienne, on pourrait jeter dans l’Ode quelque chose de l’intérêt du drame, et lui faire parler en outre ce langage austère, consolant et religieux, dont a besoin une vieille société qui sort, encore toute chancelante, des saturnales de l’athéisme et de l’anarchie. […] Nous arrêterons ici ces observations préliminaires qui exigeraient un volume de développements, et auxquelles on ne fera peut-être pas attention ; mais il faut toujours parler comme si l’on devait être entendu, écrire comme si l’on devait être lu, et penser comme si l’on devait être médité.

1539. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre II. Trois espèces de langues et de caractères » pp. 296-298

La seconde langue fut celle des signes héroïques ; c’est le langage des armes, pour ainsi parler ; et il est resté celui de la discipline militaire. La troisième est le langage articulé, que parlent aujourd’hui toutes les nations.

1540. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

qui, dis-je, oserait en parler, ou oserait y penser, puisqu’on n’en parle point sans pudeur, et qu’on n’y pense pas sans péril, même pour le blâmer ? […] Nous ne parlons plus de l’hospitalité anglaise ; elle est prodigieuse, là comme ailleurs. […] Mais écoutons-le ; c’est lui-même qui va parler. […] L’empereur s’informa s’il y avait un roi en France et si l’on y parlait anglais. […] Et ce jeune homme qui va parler ?

1541. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Il parle de vie future, et l’on sait qu’il était chrétien. […] Un simple stoïcien ne parlerait guère autrement. […] A parler franc, il n’acquiert pas toutes nos sympathies. […] Barrès a parlé du moi. […] Zarathustra n’a pas parlé pour les majorités.

1542. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

qu’on ne m’en parle plus 59 !  […] A-t-il à parler, par exemple, de Monseigneur, fils unique de Louis XIV, et de sa maîtresse, Mlle Choin, que ce prince avait peut-être épousée en secret, Duclos copie, abrège et ne fait qu’adoucir Saint-Simon. […] Le roi, sans lui parler de l’enlèvement proposé du cardinal de Noailles, lui dit qu’il était vrai qu’il se trouvait extrêmement tracassé de cette affaire de la Constitution ; qu’on lui proposait des choses auxquelles il avait peine à se résoudre ; qu’il avait disputé tout le matin là-dessus ; que tantôt les uns et tantôt les autres se relayaient sur les mêmes choses, et qu’il n’avait point de repos. […] Louis XIV, si poli avec les femmes, va tutoyer Mlle de Chausseraye, et celle-ci va parler à la Duclos, c’est-à-dire manquer à sa tactique d’indifférence, et, en s’adressant au roi, avoir une pointe de jurement comme dans un café. […] Les dernières paroles de la Dauphine furent : « F. de la vie de ce monde, ne m’en parles plus ! 

1543. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Il ne paraît pas se douter qu’ici il parle comme Pascal ; une telle rencontre est rare chez lui. […] peu de fautes, beauconp de grandes vérités ; Voltaire sait tout, parle de tout en expert. […] D’Argenson ose être lui-même sans peur du ridicule et parler à sa guise sans rien de cette « petite circonspection » qui en France, dit-il, « étête » tous nos personnages. […] M. de Paulmy, ce noble amateur de livres, dont aucun homme de lettres ne doit parler qu’avec estime et respect, avait des qualités assez différentes de celles de son père : spirituel, sage, discret, insinuant, avec une nuance de douceur que le père, dans sa rudesse, appelait doucereuse. […] J’ai entendu le roi parler légèrement de la vertu qu’on nomme bravoure.

1544. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Votre Majesté était maîtresse de l’empire ; il est inutile d’en parler : la prudence, la circonspection à laquelle on a été accoutumé dans la dernière guerre d’Allemagne (celle d’avant la paix de Riswick), a fait oublier la véritable guerre à plusieurs. […] Les bontés de Sa Majesté, l’honneur de sa confiance me donnent du courage ; mais permettez-moi de vous parler avec liberté : ce qui est arrivé après Kehl, lorsqu’on m’a blâmé d’avoir ramené l’armée en France, a fait une impression sur mon esprit, laquelle se détruira ; mais on est homme, et une certaine activité qui m’a fait agir jusqu’à présent sans trop consulter, une fois désapprouvée, ne se rétablit pas tout d’un coup. […] Les contributions dont on avait coutume de frapper les pays ennemis, et moyennant lesquelles ils se rachetaient de l’incendie et du pillage, étaient une autre difficulté que Villars avait prévue dès l’abord et dont il avait parlé au roi. […] Lorsque plus tard Villars revit le roi, il fut question de ce mauvais procédé de M. d’Usson ; mais il faut voir comme Villars parle de ses ennemis sans fiel et d’un air de magnanimité ; il n’est pas de la même humeur que Saint-Simon : Sa Majesté me parla d’un officier qui, dans le dessein de se donner les honneurs de la victoire d’Hochstett, lui avait dépêché un courrier avant le mien pour lui en annoncer la nouvelle, je le jugeai indigne de ma colère, et répondis seulement à Sa Majesté que l’on pouvait lui pardonner d’avoir manqué à son général, puisque le bonheur d’être le premier à annoncer une bonne nouvelle tourne quelquefois la tête ; mais que cette action, qui pouvait être blâmée, était cependant une des plus raisonnables qu’il eût faites. […] Les os des bras rompus, il eut encore la force de faire signe au prêtre de s’éloigner ; et tant qu’il put parler, il encouragea les autres.

1545. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle parle au reste librement d’elle-même et de ce qu’elle avait été ; J’ai retrouvé, écrivait-elle après des années, Mme de Castellane ; elle est toujours la même, et elle s’est montrée plus charmante pour moi que jamais. […] Mme de Sévigné a bien parlé de ces belles matinées de cristal de l’automne. […] Comprendre chaque Père de l’Église, le rendre avec la physionomie qui lui est propre, lui faire parler sa langue, le faire agir sur la scène où il a vécu, c’était son ambition première, et elle excédait ses forces : de plus savants qu’elle sont restés en chemin. […] Rossi, à qui elle en parla, et qui certainement appréciait tout bas l’impossibilité, lui conseilla de ne recourir à personne, de se charger seule du fardeau, et de démêler ses idées à sa guise, sauf à les rectifier après. […] Je parle au point de vue du public, et je ne doute pas que de ces trois volumes qui sont presque inédits on n’en pût tirer un qui plairait à tout le monde, et qui placerait à un bon rang dans notre littérature morale le nom de Mme de Tracy.

1546. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Un des insignes bonheurs de Henri IV fut (et je parle toujours d’après des contemporains), que Henri III, un peu avant de mourir et depuis son attentat de Blois, dans l’extrémité où il se vit réduit par la révolte des principales villes, eut besoin de lui, fut contraint, au vu et su de toute la France, de capituler avec lui, de le rappeler à son service, d’en faire son bras droit et son chef d’avant-garde. […] J’ai vu tel lui venir communiquer d’un fait d’importance, duquel il n’avait en sa vie ouï parler, qui s’en retournait avec une opinion que quelque autre déjà en avait fait ouverture. […] Jamais homme qui lui ait dit une parole vraie ne s’en repentit, quoiqu’elle fût hardie, principalement s’il reconnaît qu’elle parle d’amour et d’affection. […] Le mal ne va jamais plus outre, on n’en est point pis pour cela ; je parle de ceux qui ont cet honneur de pouvoir et devoir parler à lui… Quoi que ce soit, il sera loisible aux gens de bien, sous ce roi-ci, de penser librement ce qu’ils voudront, et de dire librement ce qu’ils auront pensé. […] Ces caresses se faisaient souvent à de petits mestres de camp de guerres civiles, qui n’eussent jamais en leur vie osé parler au roi s’ils n’eussent été ses ennemis, et en cette qualité-là ils en recevaient un bon visage.

1547. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Mais cet Arthur, qu’un hasard heureux, une saison plus recueillie, a laissé écrire avec plus de soin et de suite à un homme du monde redevenu chrétien ; ce roman, bien fait pour plaire à beaucoup, nous permet de parler, selon notre cœur et notre goût, d’un poëte aimable, d’un des naturels les plus charmants de ce temps-ci, et auquel il n’a manqué que le travail et l’haleine. […] Publiez-les vos vers, et qu’on n’en parle plus123 ! Je ne sais si l’on parla beaucoup de ces vers, mais le poëte, mais son âme, encore plus que ses écrits, était connue et goûtée des maîtres. […] Dans un roman dont je n’ai pas parlé, et que M. […] Elle n’en était pas restée longtemps au ton du début, quand Alfred de Musset lui parlait comme un jouvenceau à un Byron : Ulric, nul œil des mers, etc.

1548. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Nous parlerons de Charles Loyson, d’Aimé De Loy, de Jean Polonius. […] Son visage, quand on lui lisait quelque écrit, prenait alors quelque chose de grave et de singulièrement expressif, qui, presque avant de parler, donnait conseil. […] Il parlait et écrivait, dit-on, le portugais à merveille ; l’idiome de Camoëns était devenu sa langue favorite, et il lui fallut quelque temps avant de reprendre sa fluidité française. […] Le vicomte de Launay a de telles façons délicates d’injurier, qu’on essayerait vainement de les égaler par la louange et qu’on ne peut les rendre à la belle muse qu’en se taisant. — (Je me suis dédit depuis de ce ferme propos, et j’ai parlé de Mme de Girardin dans les Causeries du Lundi avec bien du plaisir.) […] Un jour, il y a quelques années, vers 1841, au plus fort des luttes politiques, dans une discussion d’adresse où il avait parlé plusieurs fois, M.

1549. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Je ne parle point de la puissance d’invention qu’un caprice de la nature a évidemment accordée avec plus de libéralité à quelques écrivains de notre temps. […] Il a dans ses façons de parler un brin de pédantisme dont il est le premier à sourire. […] Alphonse Karr ; de ces romans « humoristiques » dont Flaubert a dit dans Bouvard et Pécuchet : « L’auteur s’interrompt à chaque instant pour parler de sa maîtresse et de sa pantoufle. […] S’il parle à son chat, c’est que son chat lui est un compagnon naturel et nécessaire, qui fait partie de son cabinet de travail, et c’est pour lui adresser des discours pleins de suc et de philosophie. […] Ce livre plaira aux mères, car il parle des enfants.

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