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1447. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Le public le jugea d’abord un grand homme, & lui le crut encore plus que le public. […] Un faiseur d’épigrammes l’avoit déjà traité plus indignement que Boileau* : Au milieu de la cour, par des écrits sanglans, Bussi, qui le croiroit ! […] « Autrefois, disoit-il, on croyoit à tout, à l’astrologie, à la magie, à toutes les sottises imaginables ; mais actuellement on ne croit à rien. » Entendant un jour des esprits-forts nier l’existence d’un premier être, il entra dans une rêverie profonde. […] Linière mourut ferme dans ses principes, aussi bien que Saint-Pavin, quoiqu’on ait publié qu’il s’étoit converti au bruit d’une voix effrayante qu’il avoit cru entendre à la mort de Théophile. […] Né foible & timide, il eut recours aux loix : il crut trouver en elles un frein à la satyre.

1448. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

On peut bien croire que les pantomimes se servoient des uns et des autres, et qu’ils n’avoient pas encore trop de moïens pour se faire entendre. […] On croit bien qu’Auguste ne trouva point à propos de repliquer à cette réponse. […] Il est à croire que ces comédiens commencerent d’abord par executer à leur maniere les scénes des tragédies et des comédies qui s’appelloient des cantiques. […] Cassiodore après y avoir parlé des tragédies et des comédies qui se représentoient sur ce théatre, ajoute donc : orchestarum… etc. si l’on en croit Martial et quelques autres poëtes, les pantomimes faisoient des impressions prodigieuses sur les spectateurs. […] Quelques auteurs modernes ont cru que Neron avoit chassé de Rome tous les comédiens, parce que Tacite, en racontant l’expulsion des pantomimes use du mot general dont on se servoit pour désigner ceux qui joüoient sur le théatre.

1449. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

L’homme d’esprit en rit ; le sot même n’ose plus les croire. […] Elle crut qu’il valait mieux présenter la vertu en action, que des lieux communs de morale, souvent usés. […] Et croyez-vous produire ces effets sans éloquence ? […] Croit-on, en effet, que, dans toutes les beautés ou de la nature ou de l’art, ce soit l’idée d’un seul et même objet, ou une sensation simple qui nous attache ? […] croient-ils qu’on puisse en imposer sur le sentiment ?

1450. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Ne croyez point qu’on lui avait accordé une sinécure ! […] Il se croyait alors invisible. […] Je ne crois pas m’attirer de la part de M.  […] Se croyait-il donc à ce point menacé ? […] Et je crois qu’il n’a pas tort.

1451. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

… Je le crois possédé d’un certain démon. […] Il croit en lui-même, — comme toi, plus que toi. […] On croirait marcher sur une toison d’or. […] … Je crois que j’ai un peu peur. […] Huysmans, vous aimez, je crois, la peinture.

1452. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Pas autant qu’on pourrait le croire. […] Si favorable qu’elle soit à l’art du jour, elle ne se croit plus obligée de dénigrer l’art d’autrefois. […] Mais n’allez pas croire à une imitation ou à une réminiscence classique. […] Comme Edgar Poë, il croit à la perversité native. […] La petite-nièce de Corneille croyait s’être affranchie de son sexe, et la femme se réveille en elle.

1453. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

Elle crut d’abord que c’étoit le premier qui avoit oublié quelque chose à lui dire & qui remontoit. […] pour cela , répondit du Perron, je crois que le lieutenant n’ordonnera pas qu’on la prenne au corps. […] Il faut seulement que, pour faire croire le contraire, elle se fasse peindre devant son livre.

1454. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

Il entassait comme des ballots tous ces livres de pacotille et d’imitation vaniteuse que l’Amérique, cette société démocratique et mercantile, qui se croit une littérature parce qu’elle fait de la production littéraire, a publiés depuis quelques années avec un redoublement d’ardeur, et, de cette plume éclatante, amoureuse du beau et trompée, qui se vengeait alors, il écrivait une méprisante étiquette sur toute cette marchandise littéraire destinée à s’avarier si vite sur le chemin de la postérité. […] Le croira-t-on ? […] et non pas de papier barbouillé avec des facilités de métier que ceux qui n’en ont pas croient du talent, ) sont signés par des hommes qui ont tous quinze et vingt ans de célébrité sur la tête.

1455. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Dans la nuit du 12 au 13, Rosny, qui était en garnison dans Pacy-sur-Eure, vit ou crut voir au milieu d’un orage « de grands signes au ciel de deux armées fort bien distinguées, et les hommes et les chevaux aussi se battant furieusement », presque de même qu’il devait le voir ensuite le lendemain. […] croyait bien que c’était le moment de se rendre, lorsqu’au contraire, apprenant son nom et le reconnaissant, l’un d’eux lui dit : « Nous vous connaissons bien tous ; nous voulez-vous faire courtoisie et nous sauver la vie ?  […] Les secrétaires ont l’air d’en rejeter le trop de solennel sur la vanité de l’écuyer de Rosny appelé Maignan : il est permis de croire qu’il en revient quelque chose au maître. […] Je le croirais volontiers : il n’en reste pas moins vrai que Rosny devançait et acceptait le parti le plus juste, le seul possible et le seul suivant l’intérêt de l’État. […] Il fallait réduire ces contradicteurs au silence, à l’impuissance, et, pour cela, convaincre le roi, qui était tenté par moments de croire une moitié au moins de ce qu’on lui disait de toutes parts.

1456. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Cela s’établit comme un principe : là-dessus, on se fait une conscience, et il n’y a rien que l’on ne se croie permis par un si beau motif. […] La princesse de Conti, présente au sermon et ayant cru reconnaître ses amis « dans ces hommes zélés, mais d’un zèle qui n’est pas selon la science, dans ces esprits toujours portés aux extrémités, qui, pour ne pas rendre la pénitence trop facile, la réduisent à l’impossible et n’en parlent jamais que dans des termes capables d’effrayer », témoigna par quelque geste qu’elle était blessée de l’allusion : ce que Bourdaloue ayant remarqué, il alla après le sermon voir la princesse, qui s’en expliqua avec lui et qui lui dit très nettement que la seconde partie l’avait fort scandalisée. […] Je dis sévère : car il ne faut pas croire que Bourdaloue, en exposant à son auditoire ces portraits fidèlesl, y mêlât de ces nuances, de ces inflexions marquées de débit et d’accent qui en eussent fait des peintures trop agréables et de trop fines satires : il restait lui-même, c’est-à-dire grave, uni en parlant, sérieusement digne ; il n’avait pas de ces tons familiers, insinuants, touchants, que lui demandait Fénelon ; il maintenait le caractère d’enseignement et de précepte, même dans ses censures ; enfin, il lui suffisait d’être frappant, utile et instructif, il n’était pas enchanteur. […] C’était un homme d’un caractère doux et de si peu d’emportement contre les protestants, qu’il croyait que les gens de bien parmi eux pouvaient être sauvés : je n’ai jamais rencontré ce degré de charité chrétienne chez aucun autre théologien catholique. […] [1re éd.] car il ne faut pas croire que Bourdaloue, exposant à son auditoire ces portraits fidèles

1457. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Rousset n’est pas, après tout, si grosse ni si grave qu’on le croirait ; elle porte sur la forme et sur le ton, plus que sur le fond. […] Dans son enfance, beau, grave, sérieux et prudent, il n’avait pas autant de vivacité que d’autres enfants élevés auprès de lui et qui se croyaient plus d’esprit que lui (M. de Guiche, le chevalier de Rohan, Tréville, etc.). […] Un roi, en effet, je veux dire quelqu’un qui est né pour l’être, qui se croit et se sent de race et d’étoffe à cela, soit qu’il s’appuie à la vieille idée du droit divin, ou qu’il s’inspire de la pensée d’une haute mission, suscitée et justifiée par l’attente universelle, doit avoir en soi une noble confiance. […] disait-il ; je crois que j’entends venir le roi » Louis XIV ne l’entendait jamais venir, car il l’était et le restait toujours. […] Je la crois à la fois plus bienséante et plus équitable.

1458. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Il en parut si mécontent que ces messieurs crurent ne pas lui déplaire en avertissant les mères des églises (de l’Église) qu’elles avaient tort de préparer un Te Deum qu’elles ne chanteraient pas, et que rien n’était plus incertain que la conversion du roi. […] je crois la voir ! […] — Je crois que ce ragoût est une fricassée de poulets. — Je suis de cet avis, Madame. » « Après cette réponse, faite du ton le plus sérieux, la reine continue à manger, et le maréchal reprend sa place à reculons. […] « On oublie, en voyant Thémire, qu’il puisse y avoir d’autres grandeurs, d’autres élévations que celle des sentiments ; on se laisserait presque aller à l’illusion de croire qu’il n’y a d’intervalle d’elle à nous que la supériorité de son mérite : mais un fatal réveil nous apprendrait que cette Thémire si parfaite, si aimable, c’est — la Reine. […] Burty, « c’est, je crois, le plus intime, et la physionomie de cette reine, si fine et si douce, y a une teinte de résignation qui fait pénétrer plus avant dans l’histoire de ses secrètes douleurs. » 54.

1459. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Ce serait bien incomplétement connaître Mme de Duras que de la juger seulement un esprit fin, une âme délicate et sensible, comme on le pourrait croire d’après son influence modératrice dans le monde et d’après une lecture courante des deux charmantes productions qu’elle a publiées. […] Dès lors, je crois, elle entretenait avec Mme de Staël un commerce de lettres et des relations qui plus tard, au retour de l’exilée illustre, devaient encore se resserrer. […] je me trompais ainsi moi-même : comme les enfants, je fermais les yeux et je croyais qu’on ne me voyait pas. […] Comment croire qu’on puisse causer de sang-froid et volontairement ces chagrins déchirants qui font souffrir mille morts avant de mourir ? Comment croire qu’on voudrait briser un cœur qui, peut-être pendant des années entières, vous a chéri, adoré, excusé, qui avait fait de vous son idole ?

1460. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Zola se voit comme homme et, ce qui nous touche davantage, comme romancier ; nous savons ce qu’il est ou ce qu’il croit être. […] Sandoz rapetisse étrangement le domaine de l’art, et, ce qu’il y a de curieux, c’est que cet enragé croit l’agrandir ! […] Zola ne fait pas toujours ce qu’il croit faire, je m’en réjouis, car ce qu’il fait est magnifique et surprenant. […] « Si malade qu’on crut qu’elle allait mourir, et que monseigneur eut pitié d’elle et vint lui-même lui donner l’extrême-onction. […] Il s’est cru obligé de rattacher sa petite vierge à cette horrible famille par quelque lien de parenté.

1461. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Une des personnes de sa société qu’elle appréciait le plus était la duchesse de Choiseul, femme du ministre de Louis XV, personne bonne, vertueuse, régulière à la fois et charmante, et qui n’avait d’autre défaut à ses yeux que d’être trop parfaite ; elle lui écrivait un jour : Vous ne vous ennuyez donc point, chère grand-maman (c’était un sobriquet de société qu’elle lui donnait), et je le crois, puisque vous le dites. […] Si je ne craignais de commettre un anachronisme de langage, je ne croirais pas en commettre un au moral, en disant qu’il y avait déjà en Mme Du Deffand de ce qui sera Lélia, mais Lélia sans aucune phrase. […] « Ce Saint-Lambert, dit-elle, est un esprit froid, fade et faux ; il croit regorger d’idées, et c’est la stérilité même. » Ce qu’elle dit là de Saint-Lambert, elle le disait, sauf variantes, de bien d’autres. […] Et dans un autre passage charmant où elle le compare à Walpole dans son manoir de Strawberry-Hill, elle conclut : « Allez, allez, Horace ressemble plus à Michel qu’il ne croit. » Ce qu’elle aime aussi dans Montaigne, c’est qu’il avait un ami et qu’il croyait à l’amitié. Ainsi cette personne, incrédule à tout, dans l’extrême vieillesse était arrivée à croire à quelque chose, et c’est pour cela qu’il lui sera beaucoup pardonné.

1462. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Daunou) a pu appeler le siècle « le plus tragique de toute l’histoire », Montaigne se garde bien de se croire né dans la pire des époques. Il ne ressemble pas aux gens préoccupés et frappés qui, mesurant tout à leur horizon visuel, estimant tout d’après leur sensation présente croient toujours que la maladie qu’ils ont est la plus grave que jamais la nature humaine ait éprouvée. […] Je ne prétends point atténuer la gravité des circonstances où se trouve engagé notre pays, et je crois qu’on a besoin en effet de mettre en commun toute son énergie, toute sa prudence et tout son courage pour s’aider et pour l’aider lui-même à en sortir avec honneur. […] Si on le prenait au mot et sur les premières apparences, on pourrait croire qu’il s’en acquitta un peu mollement et languissamment. […] À quoi j’ajouterai encore un de ces conseils qu’il adresse à ceux qui, comme moi et comme bien des gens de ma connaissance, subissent les tourmentes politiques sans les provoquer jamais et sans se croire d’étoffe non plus à les conjurer.

1463. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Je crus les cieux ouverts quand je me vis à la Cour ; je n’en connaissais guère toutes les amertumes. […] Ceux qui croiraient de loin que d’Antin était un oisif se tromperaient beaucoup. […] Les étés, les hivers étaient ainsi employés par d’Antin à la poursuite laborieuse de sa fortune : dans le parfait idéal où il se la peignait toujours, il ne croyait pas encore l’avoir atteinte. […] Il s’afflige bien moins encore de l’arrêt de sa fortune que de cette sorte d’ingratitude qu’il croit rencontrer au cœur du maître ; et c’est ici que nous trouvons chez d’Antin ce qui le caractérise dans l’espèce et ce que j’ai déjà appelé le platonisme du courtisan. […] … Il nous rappelle aussi le poète La Motte, qui, après une chute au théâtre, se retira quelque temps à La Trappe : « Il se croyait pénitent, a-t-on dit, parce qu’il était humilié. » D’Antin ne va pas jusqu’à songer à La Trappe.

1464. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

On la lui offrait plus forte ; il crut devoir la réduire lui-même à ce chiffre modique, ne voulant y voir et y laisser subsister que la légère attache de l’obligation et du bienfait. […] Beaumarchais entra dans la lice, défendant la société et les administrateurs ; je crois qu’au fond il avait complètement raison. […] La péroraison par laquelle Mirabeau terminait sa brochure est restée célèbre dans le genre de l’invective : Pour vous, monsieur, qui, en calomniant mes intentions et mes motifs, m’avez forcé de vous traiter avec une dureté que la nature n’a mise ni dans mon esprit ni dans mon cœur ; vous, que je ne provoquai jamais, avec qui la guerre ne pouvait être ni utile ni honorable ; … croyez-moi, profitez de l’amère leçon que vous m’avez contraint de vous donner… Retirez vos éloges bien gratuits ; car, sous aucun rapport, je ne saurais vous les rendre ; retirez le pitoyable pardon que vous m’avez demandé ; reprenez jusqu’à l’insolente estime que vous osez me témoigner… Et il finit par ce conseil terrible et le plus incisif, entre hommes avides avant tout de la popularité : « Ne songez désormais qu’à mériter d’être oublié. » Beaumarchais, sous le coup de l’outrage, se tut : il avait rencontré un jouteur encore plus osé que lui, et à plus forte carrure ; il était dépassé et vaincu. […] On racontait alors de Beaumarchais et de sa vie intérieure mille singularités vraies ou fausses, mais qui visaient au scandale ou au ridicule : celle-ci, par exemple, qui est assez piquante, et que je donne pour ce qu’elle vaut : Beaumarchais a une pantoufle en or clouée sur son bureau, c’est celle de sa maîtresse ; avant de travailler, il la baise, et cela l’inspire. — Il embrasse tout et se croit propre à tout. […] Il est mis en prison à l’Abbaye ; quelques heures avant les massacres du 2 septembre, il en est tiré par la générosité de Manuel, qui vient lui dire : « Sortez à l’instant de ce lieu. » — Je lui jetai mes bras au corps, s’écrie dramatiquement Beaumarchais, sans pouvoir lui dire un seul mot : mes yeux seuls lui peignaient mon âme ; je crois qu’ils étaient énergiques s’ils lui peignaient tout ce que je pensais !

1465. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

7 juin Je ne crois pas que le monde finisse, parce qu’une société périt. Je ne crois donc pas à la fin du monde après la destruction de ce qui est aujourd’hui, cependant je suis intrigué de savoir quelle pourra être la physionomie d’un monde, aux bibliothèques, aux musées pétrolés, et dont l’effort sera de choisir pour se gouverner, les incapacités les plus officiellement notoires. […] On causa, on parla de la philosophie de la forme des objets, et on parla de Dieu, auquel ils ne croient pas, ne croyant guère qu’aux esprits, à des manifestations des âmes des trépassés. […] Il me disait qu’il n’y comprenait rien, qu’il n’aurait jamais pu croire qu’il pût vivre quinze mois, qu’il avait un caillot de sang dans la cervelle de la grosseur de son verre à bordeaux. […] » Et il termine, en disant qu’il pense que ça finira, comme en Chine, où il croit à une science primordiale complètement perdue, et réduite et tombée à des recettes industrielles.

1466. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

— Je crois, avec tout le public, qu’il a pensé. — Croyez, et grand bien vous fasse ! […] S’il n’eût point été obscur, on ne l’eût pas cru profond. […] La proposition est si énorme, qu’on croit d’abord n’avoir pas compris. […] On peut croire ce qui n’est pas ; mais on ne peut point voir ce qui n’est pas.

1467. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

On aurait pu penser, et longtemps même on a cru, que les particularités d’organisation qui déterminent les habitudes de vie, et la station générale de chaque être dans l’économie de la nature, devaient être de haute importance en classification. […] Classification des variétés. — Un regard jeté sur la classification des variétés qu’on croit ou qu’on sait descendues d’une espèce quelconque confirmera encore cette manière de voir. […] Je crois fortement que tel est le guide qu’on a inconsciemment suivi ; et je ne saurais m’expliquer autrement la raison des diverses règles que nos meilleurs systématistes ont suivies. […] Tous ces fait trouvent, je crois, leur explication dans la théorie de descendance modifiée. […] Une fois ces deux principes admis comme suffisamment prouvés, ils suffiront, je crois, à expliquer tous les faits principaux de l’embryologie dont j’ai parlé précédemment.

1468. (1913) Poètes et critiques

Bellessort a cru reconnaître chez les étudiants de l’Université d’Upsal. […] Giraud ne croit-il pas ce qu’il désire ? […] Et c’est, je crois, une méprise. […] J’ai dû le croire comme lui, avant d’y regarder de près. […] C’est ce qu’a cru pouvoir faire M. 

1469. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

le croirais-tu bien ? […] Je crois peut-être expliqué de quelle manière ce morceau se rattache au but général de l’auteur. […] Qu’on ne croie pourtant pas que les beautés manquent dans ce second écrit de M.  […] Placé dans un rang élevé, M. de Souza n’a pas cru y déroger en enrichissant la littérature de sa patrie d’une édition du Camoëns.

1470. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Pour l’amour noble, idéal, comme pour la poésie, il n’y a que deux âges, jeunesse et vieillesse ; dans l’intervalle, quand l’amour profond et passionné existe, il faut qu’il se cache et se garde des témoins ; il intéresse malaisément un tiers ; il se complique de mille petitesses et misères du corps et de l’âme, d’obésité, d’ambition : on a peine à y croire, on ne peut l’admirer. […] Diderot, dans quelques-uns de ces endroits, se reproche de marcher sur les brisées de Marivaux ou de Crébillon fils ; mais il a bien autrement de profondeur, de réalité et de goût ; Crébillon fils toutefois, dans ses ouvrages, plus estimables qu’on ne le croit communément, a tracé plus d’une analyse de cœur ingénieuse et civilisée qui soutiendrait assez bien le parallèle avec quelques passages de Diderot. […] Nous parlâmes beaucoup de M***, je lui prédis qu’avant trois mois elle en entendrait une déclaration en forme. « Vous vous trompez. — C’est vous-même. — Il est froid. — Il s’échauffera. — Personne n’est plus réservé. — D’accord ; mais voici son histoire : il croira vous estimer seulement, et il vous aimera. […] Je pensai juste. » Là je m’arrêtai, et je demandai à mon religieux s’il savait combien il y avait d’ici à chez moi. « Soixante lieues, mon père, et s’il y en avait cent, croyez-vous que j’aurais trouvé mon père moins indulgent et moins tendre ?

1471. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Mais ces bouffonneries me paraissent d’une si excellente qualité et d’une invention si spéciale, que je ne croirais pas avoir entièrement perdu ma peine si je parvenais à les définir et à les caractériser avec quelque précision. […] La justice des hommes se promettait par avance une de ces satisfactions d’amour-propre qu’au dire des comptes rendus elle éprouve chaque fois qu’il lui est donné de présider à une cérémonie de cet ordre, et le tout-Paris des dernières, friand de tout bruit de coulisse  et notamment de celui que fait le sinistre couperet en glissant dans sa rainure  retenait déjà ses places, etc… » Ne croyez pas, je vous en supplie, que ces lignes soient l’indice d’un mauvais cœur. […] Grosclaude possède, je crois, au même degré que M.  […] « — Jamais, monsieur, vous me croirez si vous voulez !

1472. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Les Feuillans, en particulier, se crurent offensés de la comparaison. […] On crut y reconnoître sa manière. […] Avec quelque zèle dont le moine feuillant dom André eût servi son général, celui-ci ne se crut point satisfait. […] Phyllarque ou le prince des feuilles, enivré de ses succès, crut, en se vengeant, avoir rempli la vengeance divine.

1473. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

De plus, comme dans l’Écriture tout a un rapport final avec la nouvelle alliance, on pourrait croire que les élégies de Job se préparaient aussi pour les jours de deuil de l’Église de Jésus-Christ : Dieu faisait composer par ses prophètes des cantiques funèbres dignes des morts chrétiens, deux mille ans avant que ces morts sacrés eussent conquis la vie éternelle. […] Il entre dans son récit à la manière des anciens historiens ; vous croyez entendre Hérodote : « 1º Comme plusieurs ont entrepris d’écrire l’histoire des choses qui se sont accomplies parmi nous ; » 2º Suivant le rapport que nous en ont fait ceux qui dès le commencement les ont vues de leurs propres yeux, et qui ont été les ministres de la parole ; » 3º J’ai cru que je devais aussi, très excellent Théophile, après avoir été exactement informé de toutes ces choses, depuis leur commencement, vous en écrire par ordre toute l’histoire. » Notre ignorance est telle aujourd’hui, qu’il y a peut-être des gens de lettres qui seront étonnés d’apprendre que saint Luc est un très grand écrivain, dont l’Évangile respire le génie de l’antiquité grecque et hébraïque. […] Nous croyons connaître un peu l’antiquité, et nous osons assurer qu’on chercherait longtemps chez les plus beaux génies de Rome et de la Grèce avant d’y trouver rien qui soit à la fois aussi simple et aussi merveilleux.

1474. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

J’ai un masque qui trompe l’artiste, soit qu’il y ait trop de choses fondues ensemble, soit que les impressions de mon âme se succédant très-rapidement et se peignant toutes sur mon visage, l’œil du peintre ne me retrouvant pas le même d’un instant à l’autre, sa tâche devienne beaucoup plus difficile qu’il ne la croyait. […] Les autres portraits de Michel sont si médiocres qu’on ne les croiroit pas du même maître. […] Je crois que la santé y entre pour beaucoup. […] Croire avec Hutcheson, Smith et d’autres que nous ayons un sens moral propre à discerner le bon et le beau, c’est une vision dont la poésie peut s’accommoder, mais que la philosophie rejette.

1475. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Ainsi comme nous n’avons pas vû représenter des pieces de théatre, dans lesquelles un acteur récitât tandis qu’un autre faisoit les gestes, je crois que nous aurions tort de loüer, et encore plus de tort de blâmer décisivement le partage de la déclamation que faisoient les anciens. […] Qui nous peut déterminer à croire que ces mêmes spectacles auroient deplû, si des acteurs excellens, et que nous eussions été déja dans l’habitude de voir joüer avec un masque, avoient bien executé la partie de la gesticulation qu’une marionnette ne pouvoit qu’executer mal ? […] Or cette attention continuée durant huit cens ans (les théatres furent encore ouverts à Rome durant huit siecles après l’avanture de Livius Andronicus,) n’auroit-elle pas été suffisante pour désabuser les romains de l’usage de partager la déclamation entre deux acteurs, si cet usage eut été aussi mauvais qu’on est porté à le croire par un premier mouvement. […] Croirez-vous, dit Ciceron dans un autre endroit, qu’un homme aussi désinteressé que Roscius, veuille s’approprier aux dépens de son honneur un esclave de trente pistolles, lui qui depuis douze ans nous joue la comédie pour rien, et qui par cette generosité a manqué de gagner deux millions.

1476. (1762) Réflexions sur l’ode

Ce même Horace, le panégyriste de Pindare, et qui ne croit pas pouvoir l’égaler, nous plaît pourtant beaucoup plus ; parce qu’en effet il pense davantage, parce qu’il sent plus finement, parce qu’il est plus varié et plus naturel. Cependant croyons-nous encore avoir le tact juste sur les beautés d’expression qu’il renferme ? […] Quoi qu’il en soit, l’épître paraît plus faite pour réussir aujourd’hui ; elle se présente modestement et sans appareil ; la philosophie d’ailleurs, cette philosophie qui de gré ou de force s’introduit partout, croit y être plus à sa place, parce qu’elle s’y trouve plus libre, et plus maîtresse du ton qu’elle veut prendre. […] Il nous apprend néanmoins qu’il eut des censeurs de son temps ; et sans doute ces censeurs eurent quelquefois raison ; croit-on que Zoïle même ne l’ait pas eu quelquefois contre Homère ?

1477. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

… Forneron croit justement qu’il l’a perdue par la faute des hommes, — par ce que nous nommons, nous autres catholiques, le Péché, et ce que les mondains appellent seulement des fautes, — et c’est la vérité ! […] Avant l’histoire de Forneron, on savait déjà beaucoup sur ce temps terrible, mais, après cette histoire, je ne crois pas qu’on ait beaucoup à apprendre encore… et même le Forneron des deux derniers volumes surpasse, en renseignements, le Forneron des deux premiers. […] Très au-dessous de Charles-Quint, son père, dont il n’avait, si l’on en croit ses portraits, que la mâchoire lourde et les poils roux dans une face inanimée et pâle ; ce scribe, qui écrivait ses ordres, défiant qu’il était jusque de l’écho de sa voix ; ce solitaire, noir de costume, de solitude et de silence, et qui cachait le roi net (el rey netto), au fond de l’Escurial, comme s’il eût voulu y cacher la netteté de sa médiocrité royale ; Philippe II, ingrat pour ses meilleurs serviteurs, jaloux de son frère don Juan, le vainqueur de Lépante, jaloux d’Alexandre Farnèse, jaloux de tout homme supérieur comme d’un despote qui menaçait son despotisme, Forneron l’a très bien jugé, réduit à sa personne humaine, dans le dernier chapitre de son ouvrage, résumé dont la forte empreinte restera marquée sur sa mémoire, comme il a bien jugé aussi Élisabeth, plus difficile à juger encore, parce qu’elle eut le succès pour elle et qu’on ne la voit qu’à travers le préjugé de sa gloire. […] Elle a cru, celle-là, pouvoir se passer du principe religieux de l’autre, et, pour sa peine, les Démocraties déchaînées sont, à cette heure, en train de l’emporter !

1478. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Avant cela, il avait essayé, je crois, du Charivari et du théâtre. […] Il avait essayé du rire, du rire à large fente, et il s’en est fait un comme à la scène on se fait une tête ; car naturellement, si j’en crois le livre que j’ai sous les yeux, il n’est pas un esprit gai ; il n’a pas la promptitude, et la sveltesse, et le pétillement et la couleur rose qui font ce qu’on appelle la gaîté, du moins comme on l’entend en France, le seul pays où on la comprenne. […] Mais Regnard, que nous crûmes longtemps un second Molière, parce que nous prenions son rire pour le nôtre, Regnard est bien moins comique qu’il n’est gai. […] Je ne crois pas à la théorie rabougrissante de Taine sur les milieux et sur les climatures.

1479. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Quant à celui-là, il a disparu d’une manière mystérieuse ; la famille du conventionnel l’a, dit-on, payé 40, 000 francs aux héritiers de David ; nous n’en disons pas davantage, de peur de calomnier des gens qu’il faut croire innocents28. […] Molé et de Mme d’Haussonville — de vrais portraits, c’est-à-dire la reconstruction idéale des individus ; seulement nous croyons utile de redresser quelques préjugés singuliers qui ont cours sur le compte de M.  […] Delacroix, et nous croyons que c’est une raison de plus pour en parler. — Nous, cœur d’honnête homme, nous croyions naïvement que si MM. les commissaires n’avaient pas associé le chef de l’école actuelle à cette fête artistique, c’est que ne comprenant pas la parenté mystérieuse qui l’unit à l’école révolutionnaire dont il sort, ils voulaient surtout de l’unité et un aspect uniforme dans leur œuvre ; et nous jugions cela, sinon louable, du moins excusable.

1480. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Après le quatrième acte, où domine la scène de l’urne, c’est de tous les autres celui dont je suis le plus content, et je crois savoir pourquoi. […] Ducis, le bon et le grandiose, a gardé plus d’amis qu’on ne croit en bien des coins et dans bien des cœurs. […] J’ai cru apercevoir M.  […] Il est facile de juger à l’accueil qu’il lui a fait que la plus parfaite amitié règne entre les deux frères… Je crois qu’il n’y a point d’homme que j’aimerais autant que M.  […] Je crois que la défense de Claudius sera bien, quand vous l’aurez ornée de votre chaleur et de votre belle poésie.

1481. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

le suis », comme les hommes, les femmes croiraient avoir aussi de la barbe au menton. […] Ainsi, pour le mot Fronde, Vaugelas se croyait encore obligé, en 1647, de bien fixer la manière de dire ; car beaucoup disaient Fonde, conformément à l’étymologie et à cause du latin Funda. […] Les gens de mer l’ont emporté ; c’était bien le moins pour une chose qui est si essentiellement de leur cru et de leur domaine. […] Sur Sériosité, l’horoscope de Vaugelas est en défaut ; il lui avait prédit de l’avenir ; il croyait qu’on dirait bientôt : « Cet homme a de la sériosité », pour signifier du sérieux. […] S’adressant au président Perrault, attaché aux princes de la maison de Condé, il vocifère contre le fourbe Sicilien, contre le Mazarin, qu’il croit banni de France à jamais.

1482. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

L’épitaphe d’Agnès Sorel est connue ; rien n’empêche de croire à cette improvisation de cinq vers, et de nouveaux témoignages recueillis par M.  […] Enfin, avec les écrivains français de cette époque, on est sans cesse exposé à les croire originaux, si on n’est pas tout plein des anciens ou des modernes d’au-delà des monts. […] Pour le coup, on croit avoir saisi chez le savant un aveu, une pointe de naturel, un grain de Rabelais. […] Le moment serait pourtant venu, je le crois, de dresser une Anthologie française véritable, et d’y apporter à la fois la sévérité de l’érudition et celle du goût. […] Nos Analecta auraient besoin par moments de la sagacité d’un Brunck ou d’un Jacobs ; mais des esprits de cette trempe ne croiraient-ils pas s’y rabaisser ?

1483. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Il a un nom, et je crois que les Parnassiens le regardent comme un des saints les plus authentiques et les plus révérés de leur petite chapelle. […] Je la lui devais, d’autant plus que nous sommes dans deux camps opposés, et que toute complaisance de ma part aurait pu faire croire que je le traitais en adversaire peu sérieux. […] Crois donc à ma reconnaissance, Car tes vers, élixir, essence, Ont hâté ma convalescence. […] En ajoutant comme je le faisais : « Il y a d’ailleurs tout à attendre du cerveau extraordinaire qui enfanta tant de merveilles », je savais ce que je disais, et, à la fois, je ne croyais pas si bien dire ; n’ayant pas lieu de supposer qu’à quelques semaines de là l’événement donnerait raison — avec quel retentissement ! […] Croire ceci, c’est déjà bien.

1484. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

M. de Coulanges viendrait ce soir qui la voudrait copier, et je hais cela comme la mort182. » Ne la croyons qu’à demi. […] Il est plus d’une lettre qu’on croit lire pour la première fois et qu’on relit. […] Cette gloire ne le tenta pas ; il ne s’y croyait pas propre. […] Saint-Simon ne se piquait pas d’ailleurs de bien écrire ; il en fait l’aveu, quoique sans humilité, en grand seigneur qui croirait déroger s’il était, comme il dit, un sujet académique. […] Que de fois n’ai-je pas entendu des puristes, ou qui croyaient l’être, triompher des fautes de grammaire dans un auteur !

1485. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Lewes croit trouver la même découverte dans Démocrite (v. p. 97 du t.  […] Quoi qu’on puisse penser de ces interprétations, elles montrent du moins que l’auteur prend plus au sérieux, qu’on n’aurait cru peut-être, ces premiers essais de la pensée philosophique. […] Demandez-lui s’il considère ses perceptions comme des copies des objets, s’il croit que la fleur qui est devant lui, peut exister indépendamment de lui et de tout être humain, et exister avec les mêmes attributs de forme, odeur, goût, etc. : sa réponse sera affirmative. […] Tandis que sa réaction contre la scolaslique le conduit au point de vue objectif en cosmologie, ses études psychologiques ramènent le point de vue subjectif ; il croit que la raison peut résoudre les problèmes théoriques et métaphysiques. […] Leur explication doit être psychologique, et je crois, dit M. 

1486. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Il croit volontiers qu’elles occupent, dans la vie des souverains, une place prépondérante, et que, pour beaucoup d’empereurs et de rois, comme pour beaucoup de femmes, l’idée générale du règne est d’aimer. […] Mais croyez bien que les romanciers, à leur tour, ne dédaignent pas de tels avantages. […] Et puis, laissez-moi croire que l’enquête ne serait pas si sombre ni si dénuée de poésie qu’on le prétend. […] Les novices croient s’en tirer par un procédé bien naïf. […] Autant qu’il est permis d’affirmer et de généraliser, dans une question éminemment subjective et complexe, je crois donc que l’esquisse d’un roman est une opération rapide de l’esprit, ordonnant en un instant une matière déjà rassemblée.

1487. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Je crois que si Fromentin n’avait laissé que son Été dans le Sahara et son Année dans le Sahel, il serait aujourd’hui oublié : on parlerait encore du peintre ; l’écrivain n’aurait pas de nom. […] S’il ne peut être heureux lui-même, et je crois, en effet, qu’il ne peut pas l’être, il a cette consolation de faire des heureux autour de lui, sa femme, ses enfants, des paysans, et d’être utile. […] Comment une pareille confusion a-t-elle pu s’établir dans l’esprit d’une romancière qui avait quelque expérience, croit-on, des passions humaines ? […] Je ne crois donc pas qu’on puisse tirer argument contre le roman de Fromentin, ou du paysage, ou du style, ou de l’étude psychologique, ou de ce qu’il aurait mal compris le caractère de la passion qu’il a décrite. […] Il eût été profane d’y insister ; il eût été cruel de ne pas y faire croire.

1488. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Les êtres simples croient ce qu’ils lisent parce qu’ils ne lisent, en fait, que ce qu’ils croyaient préalablement. […] Dumas fils, c’est le bel esprit fol qui se croit, et que l’on croit un sage. […] Ne croyez pas à une métaphore. […] Ils ont perdu le goût du vin et la connaissance des bons crus. […] vous croyez que j’ai la rougeole !

1489. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Quant à la maison où le grand poète est mort, je crois, avec M.  […] Croyez-vous que la représentation de la centenaire suffira pour cet objet ? […] Croyez-vous avoir la pluralité parmi vos camarades ? […] On croirait lire quelque apostrophe sulfureuse d’un Veuillot. […] » Peut-être croyait-il être indulgent ; il était injuste.

1490. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Je serais presque tenté de le croire, car du moment qu’il y a un lien d’association comme dans l’Ordre de la franc-maçonnerie par exemple, oh ! […] Législateurs, croyez-le bien, il n’est pas trop tôt pour cela : il n’est plus sept heures, ni dix heures du matin : il est midi. […] D’autre part des élèves peu éclairés sur les conditions mêmes de la nomination au professorat, qui n’implique point la nécessité de l’agrégation, croyaient devoir hautement protester. […] Et croyez bien, messieurs, que la Chambre des pairs de 1828 eût été bien surprise, si elle s’était trouvée saisie d’un pareil cas ! […] Parti funeste, parti envahissant, dévorant, insatiable, ingrat de sa nature parce qu’il croit que tout lui est dû !

1491. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

je le crois à peine. […] Elle me remercia avec des transports de joie et s’écria : “Celui qui est heureux ne croit pas qu’il puisse y avoir encore des miracles, mais c’est dans l’angoisse du malheur qu’on reconnaît comment le doigt de Dieu conduit les bons cœurs à une bonne action. […] — Mais je crois maintenant que tu as fait un choix ! […] On croit, en achevant de le lire, sortir d’une tente des patriarches où l’on s’est entretenu avec Jacob ou avec Lia. […] La lumière dans laquelle plongeaient les têtes culminantes comme la sienne ne descendait pas jusqu’aux masses populaires, capables de croire, incapables de raisonner leur croyance.

1492. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Je crois que vous avez raison, mon cher Baptistin, et que l’instinct, cette raison occulte, composée de mille raisons non raisonnées, raisonne mille fois mieux que le préjugé, contre lequel tout le génie de M.  […] Pour les villes et pour les palais des riches, je ne dis pas non : ils sont trop haut pour sentir ces misères, ils n’y croient pas. […] On croit voir des portraits de famille dans certaines figures du tableau, telles, par exemple, que la transparente sœur madame Baptistine et la vieille madame Magloire, sœur volontaire aussi plutôt que servante de la maison épiscopale ; on croit deviner que le poète, comme le peintre Rubens, mettant partout sa femme ou sa sœur dans ses tableaux, s’est souvenu de son heureuse enfance de la rue du Colombier, et a retracé le profil de sa mère ou la face réjouie de quelque bonne tante auxiliaire de sa mère, dans les figures de ces deux saintes femmes de l’Évangile, domestiques du saint évêque de Digne. […] Azaël, l’ange mahométan du sépulcre, eût rebroussé chemin, et eût cru se tromper de porte….. […] Un jour, une douairière, de la variété impertinente qui se croit spirituelle, lui adressa cette saillie : « Monseigneur, on se demande quand Votre Grandeur mettra le bonnet rouge.

1493. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Et croyez que les chefs se faisaient leur part. […] Je croyais que mademoiselle était trop bien élevée pour cela. […] John Haime a des visions, hurle et croit sentir le diable. […] Rarement, je crois, dans ce monde la spéculation est tombée plus bas. […] Un Anglais, dit Chesterfield, se croit en état de battre trois Français.

1494. (1922) Gustave Flaubert

Je croyais qu’elle m’annonçait votre visite. […] Il ne croit pas à la sincérité de Du Camp. […] Mais c’est plus compliqué qu’on ne le croit. […] je crois que ce sera tout. […] Mais j’ai cru mourir de dégoût au premier.

1495. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Il n’a qu’à se raconter, il condamne la société, il venge la nature : il fait croire surtout à la possibilité de refaire l’homme naturel dans l’homme civil : il est possible, puisqu’il est. […] Il n’importe qu’il se soit fait catholique, qu’il ait été dévot à un moment, qu’il ait cru aux miracles : tout cela est superficiel. […] Voltaire démontre Dieu, et Rousseau croit en Dieu. Il n’y a chez les catholiques que les prêtres, qui, cessant de croire, puissent garder le sens religieux : mais, a-t-on dit, tout protestant est prêtre, et Rousseau plus qu’aucun autre. […] Mais regardons la réalité des choses : ne faut-il pas attendre que l’enfant soit un homme, qu’il sache et comprenne déjà bien des choses, pour poser devant lui la question de croire et de ne pas croire ?

1496. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Mais l’insuffisance extrême des documents géologiques suffit, je crois, à la résoudre. […] De plus, si l’on en croit la plupart des géologues, il doit s’être écoulé entre chaque formation successive des périodes énormément longues, pendant lesquelles aucun dépôt ne s’est formé. […] Or, d’après mes impressions générales, je crois que le cas doit être au moins très rare. […] Ainsi les derniers dépôts tertiaires renferment beaucoup de coquilles que la majorité des naturalistes croient identiques avec des espèces vivantes ; mais d’autres savants paléontologistes, tels que M.  […] J’ai cependant des raisons de croire qu’un homme qui fait autorité parmi eux, sir Ch.

1497. (1903) La renaissance classique pp. -

Il est puéril de croire que ce qui a été pourra jamais renaître, et c’est une vanité de prétendre ressusciter une forme épuisée et morte. […] Ils ont nié la vie, et ils ont cru pouvoir fonder dans le vide un art paradoxal fait de réminiscences littéraires et de nostalgies malsaines. […] Il faut croire qu’il y a une Idée de la Patrie au-dessus du temps et de l’espace, comme les théologiens admettent qu’il y a une Idée de l’Église. […] L’erreur est de croire qu’une nation tout entière peut composer une race. […] Il faut croire que la nature du menuisier de Nancy était d’une autre trempe que celle de l’horloger de Genève.

1498. (1896) Études et portraits littéraires

je ne crois pas à cette pétrification. […] Oui, mais qu’elle est plus riche qu’il ne croit ! […] Mais je crois que vous jouirez du contraste. […] Ce livre est, je crois bien, le meilleur qu’ait écrit M.  […] Et c’est chez lui faiblesse plus qu’il ne croit.

1499. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

On l’admira sans doute, mais on n’y crut pas. […] Au fond il ne croyait pas plus au catholicisme qu’à la légitimité. […] croit-on avoir beaucoup gagné à remplacer des rêves dorés par une réalité brutale et bornée ? […] Se croit-on plus profond en substituant la moderne géologie à l’ancienne cosmogonie ? […] Et ne croyez pas que ce soient les comédies, les farces, les bouffonneries qui les attirent le plus.

1500. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Il se croyait soldat parce qu’il avait été enfant de troupe. […] Ils se croyaient incapables d’une infamie. […] Mais il faut bien croire un historien que l’Académie a récompensé. […] J’incline à croire qu’il eût persisté dans sa folie. […] Il croyait tout ce qu’on lui disait.

1501. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Je crois voir les ailes de l’âme s’empêtrer dans cette glu d’aromates ; je crois la voir mise sous les scellés de ces ligatures ! […] Par instants, on croirait entendre la voix d’un Père du désert. […] Alors tout est perdu ; on croit que l’État va périr. […] Enfin, on a tout rapsodé ; mais ce qui est dit est dit, ce qui est pensé est pensé, ce qui est cru est cru. […] — je ne puis encore le croire. — Ô vous, plus doux que le miel !

1502. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Après tout, je crois Ispahan autant peuplé que Londres, qui est la ville la plus peuplée de l’Europe. […] Il la communiqua à son parti, qui ne crut pas pouvoir se sauver qu’en faisant une conjuration opposée, qui était d’aller arracher la reine mère du milieu du sérail et de la faire mourir. […] On avait peine dans le sérail à croire le rapport de ce conjuré ; toutefois, comme la chose était trop importante pour en négliger l’avis, et que la reine et les eunuques, que la conjuration regardait, croyaient à tout moment qu’on les venait mettre en pièces, le roi se laissa pousser à faire mourir le lendemain matin tout ce nombre d’assassins, sans autre forme de procès. […] Je crois qu’il ne sera pas mal à propos d’entrer un peu plus dans le détail de ce grand marché, qui est le plus universel que j’aie vu, et une vraie foire. […] Olivier n’en compte que 50,000 ; mais des renseignements très-positifs m’autorisent à croire qu’aujourd’hui cette ville contient encore près de 200,000 âmes.

1503. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Zola s’indignait, il faut le croire, de procéder de quelques-uns. […] ainsi que les naïfs peuvent le croire, mais bien par un calcul ; son plan étant prémédité. […] Je crois encore qu’il y a plus de niais que de méchants. […] Je ne le crois pas. […] Vous vous croyez tels que vous voudriez être, ajoutent-ils, et vous devenez menteurs, hypocrites.

1504. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Apparemment il croit à une sorte d’universelle harmonie préétablie en vertu de laquelle les mêmes idées abstraites doivent susciter, dans les cerveaux bien faits, les mêmes symboles. […] Ou, si vous voulez, il croit que les justes correspondances entre le monde de la pensée et l’univers physique ont été fixées de toute éternité, que l’intelligence divine porte en elle le tableau synoptique de tous ces parallélismes immuables et que, lorsque le poète les découvre, ils éclatent à son esprit avec tant d’évidence qu’il n’a point à nous les démontrer. […] Il croit à des séries de rapports nécessaires et uniques entre le visible et l’invisible.

1505. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

Je connais peu de livres, parmi tous ceux de notre temps et de notre âge, qui donnent, autant que celui-ci, l’impression d’une âme géniale, et je crois bien, en effet, que, parmi tous les jeunes artistes de sa génération, Laforgue seul a eu du génie. […] Et c’est pourquoi je crois que l’œuvre de Laforgue, devant laquelle s’inclinent les meilleurs d’entre nous, n’a pas à craindre de l’avenir… [Introduction à l’Étude sur Jules Laforgue, par Camille Mauclair (1896).] […] Mais partout, et dans les plus cursives piécettes, se révèlent les qualités qu’ils contiennent ; et je crois que le vrai souvenir à donner à ce volume premier serait d’en garder dans sa mémoire quelques strophes qui sont des commencements de poèmes infinis, des débuts de sensations immortelles.

1506. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Auriez-vous jamais cru ça de ce vieux débris de Daudet ? […] J’ai peine à croire que sans préméditation on imite si exactement le Jules Mary : « Au trot régulier de son robuste attelage, le landau sortit de Corbeil, laissant derrière lui les cheminées géantes des minoteries, dont la fumée assombrissait tout un côté du ciel splendide », — et le Henry Monnier : « Le général était aux eaux dans le Tyrol, avec la duchesse ; le fils à Stanislas, piochant ses examens de Saint-Cyr qui brûlaient », accouplement de métaphores emprunté à la littérature de la Terre de Feu… Un autre charme du roman est le mépris implicite de toute psychologie. […] Il y a dans les ultimes chapitres — et je suis heureux, après des compliments que de mauvais esprits craindront énigmatiques, de finir sur une louange sincère : — il traîne en queue de roman une intrigue de juge d’instruction où Mme Fénigan croit son mari assassin, tandis que son mari la suppose coupable, et que c’est au juste un vieux braconnier qui a fait le coup, il y a là un de ces quiproquos à triple détente, d’un comique irrésistible, et dont M. 

1507. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Croit-on, au reste, que ce soit abaisser la peinture que de la réduire à son domaine propre, ce domaine que lui ont conquis le génie de ces palettes immortelles : Véronèse, Titien, Rubens, Rembrandt, Vélasquez, grands peintres, vrais peintres ! […] Du reste, s’il s’en croyait capable, un sentiment pieux que comprendront quelques personnes le pousserait, le pousse aujourd’hui à vouloir qu’il en soit de ce livre, ainsi que de la chambre d’un mort bien-aimé, où les choses demeurent telles que les a trouvées la mort. […] * * * Donc il y a des années dans la vie de Gavarni dont les femmes ont fait des papillotes, il y a encore des années égarées et perdues ; mais, malgré ces petits malheurs, nul artiste jusqu’ici, croyons-nous, n’a laissé sur lui-même autant de documents que Gavarni.

1508. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

. — Autour de la salle, des nattes où sont étalés six concombres crus, un morceau de mouton, des boulettes de riz et des crêpes au miel. […] Oui, c’est un sujet à tenter le pinceau d’un grand artiste : Prendre huit verres, remplis chacun d’un vin différent, et les peindre avec une telle vérité qu’on puisse dire, au premier coup d’œil jeté sur la toile, le cru de chaque vin et l’année ! […] Tout nous porte à croire que nous sommes découverts.

1509. (1895) Hommes et livres

Il veut les faire croire, mais il y croit. […] Il a cru à la force de l’Espagne. […] En ce temps-là, il croyait aux Espagnols. […] Dieu me garde de croire que M.  […] Marivaux, a dit Sainte-Beuve, est plus solide et plus substantiel qu’on ne croit communément et que la forme de ses pensées ne ferait croire.

1510. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Mais les collégiens ne croient à la rencontre des deux mères que sur la foi de Soulary, comme ils croient au vase de Soissons sur celle de Duruy. […] Ils ont cru ajouter à la découverte d’un art nouveau en la doublant par la découverte d’une matière nouvelle. […] Amiel croit d’abord que le Journal lui servira à se construire moralement par l’examen intérieur. […] Croyons un fond de bon Français à quiconque écrit un bon français. […] Il croit peut-être en l’immortalité ; mais, comme M. 

1511. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Je crois que oui. […] Je crois qu’il la reprend encore. […] Je crois qu’il faut, à une œuvre d’art, sa poésie ; je ne crois pas qu’il y ait de vraie littérature sans poésie. […] Je le crois. […] Je crois que l’Orient le tentait.

1512. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Je crois qu’il faut s’abstenir d’apprendre par cœur. […] Il est d’un bleu cru avec des nuées rouges. […] Et on croyait avoir peint un tableau. […] Ces écrivains croyaient peindre fortement. […] le pouvons-nous croire ?

1513. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Je ne crois pas. […] De n’avoir pas joué un premier rôle politique, il crut sa vie manquée. […] Et je crois que les lettrés s’accordent à préférer, de M.  […] Je ne crois pas que ce style ait été donné dans sa nature. […] Fou, je crois, comme celui que présentait un employé du directeur, chargé de faire voir l’asile à un médecin : « Figurez-vous que ce malheureux se croit Jésus-Christ ! 

1514. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Et je le crois bien. […] Ils mettent en pièces un « impuissant » quelconque ; je crois que c’est leur mot. […] Poitou ne croit pas, apparemment, qu’on doive tant exiger. […] Il croyait entendre l’haleine légère de son enfant. […] Saint-Simon, du moins, le croyait.

1515. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Et quelques instants après, c’est Chelles, qui avec toutes sortes de circonlocutions timides, me demande, si je ne crois pas, que pour bien établir la grande position d’industriel de M.  […] » Hier le Journal illustré, je crois, et qui par parenthèse donne nos portraits, imprimait : « Si ce théâtre devait réussir, il faudrait détruire le théâtre. » Pourquoi, mon Dieu ! […] Il ne croit plus à la vertu du nombre 3 ; c’est le nombre 7 qui est pour lui, dans le moment, le nombre porte-bonheur. […] Vous ne le croyez pas ? […] Et réveillé par l’émotion de Belot et des acteurs désarçonnés par le refroidissement du quatrième acte, il croit presque à un insuccès.

1516. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Il y a des personnes qui le croient, et qui veulent bien nous plaindre de nous y absorber ou dissiper. […] Au titre de l’ouvrage, on croirait l’auteur de Lausanne même ou de la Suisse française. […] Dieu a mis dans notre cœur un penchant naturel à l’amitié qu’il nous serait, je crois, difficile ou même impossible de vaincre. […] Ne va pas croire que nous nous soyons encore parlé ; je ne l’ai pas même revu depuis le concert. […] Je crois en vérité que tu es folle ! 

1517. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Il écrit à ses médecins qu’il se croit ensorcelé ; il confère avec des capucins de sa maladie. […] Une lettre d’un capucin du couvent de Sorrente, qui mentionne cette mort en passant, laisse croire que le Tasse ne revit jamais sa sœur. […] Le Tasse, si nous en croyons les lettres du marquis Manso de Villa, son confident à Naples, reçut avec plus de répugnance que d’ivresse l’annonce de son couronnement. […] Monseigneur dit alors avec juste raison, je crois, qu’il ne désirait pas d’autre distinction après sa mort que l’honneur qu’il avait reçu ce jour-là du Tasse. […] repris-je… Il sourit et détourna la tête pour me donner à entendre, je crois, que la première lui appartenait.

1518. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Il crut qu’il ne convenait pas de donner au peuple des rêves dont le réveil pourrait être funeste. […] Peut-être s’en repentait-il, et croyait-il qu’en changeant de langage et de conduite le philosophe ferait oublier le courtisan. […] J’avoue, quant à moi, qu’en lisant la Politique d’Aristote, je croyais lire les publicistes les plus raffinés du temps présent. […] Parce que tous sont également libres, ils ont cru qu’ils devaient l’être d’une manière absolue. […] Aussi, de part et d’autre, dès que l’on n’obtient pas en pouvoir politique tout ce que l’on croit si faussement mériter, on a recours à une révolution.

1519. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

 » Quelque vérité empirique qu’il y ait dans ces observations, nous croyons que l’antithèse est au fond artificielle. […] Ici encore nous croyons que, si l’élément psychique de l’attention n’était que du superflu, il ne se serait pas produit. […] N’a-t-on pas cent fois remarqué qu’en dégustant un vin on en reconnaît l’arôme et le cru ? […] Faites croire à des personnes qu’il y a dans un jeu de cartes une carte magnétisée qui leur donnera des sensations électriques, la plupart croiront sentir des frissons, des secousses dans la main, des éblouissements dans la vue. […] Il y aurait donc, à en croire Gallon, un certain type d’assassins caractérisés.

1520. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Béranger avait trop de sagacité pour le croire. […] Le buveur illettré croyait se montrer aussi fin que lui en affectant de l’entendre, et l’amour-propre flatté du peuple concourait à la popularité du chansonnier ! […] Nous avons peine à croire cependant à la complète sincérité de cette ignorance de la langue d’Horace dans le poète des chansons politiques. […] Le croiriez-vous ? […] J’ai manqué ma vocation ; j’aurais été un grand financier. » — Je le crois, lui répondis-je, et surtout un très grand politique.

1521. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Cependant nous ne croyons pas, dit M. de Querlon, qu’après cette traduction on ait besoin d’autre chose. […] Je ne crois pas que l’on puisse blâmer cette ambition. […] Croiroit-on que dans le tems de la fureur du burlesque, Ovide fut habillé de ces guenilles du mauvais goût. […] Il a changé, ajouté & retranché, selon qu’il l’a cru convenable à son dessein. […] Je crois d’ailleurs que peu de personnes auront approuvé la liberté que M. le Noble a prise dans cette traduction.

1522. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Cette comparaison donne, je crois, une notion très exacte de la disposition mentale en vertu de laquelle s’accomplit une action instinctive, mais nullement de son origine. […] Car toute analogie nous sollicite à croire que les jeunes oiseaux ainsi couvés et nourris par des parents étrangers auront hérité plus ou moins de la déviation d’instinct qui a porté leur mère à les abandonner. […] Je suis pleinement disposé à croire, bien que je ne puisse l’assurer positivement, que les neutres de taille moyenne ont aussi les yeux dans un état intermédiaire. […] Ainsi s’expliquerait, je crois, ce fait merveilleux que, dans un même nid, il puisse exister deux castes d’ouvrières stériles, très différentes l’une de l’autre, ainsi que de leurs communs parents. […] J’accorderais aux Abeilles l’intelligence des sauvages bâtissant leurs huttes lacustres, plutôt que celle d’un professeur de mathématiques, et je croirais à leur art plus aisément qu’à leur science.

1523. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Il croit encore que la civilisation italienne, que la législation romaine, ont été importées en Italie, de l’Égypte ou de la Grèce. […] Les hommes, ne pouvant distinguer la cause réellement juste, croyaient juste celle que favorisaient les dieux. […] Il croyait avoir remarqué que ceux qui savent tant de langues, n’en possèdent jamais une parfaitement. […] Les applaudissements unanimes de l’auditoire lui faisaient croire qu’il avait réussi ; il en fut autrement. […] Les plus forts auraient enlevé les plus belles, auraient ainsi formé les premières familles et fondé la première noblesse. 5º Il croit qu’à l’origine de la société, les hommes furent, non pas agriculteurs, comme l’ont cru Vico et Rousseau, mais chasseurs et pasteurs.

1524. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Il fut le premier et longtemps l’unique maître de ce fils adoré (fils naturel, je le crois), dont l’éducation ainsi resta presque entièrement privée et qui ne parut au collège que dans les classes supérieures. […] Sa sensibilité, tempérée par la fantaisie, ne prenait pas le malheur dans un sérieux aussi continu que de loin on pourrait le croire. […] L’association ne dura pas aussi longtemps qu’on aurait pu croire. […] A en juger par les fruits plus savoureux en avançant, il faut croire que la fatigue intérieure et trop réelle se trompe, s’élude, dans la production, par de certains charmes. […] Revenu de tout, il s’anime d’autant plus, il se passionne, en sceptique qu’on croirait crédule, à ces menues questions de vocabulaire, d’étymologie, d’orthographe ; prenez garde !

1525. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

J’ai cru qu’il fallait en récompense égayer l’ouvrage : c’est ce que j’ai fait avec d’autant plus de hardiesse que Quintilien dit qu’on ne saurait trop égayer les narrations. […] Croyons ce boeuf. Croyons, dit la rampante bête. […] « Je ne crois, pas que Cicéron même eût pu mieux parler. » (Cicéron ! […] Cet homme-là croit aux dieux, et il parle comme s’il les sentait derrière lui, dites mieux, en lui-même et dans son coeur.

1526. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Je ne vous parlerai point de l’effet de ce tableau, je vous demanderai seulement sur quelle toile vous le croyez peint. […] Je n’en crois rien. […] Qu’ils sont lourds ces arbres, épais, négligés, inélégans, maussades, et d’un vert de vessie plus cru ! […] Cela est chaud, mais dur et cru. […] Cet homme n’a pas, je crois, beaucoup d’imagination.

1527. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Elle croyait honorer encore ceux qu’elle avait aimés, et dont elle se voyait privée, en cultivant dans un âge avancé les facultés de son cœur. Trop faible pour se soutenir dans sa vieillesse par ses seuls souvenirs, elle ne crut pas qu’il fallût cesser d’aimer avant de cesser de vivre. […] Elle a peint elle-même cette décroissance graduelle dans des Mémoires que je me crois à peine le droit d’effleurer241. […] Mme Des Houlières croyait qu’il eût fallu remonter jusqu’à Bassompierre, et Mme de La Fayette a rejeté la date de son roman sous les Valois. […] Il est de l’intérêt et de la politique du ministre qu’on le croie, et qu’Alphonse au moins s’y prête.

1528. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

J’ai demandé autrefois pour lui la dictature, je l’en croyais capable. […] Le peuple crut user en cela de son droit suprême, du droit d’exister. […] Un peuple égaré par son patriotisme crut la promulguer au milieu du tumulte et de la sédition de ces trois journées. […] Les spectateurs crurent qu’elle priait seule, et respectèrent son recueillement. […] « La Révolution se crut vengée, elle n’était que flétrie.

1529. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Croyez après cela à la véracité des jugements de parti ! […] Je ne le savais pas ; mais je crus tout à coup que les bois me seraient délicieux. […] Cependant je sens que j’aime la monotonie des sentiments de la vie, et si j’avais encore la folie de croire au bonheur, je le chercherais dans l’habitude. […] « Cependant je crus nécessaire de prendre des arrangements concernant ma fortune, et je fus obligé d’écrire à Amélie. […] Jeune présomptueux, qui avez cru que l’homme se peut suffire à lui-même !

1530. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

On crut lui prendre ses plans en s’assujettissant étroitement à ses règles, et son harmonie en évitant les vers durs. […] On le croyait mort. […] Elle résiste à y croire ; elle montre quelque étonnement d’avoir à se reprocher jusqu’à sa reconnaissance pour Orosmane, et d’être forcée de haïr celui qu’elle aime. […] C’est la foi d’une fille obéissante ; elle croit par respect pour son père et par honneur domestique. […] Pour nous, qui n’avons pas à craindre que Voltaire se moque de nous pour l’avoir cru sur parole, nous pouvons examiner impunément si, en faisant si bon marché de ses pièces, il n’a pas eu plus de clairvoyance qu’il ne croyait.

1531. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Qu’il me soit permis de donner ici quelque développement à cette réflexion, que je crois importante pour caractériser la véritable difficulté de la recherche qui nous occupe actuellement. […] Pour achever de déterminer avec toute la précision possible la difficulté exacte de la question encyclopédique que nous avons à résoudre, je crois utile d’introduire une considération mathématique fort simple, qui résumera rigoureusement l’ensemble des raisonnements exposés jusqu’ici dans cette leçon. […] D’un autre côté, cette subordination nécessaire entre les deux études ne prescrit nullement, comme quelques physiologistes du premier ordre ont été portés à le croire, de voir dans la physique sociale un simple appendice de la physiologie. […] Nous persisterons donc à ne considérer qu’une seule division dans la physique organique, quoique nous ayons cru devoir en établir deux successives dans la physique inorganique. […] Cette considération me semble d’une telle importance, que je ne crois pas possible de comprendre réellement, sans y avoir égard, l’histoire de l’esprit humain.

1532. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Je vous ai dit il y a quelques semaines que La Fontaine est un épicurien qui croit à la Providence ; c’est précisément ce qu’il est dans cette fable : un épicurien qui croit à une providence dans les destins de laquelle il est impossible d’entrer et sacrilège de prétendre entrer : Cette aventure en soi, sans aller plus avant, Peut servir de leçon à la plupart des hommes. […] C’est erreur, ou plutôt c’est crime de le croire. […] C’est pourquoi, leur dit l’hirondelle, Mangez ce grain, et croyez-moi. » Les oiseaux se moquèrent d’elle : Ils trouvaient aux champs trop de quoi. […] Voilà ce que je crois  Mais si Boileau n’a pas nommé La Fontaine ni ses fables, il ne faut pas oublier, pourtant, qu’il a été le premier défenseur de la Fontaine et son premier champion. […] Je vous étonnerais bien si je vous disais que Voltaire n’a eu qu’une opinion sur La Fontaine ; car je crois qu’il n’y a pas un objet de méditation sur lequel Voltaire n’ait eu qu’une opinion.

1533. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Cette réponse n’est pas toujours facile, et, même lorsqu’on croit savoir à quoi s’en tenir, il n’est pas bon toujours de trahir de tristes et arides vérités. […] Il ne croit guère aux indulgences, il croit aux prières : « Les prières des gens de bien servent merveilleusement. » Quand il est près d’être continué dans sa charge de doyen (novembre 1651), sentant le poids et les devoirs qu’elle lui impose, il écrit à un ami : « Je me recommande à vos grâces et à vos bonnes prières. » Il a sur la mort en toute rencontre des réflexions philosophiques dont il relève la banalité par un sentiment vif et un certain mordant d’expression : M. le comte de R. est mort comme il a vécu. […] Il croit qu’il y a un parti des honnêtes gens dont il est, et de l’autre il place ses adversaires, Guenault en tête, les chimistes et empiriques, médecins de cour et « enjôleurs de belles dames », avides de lucre à tout prix. […] Dans cette visite à Saint-Denis, Gui Patin, en même temps qu’il laisse voir des restes de simplicité, maintient à ses propres yeux sa supériorité d’homme et de mari, en souriant de sa femme qui écoute et croit tout ce qu’on lui raconte de particularités et de bagatelles sur les derniers princes ensevelis. […] Il les juge évidemment inférieures et ne croit pas qu’on doive entrer en commerce avec elles sur les grands et sérieux articles.

1534. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Je crois pourtant que Gray va ici un peu loin : Froissart, à sa manière et selon sa mesure de jugement, s’était mis fort en peine de recueillir la vérité dans ce qu’il raconte. […] En certains cas il va plus loin : il croit aux esprits, aux démons familiers. […] Un peu de patience, en effet, de la part des Français, leur livrait l’adversaire qui manquait de vivres et de fourrages : mais on se croirait déshonoré d’attendre et de ne pas courir droit à l’ennemi, fût-il retranché dans son vignoble. […] Le prince, en effet, rencontre là des gens de ce cardinal rangés du côté des Français et qui prennent part à la bataille : il croit, dans le premier moment, que c’est l’effet d’une fourberie du prélat pacificateur, et veut leur faire trancher la tête : Jean Chandos l’arrête à temps. […] Au moment où on l’emportait du pavillon, on voit entrer le comte de Warwick et messire Regnault de Cobehen, qui viennent faire présent au prince de Galles du roi de France, lequel présent fut bien reçu comme l’on peut croire.

1535. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

On ne croirait jamais que c’est là ce grand satirique. […] Que de fois, avec nos modernes aussi, vous croyez lire du Sorbière, et vous avez du Pellisson, ou un peu moins que cela ! […] Il n’y avait qu’à demander au Père Maimbourg, contre lequel même il avait écrit, s’il ne le croyait pas poli. […] Ce n’est pas le comte de Maistre, comme on l’a cru et imprimé, c’est un autre qui a dit : « Tout est dans Bayle, mais il faut l’en tirer. » Marais l’avait dit avant moi. […] Il ne croyait pas travailler pour eux. » Bayle était alors, commercialement parlant, une excellente valeur.

1536. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Ses heures de classe sont pour elle sacrées : ce sont les seules qu’elle n’ait jamais cru pouvoir sacrifier au soin des infirmes et au service des malades. […] Elle n’en conçoit point d’autre ; elle trouve cela tout simple et croit n’en avoir jamais fait assez. […] Un jour, chez le duc d’Elchingen, Scheffer trouva un dessin très bien fait qu’il crut d’abord du jeune Michel, fils du duc : on lui dit qu’il était du petit Gabriel Navier, fils de la grainetière. […] En employant ces termes, Messieurs, en les empruntant à la science économique, je ne crois pas diminuer ce dont je parle devant vous. […] Longtemps on a cru qu’il y avait sinon incompatibilité, du moins médiocre convenance entre la condition de l’homme de lettres ou de l’homme d’étude et l’engagement étroit du mariage.

1537. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Elle écrivait alors de Nohant à une de ses amies : « Vous croyez que je bois du sang dans des crânes d’aristocrates ? […] Benoist, en réponse à Heyne, croit remarquer que, dans les strophes attribuées à Thyrsis, Virgile a apporté moins de justesse et d’exactitude aux comparaisons et aux images que pour les couplets de Corydon. […] En un mot, il croit sentir toute une ironie de Virgile dans le fonds d’idées prêtées à Thyrsis. […] Il ne faudrait pas croire cependant que l’édition de Heyne ait eu tout d’abord et partout le succès et l’autorité qu elle devait avoir. […] En suivant le texte traditionnel, je crois obéir au sens le plus naturel et au courant le plus virgilien.

1538. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

M. de Chateaubriand ne paraît pas assez croire à cet à-propos, à cet intérêt actuel de ce qu’il écrit, à cette avide et affectueuse vénération de tous, et c’est le seul reproche que nous nous permettrons de lui adresser. […] malheur à qui, avec les instincts infinis et le besoin de croire aux consolations éternelles, a senti trop amoureusement cet idéal d’humaine beauté, ce paganisme immortel qu’on appelle la Grèce !  […] Aujourd’hui presque partout, même quand l’apparence est de croyance honorable et philosophiquement avouable, le fond est de doute, et les grandes âmes elles-mêmes n’ont guère de retour ; elles ne croient pas en avoir besoin, et elles se dissipent. […] À un certain moment, comme il jugea l’affaire perdue, il se crut inutile, et, laissant le reste de la conclusion à son confrère, il s’échappa dans l’impatience de retrouver sa chère solitude. […] On s’est quitté à l’aube ; à l’aube, on épie la première clarté pour écrire ce que l’on croit avoir oublié de dire dans des heures de délices.

1539. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

On vent comprendre sans croire, recevoir les idées ainsi que le ferait un miroir limpide, sans être déterminé pour cela, je ne dis pas à des actes, mais même à des conclusions. […] La plupart, et des plus spirituels (j’en ai entendu), se demandaient : « Croit-il réellement ? […] C’est en Bretagne, à Saint-Malo, au mois de juin 1782, que naquit, d’une famille d’armateurs et de négociants, Félicité-Robert de La Mennais : cette famille Robert venait d’être anoblie (sous Louis XVI, je crois) pour avoir nourri à grands frais la population dans une disette. […] La réforme pratique que le prêtre Bourdoise opéra dans les mœurs de son Ordre, après les désastres de la Ligue, excite son émulation ; il se croirait heureux, après des désastres pareils, d’en provoquer une du même genre et d’en inspirer le besoin : « Ô Bourdoise, s’écrie-t-il, où êtes-vous ?  […] L’un de ces morceaux est, je crois, sur la Lune.

1540. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Je crois que M. […] Dès la première scère de l’aveu qu’elle-même lui fait (comme déjà avait fait Hélène), sa méfiance, à lui si poli, éclate presque brutale ; cela pourtant se répare ; il est aimé, il croit, il est heureux : les jours de soleil se succèdent. […] Ici les reproches de l’auteur contre Louis XIV deviennent fondés ou du moins plausibles ; il est piquant et il n’est peut-être pas faux de soutenir que les rigueurs contre les protestants augmentent graduellement en raison directe des scrupules et des remords du grand roi, et qu’il croit, à la lettre, faire pénitence à leurs dépens. […] J’ai (et sans superstition, je crois), j’ai une si grande idée de l’époque de Louis XIV, je la trouve si magnifiquement et si décidément historique, que je me figure que rien n’est plus difficile et peut-être plus impossible que d’y établir, d’y accomplir à souhait un roman. […] En vain l’auteur semble le croire corrigé vers la fin, dans sa vie heureuse avec Marie ; le temps seul lui a manqué pour rompre encore ; un an ou deux de plus, et je réponds qu’Arthur aurait traité cette Marie comme il avait traité Catherine, Marguerite et Hélène.

1541. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Cette réflexion nous a été inspirée au sujet de l’abbé Prévost, et nous croyons que c’est une de celles qui, de nos jours, lui viendraient le plus naturellement à lui-même, s’il pouvait se contempler dans le passé. […] On commence à croire que, sans cette tour solitaire de René, qui s’en détache et monte dans la nue, l’édifice entier de Chateaubriand se discernerait confusément à distance94. […] Il ne craint pas même à l’occasion (générosité que l’on aura peine à croire) de citer avantageusement, par leur nom, les journaux ses confrères, le Mercure de France et le Verdun. […] Son désintéressement au milieu de ces sources de faveur et même de richesse ne se démentit pas ; il se refusait aux combinaisons qui lui eussent été le plus fructueuses ; il abandonnait les profits à son libraire, avec qui on a remarqué (je le crois bien) qu’il vécut toujours en très-bonne intelligence. […] Mais on doit croire que Prévost, alors en Angleterre, ne parla la première fois de la Bibliothèque des Romans que d’après quelques renseignements et sans l’avoir lue.

1542. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

« Il est assez difficile de savoir si les assiduités de Laurent et les prières de ses amis parvinrent, à la fin, à fléchir la fierté avec laquelle il y a lieu de croire que Lucretia reçut ses premiers hommages. […] Malgré cette indifférence apparente, on peut penser qu’ils eurent l’un pour l’autre une affection sincère ; et tout nous autorise à croire que Laurent eut toujours pour elle des égards et une estime particulière. […] Le peuple, au lieu de courir à la liberté, tua sur place deux des principaux conjurés qui croyaient s’armer pour la délivrance. […] Le tumulte, la confusion, les cris d’horreur furent tels, autour du chœur, que les assistants crurent à un tremblement de terre, et se réfugièrent, par toutes les issues, dans les cloîtres et autour de Santa-Maria. […] Cette circonstance singulière, comparée avec la preuve que l’on peut tirer d’une des épigrammes de Politien, nous autorise à croire que cette dame était la maîtresse de Julien, la belle Simonetta, dont nous avons déjà parlé.

1543. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Ce que Diderot avait cru jeter aux vents est venu, dans ces dernières années, par un retour des choses, témoigner en faveur de l’homme contre ses écrits publics, et montrer, ce qui n’est pas le seul exemple au dix-huitième siècle, un auteur qui vaut mieux que ses ouvrages. […] Cette fidélité de l’ouvrier à l’œuvre, meilleure que l’œuvre elle-même, prouve que Diderot croyait plutôt fonder que détruire, et qu’il a plus pensé au bien qui devait sortir de l’acte corrigé par le temps, qu’au mal fait par le livre à tous les intérêts qu’il attaquait. […] Bernardin de Saint-Pierre crut la Providence plus en péril qu’elle ne l’était, et il la défendit comme fait un avocat pour un client douteux, en y employant les mauvaises comme les bonnes raisons. […] Il est de son siècle, tout en le combattant ; il ne sait pas voir les bornes de la raison, et il s’y trompe d’autant plus souvent, qu’il donne à sa raison l’étendue de son imagination, et qu’il croit raisonner encore quand il rêve. […] Cependant, à en croire l’auteur, il a regretté d’avoir écrit René 126.

1544. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Si on éprouve de la difficulté à le croire, c’est que l’œil contribuant à produire notre notion actuelle de l’étendue, en altère beaucoup le caractère, et nous empêche de reconnaître que la notion d’étendue a été successive à l’origine. […] Certains faits succèdent et, croyons-nous, succéderont toujours à certains autres faits. […] Il y a des séquences aussi uniformes que possible qui ne sont pas pour cela considérées comme des cas de causalité : ainsi la nuit succède invariablement au jour, sans que personne probablement ait jamais cru que la nuit est cause du jour. […] Mill croit que, quand nous tirons des conséquences de notre expérience personnelle, nous concluons plus souvent du particulier au particulier que par l’intermédiaire d’une proposition générale. […] Telle est l’ingénieuse théorie par laquelle Stuart Mill, fidèle à ses deux principes : procéder par induction et tout ramener à des associations d’idées, croit pouvoir expliquer la genèse du sens moral.

1545. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

On croit entendre l’orchestre du bal accompagner, en mode mineur, ces commérages légendaires. […] » C’est à croire qu’il ferait avec le même plaisir, s’il lui était livré respirant encore, la vivisection de l’infortuné vibrion. […] Il se croit trahi par sa femme, sur des apparences, spécieuses comme des preuves. […] L’avoué voudrait au moins lui faire embrasser son fils ; elle refuse, avec une sèche insouciance ; on peut la croire bien perdue. […] Elle jure son innocence à son mari, et, cette fois, elle la lui fait croire.

1546. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

La jeunesse croit aisément se la procurer. […] J’ai cru servir la liberté en la vengeant de leurs louanges. […] Il le dira et le redira sans cesse : « Il est beau, il est même doux d’être opprimé pour la vertu. » Environ deux ans après son Avis aux Français, dénonçant dans le Journal de Paris (nº du 29 mars 1792) la pompe factieuse et l’espèce de triomphe indigne décerné aux soldats suisses du régiment de Châteauvieux, il terminera en s’adressant à ceux qui demandent à quoi bon écrire si souvent contre des partis puissants et audacieux, car on s’y brise et on s’expose soi-même à leurs représailles, à leurs invectives : Je réponds, dit-il, qu’en effet une immense multitude d’hommes parlent et décident d’après des passions aveugles ; et croient juger, mais que ceux qui le savent ne mettent aucun prix à leurs louanges, et ne sont point blessés de leurs injures. […] quel noble dédain fit sourire ta bouche, Quand un brigand, vengeur de ce brigand farouche, Crut te faire pâlir aux menaces de mort ! […] Quand les tréteaux, les tavernes et les lieux de débauche vomissent par milliers des législateurs, des magistrats et des généraux d’armée qui sortent de la boue pour le bien de la patrie, il a, lui, une autre ambition ; et il ne croit pas démériter de sa patrie en faisant dire un jour : Ce pays, qui produisit alors tant de prodiges d’imbécillité et de bassesse, produisit aussi un petit nombre d’hommes qui ne renoncèrent ni à leur raison ni à leur conscience ; témoins des triomphes du vice, ils restèrent amis de la vertu et ne rougirent point d’être gens de bien.

1547. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Si donc, disputant avec Perrault sur Homère et sur les Rapsodes, et lui citant à toute force Vitruve, Elien, et le commentaire d’Eustache, Boileau n’a pas étourdi son adversaire de cet éclatant témoignage, où l’existence d’Homère est personnifiée dans l’immortalité de ses chants, je suis tenté de croire qu’il ne le connaissait pas, ou l’avait trop peu remarqué. […] Ils croyaient avoir besoin d’adoucir ce qui s’éloignait trop de nos idées et de nos mœurs ; ils le voilaient, par discrétion, et le gâtaient un peu par zèle. […] Mais, Lamotte, qui a tant abrégé Homère, se croyait obligé cette fois d’allonger Pindare. […] reçois-moi dans ta divine enceinte, moi pontife renommé des Muses10. » On croit entendre le serment d’alliance de la religion et de la poésie, à la veille du combat, où le poëte Eschyle allait chasser devant lui les Perses vaincus. […] Si on oubliait qu’il s’agit d’un des petits rois, entre lesquels se partageait la Sicile, du roi d’Agrigente ou du roi d’Etna, on croirait parfois entendre l’éloge d’un des héritiers de ces maisons souveraines qui, du moyen âge à nos jours, ont régné sur quelque grand peuple, à travers les révolutions et les guerres.

1548. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Mon esprit s’était fixé sur des principes absolus ; et, quand je fus dans l’Assemblée nationale, j’en poursuivis toutes les conséquences, j’en voulus toutes les applications, avec toute la rigidité d’une logique opiniâtre, qui est, je crois, une des qualités de mon esprit, et peut-être avec la roideur qui est dans mon caractère… L’année précédente (1787), il avait publié un écrit d’un intérêt plus local, ce semble, mais d’une importance toute française, concernant Le Reculement des barrières. […] Sur ces questions, ainsi que sur beaucoup d’autres, Roederer, qui aimait la discussion et qui la provoquait volontiers, n’admettait pas le travestissement de son opinion ; et l’on va voir avec quelle vigueur et même quelle roideur il releva Mirabeau, un jour qu’il croyait avoir à se plaindre de lui. […] Croyez, mon cher Roederer, que sous tous les rapports, dans l’Assemblée nationale, mon amitié sera plus sévère en votre faveur que la vôtre ne l’exigerait de moi. […] Puis récapitulant tous les pouvoirs affaiblis qui se flattaient alors de gouverner, et la Cour qui espérait toujours regagner par ruse et par achat des consciences ce qu’elle avait perdu, et les orateurs de l’Assemblée qui se croyaient forts de ce qu’ils avaient conquis en applaudissements, et la municipalité de Paris, le maire en tête, qui se croyait maître de la Commune, et les chefs même les plus populaires, Pétion, Marat, dont les noms retentissaient dans toutes les bouches : Pétion, Marat même, concluait-il, étaient gouvernés par la multitude. […] Il est à croire qu’il aura rapproché deux passages distincts.

1549. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Cependant mon travail n’est pas borné à cela ; je m’occupe d’une traduction, le croirez-vous ? […] Si mon ouvrage paraît jamais, vous aurez sans doute envie de le lire, et je crois que cette lecture vous fera du bien. […] Mérault), lui demandait avec instance ce petit conte que l’auteur lui avait toujours refusé, et il ajoutait agréablement : « Je crois avoir tout ce qui est à vous et de vous, Horace et Venise. […] Il croyait n’obéir qu’à l’impérieux devoir, il allait rencontrer une part plus belle et une palme plus haute. […] Autrement, et livré à lui-même, il suivait sa vocation tout unie, plus douce, je le crois, droite, honorable, moyenne, avec considération sans doute, mais sans rien de grand ni d’immortel.

1550. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Je dirai donc, sans croire nous trop accorder, que dans cette troisième génération plus d’un esprit en est revenu, sans fléchir sur les points essentiels, à voir en Voltaire ce qu’il convient d’y voir avant tout lorsqu’on le considère en lui-même et dans les conséquences immédiates qui sont sorties de ses œuvres. […] Je crois qu’il prévoyait moins cela alors, qu’il n’obéissait à un goût naturel, à un besoin chez lui très caractérisé et qu’ont noté tous ceux qui l’ont bien connu. […] J’avais cru d’abord que la lettre suivante, qui dans le nouveau recueil est mise à la date de 1724, était de 1726, et devait se rapporter au moment où Voltaire venait d’avoir affaire au chevalier de Rohan et se disposait à quitter la France, ou du moins Paris, avant d’être mis à la Bastille : il y a un accent qui me semblait déceler son âme en cette crise la plus douloureuse de sa vie. […] Je crois bien que sa tête est pour eux une maison de force, et non pas le lieu de leur naissance : c’est le cas de veiller soigneusement à leur garde. » Cela n’a l’air que d’une méchanceté ; mais voici la preuve. […] Je crois voir, en un mot, dans ces travaux de Voltaire, sinon le germe, tout au moins un élément très essentiel de l’action qu’il a exercée sur son siècle… » — Nous autres, Français, nous sommes un peu lestes dans nos conclusions, et nous avons beau faire, nous ressemblons plus ou moins à ce seigneur Pococurante que Voltaire lui-même a introduit dans Candide.

1551. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Nous nous flattons particulièrement, sinon d’avoir inventé l’histoire, du moins d’en avoir retrouvé la vraie clef, et nous en usons : nous en abusons aussi ; nous remettons perpétuellement en question ce qu’on pouvait croire réglé et jugé. […] Guadet a cru de son devoir de la rétablir. […] Hamel53, lequel (je le dis sous toutes réserves de doctrine) a discuté avec rigueur et rectifié, je le crois, un certain nombre de faits. […] Ce récit, fort imprévu de la part d’un tel homme, est simple, naturel, exempt (ce qu’on aura peine à croire) de toute déclamation, et empreint d’un cachet de vérité que j’aime avant tout dans les écrits de ce genre. […] Rentré à son séminaire de Metz, le jeune Merlin, toujours croyant, mais ému et très ébranlé, avait bientôt conçu ou cru concevoir une passion pour une jeune pensionnaire qu’il apercevait de sa fenêtre dans le jardin d’un couvent voisin.

1552. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Mais tout est gâté par une continuelle préoccupation de l’applaudissement : vous croiriez qu’elle pose toujours pour son portrait devant le biographe. » Voilà le défaut saisi et marqué par un peintre sarcastique. On nous permettra, en nous fiant à d’autres témoignages, de croire qu’Horace Walpole a trop penché dès lors dans le sens des explications malignes de Mme du Deffand. […] je crois toujours qu’il n’est que votre gendre. » On cite d’elle beaucoup de ces jolis mots. […] Lorsque le premier coup de tonnerre de la Révolution éclata, Mme de Bouffiers crut, sans doute que ce ne serait qu’un orage passager. […] Croirait-on que jusqu’à ces derniers temps, l’existence de Mme de Boufflers, passé ce moment de 1789 et ce dernier voyage qu’elle fit en Angleterre, était restée un problème, et que cette figure si animée et si constamment en vue s’éclipsait totalement ?

1553. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Montaigne, lorsqu’il apprit sur la fin de son voyage d’Italie, aux bains de Lucques où il se trouvait à ce moment (septembre 1581), son élection inopinée à la mairie de Bordeaux, et quand après une première hésitation il crut devoir accepter, Montaigne n’était nullement étranger aux fonctions publiques. […] Tout d’abord Montaigne procéda avec ceux qui venaient de l’élire comme il avait fait avec les princes qui, durant ses séjours à Paris, l’avaient pris pour médiateur et négociateur : il ne se donna pas pour meilleur et plus grand qu’il n’était ; il les prévint de ses défauts et de ses manquements ; il fit toutes ses réserves pour qu’ils n’eussent ensuite aucun mécompte et ne se crussent pas en droit de se plaindre de l’objet de leur choix. […] Il est à croire (et cela a une certaine importance à cause des derniers actes qui pourraient compromettre l’honneur de la mairie de Montaigne) qu’il entra en fonction dès la fin de l’année 1581, ce qui ferait expirer sa seconde mairie à la fin de l’année 1585. […] Quoi qu’on en pense, il restera du moins évident pour tous qu’après cet effort et ce déploiement de vigueur et de zèle pendant les six premiers mois de l’année, Montaigne avait jeté son feu ; il avait donné son coup de collier, et il se crut quitte : il retomba aisément dans cette modération naturelle, éloignée de tout héroïsme. […] A-t-il cru devoir s’en justifier dans ses Essais ?

1554. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

J’ai cru un moment que vous ne pouviez pas tomber dans ce tort, vous avec qui j’ai toujours causé si franchement… » Les lettres de Mme Sophie Gay ont de l’entrain, de la vivacité ; elle se plaint parfois de M.  […] Cette histoire est la comédie du genre : celle de Magalon en est le drame… » En lisant cette lettre de Mme Sophie Gay, ne croirait-on pas lire déjà un piquant feuilleton de sa fille ? […] Cela lui procure des sensations. — Il croyait aimer Mme de Staël, et il n’aimait que les émotions quelle lui donnait. […] Quand il manifestait celle qu’il croyait avoir pour Mme de Staël, il écoutait les paroles qu’il lui adressait ; elle lui répondait, cherchant aussi, dans son éloquence, s’il n’y aurait pas quelques phrases qu’elle pût placer dans un de ses romans. […] Quand, après la mort de Mme de Staël, je l’ai vu si éteint, j’aurais à peine pu croire que ce fût le même homme.

1555. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

L’inclinaison des lignes convergentes peut être à peine indiquée : l’esprit qui les reçoit est illimité par le songe — et ne croira-t-il pas saisir un certain aspect de l’Infini si de toutes ces lignes le point de jonction unique, si de toutes ces formes l’unique et radieux symbole s’illumine en lui-même ? […] Quelques Flamands s’y adonnent aussi et, je crois, avec plus de bonheur ; je connais des strophes où ne manquent ni la grâce ni l’énergie, bien qu’elles allégorisent ; mais quelle vie intérieure plus profonde elles auraient eue sans ce défaut ! […] Le Porcher, la Chevauchée d’Yeldis sont des exemples singulièrement nets de cette méthode que je crois particulière à M.  […] Pourtant on ne peut nier la puissance de vers tels que ceux-ci : Crois, vie ou mort, que t’importe, En l’éblouissement d’amour ? […] Elle est commune, je crois, à tous ceux pour qui l’idée ne surgit pas avec sa forme visible, à ceux qui se préoccupent du sentiment humain avant qu’ils ne l’expriment et qui écriraient alors des allégories s’ils le voulaient traduire objectivement par une métaphore ; mais elle produit, chez d’autres, des effets moins heureux.

1556. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

C’est, je crois, Machiavel qui l’a dit : « Les hommes qui, par les lois et les institutions, ont formé les républiques et les royaumes, sont placés le plus haut, sont le plus loués après les dieux. » Napoléon est l’un de ces mortels qui, par la grandeur des choses qu’ils conçoivent et qu’en partie ils exécutent, se placeraient aisément dans l’imagination primitive des peuples presque à côté des dieux. […] Son génie se croyait sans cesse en droit de demander des miracles, et, comme on dit, de mettre le marché à la main à la Fortune. […] Il ose, en causant, bien des choses que son goût scrupuleux croit devoir se retrancher dans l’histoire. […] À propos de ce mot qu’on vient de lire sur Tacite, je crois vrai de remarquer que l’éloquent historien que Racine appelait le plus grand peintre de l’Antiquité, l’historien philosophe, qui a été si en honneur durant, tout le xviiie  siècle, est moins en faveur depuis quelque temps. […] Quant à Joseph, il ne renoncerait pas si aisément à son métier de roi, et il n’est nullement d’humeur à aller planter ses choux ; il se croit très propre à régner, mais il le voudrait faire à son aise, sur un trône à lui, comme un bon roi Louis XII sous le dais, comme s’il était l’héritier d’une longue race.

1557. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Je l’ai cru guéri, et c’est ce qui m’a fait consentir à le voir dans ma dernière maladie. Il est aisé de croire que son commerce me plairait infiniment sans cette malheureuse passion, qui m’étonne autant qu’elle me flatte, mais dont je ne veux pas abuser. […] Elle eut beaucoup à faire, on peut le croire. […] qu’on me montre beaucoup d’amour et beaucoup d’esprit. » Ce qu’il disait là tout crûment comme un franc original qu’il était, bien d’autres se croyaient en droit de le penser, s’ils avaient la politesse de ne pas le dire. […] Le fidèle d’Argental, nommé légataire universel, ne crut pas compromettre son caractère de magistrat en acceptant cette mission de confiance, et il s’honora par là dans l’opinion.

1558. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Tout ce qui est ardent autour d’elle l’inquiète, et elle croit que la raison elle-même a tort quand elle est passionnée. […] Je crois retrouver là, même au sein d’une nature excellente, ce coin d’égoïsme et de sécheresse inhérente au xviiie  siècle. […] Je la fais à la fois mon Confesseur et mon Directeur, et je commence à croire que je serai à la fin une créature raisonnable, ce à quoi je n’avais jamais visé jusqu’ici. […] On a cru qu’une petite commission diplomatique se glissa au fond de ce voyage. […] On peut croire que cette modestie, chez elle, n’était qu’une manière plus douce, et pleine de goût, de porter son amour-propre et sa gloire.

1559. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Génin a fait voir que, dans certains passages où on lisait l’expression d’un athéisme positif, c’était le fougueux éditeur de Diderot, Naigeon, qui avait cru devoir prêter à son maître, et qui avait sans façon inséré dans le texte ses propres commentaires. […] Bersot, en discutant philosophiquement les doctrines antireligieuses de Diderot, s’est attaché à démontrer que le philosophe était moins éloigné d’une certaine conception élevée de Dieu qu’il ne le croyait lui-même. […] Son génie, car il en avait, et on ne saurait donner un autre nom à une telle largeur et à une telle puissance de facultés diverses, s’y plia si bien, qu’on ne sait aujourd’hui s’il eût été propre à un autre régime, et qu’on est tenté de croire qu’en se dispersant ainsi et en se versant de toutes parts et à tous venants, il a le mieux rempli sa destinée. […] Et n’allez pas croire que, pour écrire vite, il écrive au hasard. […] C’est le cas, ou jamais, je le crois, d’appliquer ce mot que le chevalier de Chastellux disait à propos d’une autre production de Diderot, et qui peut se redire plus ou moins de presque tous ses ouvrages : « Ce sont des idées qui se sont enivrées, et qui se sont mises à courir les unes après les autres. » Diderot vieillissant se demandait s’il avait bien employé sa vie et s’il ne l’avait point dissipée.

1560. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Il n’est pas jusqu’à l’abbé Trublet, à son tour, ce religieux historiographe de Fontenelle, qui ne vienne à l’appui plus qu’il ne croit par ses témoignages. […] Il crut possible de concilier cette disposition qui le rendait tout propre pour les vérités exactes, avec le goût qu’il avait pour les manières de dire agréables et assaisonnées. […] Il est un ennemi de l’ignorance, non pas un ennemi à main armée, mais froid, patient, méprisant dans sa douceur, et irréconciliable à sa façon plus qu’il ne croit. […] « En vérité, je crois toujours de plus en plus, dit-il, qu’il y a un certain génie qui n’a point encore été hors de notre Europe, ou qui, du moins, ne s’en est pas beaucoup éloigné. » Ce génie européen, qui est proprement celui de la méthode, de la justesse et de l’analyse, et qui, selon lui, s’étend à tous les ordres de sujets, il croit que c’est à Descartes surtout que nous en devons la découverte et l’usage ; mais il s’agit de le mieux appliquer encore qu’il ne l’a fait. […] Dans sa Digression sur les anciens et les modernes (1688), il a raison sur presque tous les points, excepté sur le chapitre de la poésie et de l’éloquence, surtout de la poésie, qu’il ne sent pas et qu’il croit posséder et pratiquer.

1561. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Annette, effrayée de l’inquiétude où elle voit son amie, dit à Marthe qui l’interroge et qui croyait déjà lire à son front une nouvelle : « Je n’en sais rien encore ; amie, prends courage ; voici midi, nous le saurons bientôt. […] Et ne croyez pas pourtant que, le clocher dressé, il allât se comparer avec orgueil à ce chanteur fameux : Non ! […] Est-ce que vous pourriez croire qu’une muse a travaillé quinze jours et quinze nuits pour ne faire qu’une confidence le jour de la fête ? […] Les tournées de Jasmin sont assez marquées, on peut le croire, d’incidents gais, fous, enthousiastes, d’incidents tout gascons : ceux-là sautent aux yeux d’eux-mêmes ; j’ai mieux aimé m’arrêter sur les autres. […] Cet écrivain fameux, qui troublait l’enfance de Jasmin, le croirait-on ?

1562. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Malgré cet exemple, je crois que j’agirai différemment, et que je ne répondrai pas un seul mot. […] La mienne va jusqu’à croire que de certaines gens ne peuvent pas même m’offenser46. […] Buffon, dès son lever chaque matin, avait l’habitude de se faire habiller et coiffer selon l’usage du temps ; il croyait que le vêtement de l’homme fait partie de sa personne. […] On a fort raillé, au contraire, la conversation de Buffon comme n’étant pas du tout à la hauteur de son style : je le crois bien ! […] Tel de ses chapitres sur l’homme semble être d’un idéaliste qui croit à peine à la matière : ses discours sur la nature et ses Époques sont d’un naturaliste qui se passerait aisément de Dieu.

1563. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

L’auteur a procédé dans son sujet graduellement, avec bon sens et bonne foi ; il n’a point de vue absolue ; il cherche ce qu’il croit la vérité, « abandonnant, dit-il, les dissertations aux érudits, et les conjectures aux philosophes ». […] Dans la province et à distance, on ne discernait pas bien entre ces divers groupes et ces diverses nuances de l’armée royaliste ; plus d’un abonné de La Quotidienne croyait dévotement que les rédacteurs très mondains dont il lisait les articles étaient tous des abbés. […] M. de Vitrolles, qu’il croyait un homme d’État et qui n’a pas eu son jour, était un de ceux avec qui il aimait le mieux s’animer et remuer les dés de la politique. […] Il avait volontiers l’œil aux aguets, et n’était pas fâché de croire que la police surveillait ses démarches : cela le reportait à sa date idéale de Fructidor, à l’un des plus doux printemps de sa jeunesse. […] Michaud, je crois, les aurait trouvés8.

1564. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Il croit peu au progrès général des temps ; les progrès quand ils ont lieu, ou les arrêts de décadence, lui semblent surtout dus à des individus d’exception, grands génies, grands législateurs ou princes, qui font faire à l’humanité des pas inespérés, ou lui épargnent des rechutes tôt ou tard inévitables. […] Grimm est classique en ce sens que, pour ce qui est de l’imagination et des arts, il croit un seul grand siècle dans une nation. […] Rousseau n’est point maltraité chez Grimm, comme on pourrait le croire : il y est apprécié constamment pour ses talents, en même temps que réfuté pour ses systèmes. […] Quant à d’Holbach, ce furieux incrédule, et qui voulait convertir tout l’univers à son athéisme, il était tel de caractère qu’il croyait sur les choses de la vie tous ceux qu’il voyait : « Il ne sait jamais ce qu’il veut, et le dernier qui lui parle a toujours raison. » Voilà quelques-uns de ceux qui se posaient emphatiquement alors comme les professeurs du genre humain. […] Grimm, vers l’âge de cinquante ans, devint homme de cour ; apprécié à sa valeur par les princes distingués ou éminents qui régnaient en Allemagne, et par l’impératrice de Russie, il ne crut point devoir résister à leurs faveurs ni à leurs bienfaits.

1565. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

— Nous ne croirons pas que notre imagination s’élance au-delà des temps pour nous fournir un simple jouet ; nous ne valions pas la peine d’être trompés, de l’être avec tant d’éclat, si nous ne devions avoir qu’une existence éphémère. […] À cette date, il croit encore qu’avec tous ces un peu combinés ensemble et acceptés de tous, on eût fait face au torrent, et qu’on l’eût transformé et dirigé en un canal tranquille. […] Il n’aurait pas osé parler ainsi deux ans plus tard, après 1793 ; car il était certes un des privilégiés du sort ; mais, en 1794, il se croyait une victime choisie entre tous, et il gémissait. […] L’État se fût-il abîmé après eux, et en partie par eux, croyez-le bien, ils n’ont jamais fait aucune faute ; ils n’ont pas un reproche à se faire, et, la main sur le cœur et la tête haute devant Dieu, ils le jureraient. […] Chacun de ces instants est gravé dans ma mémoire… J’avais obtenu le retour de la paix, je l’avais obtenu sans autre moyen que le langage de la raison et de la vertu : cette idée me saisissait par toutes les affections de mon âme, et je me crus un moment entre le ciel et la terre.

1566. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Or, je crois que l’on peut contester l’influence de Louis XIV sur les lettres françaises, et, dans les limites où elle a pu s’exercer, le bienfait de cette influence. […] Boileau n’est pas, comme on l’a cru, un poëte de cour ou un poëte académique : c’est un poëte vrai, plus fort qu’élégant, plus mâle que délicat, c’est une raison vivante, un cœur sans molle tendresse, mais plein d’ardeur pour la vertu, c’est une âme d’honnête homme. […] Je veux croire que c’est un grand mérite de n’avoir pas fait de système métaphysique, de n’avoir inventé ni utopies ni hérésies ; mais il est un grand nombre d’honnêtes gens qui sur ce point ne sont pas plus téméraires que Bossuet. […] Cependant il reconnaît que Bossuet s’est trompé sur deux points : « Il s’est trompé quand il a cru le protestantisme incompatible avec de grandes sociétés réglées et prospères ; il s’est trompé quand il a vu l’idéal des gouvernements dans la royauté absolue tempérée par des lois fondamentales. » Mais ce ne sont pas là deux petites erreurs, à ce qu’il me semble, et je ne crois pas qu’on puisse dire que celui qui les a commises soit toujours tombé sur le vrai. […] Ne saisissant pas l’origine historique et tout humaine du spectacle qu’il avait devant les yeux, Bossuet n’en vit que la beauté idéale, et crut y reconnaître une œuvre divine.

1567. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Grâce aux efforts d’un parti qui se croit l’Église militante, l’idée qu’exprime Saint-Chéron a pris consistance dans beaucoup d’esprits. […] Cet intelligent pays est trop mûr d’idées et trop jeune d’actes pour n’avoir pas les besoins, les passions et les volontés des peuples qui croient à un avenir prochain. […] Nous qui n’avons pas foi en l’infaillibilité du Pape, nous ne croyons pas davantage à l’infaillibilité de la science allemande. […] Si on en croit Hurter, Innocent le comprit dès son avènement. […] Même malgré sa droiture, son activité, sa modération qu’il croyait habile, il exposa ce qui durait encore, il prépara de bien mauvais jours à l’Église.

1568. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

D’ailleurs, supposez l’homme ôté de la création, il n’y aura plus de comique, car les animaux ne se croient pas supérieurs aux végétaux, ni les végétaux aux minéraux. […] Comme le comique est signe de supériorité ou de croyance à sa propre supériorité, il est naturel de croire qu’avant qu’elles aient atteint la purification absolue promise par certains prophètes mystiques, les nations verront s’augmenter en elles les motifs de comique à mesure que s’accroîtra leur supériorité. […] Je crois que l’antiquité était pleine de respect pour les tambours-majors et les faiseurs de tours de force en tout genre, et que tous les fétiches extravagants que je citais ne sont que des signes d’adoration, ou tout au plus des symboles de force, et nullement des émanations de l’esprit intentionnellement comiques. […] V Il ne faut pas croire que nous soyons débarrassés de toute difficulté. […] Cela est visible, non-seulement dans certains animaux du comique desquels la gravité fait partie essentielle, comme les singes, et dans certaines caricatures sculpturales antiques dont j’ai déjà parlé, mais encore dans les monstruosités chinoises qui nous réjouissent si fort, et qui ont beaucoup moins d’intentions comiques qu’on le croit généralement.

1569. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Si notre Montaigne croyait la reconnaître dans la chanson du cannibale Iroquois célébrant une couleuvre, dont il voudrait dérober les vives couleurs pour en parer le collier de sa maîtresse, si ce chant barbare semble au philosophe français tout anacréontique, même passion, même fantaisie ne dut-elle pas cent fois se produire dans les épreuves de la vie du moyen âge ? […] On croirait entendre un de ces myriologues où se plaisait le poétique génie de la Grèce, mais que la mâle douleur d’un guerrier et d’un ami empreint cette fois d’un pathétique plus attendrissant que les larmes. […] Des chefs de parti, des hommes mêlés aux factions de Florence, vainqueurs ou dans l’exil, chantaient les douleurs et les joies d’une passion qu’on pourrait souvent croire imaginaire, tant les expressions en sont discrètes jusqu’à l’obscurité. […] Je ne crois pas que, dans le langage des sentiments privés, il y ait rien de plus touchant que la prière du poëte à la Mort, pendant la maladie de Béatrix. […] Comme il parle de tout ce qu’il sait, et qu’il n’a point nommé Pindare, Eschyle ni Sophocle, je croirais que, peu versé dans leur langue, de la poésie grecque il ne connaissait guère qu’Homère, le poëte souverain.

1570. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Qui eût dit à Bussy, à ce bel esprit et cette belle plume de l’armée et de la Cour, qu’il avait en son temps un rival et un maître de narration aiguisée et naïve dans ce bourgeois gausseur qu’on rencontrait partout et qui n’était déplacé nulle part, celui-là l’eût certainement fort étonné, et il ne l’aurait pas cru. […] On voit des restes de barbarie encore subsistante par la plus belle matinée déjà commencée de civilisation ; on se croirait pour de certains détails dans des temps sauvages, et l’on trouve tout aussitôt des choses exquises. […] C’est là chez bien des écrivains de son siècle et du suivant, très distingués par l’esprit et très agréables en prose, une sorte d’infirmité que de croire qu’ils ajoutent quelque chose à l’agrément d’une pensée en faisant et en mettant, à l’endroit où l’on s’y attend le moins, de méchants vers. […] Quant à Bussy, il se croit poète quand il a fait un méchant couplet de sarabande :         De tout côté         On vous désire ; Mais quand vos yeux ôtent la liberté, On veut aussi que votre âme soupire, etc. […] À dix-huit ans on l'envoie avec deux de ses frères et avec l’abbé de Gondi (le futur cardinal de Retz) faire un voyage en Italie ; il s’éprend, en passant à Lyon, de la fille d’un ami chez qui il loge, et emporte avec lui promesses et bracelets de la belle, une intention de tristesse ; il se croit un des amoureux de l’Amadis.

1571. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Peu après son arrivée à Rome, on croit qu’il écrivit des dialogues sur des questions philosophiques et politiques, qui le firent connaître d’Auguste. […] On croit savoir de plus que Tite-Live se maria deux fois, et qu’il eut deux fils et quatre filles. […] Je crois qu’ici M.  […] Il se croyait par moments, et à ses mauvais jours, dans un état de diminution et de décadence intérieure ; cette faculté de réflexion qu’il portait en lui, et qu’il s’appliquait constamment, lui nuisait à force de subtilité ou de clairvoyance : J’assiste comme témoin à la dégradation, à la perte successive des facultés par lesquelles je valais quelque chose à mes propres yeux. […] Il s’en croyait assuré par le seul sentiment de possession intime, et il reproduit cette conviction fondamentale sous mille formes.

1572. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Sayous suppose apparemment que nous savons tout cela, et il ne nous croit pas aussi ignorants que nous le sommes sur ces matières du dehors, même quand elles appartiendraient à un État plus considérable que celui de Genève. […] Cette créance publique, élevée sur celle d’un particulier, devient ensuite elle-même pour le particulier un nouveau degré de crédibilité, et le fait en est mieux cru qu’auparavant. […] Ce n’était plus un Genevois ou de naissance ou d’adoption ; c’était, je crois bien, un Bernois que le Suisse de Muralt, auteur d’intéressantes Lettres sur les Anglais et les Français, publiées pour la première fois en 1725, mais dont la composition, antérieure de près de trente ans, remonte par conséquent aux dernières années du xviie  siècle. […] Par cette raison principalement, je le crois autant au-dessous de l’excellent, où la voix publique le place, qu’au-dessus du médiocre qu’il attaque avec succès dans ses satires ; et je suis persuadé que le temps, qui met le vrai prix aux auteurs, ne placera pas celui-ci au premier rang où son siècle le place. […] La plupart des hommes croiraient ne savoir pas vivre s’ils les entretenaient naturellement et d’autre chose que d’elles-mêmes ; il leur paraît que de ne pas dire à une femme, du moins de temps en temps, qu’elle est belle et qu’elle a de l’esprit, ce serait lui faire entendre que la beauté et l’esprit lui manquent.

1573. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Il les avertit et les menace pour leur cupidité et leur injustice ; il leur prédit la vengeance des dieux, lesquels, après tout, sont plus près des hommes qu’on ne croit, car il y a jusqu’à « trente mille dieux sur la terre féconde, qui sont comme les sentinelles de Jupiter, et qui, invisibles, errent çà et là ». […] Le poète croit aux pronostics comme les paysans ; il est superstitieux sur le choix des jours : « Il y a telle journée qui nous est une mère, et telle autre une marâtre. » On sent maintenant quel est l’esprit d’Hésiode, de ce précepteur des champs le plus dénué d’illusions, le moins porté à voir en beau l’avare et jalouse nature humaine. […] On croit sentir la fraîcheur qui circule, on voit le pré peint de fleurs qui rit et verdoie. […] « Mais heureux aussi celui qui, d’un esprit moins émancipé et d’un cœur plus humble, reconnaît dans la nature un Auteur visible, se manifestant par tous les signes ; qui croit l’entendre dans le tonnerre et dans l’orage ; qui le bénit dans la rosée du matin et dans la pluie du printemps ; qui l’admire et l’adore dans la splendeur du soleil, dans les magnificences d’une belle nuit, et qui ne cesse de le sentir encore à travers la douce et tiède nuaison d’un ciel voilé ! […] C. de Lafayette dit quelque part : Moi, je rêve une France agricole et chrétienne ; beau rêve et utopie aussi, je le crois.

1574. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Première et deuxième édition9   Je croyais en être quitte pour quelque temps avec M. de Pontmartin ; j’avais écrit sur lui et sur ses ouvrages, il y a peu de mois, un article développé, presque une étude ; elle était sérieuse, sévère dans sa sincérité, et l’éloge n’y venait qu’après le blâme. […] Je ne savais pas, je l’avoue, M. de Pontmartin en si piètre état et en si mauvaise posture ; je le croyais sur un meilleur pied dans tous ses mondes ; il me semblait qu’il avait, littérairement, une réputation assez en rapport avec ses mérites, qu’il n’avait pas grand-chose à demander de plus ; et quant à l’Académie, son désir ou son regret aujourd’hui avoué, j’estimais à vue de pays que, du train dont nous y allons et pour peu que nous mourions encore, il avait chance d’y arriver à son tour, — après M.  […] On ne me fera, pas croire que ce sont là de simples inadvertances. […] Je ne sais pourquoi, peut-être est-ce parce qu’elles sont rares, mais ces rencontres me plaisent toujours ; j’y gagne, j’y apprends de ces gaies et folles nouvelles qui autrement courraient risque de ne m’arriver jamais, j’entends de ces mots spirituels que toute la méditation ne donnerait pas, je m’y aiguise ; je crois même voir, sauf quelques rares exceptions, une bienveillance réelle à mon égard sur ces visages fins et travaillés. […] Monsieur de Pontmartin, — je reviens à mon dire, et ce sera mon dernier mot, — je vous avais cru plus Parisien que cela.

1575. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Ne déplaçons pas la compassion, Je crois qu’il faut dire de lui, « le misérable Hudson Lowe ». […] Il expliquait en moraliste consommé les défections dont il avait été l’objet et s’en rendait compte par des intérêts, des vues, des illusions qui rendaient les hommes moins haïssables et moins coupables : « Ils ne m’ont point trahi », disait-il, « ils m’ont abandonné, et c’est bien différent. » — « Les traîtres, répétait-il encore, sont plus rares que vous ne le croyez. […] Ceux (et j’en ai connu) qui, nourris dans les idées opposantes, croyaient à Napoléon moins d’estime pour la nature humaine, sont heureusement combattus et en partie réfutés par de telles pages, par de telles paroles empreintes à la fois de sérieux et d’indulgence. […] Je ne crois dans les arts qu’à ce qui est simple, et je tiens que tout effet cherché est un effet manqué. […] Du reste, je ne parle que du mien, que je crois le plus sérieux qu’il y ait au monde ; et ne pas se proposer la forme simple, c’est n’en comprendre ni la beauté ni la grandeur.

1576. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Déjà, je dois le dire, cela commence à impatienter ; l’amour-propre du lecteur est humilié vraiment de cette dépense de petits miracles inutiles autour de cet enfant prodige, et, parmi les lectrices, bien plus indulgentes, il n’y aura que celles qui croiront ressembler à Sibylle et qui s’adoreront un peu en elle, qui l’aimeront. […] Je ne crois pas que, parce qu’une jeune fille est brune et a des yeux déjà chargés de quelques vagues désirs, il en résulte qu’elle doive être ainsi méchante et cruelle. […] Un jour, dans une conversation à un dîner chez une noble dame, tante de Raoul, la discussion s’engage sur la religion, sur la croyance, et Raoul, pressé, questionné, mis en demeure de s’expliquer, et uniquement pour ne point faire l’hypocrite, se croit obligé de dire qu’il ne croit pas. […] Pourvue d’un triste mari, et n’ayant pu enlever Raoul à Sibylle, elle a pris pour amant Gandrax, le savant, l’homme de mérite, athée, il est vrai (à propos, je ne croyais pas que ce personnage d’athée proprement dit existât encore sous cette forme, à la Wolmar), — mais, à part cela, le caractère le plus droit, le plus probe, une personnalité marquante et originale, tout à fait distinguée. […] Tout à la fin, et lorsqu’elle est revenue à l’amour de Raoul, Sibylle se livre à une grande excentricité d’amour-propre et d’orgueil déguisé en esprit de sacrifice, lorsqu’elle dit : « Il me semble quelquefois que, si je mourais, il croirait ! 

1577. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Pour moi, je ne le crois point. […] Ce fut madame de Caylus qui m’apprit hier cette particularité dont elle étoit effrayée, et qu’elle a sue, comme je crois, de M. le curé de Saint-Sulpice. » Et dans une autre lettre : « Le pauvre M.  […] Juliette, au balcon, croit entendre le chant de l’alouette, et presse son jeune époux de partir ; mais Roméo veut que ce soit le rossignol qu’on entend, afin de rester encore. […] Chamfort s’est amusé à noter dans Esther le petit nombre de vers qu’il croit entachés de prosaïsme. […] Nous croyons faire preuve d’un respect mieux entendu en déclarant le style de Racine, comme celui de La Fontaine et de Bossuet, digne sans doute d’une éternelle étude, mais impossible, mais inutile à imiter, et surtout d’une forme peu applicable au drame nouveau, précisément parce qu’il nous paraît si bien approprié à un genre de tragédie qui n’est plus.

1578. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

C’est précisément alors, si l’on en croit un bruit assez généralement répandu depuis une centaine d’années, que commença de briller un poëte illustre, notre grand lyrique, comme disent encore quelques-uns. […] Enfin, en 1710, quelques derniers couplets, si infâmes qu’on doit les croire fabriqués à dessein par les ennemis de Rousseau, mirent le comble à l’indignation. […] Il appelle Gresset un génie supérieur, et ne le chicane que sur ses rimes : Des Fontaines se croit obligé de l’avertir que c’est aller un peu trop loin. […] Il y tenait au reste beaucoup plus qu’on ne croirait. […] Le style est d’un langage marotique hérissé de grec, et qu’on croirait forgé à l’enclume de Chapelain ; on ne sait pas où les prendre, et j’en dirais volontiers, comme Saint-Simon de M. 

1579. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Les Italiens, accoutumés souvent à ne rien croire et à tout professer, se sont bien plus exercés dans la plaisanterie que dans le raisonnement. […] On dirait qu’il ne songeait point à ses lecteurs, et que partant de points convenus avec sa propre pensée, il croyait inutile de se déclarer à lui-même ses opinions. L’on peut accuser Machiavel de n’avoir pas prévu les mauvais effets de ses livres ; mais ce que je ne crois point, c’est qu’un homme d’un tel génie ait adopté la théorie du crime. […] Ils sont misérablement superstitieux dans les pratiques du catholicisme ; mais ils ne croient point à l’indissoluble alliance de la morale et de la religion. […] Je crois, au contraire, que cette extrême facilité de la langue est un de ses défauts, et l’un des obstacles qu’elle offre aux bons poètes pour élever très haut la perfection de leur style.

1580. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Vers 1750, les espérances d’une restauration rationnelle de la société, qu’on avait cru toucher, se reculent indéfiniment ; à ce même moment entre en scène une nouvelle génération de penseurs impatients, audacieux, dévoués à ce qu’ils appellent la vérité, et prêts à renverser tout ce qui y fait obstacle : l’art, l’éloquence, la littérature ne sont pour eux que des instruments de propagande. […] Optimiste malgré les déboires de sa vie, il croit à la bonté de la nature ; il estime qu’au total l’effort de l’humanité tend au bien. […] Il croyait que « la vraie philosophie » était assez développée pour mener à bien cette vaste entreprise. […] Son œuvre littéraire paraît mince aujourd’hui, et ira, je crois, s’amoindrissant de jour en jour. […] Il faisait dépendre tout le progrès de l’humanité, tout le développement de la civilisation de la conformation de nos organes ; et par une inconséquence singulière il croyait à la toute-puissance de l’éducation : il estimait que tous les esprits sont ù peu près égaux, et que toutes les différences intellectuelles résultent de l’inégalité de culture ; or, si l’on ramène tout au physique, c’est le contraire qui est vrai ; il n’y a pas d’éleveur qui croie que, pour avoir un bon étalon, il suffit de bien nourrir n’importe quel poulain.

1581. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Mme de Staël et Chateaubriand ont cru n’avoir pas grand chose de commun. […] Clarisse Harlowe et Werther ont transporté sa jeunesse ; Walter Scott charmera ses derniers jours : à travers toute son existence, elle persistera à croire que le roman a raison contre la vie, et que la vérité, c’est le roman. […] La religion du siècle est sa religion : elle croit au progrès, à la perfectibilité nécessaire et indéfinie de l’humanité. […] Mais si, écartant ces pâles figures, on se croit en face de Mme de Staël, si on ne demande qu’à « causer » avec elle, on reprend du plaisir, surtout dans Corinne. […] Mais elle croit toujours que tout aurait été bien, facilement, par l’exacte application d’une constitution.

1582. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Toute son œuvre le montre trop faible de talent et d’esprit pour se hausser à un tel machiavélisme : je crois qu’il prenait de bonne foi ses héros pour des artistes, sur nature et dans son livre, et qu’il pensait leurs déclamations de brasserie et de mansarde. […] Elle refuserait de nous croire. […] Il semble qu’ils aient cru à l’esprit corporatif des artistes nécessitant une tenue particulière, un uniforme. […] Tout s’achète, et l’artiste a toujours cru pouvoir entrer de plain-pied dans les rêves sans en acheter les droits civiques : de là son infirmité, le livrant aux bêtes de la vie ordinaire. […] Les Aphorismes sur la sagesse de l’artiste dans la vie attendent leur Schopenhauer bienfaisant pour porter à cet être privilégié les conseils pratiques qu’il croit médiocres et qui permettraient à son idéalisme de décupler sa portée.

1583. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Navire sans gouvernail et sans voiles, poussé de rivage en rivage par le souffle glacé de la misère, les peuples m’attendaient à mon passage, sur un peu de bruit qui m’avait précédé, et me voyaient autre qu’ils n’auraient osé le croire : je leur montrais les blessures que me fit la fortune, qui déshonorent celui que les reçoit. » À une sensibilité profonde et à la plus haute fierté, Dante joignait encore cette ambition des républiques, si différente de l’ambition des monarchies. […] L’âme était une portion de l’esprit qui anime l’univers, une subtile quintessence, un rayon très-épuré : mais c’était toujours de la matière ; et quoiqu’elle ne tombât point sous les sens, on ne la croyait pas pur esprit : tout alors avait une forme et occupait un lieu quelconque. […] On croyait que le sang, la fumée et ce qu’il y a de plus spiritueux dans nos aliments, était la part des morts comme celle des dieux. […] Dante n’a pas donné le nom de comédie aux trois grandes parties de son poëme, parce qu’il finit d’une manière heureuse, ayant le Paradis pour dénouement, ainsi que l’ont cru les commentateurs : mais parce qu’ayant honoré l’Énéide du nom d’ alta tragedia , il a voulu prendre un titre plus humble, qui convînt mieux au style qu’il emploie, si différent en effet de celui de son maître. […] Je serais tenté de croire que ce poëme aurait produit de l’effet sous Louis XIV, quand je vois Pascal avouer dans ce siècle, que la sévérité de Dieu envers les damnés le surprend moins que sa miséricorde envers les élus.

1584. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Sous ce titre, un écrivain peu connu encore, et que je crois jeune d’après la nature de quelques-unes de ses idées, vient de publier un petit travail assez agréable sur Rabelais, qu’il range dans une espèce de galerie de Légendes françaises. […] Je crois, et tout lecteur réfléchi croira de même, que ceux qui se seraient attendus à trouver exactement en lui l’homme de son livre, une espèce de curé-médecin, jovial, bouffon, toujours en ripaille et à moitié ivre, auraient été fort désappointés. […] Mais on n’y dit rien des livres pantagruéliques qu’il avait déjà composés et qu’il devait composer encore ; et Rabelais ne se crut en aucun temps obligé de se les interdire. […] Michelet poursuivant, après trois siècles, cette guerre contre le Moyen Âge qu’il croit retrouver encore menaçant, commença un jour une de ses leçons au Collège de France, en ces mots : « Dieu est comme une mère qui aime que son enfant soit fort et fier, et qu’il lui résiste ; aussi ses favoris sont ces natures robustes, indomptables, qui luttent avec lui comme Jacob, le plus fort et le plus rusé des pasteurs. […] Chaque siècle a sa marotte ; le nôtre, qui ne plaisante pas, a la marotte humanitaire, et il croit faire grand honneur à Rabelais en la lui prêtant.

1585. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Il visita l’Écosse dans l’été même de cette année 1759, et il s’y lia avec les hommes de premier mérite dont cette contrée était alors si pourvue, et qui y formaient un groupe intellectuel ayant un caractère particulier, l’historien Robertson, David Hume, Ferguson et plusieurs autres : En somme, je dois dire, écrivait-il en revenant sur ce voyage d’Édimbourg, que ces six semaines que j’y ai passées sont, je le crois, celles du bonheur le mieux rempli et le plus dense que j’aie jamais eu dans aucun temps de ma vie ; et l’agréable et instructive société que j’y ai trouvée en telle abondance a laissé une si douce impression dans ma mémoire, que, si de forts liens ne me tiraient ailleurs, je crois que l’Écosse serait le pays que je choisirais pour y passer le reste de mes jours. […] Franklin, en parlant ainsi, sourit un peu, mais il est bien certain qu’il en croit au fond quelque chose. […] Pour l’intérêt de sa cause, et par un procédé qui tenait plus du citoyen que du gentilhomme, il crut, un jour, devoir envoyer à ses amis de Boston des lettres confidentielles qu’on lui avait remises avec assez de mystère, et qui prouvaient que les mesures violentes adoptées par l’Angleterre étaient conseillées par quelques hommes même de l’Amérique, notamment par le gouverneur de l’État de Massachusetts Hutchinson, et par le lieutenant gouverneur Olivier. […] On a discuté sur l’exactitude de ce dernier fait, qui est devenu une sorte de légende ; j’incline à le croire exact, et à supposer que cet habit est le même que Mme Du Deffand a mentionné, quand elle écrivait en mars 1778 : « M.  […] Il assistait à la discussion comme spectateur ; une nouvelle insulte imprévue fut dirigée contre lui par l’un des orateurs, lord Sandwich, qui nia que la proposition pût venir en réalité d’un pair d’Angleterre : Se tournant vers moi, qui étais appuyé sur la barre, nous dit Franklin, il ajouta qu’il croyait avoir devant les yeux la personne qui l’avait rédigée, l’un des ennemis les plus cruels et les plus malfaisants qu’avait jamais eus ce pays !

1586. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Claude Bernard a montré que c’est un préjugé de croire que le crapaud ne s’empoisonne pas de son propre venin : la vérité est qu’il lui faut une plus forte dose ; ceux qui avaient fait l’expérience avaient négligé de la pousser assez loin. […] Claude Bernard se sépare de Bacon, et je crois qu’il a raison : c’est sur l’emploi des hypothèses dans la science. […] Celui-ci avait dit que l’hypothèse dans les sciences joue de plus en plus un rôle subalterne ; on lui répondit avec raison que « l’hypothèse est toujours le premier pas qu’il faut faire pour procéder à chaque nouvelle coordination des faits », qu’à la vérité « l’hypothèse ne précède pas l’observation, car la perception desfaits est elle-même une condition indispensable de la production des hypothèses », mais qu’elle la suit, et qu’elle-même précède le raisonnement sur les faits, «  car on ne peut raisonner sur les faits observés qu’au moyen d’une idée préalablement adoptée : on ne cherche à démontrer que les théorèmes qu’on s’est posés 24. » On trouvera dans la même leçon beaucoup d’autres idées très-dignes d’être méditées, et, dans cette lutte curieuse entre l’Église et l’hérésie, nous croyons que c’est l’Église qui avait raison. […] Claude Bernard en cette question, nous ne voulons pas affaiblir la valeur de son témoignage, car on comprend la différence qu’il y a entre une opinion spéculative, comme celle de quelques philosophes qui n’ont pas pratiqué la science elle-même, ou encore de quelques savants tels que Hartley ou Lesage, trop portés eux-mêmes aux vaines hypothèses, et l’opinion autorisée d’un savant éminemment doué du génie expérimental, dont la gloire est précisément d’avoir donné à l’expérimentation, au moins en physiologie, une rigueur et une précision dont on ne la croyait pas susceptible. […] Au reste, même de telles hypothèses, si ambitieuses qu’elles soient, sont bien loin d’être sans utilité, et, pour le dire en passant, nous croyons que les systèmes philosophiques eux-mêmes peuvent avoir pour la science plus d’utilité que ne le croient les savants.

1587. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Nous ne croyons pas avancer un paradoxe en affirmant qu’elle est à peu près aussi connue que celle de Bouddha ou de Lao-Tseu. […] Bien plus, ce n’est pas par une influence extérieure, par esprit de révolte ou par rupture soudaine qu’il s’est séparé de cette philosophie ; c’est par un progrès nature, c’est en croyant l’approfondir et la développer, c’est en y appliquant une analyse plus exacte et plus rigoureuse ; depuis longtemps il l’avait dépassée qu’il croyait y être encore. […] Ne croyez pas que sa réforme soit un pur retour à la métaphysique du xviiie  siècle, et qu’il n’ait échappé à Hume que pour revenir à Descartes. […] Rien ne l’autorise à croire qu’il ait toujours existé. […] Les nations de l’Orient croient à la préexistence ; mais c’est là une pure croyance.

1588. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Baudelaire ressuscita, lui, Edgar Poe ; car la poésie de ces deux poètes, dont l’un traduisit l’autre, n’est pas, comme on pourrait le croire, une imitation réussie, mais, dans leur double inspiration, c’est la plus puissante identité. […] on trouverait plus aisément qu’autrefois sur le front des Edgar Poe et des Baudelaire le coin de la démence que les Anglais cherchaient sur le beau front de leur Byron, et qu’ils croyaient y voir pour l’y trouver. […] Car il est visionnaire, et je crois même qu’il l’est comme jamais personne ne le fut. […] Rollinat font exactement la même chose, et cette chose doit soulever le cœur de ceux qui croient en avoir un bien placé auprès d’un estomac bien tranquille. […] Tous les trois, ils ont obéi à la fatalité du même génie, et ils l’ont noir, comme un autre pourrait l’avoir rose, sans que la volonté, à laquelle les esprits faibles croient, y soit pour rien.

1589. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Schopenhauer croit que non. […] Pascal ne croyait pas à la loi de la gravitation. […] Il arrivera donc à croire que C précédera toujours D. […] La girouette se croira cause de ses mouvements. […] Il n’y a pas de raison de croire que non.

1590. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Auguste Barbier, ce grand poëte d’un jour et d’une heure, que la renommée a immortalisé pour un chant sublime né d’un glorieux hasard, mais qui dans l’habitude, ainsi que l’atteste son recueil des Silves 36, est plutôt une âme douce, tendre, naïve ; une âme cherchante, un peu incertaine ; une muse timide, le croirait-on ? […] Léon Dierx avec ses Poëmes et Poésies 39, empreints de force et de tristesse ; — Alphonse Daudet avec ses vers légers et ses agréables contes ; — Georges Lafenestre surtout, qu’on a fort salué dans ce jeune monde pour ses Espérances 40, espérances (c’est bien le mot) pleines de fraîcheur en effet, d’une sève abondante et riche, d’une fine grâce amoureuse ; — je les nomme tous trois ensemble, et ne crois faire injure à aucun. […] Abel Jeandet (de Verdun), prend soin de nous expliquer dans une introduction avec le zèle et la sympathie d’un compatriote ; je parcours le recueil : c’est tout un monde bourguignon, des souvenirs du cru, des amitiés d’enfance, des paysages naturels, de riches aspects qu’anime la Saône ; puis le combat, la lutte et la mêlée, la souffrance, bien des amertumes, des injustices même éprouvées ou commises, le fouet de la satire qui siffle, et finalement une sorte de tristesse grave et de découragement austère ; — toute une vie, enfin, de quinze années qui se reflète dans des vers inégaux, rudes parfois, vrais toujours et sincères, et dont quelques-uns attestent une force poétique incontestable. […] Gustave Le Vavasseur appartient, je le crois, comme son ami Prarond, à la lisière picarde ou normande. […] Armand de Pontmartin avec qui je crois avoir eu autrefois de petits démêlés, dès longtemps oubliés.

1591. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

On le croirait guéri, heureux, fixé. […] D’autres ont essayé de peindre tous les maux affaiblissants et le relâchement de la volonté, produits par un abandon tortueux et secret : lui, il s’est attaché à peindre le mal orgueilleux, ambitieux, d’une curiosité insatiable, impie, le mal du Don Juan renouvelé : « Il y a, dit-il, de l’assassinat dans le coin des bornes et dans l’attente de la nuit, au lieu que dans le coureur des orgies bruyantes on croirait presque à un guerrier : c’est quelque chose qui sent le combat, une apparence de lutte superbe : « Tout le monde le fait, et s’en cache ; fais-le, et ne t’en cache pas. » Ainsi parle l’orgueil, et, une fois cette cuirasse endossée, voilà le soleil qui y reluit. » Trois endroits, sans parler de celui auquel cette citation appartient, expriment et ramènent à merveille le sujet, le but du livre, qui disparaît et s’évanouit presque dans une trop grande partie du récit : ce sont, le discours nocturne de Desgenais à son ami, la réponse éloquente d’Octave à quelques mois de là, et, au second volume, certaines pages sur la curiosité furieuse, dépravée, de certains hommes pour ces hideuses vérités qui ressemblent à des noyés livides. […] Et voulez-vous m’en croire ? […] La confession de l’enfant est faite ; l’endroit malade est retranché ; Octave l’a dit, et je le crois ; il le faut. […] Une expérience secrète qu’on ménage, qu’on dissimule parfois, est plus profonde et plus vraie encore : quand elle s’échappe à distance, par moments, elle impose davantage, et elle se fait croire.

1592. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

à ceux qui entendent raillerie de la sorte, qui l’entendent comme Huet, comme Christine, comme Saumaise, Ménage et Lamonnoie, nous croyons pouvoir, sans rien compromettre, parler des Mémoires de Casanova ; nous ajouterons pourtant, de peur que l’anecdote citée tout à l’heure ne fasse équivoque, que mesdemoiselles de Sparre ne doivent en lire aucun passage ni haut ni bas. […] « Son vice, comme tous les miens, dit l’auteur des Mémoires, doit aujourd’hui être mort de vieillesse. » Élevé d’abord chez sa grand-mère maternelle, qui s’appelait Marzia, soumis par elle, dans une maladie qu’il fit, à toutes les superstitions populaires et aux pratiques occultes de la magie, il y prit, sans trop y croire, un avant-goût de cette disposition à la cabale et aux enchantements, qui fut quelquefois une de ses ressources en ce siècle de Cagliostro. […] Quant à Casanova lui-même, il ne tarda pas à se perfectionner, et sans avoir besoin de lire beaucoup de romans, je crois. […] Ces scrupules s’en vont tout à fait dans l’intrigue avec Nanette et Marton, deux sœurs qu’il appelle ses anges, et qui réalisent au-delà de ce qu’on peut croire, la bonne intelligence des deux épouses chinoises aux bras du même mari. […] On croirait lire quelque idylle d’un érotique grec.

1593. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

D’ailleurs, il était paisible, confiant et bon ; il se jetait dans l’imprévu avec cette insouciance naturelle aux êtres qui ne croient pas que le mal puisse exister ; il ne se plaignait pas de la fortune, qui l’avait exposé aux chances les plus dures, et il remerciait la nature des instincts qu’elle lui avait donnés et des trésors de jouissances inconnues qu’elle avait renfermés dans son âme. Aussi, le soir, quand il prit congé de ses hôtes, il leur laissa l’idée qu’il était né pour être heureux, et qu’il mourrait ignoré et content au bord du lac, seul témoin destiné à recevoir l’entière confidence de ses pensées. » Rousseau ne donne plus de ses nouvelles, et ses amis croient qu’il les a oubliés. […] « A Paris, — oui, à Paris, s’écrie-t-il, c’est le vœu de tous les pauvres insensés qui se croient appelés à remuer le monde ! […] Dans le portrait de Montesquieu, je ne crois pas qu’il soit exact de faire du grand écrivain un causeur aussi insignifiant et aussi dénué de saillies que nous le montre M.  […] Partout en Allemagne, on l’attend, on l’a cru voir passer dans chaque cavalier inconnu, les peuples prêts à saluer, comme toujours, l’homme du destin, les gouvernements attentifs à saisir le conquérant déchaîné.

1594. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Je crois même que l’homme, ayant plus de facilités, reçoit des impressions plus profondes ; le dehors entre en lui davantage, parce que les portes chez lui sont plus nombreuses. […] 3 Et croyez que nos fabliaux en font bon marché. […] Il se dit qu’il dupe un mari, « qu’il trompe une cruelle4, et croit gagner des pardons à cela. » Il veut rire ; c’est là son état préféré, le but et l’emploi de sa vie. […] On les croit naïfs, ils ont l’air de n’y point toucher. […] Parler lui veut d’une besogne, Où crois que peu conquerrerois Si la besogne vous nommois.

1595. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Il s’est trompé quand il a cru s’assurer le bonheur par la morale facile. […] Si bien que cette société, la plus intelligente, la plus sceptique, la plus raisonnable qui ait jamais été, finit dans les mélancolies sans cause et les espoirs sans mesure, dans les vagues attendrissements et les transports effrénés : elle ne croit plus au merveilleux de la religion ; mais Cagliostro la séduit, et elle court au baquet de Mesmer. […] Qui croirait qu’on attendra encore près d’un demi-siècle pour que Lamartine, Hugo, Musset répondent à cette voix ? […] Et ce bel esprit qui n’a jamais su faire que des inventaires ou des catalogues, à sa mort mit la France en deuil : ses funérailles furent une apothéose, et l’on croyait enterrer avec lui la poésie ! […] Selon la poétique établie depuis Crébillon, Malcolm, fils de Duncan, est cru fils d’un simple montagnard.

1596. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Il a cru d’abord que c’était un phénomène vital, mais il a vu bientôt que les corps inanimés ne dansaient pas avec moins d’ardeur que les autres ; il a alors passé la main aux physiciens. […] Gouy eut l’idée d’y regarder de plus près et il vit, ou crut voir, que cette explication est insoutenable, que les mouvements deviennent d’autant plus vifs que les particules sont plus petites, mais qu’ils ne sont pas influencés par le mode d’éclairage. Si alors ces mouvements ne cessent pas, ou plutôt renaissent sans cesse, sans rien emprunter à une source extérieure d’énergie ; que devons-nous croire ? […] Or, ces vitesses, on croit maintenant les avoir réalisées ; les rayons cathodiques et ceux du radium seraient formés de particules très petites ou d’électrons qui se déplaceraient avec des vitesses, plus petites sans doute que celle de la lumière, mais qui en seraient le dixième ou le tiers. […] Mais ces quantités d’énergie étaient trop faibles pour être mesurées ; du moins on le croyait et on ne s’en inquiétait pas trop.

1597. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Je ne crois pas avoir besoin de détailler davantage le rôle considérable que joue la sensibilité dans la deuxième moitié du xviiie  siècle. […] S’il faut en croire Mme de Genlis45, « on se précipitait dans ses bras, on balbutiait, on pleurait, on était dans un trouble qui ressemblait à l’amour le plus passionné ». […] Dès qu’elles jetaient les yeux sur moi, je les croyais occupées à en médire46 ». […] Qui croirait au premier abord que la cuisine et la littérature pussent avoir quelque chose de commun ? […] Croit-on que les jeunes générations puissent impunément supporter une littérature qui, de parti pris, excite aux raffinements de la volupté ?

1598. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Malgré l’importance et la difficulté du travail de l’abbé Bouix, quelle est la plume, se croyant grave parmi toutes celles qui se croient amusantes, qui ait eu seulement le courage d’en toucher deux mots ? […] Avouant les avoir retrouvés dans l’entre-deux de ses vertus longtemps encore après qu’elle se crut avancée dans les voies chrétiennes, elle fut peut-être, qu’on me passe le mot ! […] ils le croient du moins !) […] Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique, exaltée par la Prière, et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour. […] Les philosophes, qui croient avoir inventé ce qu’ils retrouvent, s’imaginent que la psychologie est d’hier.

1599. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Fustel de Coulanges n’en est jusqu’ici qu’au ras du sol, mais il va monter… Maître de Conférences à l’École normale supérieure quand il fit paraître ce livre, il n’a, pour moi, contre lui, que son titre d’universitaire ; mais c’est un esprit que je crois assez vigoureux pour secouer et mettre à ses pieds les préjugés traditionnels de l’Université et de son enseignement. […] Depuis des siècles, et surtout depuis le xvie , on a cru que l’Empire Romain était une dégradation de la République et la décadence de Rome, châtiée enfin de l’immense corruption de la victoire par les Barbares, ses vainqueurs, qui lui ouvrirent les veines et les lui vidèrent de son vieux sang, pour y infuser leur jeune sang de Barbares. […] Il ne croit guères plus à la corruption des Romains qu’à la virginité des Barbares. C’est la corruption de quelques-uns de leurs empereurs, — supportés, malgré la monstruosité de leurs vices, pour des raisons qui font plus d’honneur que de honte à l’esprit romain, puisque c’était par respect de leur tradition politique qu’ils acceptaient l’Empire à travers l’Empereur, quel qu’il fut ; — c’est cette corruption des empereurs, qui a fait croire à l’universelle corruption des Romains. […] La bêtise moderne est de croire à la liberté chez les Anciens.

1600. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

il ne croit pas à la Grâce, le gracieux Bonhomme. […] Il est rude, amer, mal peigné, et se croit poignant. […] Le croirait-on ? […] La carmélite inconnue de son histoire a ramassé une foule de mots d’elle, animés de cette gaieté gauloise : « Croyez-vous — disait-elle un jour à ses novices, qui sentaient ces ennuis des après-midi dans les cloîtres qui sont les nostalgies du monde, — que nous sommes venues aux Carmélites pour rechercher ce qui amuse, et que la société des douze apôtres ait été toujours bien amusante pour Notre-Seigneur Jésus-Christ ?  […] Et ceci, qu’on le croie bien !

1601. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Il nous a semblé qu’il y avait lieu de se poser le problème inverse, et de se demander si les états les plus apparents du moi lui-même, que nous croyons saisir directement, ne seraient pas, la plupart du temps, aperçus à travers certaines formes empruntées au monde extérieur, lequel nous rendrait ainsi ce que nous lui avons prêté. […] Nous croyons avoir prouvé qu’elle ne retient de la durée que la simultanéité, et du mouvement lui-même que la position du mobile, c’est-à-dire l’immobilité. […] Par là il fut conduit à croire que les mêmes états sont susceptibles de se reproduire dans les profondeurs de la conscience, comme les mêmes phénomènes physiques dans l’espace ; c’est du moins ce qu’il admit implicitement quand il attribua au rapport de causalité le même sens et le même rôle dans le monde interne que dans le monde extérieur. […] Et néanmoins, par une confiance illimitée, mais inconsciente, en cette aperception interne dont il s’efforçait de restreindre la portée, il croyait à la liberté inébranlablement. […] Mais nous comprendrions aussi par l’effet de quelle illusion les uns se croient obligés de nier la liberté, les autres de la définir.

1602. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Obermancreusait et exprimait tout cela ; l’auteur n’y retraçait aucunement sa biographie exacte, comme quelques-uns l’ont cru ; au contraire, il altérait à dessein les conditions extérieures, il transposait les scènes, il dépaysait autant que possible. […] Rabbe, je l’ai déjà dit, connaissait Oberman ; il le sentait passionnément ; il croyait y lire toute la biographie de M. de Sénancour, et il s’en était ouvert plusieurs fois avec lui : un livre qu’il avait terminé, assure-t-on, et auquel il tenait beaucoup, un roman dont le manuscrit fut dérobé ou perdu, n’était autre probablement que la psychologie de Rabbe lui-même, sa psychologie ardente et ulcérée, son Oberman. […] Voyons, poëte, si tu comprends encore la douleur ; voyons, jeune homme, si tu crois encore à l’amour. » Eh quoi ! […] La lecture d’Oberman, quand ce livre leur tomba par hasard dans les mains, fit sur eux l’impression qu’on peut croire ; cette mélancolie austère et désabusée devint un moment comme la base de leur vie ; la philosophie platonicienne eut tort ; Jules Bastide fut celui peut-être qui se pénétra le plus profondément de cette âpre et stoïque nourriture.

1603. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

« Versailles, 22 juin 1743… Il faudrait, je crois, dit-elle, écrire à Mme de La Tournelle (Mme de Châteauroux) pour qu’elle essayât de tirer le roi de l’engourdissement où il est sur les affaires publiques. […] Un autre que vous ne pourrait croire à quel point les choses sont portées. […] Il fallut monter à cet effet toute une machine : « Mon frère, écrit Mme de Tencin, ne serait pas très-éloigné de croire qu’il serait très-utile de l’engager à se mettre à la tête de ses armées. […] Plus j’y mis de discrétion et d’économie, et mieux nous nous entendîmes. » Nous ne nous sommes pas même cru en droit de nous permettre ce soin si sobre ; à part un ou deux endroits où la copie était évidemment fautive, nous en avons respecté tout le négligé.

1604. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Il ne faut pas se croire trop aisément leur parent et leur pareil ; il faut aller avec le vulgaire et penser qu’on en est, tant qu’on n’a pas de fortes preuves du contraire. […] On refuse souvent de se livrer à ce travail, parce qu’on croit gagner du temps et avoir plus tôt fait. […] Enfin, ne calculant pas la distance à parcourir ni l’effort à donner, il écrira pour lui, non pour le lecteur : il estimera intéressant ce qui l’intéresse, clair ce qu’il comprend, vrai ce qu’il croira, et ainsi il ne saura éviter ni l’ennuyeux, ni l’obscur, ni le faux. […] Les sujets sont à tout le monde ; chaque écrivain qui veut se les approprie, sans croire voler ses devanciers, comme nos peintres peuvent faire des Sainte Famille après Raphaël, des Adoration des Mages après Rubens, comme nos sculpteurs réalisent après les Grecs les types de Diane et de Vénus.

1605. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

Cependant, disons-le à l’honneur de de Lescure, quel qu’il soit, nous le croyons, malgré le choix de ses sujets, un serviteur de la vérité dans l’histoire plutôt que du xviiie  siècle. […] Je crois bien qu’il a, lui aussi, la préoccupation de diminuer (mais en tant que de raison) les fautes et les crimes de cette époque comme il a diminué le poids horrible qui écrase la mémoire du Régent quand il a détruit, par une discussion sévèrement menée, ces accusations épouvantables d’empoisonnement et d’inceste que La Grange-Chancel ne craignit pas d’articuler. […] Nous nous sommes demandé combien, dans ce fatras classique et mythologique, il y avait de vers qu’on pouvait citer dans un cours de littérature, et sur cinq odes composant un ensemble de quatre-vingt-dix-huit strophes, nous avons, le croira-t-on ? […] Marionnette d’une coterie d’abord, il le devint de sa propre vanité, et il se crut, par le bruit et l’éclat, un météore et un tonnerre, mais son éclair était, comme au théâtre, du phosphore, et son tonnerre, des feuilles de fer blanc !

1606. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Il y eut même un de ces spécialistes qui crut faire un énorme honneur au Dante en l’appelant le saint Thomas de la poésie, et ce n’est pas le moins avisé et le moins considérable. […] Magnier, qui se fait facilement des dieux, qui croit ingénument à M. About, par exemple, aurait pu, à propos du Dante, se laisser pétrir par cette main d’Ozanam qu’il doit croire puissante. […] Écrivain qui n’est pas toujours correct, je l’en avertis, mais qui est brusque et familier dans le tour et dans l’expression, ce dont je le loue, qui a des besoins de force, mais qui n’a pas la force venue, la force qu’il aura plus tard, son mérite n’est pas actuellement dans son style, mais dans la fermeté avec laquelle il attache son jeune regard auquel les cils, je crois, poussent encore, sur ce flamboiement de l’enfer et sur cette lumière du paradis qui s’appellent également le Dante.

1607. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Il y avait dans Diderot quelque chose de béat, de pédant, de mystique, d’yeux fermés (on dit qu’il parlait les yeux fermés et je le crois), qui ne pouvait jamais être dans Lessing, cet homme qui n’est jamais dupe de rien, pas même de lui, et dont l’œil attentif est ouvert comme celui d’un archer qui vise… Avec Henri Heine, qui l’a jugé, Lessing est peut-être le seul allemand d’esprit comme nous entendons l’esprit en France, où on ne l’entend que là… Il était le seul qui pût se mesurer avec Voltaire et que Voltaire ne faisait pas trembler. […] Comme il prend ses pièces, — Sémiramis, Mérope, Zaïre, — et leurs préfaces sophistiquées, et comme il détache par morceaux de ces pièces et de ces préfaces tout cet affreux plaqué que Voltaire, qui ne travaillait qu’en plaqué dans l’art dramatique, ne croit pas, mais veut nous donner pour le pur érable d’œuvres originales et sincères ! […] Il croyait à sa théorie. […] Ce n’est plus là même un professeur : c’est un répétiteur, qui répète une leçon qu’il croit donner.

1608. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

De ce point de vue, les rapports que nous avons établis inductivement paraîtront susceptibles d’être retournés, et l’on se croira autorisé à poser l’égalitarisme comme l’antécédent, non comme la conséquence de nos formes sociales. […] De même, l’homogénéité sociale est sans doute favorisée par l’égalitarisme : des gens qui, se croient égaux puisent dans cette croyance de nouvelles raisons de s’imiter de plus en plus ; et en ce sens, l’uniformité peut naître de l’égalité même. […] À en croire Spencer, la centralisation de nos sociétés s’expliquerait par le seul développement du militarisme ; leur homogénéité, suivant M.  […] Tant qu’on n’a regardé la conquête du monde occidental par les idées égalitaires que comme la fortune surprenante d’une théorie de philosophes qui, tombée du ciel dans le cerveau de quelques penseurs, en serait descendue de proche en proche jusqu’à l’âme des foules, on a pu croire qu’il suffisait pour l’arrêter, d’une discussion philosophique : réfutons Rousseau et l’égalitarisme est vaincu.

1609. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Les réserves que l’orateur a cru devoir apporter à ses éloges ne sauraient surprendre ; les hommes de l’ordre de M.  […] Une fois, dans ce qu’il y mêlait d’affectueux et de trop flatteur, il s’interrompit en ajoutant cette touchante parole : « Je m’arrête, car vous pourriez croire que je suis un candidat en nécrologie. » Mais encore une fois, si j’ai contracté envers lui une dette, ce n’est point le moment de la payer. […] Dans le peu de remarques que je viens de faire j’ai cru témoigner encore de mon respect envers des hommes dont je suis honoré de me dire le confrère.

1610. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

Élève chéri de Court de Gébelin, sous lequel il avait étudié en Suisse, il avait embrassé avec ardeur ses idées sur l’Antiquité ; il croyait à l’existence d’un peuple primitif, qui aurait eu sa langue primitive, son écriture primitive ; cette écriture selon lui était celle des hiéroglyphes, qu’on retrouvait défigurée et presque inintelligible dans les monuments des peuples plus récents et surtout dans les traditions mythologiques de la Grèce. […] Quand l’Assemblée constituante eut terminé ses séances et que le Te Deum final eut été chanté, Rabaut jugea tout achevé parce qu’il l’espérait ; il crut au repos parce qu’il était las : dans la joie de ses vœux accomplis, comme tant d’autres de ses vénérables collègues, il eût volontiers adressé au ciel le cantique de Siméon. […] Quelques nuages se promènent encore sur le ciel de la France  ; mais la Constitution est faite, la masse de la France est assise … Illusion naïve du savoir et de la vertu, qui fait sourire en même temps qu’elle attriste, illusion de tous les temps, de tous les lieux, de tous les hommes, la nôtre aussi, toutes les fois qu’il nous arrive de juger le passé d’hier avec nos idées du réveil et de croire y lire l’éternel avenir !

1611. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Je crois donc toujours intéressant d’examiner quel devrait être le caractère de la littérature d’un grand peuple, d’un peuple éclairé, chez lequel seraient établies la liberté, l’égalité politique, et les mœurs qui s’accordent avec ces institutions. […] En faut-il conclure que je croie à la possibilité de cette liberté et de cette égalité ? […] Si vous portez des talents supérieurs au milieu des passions humaines, vous vous persuaderez bientôt que ces talents mêmes ne sont qu’une malédiction du ciel ; mais vous les retrouverez comme des bienfaits, si vous pouvez croire encore au perfectionnement de la pensée, si vous entrevoyez de nouveaux rapports entre les idées et les sentiments, si vous pénétrez plus avant dans la connaissance des hommes, si vous pouvez ajouter un seul degré de force à la morale, si vous vous flattez enfin de réunir par l’éloquence les opinions éparses de tous les amis des vérités généreuses.

1612. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

on vous l’a fait croire. […] Il n’en croit pas ses yeux et reprend toutes les feuilles l’une après l’autre. […] On lit dans un manuel d’Histoire de France : «… Ici se place un incident sans importance réelle, mais qui fit grand bruit, si l’on en croit les contemporains.

1613. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

C’est, précisément ce qui fait que notre pensée enveloppe en elle de quoi comprendre la nature et tout ce qui nous est inférieur ; en ce sens, on peut dire que, pour apprendre, il suffit de nous souvenir, non pas, comme croyait Platon, d’un monde intelligible, mais du monde sensible. […] En face de cette doctrine, l’idéalisme représente le sujet pensant comme le principe même des lois universelles et des relations nécessaires que l’on croit découvrir dans les objets extérieurs : c’est la forme du miroir qui explique celle de l’image, et par cela même de l’objet représenté. […] Nous croyons, au contraire, que l’explication des formes de la pensée tient, en grande partie, aux fonctions de la volonté et aux nécessités de la vie.

1614. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

Pourquoi ne pas croire que c’est le physique qui donne la loi au moral ? Je crois donc que le genre de vie, que la mode de se vêtir plus ou moins en certaines saisons qui a lieu successivement dans le même païs, dépend de la vigueur des corps qui les fait souffrir principalement du froid, plus ou moins, suivant qu’ils sont plus ou moins robustes. […] Croit-on que le plus éloquent de nos prédicateurs qui prêcheroit une croisade aujourd’hui, trouvât bien des barons qui le voulussent suivre outre-mer ?

1615. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Dans les dialogues de Ciceron sur l’orateur, Crassus un des interlocuteurs après avoir dit que Laelia sa belle-mere prononçoit uniment et sans affecter des accents trop fréquens et trop marquez, ajoute : lorsque j’entens parler Laelia, je crois entendre joüer les pieces de Plaute et celles de Noevius. […] Croit-on que ces orateurs chantassent comme on chante dans nos opera ? […] Il seroit même temeraire d’en croire si facilement notre imagination sur les possibilitez, parce qu’on presume volontiers que les choses sont impossibles lorsqu’on ne trouve pas le moïen de les executer, et la plûpart des personnes se contentent même de donner à la recherche de ce moïen un demi quart d’heure d’attention.

1616. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

Toutes les nations ont cru un Dieu, une Providence. […] Aucune nation n’a cru à l’existence d’un Dieu tout matériel, ni d’un Dieu tout intelligence sans liberté. […] Toutes les nations païennes se sont accordées à croire que les âmes allaient errantes autour des corps laissés sans sépulture, et demeuraient inquiètes sur la terre ; que par conséquent elles survivaient aux corps, et étaient immortelles.

1617. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Demain que saura-t-on, à quoi croira-t-on, pour quoi s’enthousiasmera-t-on, comment jouira-t-on ? […] Que l’on n’aille pas croire, d’ailleurs, que dégénérescence est synonyme de manque de talent. […] Il croit à la vérité de ses fantaisies les plus folles. […] Il croit à tout ce qui lui est suggéré d’une façon suffisamment pénétrante. […] Je crois avoir prouvé ma thèse.

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