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1341. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

L’histoire est mince et quelconque, très factice en même temps dans sa contexture : une bohémienne aime un beau capitaine, est aimée d’un prêtre sombre et d’un grotesque difforme. […] Le difficile problème de cette fusion est résolu — avec une facilité un peu naïve — par l’amour : un beau et génial jeune homme, ouvrier ou paysan, aime une belle et parfaite demoiselle, noble et riche ; ils se marient, et voilà les classes fondues. […] Parfois elle s’enfonce dans le passé, et elle nous conte avec bonheur, un peu verbeusement, son rêve d’un xviie  siècle précieux, galant, et généreux, un rêve formé d’après l’Astrée : ce sont les Beaux Messieurs de Bois-Doré (1858). […] On inculque ce beau principe aux individus dès le bas âge ; ils apprennent que le talent mène à tout : ils ont le talent ; ils apprennent que la supériorité sociale suit la supériorité intellectuelle : ils sont des esprits supérieurs. […] Ils aimaient tous les deux à bousculer la morale bourgeoise ; ils étaient tous les deux flegmatiques, observateurs, ils se moquaient des beaux enthousiasmes romantiques ; ils avaient tous les deux l’esprit de la psychologie.

1342. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Gudehus et de Mademoiselle Malten, retournés à Dresde, était regrettable aux dernières représentations, malgré les très belles qualités vocales de M.  […] Enfui, dans le rôle d’Isolde, nous devons rappeler le beau succès de Madame Sucher. […] Le grand public, par des auditions répétées de la symphonie en ut mineur et de la Pastorale — où est un si bel orage ! […] Belle joie, elle s’efface : « Car je suis un pécheur misérable ; agneau divin, pardonneur des péchés, vois mon cœur ; aie pitié, agneau divin ! […] La Belle Hélène, la Grande Duchesse, c’est le quadrille d’âmes grossières et vaines, comme tel final des symphonies de Beethoven fut la valse d’âmes passionnées et naïves.

1343. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Et tout le monde d’ici est humilié, très humilié de cela, et proclame que la pesanteur n’est rien, et que tout est dans la beauté des circonvolutions, et que Gambetta a les plus belles circonvolutions du monde : des circonvolutions à bourrelets qui étaient à l’étroit dans sa puissante boîte crânienne. […] Mercredi 31 janvier C’est beau ce Paris, la nuit, vu du haut du Trocadéro, c’est beau, cette obscurité solide, sillonnée de feux. […] Il dit, tout en laissant traîner, comme voluptueusement, la main dans ces étoffes, il dit que c’est l’été, devant les fleurs, qu’il cherche la gamme des tons de ses toilettes, et il se plaint qu’il trouve chez ses clientes une certaine résistance à accepter le jaune : que c’est la plus belle couleur. […] le beau livre qu’il y aurait à écrire sous le titre : Histoire du vice. […] Il y a un beau réveil du roi, en la pocharderie de Dieudonné, et Mlle Legault a des gestes de marionnette, qui vont à son rôle.

1344. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Deschanel trouve donc que « la langue française, si belle, va se corrompant » . […] Si l’on n’admet pas, comme jadis, l’autorité absolue de l’usage, du bel usage, on n’a pour guide que son propre goût ; mais on aurait plus de chances de le faire prévaloir, à écrire en beau style quelques livres de forte littérature qu’à recueillir des anecdotes philologiques. […] Quels que soient les changements et, si l’on veut, les déformations que l’usage lui impose, une langue reste belle tant qu’elle reste pure. […] Ce modeste et anonyme défenseur du beau langage a recueilli environ trois cents fautes (à ce qu’il écrit) de français, et il les a redressées courageusement. […] Voilà un solécisme qui a de belles lettres de noblesse.

1345. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Thibaudet, Albert (1874-1936) »

Thibaudet, Le Cygne rouge, n’est ni très beau, ni parfait, mais il y a de belles qualités, d’abord la cohésion et ensuite l’indépendance… Le drame de M. 

1346. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

De beaux dessins anatomiques. […] Une femme apportant une tasse de thé à un Japonais, jouissant à l’endroit, appelé autrefois Mattiyama, de la belle vue de la rivière. […] Petite barque sur cette belle et claire rivière alimentant Yédo d’eau potable. […] Des objets qui étaient carrés, on les fait ronds et le monde trouve cela plus beau : ça s’appelle la mode. […] Un des plus beaux et des plus importants paysages à l’aquarelle d’Hokousaï.

1347. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Qui dira, par exemple, tout ce que contient la Belle et la Bête ? […] C’était une belle machine à broyer du vent. […] Il y a dans Pascal des pages travaillées, qui sont belles ; il y a aussi des pages improvisées, qui sont belles. […] Comme ce médecin qui enseignait l’art d’avoir de beaux enfants, il enseigne l’art d’avoir un beau style. Le beau style et les beaux enfants dépendent de causes obscures et lointaines.

1348. (1929) La société des grands esprits

N’est-ce pas ainsi que les romantiques ont conçu le noble et bel amour ? […] C’était beau. […] Ô belles maisons, attendez la pioche !  […] Chez un si grand poète, c’est souvent très beau. […] Belle chose, la rhétorique ! 

1349. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vellay, Charles (1876-1953) »

Charles Vellay, pour son livre de début, nous donne, dans Au lieu de vivre, un recueil de beaux poèmes, graves et gracieux, d’un sûr métier et d’une pensée mélancolique. […] Charles Guérin Ces poèmes sont généralement beaux et graves.

1350. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

J’aime ces doux combats, et je suis patient ; Dans l’étroit vêtement qu’à son beau corps j’ajuste, Là, serrant un atour, ici le déliant, J’ai fait passer enfin tête, épaules et buste. […] Plus de mollesse parfois, non pas plus de flamme, c’est la seule chose que me laissent à désirer ces beaux sonnets un peu tardifs, nés dans la patrie de Louise Labé. Mais quiconque a pratiqué et goûté les vieux maîtres de notre xvie  siècle ne saurait accorder trop d’estime à leur disciple original, à l’aimable et modeste poëte qui a eu de dures années de jeunesse et qui s’en dédommage aujourd’hui dans d’ingénieux loisirs ; qui aime la nature, la campagne, l’amour, l’amitié et toutes les belles et bonnes choses de l’art et de la vie. […] le rubis, l’émeraude, Dont ses bras et son front ruissellent étoilés ; Tout ce que la nature a de riche et de frêle, Tout ce qu’a pu rêver le goût le plus hardi, Tout cet or répandu, tout cet art, tout ce zèle, Pour que Suzon l’efface en robe d’organdi, Ou qu’on dise : « Voyez comme elle est encor belle ! 

1351. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Jusqu’à quel point est-on fidèle dans cette prétendue reproduction de belles mœurs à notre usage ? […] Une fois le ton pris et accepté et applaudi, le reste passe ; le sujet a beau être scabreux, graveleux même : peu importe ! […] Il y a dans le rôle de très beaux moments, dont mademoiselle Mars tire le parti qu’elle sait toujours tirer et quelquefois créer : je ne fais que rappeler le Vous mentez ! […] que le rôle serait beau pour un auteur dramatique qui le comprendrait et qui aurait en lui la veine !

1352. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Et puis, il y avait bien des femmes du monde, charmantes, spirituelles, bonnes au fond et même très indulgentes quelquefois, mais railleuses au dehors et très prononcées contre tout scandale de la scène ; elles n’eussent pas été si fâchées d’en voir un, et elles espéraient bien en faire justice à coup d’épigrammes, avec cette espèce de cant si naturel et si facile au beau monde de tous les pays. […] Comme on est empressé, au premier effort d’un beau génie vers un second genre, de lui contester la libre sortie du précédent et de l’y bloquer ! […] Ordonio se fait aimer pourtant de Cosima, parce qu’il est beau, parce qu’il est jeune, parce qu’il est inconnu, parce qu’il a en réalité d’abord bien plus de distinction de ton et de tendresse menteuse que l’acteur Beauvallet ne lui en prête. […] Celui du mari de Cosima, Alvise, a de la noblesse et une belle expression morale.

1353. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Ils environnaient la recherche de la vérité de tout ce qui pouvait frapper l’imagination ; ces promenades où de jeunes disciples se réunissaient autour de leur maître, pour écouter de nobles pensées en présence d’un beau ciel ; cette langue harmonieuse qui exaltait l’âme par les sens, avant même que les idées eussent agi sur elle ; le mystère qu’on apportait à Éleusis dans la découverte, dans la communication de certains principes de morale ; toutes ces choses ajoutaient à l’effet des leçons des philosophes. […] Ce qu’il y a de vraiment beau dans leur doctrine n’est point contraire à cette assertion. […] Ils ne blâment ni n’approuvent ; ils transmettent les vérités morales comme les faits physiques, les beaux discours comme les mauvaises actions, les bonnes lois comme les volontés tyranniques, sans analyser ni les caractères, ni les principes. […] Tous ses tableaux sont pleins d’imagination ; et ses harangues sont, comme celles de Tite-Live, de la plus belle éloquence : lorsqu’il raconte les malheurs attachés aux troubles civils, il jette de grandes lumières sur les passions politiques, et doit paraître supérieur aux écrivains modernes qui n’ont que l’histoire des guerres et des rois à raconter.

1354. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Il y a de jolies choses dans Dickens, mais… Il y a de belles choses dans V.  […] Il est impossible de préconiser, au nom du goût, une sorte de tolérance universelle et d’admiration banale qui n’est que de l’indifférence, et qui, à la longue, émousse et tue le sentiment même du beau. […] Ce qu’il s’agit de savoir, c’est si les Philosophies de l’Art, les Traités complets d’Esthétique, les livres qui s’intitulent Science du Beau, justifient leur titre. […] Ce qui sauvera l’art et la critique, c’est le respect des beaux sentiments et des grandes idées qui composent le fond même de l’humanité.

1355. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Plus tard, — bientôt sans doute — cet enthousiasme sacré ne sera plus aussi spontané en son beau tumulte, mais le Poète le rappellera par volonté et, s’il a appris à fixer les images de la vie aussi bien qu’il les sentit palpiter, s’il est artiste autant qu’il fut poète, alors sera créée l’œuvre qui dira toute sa pensée. […] Je ne puis analyser ici en détails la philosophie qu’on lit à demi exprimée dans les vers de ces deux poètes ; d’abord, parce que précisément elle n’y est qu’à demi exprimée, et en second lieu parce que cette philosophie a trouvé sa forme définitive dans les vers et qu’il faudrait taillader et déchirer de belles strophes pour regarder à la loupe ce qu’il y a dedans. […] « Dis-nous que toute vie est belle et vaut de vivre » chante un poème, comme pour compléter le vers de Joies : « la vie est croulante, lustres sur lustres ». — On dirait qu’Empédocle s’unit ici à Héraclite, mais pour une conclusion nouvelle dont la ferme expression fait songer aux écrits d’Emerson. […] Mais on y voit nettement les idées considérées comme indépendantes du vouloir, la force du Destin et la conclusion : se résigner ; enfin, et surtout, la ligne d’une pensée esthétiquement grande et belle, très propice à une grave poésie lyrique.

1356. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Les généralités admettent toujours les exceptions ; nous savons fort bien que la foule est une grande chose dans laquelle on trouve tout, l’instinct du beau comme le goût du médiocre, l’amour de l’idéal comme l’appétit du commun ; nous savons également que tout penseur complet doit être femme par les côtés délicats du cœur ; et nous n’ignorons pas que, grâce à cette loi mystérieuse qui lie les sexes l’un à l’autre aussi bien par l’esprit que par le corps, bien souvent dans une femme il y a un penseur. […] Un beau matin, il lui arrive un malheur. […] De toute cette belle vie flamboyante il ne reste pas même de la fumée ; elle s’est envolée. […] Ces grandes apparitions de dynasties qui illuminent par moments l’histoire sont pour l’auteur un beau et mélancolique spectacle sur lequel ses yeux se fixent souvent.

1357. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Y a-t-il rien de plus naturel et de plus vulgaire que la position de Laïs quand elle eut hérité des grands biens de son Eupatride, et quand, riche, belle et courtisane, elle conviait à ses repas les hommes les plus célèbres de son temps et faisait bavarder, après boire, toutes ces pauvres sagesses, doublement enivrées ? […] Puisque de tels règnes ont des histoires, nous parlerons du plus long et du plus beau de tous peut-être. […] Or Ninon, femme de qualité d’ailleurs, était bel-esprit et vantée par les hommes qui se piquaient de beau langage. […] Telle elle était, — rien de plus, — et ce fut suffisant pour lui constituer un empire auquel travaillèrent les hommes et les femmes : les hommes, vaniteux et sensuels, les femmes, curieuses, curieuses de voir cette maîtresse de tout le monde, et la regardant comme les sauvages regarderaient un beau fusil.

1358. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Ces jeunes gens qui ne croient, comme on dit, ni à Dieu ni à Diable, et qui font des vers dans le genre de ceux-ci, lesquels d’ailleurs, sont beaux, à deux taches près : Les dieux et les héros ne sont plus de ce temps ; Et, désormais fermés aux grandes espérances, Nous vivons trop nos deuils, nos plaisirs, nos souffrances, Pour sonder du regard les cieux inquiétants. […] La belle affaire ! […] , le temps qu’il y touche, qu’a essayé d’entamer Maurice Bouchor, au risque d’y casser les beaux onyx de ses ongles de poète ! […] IV A ces vers d’une inspiration si accablée, j’en pourrais ajouter beaucoup d’autres, également beaux et également désespérés.

1359. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Mistral Mirèio I Voici une belle et fière réplique à bien des choses contemporaines. […] Frédéric Mistral, nouvellement découvert, et dont le nom, beau comme un surnom, convient si bien à un poète de son pays, un homme né et resté dans la société qu’il chante, ayant le bonheur d’avoir les mœurs de ses héros et d’être un de ces poètes complets, dont la vie et l’imagination s’accordent, comme le fut Burns, le jaugeur. […] Partout, à toutes les places de son poème, le poète de Mirèio ressemble à quelque beau lutteur qui garderait, comme un jeune Dieu, sur ses muscles, lustrés par la lutte, des reflets d’aurore. […] Un chant ou deux, — et par exemple le plus beau de tous, Le Combat, — ne suffiraient point pour avoir la mesure de cette main puissante, sur les octaves de son clavier !

1360. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

On sait que le poète des Contes d’Espagne et d’Italie a écrit quelques-uns de ses plus beaux poèmes sous le nom de Nuits. […] Le Requiem, Madrigal, La Chanson de Musette, Hier, en voyant une hirondelle Qui nous ramenait le printemps, Je me suis rappelé la belle Qui m’aima quand elle eut le temps, etc. […] mais dans un ton aigre et écourté, ces beaux vers si largement phrasés et qui chantent dans toutes les mémoires : Une mélancolique et piteuse chanson Respirant la douleur, l’amour et la tristesse. […] ………………………………………… Et encore : Notre jeunesse est enterrée Au fond du vieux calendrier, Ce n’est plus qu’en fouillant la cendre Des beaux jours qu’il a contenus Qu’un souvenir pourra noua rendre La clef des paradis perdus.

1361. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Dans tous les cas, c’est là un titre beaucoup trop fort en gueule et en éclats de rire pour le recueil de poésies de ce nouveau poète, d’un nom si beau, — M.  […] Il porte la croix de la vie moderne sans la rejeter et sans la maudire, et il est plus calme, ce fils des preux, qui a tout perdu, fors l’honneur, et qui, par la poésie ou l’art, rentrera peut-être quelque jour dans l’héritage de gloire des ancêtres, il est plus calme que ce va-nu-pieds d’Hégésippe, qui n’a jamais rien eu que ses beaux pieds nus de pasteur grec. […] Vous avez perdu, ma belle, Ce qui se retrouvera, etc., etc. […] De même, dans le Dimanche des Rameaux où tout est peint d’un ardent et vif mouvement de brosse, tout, excepté l’intérieur de l’église qui importait plus que le dehors, le poète va chanter la Mère Godichon, ce qui soulève… et fait penser que, si le pauvre et noble Dépouillé se souvient de son blason pourpré de gentilhomme, en regardant la pourpre et l’or d’un beau soleil couchant, les poètes ont aussi leurs blasons, comme les gentilshommes, leurs blasons qu’ils doivent toujours regarder !

1362. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Que ce soit par un fait d’organisation ou de prudence, il est des esprits qui ont des ailes à contre-sens, et qui au lieu d’être attirés vers les choses grandes, élevées, poétiques, descendent, croyant monter, vers les choses mesquines, prosaïques ou abjectes, s’imaginant, comme je l’ai dit déjà, que tout est plus vrai dans la vie à proportion que tout est moins beau. […] On peut y reconnaître la dernière lie de cet esprit gaulois, déjà entaché de grossièreté vulgaire dans son plus beau temps, de cet esprit sensé et ironique qui s’étend, croit-il, à la pratique de la vie, et dont Molière fut la coupe pleine et Béranger la dernière gouttelette, car La Fontaine eut beau être Gaulois, il aima l’idéal, le divin bonhomme, et plus que Louis Tieck, il a du bleu autour de la pensée. […] Monde, personnes, choses, faits, inventions, tout cela, dans son roman, est, il faut bien le dire, sans intérêt pour l’imagination difficile, la seule qu’il faille invoquer en fait d’art ou de littérature, et on n’a point une seule fois à dire, pendant la lecture qu’on en fait : « Voilà qui est beau », mais au plus : « Voilà qui est exact », et encore de la plus facile des exactitudes. […] d’aplatir Henriette, ce caractère qui n’aurait pas été moins vrai quand il serait resté plus ferme, et qui aurait été alors émouvant et beau.

1363. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Publié au commencement de l’année, — pour le jour de l’an, comme on dit, — chamarré d’illustrations sur toutes les coutures, il donnera certainement dans les beaux yeux humides pour lesquels il a été fait… Il aura son succès comme les bonbons et les polichinelles, et il pourra chanter, car un tel livre chante : Que Pantin serait content, S’il avait l’heur de vous plaire ! […] C’est un livre très réfléchi sous prétexte d’enfantillages, très littéraire, de très scélérate naïveté, qui peut être lu en tous temps et goûté de ces autres enfants qui n’ont pas les yeux si beaux et qui sont des hommes. […] Feuillet y plonge très bien, au contraire, comme nous allons le voir tout à l’heure, piquant les plus belles têtes dans la couleur, l’or et la lumière, écrivant, ce diplomate, comme un peintre, un peintre qui peindrait un vitrail ! […] Mais qui oserait dire que les traductions de La Fontaine, cet Homère naïf d’une civilisation qui ne l’était pas, cette seule imagination capricieuse de toute une littérature tracée au cordeau comme les allées de Le Nôtre, ne soient pas de l’invention au premier chef, de la création bel et bien, dans tout son pur et intime jet de source ?

1364. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Partout le peuple reconnaissait les images de ses grands hommes ; et sous le plus beau ciel, dans les plus belles campagnes, parmi des bocages ou des forêts sacrées, parmi les cérémonies et les fêtes religieuses les plus brillantes, environnés d’une foule d’artistes, d’orateurs et de poètes, qui tous peignaient, modelaient, célébraient ou chantaient des héros, marchant au bruit enchanteur de la poésie et de la musique, qui étaient animées du même esprit, les Grecs victorieux et libres ne voyaient, ne sentaient, ne respiraient partout que l’ivresse de la gloire et de l’immortalité. […] Dans une ville divisée en factions, et dont la moitié, corrompue par l’or de Philippe, se précipitait au-devant de ses fers, on ne manqua point une si belle occasion de déclamer contre un grand homme. […] Ce n’est point là que se trouve ce beau mouvement si connu, et qui a rapport à la même bataille : « Non, citoyens, non, en combattant Philippe, vous n’avez point fait de faute ; j’en jure par les mânes de ces grands hommes qui ont combattu pour la même cause aux plaines de Marathon. » Son éloge funèbre n’a presque ni élévation, ni chaleur ; on lui fit même un crime de l’avoir prononcé.

1365. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Berruyer, son imagination belle & sage. […] Elle crut voir sa gloire compromise dans celle de son plus beau génie. […] Un autre bel endroit du père Garasse, c’est son adieu à Pasquier, quand il fut mort. […] L’occasion d’éclater contr’eux étoit plus belle que jamais : l’université ne la manque point. […] On connoît ses vers sur la belle Agnès.

1366. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Le rire, en général, va peu aux mystiques ; on se figure malaisément un Fénelon jovial et en belle humeur. […] La fameuse bataille de Fleurus, gagnée par Jourdan sur Cobourg dans la première décade de messidor l’an II, doit ajouter en ce genre un grand poids à nos prétentions : cette victoire me paraît un des plus beaux pas qu’ait faits la Révolution. […] On peut remarquer dans ces écrits de Saint-Martin sur la Révolution française deux portions distinctes : l’une qui est de la plus belle et de la plus incontestable philosophie religieuse (du moment qu’on admet les données d’une telle philosophie) ; l’autre qui est particulière, mystique et systématique, et toute personnelle à l’auteur. […] Laissons le prophète, et ne voyons que le philosophe d’une belle âme et d’infiniment d’esprit dans ces matières morales déliées. […] En général, lorsque l’on considère l’Église dans ses fonctions, elle est belle et utile.

1367. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Leurs plus innocentes occupations se passaient à en conter aux belles du quartier, marchandes ou autres, la belle heaulmière, la belle gantière, la gente saulcissière, Blanche la savatière, etc. Cette belle heaulmière paraît avoir été chef d’école en son genre et celle qui les endoctrinait toutes au plaisir. […] Tant qu’on ne produira pas un exemple ancien de cette façon de réplique qui donne ici tout l’agrément, et qui a surtout son à-propos quand il s’agit de femmes et de beautés célèbres, Villon reste en possession de son titre ; il garde en propre son plus beau fleuron. […] Toujours, quand il sera question de la rapidité et de la fuite des générations des hommes qui ressemblent, a dit le vieil Homère, aux feuilles des forêts ; toujours, quand on considérera la brièveté et le terme si court assigné aux plus nobles et aux plus triomphantes destinées : Stat sua quaeque dies, breve et irreparabile tempus Omnibus est vitae… mais surtout lorsque la pensée se reportera à ces images riantes et fugitives de la beauté évanouie, depuis Hélène jusqu’à Ninon, à ces groupes passagers qui semblent tour à tour emportés dans l’abîme par une danse légère, à ces femmes du Décaméron, de l’Heptaméron à celles des fêtes de Venise ou de la cour de Ferrare, à ces cortèges de Diane, — de la Diane de Henri II, — qui animaient les chasses galantes d’Anet, de Chambord ou de Fontainebleau ; quand on évoquera en souvenir les fières, les pompeuses ou tendres rivales qui faisaient guirlande autour de la jeunesse de Louis XIV : Ces belles Montbazons, ces Châtillons brillantes, Dansant avec Louis sous des berceaux de fleurs ; quand, plus près encore, mais déjà bien loin, on repassera ces noms qui résonnaient si vifs et si frais dans notre jeunesse, les reines des élégances d’alors, les Juliette, les Hortense, ensuite les Delphine, les Elvire même et jusqu’aux Lisette des poètes, et quand on se demandera avec un retour de tristesse : « Où sont-elles ?  […] Plus d’une fois, le soir, Villon en fuite, traqué par les gens du guet, se sera souvenu tout d’un coup, en voyant la lampe briller à la fenêtre du studieux jeune homme, qu’il avait là un admirateur, un ami, et il lui aura demandé abri et gîte pour une nuit ou deux, en prétextant quelque belle et galante histoire ; et, toute la nuit durant, pour le payer de son accueil, il l’aura charmé de ses récits, ébloui de ses saillies et de sa verve.

1368. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Benjamin Constant, arrivant de Suisse à Paris, en 1795, à l’âge de vingt-huit ans, pour s’y lancer dans le mouvement politique, était un beau grand jeune homme, d’un blond hardi, muscadin, à l’air candide, mais au dedans très avancé, très désabusé, et qui était allé de bonne heure au fond de tout. On a eu par lui, dans des lettres adressées à une amie, toutes ses confidences de jeunesse, et le dernier mot de son cœur et de ses sentiments en ces belles années. […] Mais si une de ces passions, telle que la faiblesse pour les femmes, agit essentiellement sur sa conduite publique, il ressemble à un général qui modifierait son plan de campagne par égard pour sa belle ; il aime quelque chose de plus que son métier ; il n’est pas respectable, il n’est pas grand. […] Un jeune écrivain de mérite, et qui en est à recommencer pour son compte une des phases par lesquelles notre génération a passé, s’étonnait l’autre jour que la France fût restée indocile ou infidèle à tant de belles etjustes leçons professées dans un style clair, limpide, par un écrivain doué de « ce bon sens souverain qui commande même au génie. » Nous lui donnons ici une des mille raisons de ce peu de succès. « On a honte, dit M.  […] … » La popularité, c’était là son rêve, sa passion dirigeante ; et, selon la belle remarque de Pope, notre passion maîtresse (the ruling passion) persévère, se grave et s’enfonce au cœur en vieillissant ; elle est la dernière à mourir en nous, et revient encore voltiger sur nos lèvres dans le dernier soupir.

1369. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Voulez-vous, par exemple, une définition du joli, si cher au xviiie  siècle qui y sacrifia décidément le beau ? […] Cependant la confiance s’est établie, et l’aisance avec elle… Je n’aurai pas de peine à vous en dire du bien, si sa belle humeur se soutient. […] On peut dire : C’est une belle jeunesse !  […] Telle était la personne qui était généralement tenue pour l’oracle du goût et de l’urbanité, celle qui exerçait, on l’a dit, une espèce de police pour le ton et l’usage du monde, le censeur de la bonne compagnie durant les belles années de Louis XVI. […] Quelquefois ce ton, ce mordant, cet imposant étaient poussés un peu loin ; il n’est si belle qualité qui par moments n’excède et ne franchisse ses limites.

1370. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Plus tard, Diderot et Rousseau, puissances incohérentes, eurent en eux de grandes et belles parties d’inspiration ; ils ouvrent des jours magnifiques sur la nature extérieure et sur l’âme ; mais ils se plaisent aussi à déchaîner les ténèbres. […] J’ignore s’il a gagné aux voies trop détournées, où il s’est tenu, beaucoup d’âmes de mystère ; mais il n’a en rien touché le grand nombre des âmes  accessibles d’ailleurs aux belles et bonnes paroles, et dignes de consolation. […] Et puis c’était de la prose ; or, la prose, si belle, si grave, si rhythmique qu’on la fasse (et quelle prose que celle de Jean-Jacques !) […] Le Poëte y survit, si l’Âme le mérite ; Le Génie au sommet n’entre pas au tombeau, Et son soleil qui penche est encor le plus beau ! […] et à la moindre émotion, quel ébranlement redoublé de lames puissantes et douces, gigantesques, mais belles ; et surtout, et toujours, l’infini dans tous les sens, profundum, altiudo ! 

1371. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Ou bien c’est le roman qui nous séduit et nous appelle ; on veut se loger dans les plus tendres cœurs et être lu des plus beaux yeux. […] Mais, comme les belles œuvres ne sauraient jamais s’exclure, soyons et demeurons heureux de les embrasser. […] Magnin est écrivain, qu’il en a les qualités, le goût, un peu l’entraînement ; il aime à étudier, à connaître, mais pour écrire, pour déduire ce qu’il sait, pour le mettre en belle et juste lumière. […] Sans doute le beau reste toujours beau, et il ne varie pas d’hier à demain ; mais il y a aussi dans les œuvres la forme, le cadre, l’art, l’artificiel même, si vous voulez. […] Il reçut de la Grèce sa façon de sentir, de juger, de s’exprimer ; il fut Athénien par ses idées sur l’art, sur le beau.

1372. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Le beau moment académique pour reconstruire une civilisation, c’est lorsqu’il n’en reste plus qu’une écriture indéchiffrable ou des pots cassés. […] On aurait beau dire d’un ton léger : « Que voulez-vous tant fouiller, et pourquoi s’embarrasser de la sorte ? […] Voilà un assez bel idéal de plan, ce semble. […] A côté d’une aile qui finit, l’autre demeure en suspens ; les plus beaux siècles ne sont que des Louvres inachevés. […] On se rappelle peut-être que M. de Balzac s’avisa, un beau matin, de faire en littérature une promotion de maréchaux de France.

1373. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Il s’efforça, avec quelques autres jeunes gens, de pousser plus loin qu’on ne l’avait fait encore l’art de combiner exactement de beaux mots qui suscitent de belles images. […] Je trouve cette âme dans ce beau poème des Noces corinthiennes qui est un chef-d’œuvre trop peu connu. […] Une sainte épouvante a gonflé leurs narines Sous des dieux apparus loin de leur ciel natal… Elle les voit si beaux ! […] Et cette invocation si belle : D’où vous êtes aujourd’hui, Clémentine, dis-je en moi-même, regardez ce cœur maintenant refroidi par l’âge, mais dont le sang bouillonna jadis pour vous, et dites s’il ne se ranime pas à la pensée d’aimer ce qui reste de vous sur la terre. […] J’ajouterai, sans crainte de me tromper, qu’elle était fort belle et de mine fière, car mes études iconographiques m’ont habitué de longue date à reconnaître la pureté d’un type et le caractère d’une physionomie.

1374. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Lamoureux, un beau jour, a déclaré la guerre à la Revue Wagnérienne… Les prétextes ? […] Un beau jour Berlioz trépassa. […] Les belles œuvres ne sauraient plaire à ceux qui vivent des mauvaises, et au besoin s’en engraissent. […] : Quelle belle et magnifique lettre vous m’avez écrite ! […] Tout le second acte si beau de Tannhæuser a été pour elle un triomphe.

1375. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Même en regardant son miroir, la duchesse se croyait belle, mais elle ne pouvait se dissimuler qu’elle était petite. […] C’est une âme prédestinée ; elle aimera la comédie jusqu’au dernier moment, et quand elle sera malade, je vous conseille de lui administrer quelque belle pièce au lieu de l’extrême-onction. […] Un jour, qu’elle engageait M. de Sainte-Aulaire à aller à confesse comme elle, il lui répondait : Ma Bergère, j’ai beau chercher, Je n’ai rien sur ma conscience. […] Les grands, à force de s’étendre, deviennent si minces, qu’on voit le jour au travers : c’est une belle étude de les contempler ; je ne sais rien qui ramène plus à la philosophie. […] Son miroir n’a pu l’entretenir dans le moindre doute sur les agréments de sa figure : le témoignage de ses yeux lui est plus suspect que le jugement de ceux qui ont décidé qu’elle était belle et bien faite.

1376. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

C’était surtout aussi une manière de s’exercer sur un beau thème et de lutter avec un maître. […] « Quand il est beau, dit-il, rien ne lui est comparable. […] Observez que je parle de la rapidité de l’idée, et non de celle du temps que peut avoir coûté sa poursuite… Le génie lui-même doit ses plus beaux traits, tantôt à une profonde méditation, et tantôt à des inspirations soudaines. […] Cette parole aux mains d’un seul semble bientôt une usurpation, et Rivarol, tranchant, abondant dans son sens, imposant silence aux autres, n’a rien fait pour échapper au reproche de fatuité qui se mêle inévitablement jusque dans l’éloge de ses qualités les plus belles. […] » Et il conclut en disant : « Les belles images ne blessent que l’envie. » Il n’a manqué à plus d’une de ces pages de Rivarol, pour frapper davantage, que de naître quelques années plus tôt, en présence de juges moins dispersés et sous le soleil même de la patrie.

1377. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

La morale à tirer d’une étude sur le caractère de Bonneval est bien celle-ci : Que de belles et brillantes facultés perdues, égarées, tournées à mal, par un défaut, par un travers, par un ressort trop brusque et cassant, dont la détente part à l’improviste, et ne se laisse pas diriger ! Déjà, en étudiant Bussy-Rabutin, Saint-Évremond, ces spirituels disgraciés, et qui étaient à la veille d’être des guerriers illustres, on a pu noter l’effet d’un de ces défauts de caractère, de cet esprit de raillerie ou de libertinage, qui, comme une paille secrète, est venu altérer la trempe de l’ensemble et rompre le milieu d’une belle vie. […] Il eut un beau moment en 1716 et qui sembla tout réparer. […] Grand, beau, l’air ouvert et martial, l’œil plein de feu, la tête haute, avec une coiffure à lui, la chevelure assez rase et en rond, à la Charles XII, ou à la Titus comme nous dirions, Bonneval attirait les regards. […] Celui qui avait eu pour guide l’honneur, un faux honneur trop souvent, mais enfin qui avait tenu à l’opinion et à l’estime de ses semblables, ne trouvait pas son compte sous ce turban de quatre livres qui lui pesait, et qu’il n’avait pris que comme un bonnet de nuit ; il avait beau plaisanter, un fonds de remords et de regret lui disait qu’il avait mal usé de si beaux dons naturels et que sa vie avait, totalement échoué.

1378. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

On dit, je ne sais où, qu’on ne peut servir deux maîtres ; j’en veux avoir quatre pour n’en avoir point du tout, et pour jouir pleinement du plus bel apanage de la nature humaine, qu’on nomme liberté. […] Tout cela est bien, le cas est beau et triomphant ; mais si, à quelques mois de là, le seigneur haut-justicier se trouve responsable des frais pour une affaire criminelle supportée par un des sujets dans un petit endroit appelé La Perrière, sur le territoire de Genève, Voltaire prétendra que ce lieu de La Perrière ne relève point de la terre de Tourney, et que le délit qu’y a pu commettre son sujet, et très mauvais sujet, ne le concerne en rien. […] Un honneur qui ne produit rien est un bien pauvre honneur au pied du mont Jura… Voilà une belle ambition d’être seigneur du trou de Jeannot-Lapin ! […] Je puis produire ces belles choses à l’Académie, et je ne crois pas qu’un tel homme vous convienne. […] Il faut une morale à tout ; il en faut surtout à un point d’étude qui est si affligeant et qui a pour résultat d’étaler à nu les laideurs et les vices de l’âme, associables avec les plus beaux dons de l’esprit.

1379. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Mais c’est au théâtre de *** que Monleau est surtout beau à contempler. […] J’aurais donné ma plus belle pipe de cummer pour sonder la grand-poche, qui me paraissait être un abîme de mystères ! […] Disons-le pourtant : il existe aussi un vieux Capitole, un Capitule authentiquement vieux, hérissé de fort curieuses sculptures ; mais il est caché derrière le neuf comme un beau fauteuil en chêne fouillé sous une housse de calicot blanc ! […] La preuve, c’est que me trouvant dernièrement à Bagnères-de-Luchon, j’ai eu beau éplucher les listes périodiques de voyageurs, je n’ai guère pu constater la présence que de quinze ou seize Parisiens, en comptant les Parisiennes. […] un franc cinquante. » La réponse est belle, mais elle implique une science déplorable de la multiplication chez les classes ouvrières.

1380. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 501

Les belles gravures qui ornent son Recueil de Poésies n’ont pu le garantir du naufrage, fort commun à beaucoup de nos Ouvrages modernes, où l’on en trouve de plus belles : Nil pictis timidus novita puppibus fidit.

1381. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Il a beau se frapper la poitrine, sa main ne risque pas de se piquer aux pointes d’un cilice caché sous ses vêtements. […] Si Rousseau a ressemblé aux vilains côtés de son portrait, il n’a pas pu ressembler aux plus beaux. […] Rousseau vit par ces belles pages. […] Rousseau n’a rien écrit de plus solide et de plus élevé que ces belles pages. […] Que de belles pages encore ne devons-nous pas à cette passion pour la contradiction dont il ne s’est pas excepté lui-même !

1382. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Flaubert, qui s’épuisait à ôter les assonances d’une ligne, n’avait-il pas dit qu’un beau vers qui ne signifie rien est supérieur à un vers moins beau qui signifie quelque chose ? […] Elle était invitée, cette belle mystérieuse, à demeurer jusqu’à la fin enveloppée « du nimbe subtil d’une équivoque féconde ». […] C’est un artiste qui offre à ses yeux une fêté perpétuelle et relègue au second plan idées et sentiments, absorbé qu’il est par le plaisir de créer des images et de ciseler de belles phrases où les mots brillent comme des rubis ou des émeraudes. […] Ses intimes la comparent à un bel orage. […] Il suffit de considérer sa fille, la belle Delphine.

1383. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

À ses côtés, le coude sur la table, se tient une femme d’un certain âge, aux beaux traits un peu sauvages, une sorte de médaille de gitana. […] … Il s’est rattrapé en me découvrant une nature de femme très nerveuse, sujette à de fréquentes névralgies, puis le sens de la forme et une assez belle ligne de vie. […] Alors Michelet de s’écrier, avec une charmante bonhomie : « Je lui disais : Tiens, prends mon Homère, mon Dante… enfin je lui offrais les plus belles choses !  […] On pourrait la définir, cette belle femme à l’antique, un peu canaille : une vivandière de faunes. […] Il voit fleurir les escaliers des plus belles fleurs.

1384. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

voulez-vous que je vous dise… Quand l’Empereur a accordé les libertés, il y était opposé comme un beau diable… Il ne s’est plus senti entre deux gendarmes… il ne s’est plus senti protégé… et, de peur, il a passé de l’autre côté, pour plus de sûreté !  […] Non c’est toujours, et dans ce moment-ci, en un accès furieux, l’envie, toute pure et toute brute, contre un monsieur, qui est comte, qui est bel homme, qui a une grande place et de gros émoluments. […] Que c’est donc beau la vraie émotion et le poignant de la réalité d’une sincère douleur ! […] Elle a beau essayer de prendre des poses tranquilles, de croiser ses bras dans l’immobilité, impossible de tenir en place. […] Couché, allongé sur son lit, en une complète immobilité, ainsi qu’un beau mort arabe à la barbe noire et blanche, il nous dit : « Je ne suis pas encore mort ! 

1385. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

La Motte, dans le siège qu’il met devant la renommée d’Homère, a beau s’appliquer à restreindre et à circonscrire ses lignes d’attaque, il y a en lui une inintelligence totale du génie de l’antique poète ; et c’est ce qui irrite Mme Dacier et la transporte hors d’elle-même. […] Elle sent d’ailleurs très bien le faible de cette génération à laquelle elle s’adresse, génération de cafés et d’Opéra, qui s’en tient à une première connaissance superficielle et va ensuite porter ses découvertes dans les belles compagnies pour s’y faire applaudir : Mais par quelle fatalité, s’écriait-elle, faut-il que ce soit de l’Académie française, de ce corps si célèbre qui doit être le rempart de la langue, des lettres et du bon goût, que sont sorties depuis cinquante ans toutes les méchantes critiques qu’on a faites contre Homère ! […] Elle sait très bien se moquer de La Motte qui, privé du sens du beau, ne voit dans les discussions sur l’Iliade qu’un conflit d’opinions contraires où l’admiration et le mépris ont pu être également exagérés, et qui est d’avis pour conclure de faire, comme on dit, une cote mal taillée. […] Ce n’était pas ici comme pour La Motte qui posait en principe qu’il était parfaitement inutile de savoir le grec pour juger du point en litige ; l’abbé Terrasson savait le grec, mais il n’en avait pas plus pour cela le sentiment du beau. […] Il n’est pas à croire qu’elle le fût ; mais on a vu par un mot de la reine Christine que, dans sa jeunesse, elle dut être une assez belle personne, et sans doute assez agréable d’ensemble.

1386. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Dom Guéranger se plaisait aussi à faire ressortir le contraste qu’il y avait entre le caractère connu, la belle humeur joviale de Santeul et cet office solennel d’hymnographe dont on l’avait investi. […] Un portrait que je conseillerais encore d’avoir sous les yeux quand on veut parler de lui, c’est celui qui est dans le recueil des Hommes illustres de Perrault, le beau portrait peint par La Grange et gravé par Edelinck. […] J’ai déjà nommé du Périer, un des grands poètes latins de ce temps-là, et aujourd’hui tout à fait oublié ; il était neveu de cet autre du Périer, le seul connu, parce qu’une belle ode de notre Malherbe a couronné son nom : Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle ! […] La belle humeur en lui n’excluait nullement la religion, et son irrégularité et sa pétulance n’avaient jamais été poussées jusqu’au désordre et au libertinage. […] Ce malheureux démon de gloire poétique, qu’on avait cru un moment exorcisé, le possédait et l’agitait de plus belle : « Les autres font leur salut dans l’église, disait-il ; mais moi c’est le contraire : pour faire le mien il faut que j’en sorte, de peur d’entendre mes hymnes avec trop d’orgueil. » Il les envoyait cependant à M. de Rancé et aurait voulu qu’on les chantât à la Trappe.

1387. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Un étranger qui nous aime peu, dit-on, mais homme d’infiniment d’esprit et qui nous connaît bien, sir Henry Bulwer, écrivait de Madrid, le lendemain de la Révolution de Février et en lisant les belles improvisations qui coulaient des lèvres de M. de Lamartine : « Vous avez eu une invasion de barbares dirigée par Orphée. » Eh bien ! M. de Girardin, dans La Presse, vint en aide dès la première minute à M. de Lamartine, et, de concert avec cette belle lyre démocratique, il sembla quelque temps faire office de chef d’orchestre, donnant coup sur coup maint signal pour régler la marche et le rythme de l’invasion. […] J’ai vu alors de ces numéros achetés et aussitôt déchirés à belles dents et avec rage par d’honnêtes ouvriers qui croyaient se venger d’un mauvais citoyen et qui auraient voulu abolir ainsi d’un coup chaque tirage. […] Une plume qui ne ménage rien, mais qui a de belles parties, et qui sait mêler des réparations à des injustices, M. Veuillot a dit en parlant de M. de Girardin à ce moment où il était si seul et à la tête de la résistance : « Ce fut sa belle époque, non-seulement honorable, mais glorieuse, et qu’il ne retrouvera pas.

1388. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

C’est alors que Frédéric avertissant à temps le duc des Deux-Ponts, héritier présomptif après l’Électeur palatin, et qui lui-même était près de céder, saisit le beau rôle, l’occasion propice qui s’offrait à lui, de prendre en main la cause des princes lésés, de soutenir les stipulations formelles, les articles du traité de Westphalie, qui réglaient ou confirmaient cette succession de Bavière, et de faire respecter les immunités, les libertés et les droits du Corps germanique. […] Aussi Marie-Antoinette a beau faire et vouloir, pour la première fois, se mêler de politique, on élude, on ne le prend pas au sérieux avec elle ; on ne lui répond pas comme elle le désirerait et comme Marie-Thérèse le demande. […] Marie-Thérèse, dans ses lettres à sa fille, a toujours soin de dissimuler le jeune parti autrichien ardent, et de présenter une Autriche à son image, ayant les mêmes intérêts que la France, les mêmes inclinations, les mêmes ennemis naturels, bien différente en cela de la Prusse et de la Russie, qu’elle confond volontiers dans une « réprobation commune » : « Qu’on ne se flatte pas sur cette dernière, dit-elle en parlant de la Russie et de l’impératrice Catherine ; elle suit les mêmes maximes que le roi (de Prusse), et le successeur (Paul Ier) est plus Prussien que ne l’était son soi-disant père (Pierre III), et que ne l’est sa mère qui en est un peu revenue, mais jamais assez pour rien espérer contre le roi de Prusse, pas même des démonstrations : très-généreuse en belles paroles qui ne disent rien, ou, selon la foi grecque : Græca fides. […] On a beau faire, on a beau être le roi Marie-Thérèse, on reste femme par un coin. Les plus belles pages qu’on ait sur Marie-Thérèse sont encore celles de ce roi-historien.

1389. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Si l’on poussait aux conclusions rigoureuses de ce beau pamphlet de 1829, on irait droit à des Ordonnances un peu différentes de celles de M. de Polignac, mais à des Ordonnances. […] Que cette nuance, chez l’abbé de La Mennais, nous parut belle ! […] Il était beau après tout, et de grand exemple, tant qu’il l’avait pu, lui prêtre, d’avoir tenté un réveil, d’avoir jeté à poignées des semences. […] La trompette éclatante et digne de Jéricho, qui sonnait contre eux au couchant, la voilà qui résonne de plus belle à l’Orient sur le même ton et dans un camp tout différent du premier. […] Jean-Jacques en belle humeur eût-il mieux dit ?

1390. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Sa description de l’homme moral nous reporte au plus beau moment de la philosophie spiritualiste du dix-septième siècle. […] Les belles inventions de l’homme-machine ne sont pas arrivées jusqu’à sa retraite de Montbard. […] L’Histoire naturelle des animaux n’a pas de plus belles pages que celles où Buffon, philosophe du dix-huitième siècle, mais non encyclopédiste, apporte sa part à l’œuvre de réforme. […] L’idée du livre subsiste également ; et quelle idée plus belle, dans cet ordre de spéculations, a suscité plus de découvertes ? […] Il le doit à l’excellence des préceptes résumés dans la fameuse maxime qui pourrait en être l’épigraphe : « Le style est l’homme même. » D’autres maximes très belles, l’admirable vers de Boileau : Le vers se sent toujours des bassesses du cœur, la phrase célèbre de Vauvenargues : « Les grandes pensées viennent du cœur », nous avaient indiqué d’où vient le meilleur de nos écrits ; la maxime de Buffon nous mène à la source même du style.

1391. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Quand il est soutenu par des documents, comme cela est arrivé dans l’histoire de don Pèdre, il s’élève à des exposés d’ensemble qui ont un grand mérite, et ce sont certainement de beaux chapitres que ceux où il a retracé l’état général de l’Espagne vers le milieu du xive  siècle. […] N’oublions pas non plus ce qu’a dit Montesquieu : « Cicéron, selon moi, est un des plus grands esprits qui aient jamais été : l’âme toujours belle, lorsqu’elle n’était pas faible. » C’est cette faiblesse trop souvent visible de l’âme, jointe à la pompe parfois surabondante du discours, qui a donné à M.  […] Parlant du style de l’histoire, Cicéron, par la bouche d’Antoine, le veut et le recommande sans rien qui rappelle le barreau ou la tribune, coulant et continu, et d’un beau courant de récit. […] Tite-Live, dans sa belle et large manière qui est la vraie voie romaine en histoire, commence volontiers par invoquer les dieux et les déesses, sentant qu’il y a une sorte de religion dans ce qu’il entreprend. […] Mon seul vœu, c’est qu’en avançant, et sûr désormais de lui et de tous, comme il l’est et le doit être, il se méfie moins, qu’il s’abandonne parfois à l’essor, et qu’il ose tout ce qu’il sent ; voyageur, qu’il laisse étinceler cette larme amoureuse du beau, qui lui échappe en présence du Parthénon ou des marbres ioniens de l’Asie Mineure ; romancier, qu’il continue d’appliquer ses burins sévères et qu’il craigne moins, jusque dans la passion ou dans l’ironie, de laisser percer quelque attendrissement ; historien, qu’il laisse arriver quelque chose aussi de l’éloquence jusque dans la fermeté de ses récits ; que, dans la grande et maîtresse histoire qu’il prépare, il réunisse tous ces dons, et comme toutes ces parties séparées de lui-même, qu’il a perfectionnées avec tant de soin une à une ; qu’il les fonde et les rassemble désormais, et qu’il accomplisse avec toutes les forces qu’il possède, et avec ce feu qui unit le cœur à la volonté, cette belle histoire de Jules César, du plus ami de l’esprit entre les conquérants, du plus aimable entre les grands mortels.

1392. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

C’est dans ses colonnes l’ardeur et le beau feu d’une nuée de tirailleurs marchant sans ordre ni discipline, mais tous pleins de mépris pour l’abonnement et l’abonné. […] Donnons le paragraphe incriminé : « Dans cette boutique, ci-gît le plus beau corps de Paris. […] À côté de tasses de Chine se trouve un Diaz, et j’en connais un plus beau. […] Sa femme, fine, délicate, nerveuse, avec de beaux grands yeux noirs, semble une sorte de réduction de Mme Roland dont elle a l’exaltation républicaine, mais dans un petit corps plein de grâce parisienne, toutefois de la grâce un peu rêche de la bourgeoise distinguée. […] » * * * — Un beau mot dit à Leroy par Daumier un peu éméché, en sortant d’une soirée chez Boissard, à l’hôtel Pimodan : « Ah !

1393. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Dans cet état final, qui est celui d’un beau corps bien habillé et bien embaumé, on peut se demander pourquoi il a réussi. […] Si vous voulez la sauver, embrassez nos belles doctrines. […] De plus, elle s’appuie sur les plus beaux écrits de la langue, et sur une suite de grands penseurs. […] Si on lit un de ses maîtres, c’est pour son grand cœur, son beau style, son éloquence vraie, son enthousiasme, sa noble conduite, et les protestations politiques que sa philosophie couvre et ne cache pas100. […] Cousin, préface Du vrai, du beau et du bien — Préface de la dernière édition du Cours de 1815-1820.

1394. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Parfois les bougies s’éteignent au beau milieu d’un raisonnement ; ils le continuent en brandissant des allumettes. […] Pierre a soixante ans, une petite tête spirituelle et sereine, des traits nets vivement coupés, des yeux souriants et perçants, un beau front uni, un peu fuyant, régulièrement encadré par des lignes géométriques de cheveux gris, rien de maladif, d’inquiet, d’âpre ou de vague, comme dans nos figures modernes. […] Il habite rue Bretonvilliers, à la pointe extrême de l’île Saint-Louis ; c’est la plus belle vue de Paris. […] Étant donnés le climat, les aliments, le type héréditaire, l’espèce de gouvernement et de religion, l’aspect du sol et du ciel, on sait que cet amas de causes produit des gens d’imagination, ayant le don d’inventer et de contempler avec émotion de beaux systèmes de formes, de sons ou de couleurs. […] S’ils s’y enfermaient, ils auraient beau être attentifs, ils n’en découvriraient guère.

1395. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Les mœurs privées sont aussi belles que les mœurs publiques. […] Macheath, et votre belle raison est que vous l’aimez ? […] Trouvez-nous un jeune officier noble qui ait meilleure tournure ou fasse des actions plus belles. […] Le roi a beau être obstiné, les grands ont beau faire des ligues ; sitôt qu’elle gronde, tout plie ou craque. […] Recherches sur l’origine de nos idées du beau et du sublime.

1396. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Elle ne saurait donc prétendre à dicter les préceptes certains et immuables, soit du Beau, soit du Goût. […] Si la raison l’éclaire souvent, si elle doit l’éclairer, c’est cependant l’instinct qui le pousse, qui lui suggérera ses plus belles inspirations. […] Rien n’est plus dangereux qu’une belle mélodie ! […] Nous sommes perdus, mes amis, si l’on se remet à aimer les belles mélodies !  […] « Rien n’est beau, conclut-il, il n’y a que l’homme qui soit beau : sur cette naïveté repose toute esthétique, c’est sa première vérité.

1397. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Dans tous les temps, il est beau d’être impartial ; dans celui-ci, il est possible de l’être. […] Elles ont beau remplir la coupe, la capacité de la coupe n’est pas toujours celle de l’estomac du convive. […] On crut voir d’ailleurs dans les principes philosophiques et politiques de quelques-uns de ceux qui obtinrent le plus de célébrité dans ce genre, et dans leur respect et leur attachement pour les beaux siècles de notre littérature, étroitement liés avec les beaux siècles de notre monarchie, une sorte d’opposition à la tyrannie, et on leur en sut gré. […] Il faut renoncer à peindre le ravissement que tant de beaux vers, si bien dits, excitaient dans une partie de l’auditoire, la plus vive et la moins distraite alors. […] La forme, quoique toujours belle, a déjà quelque chose de moins suave, et l’abondance de la versification peut paraître un peu négligée.

1398. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Répudiant l’humble patrimoine de l’ancienne poésie nationale, les écrivains de cette école nouvelle s’étaient voués superstitieusement au culte de l’antiquité, et ils consumaient de beaux talents dans une imitation servile. […] Sitôt que Vénus l’entendit, Son beau ceston elle vendit A Vulcain, pour la délivrance De son enfant ; et tout soudain, Ayant l’argent dedans la main, Fit aux Muses la révérence. […] la beauté,  Voilà son armure fidèle,  Ses javelots, son bouclier ; La flamme dévorante et le fer du guerrier,  Tout doit lui céder elle… est belle.

1399. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

L’Île-de-France peut dire : « J’ai Paris » ; la Lorraine : « Je suis la frontière » ; la Flandre : « J’ai lutté pour la liberté des communes et j’ai vu quelques-unes des plus belles batailles de la Révolution » ; l’Auvergne : « J’ai Vercingétorix » ; la Normandie : « J’ai conquis l’Angleterre, qui, par malheur, a bien rendu ce mauvais procédé à la France » ; la Bretagne : « Je suis celtique, et les Celtes sont les aînés des Francs » ; la Provence : « Je suis romaine, et Rome fut l’éducatrice des Gaules » ; et ainsi de suite. — Mais l’Orléanais, c’est la France la plus ancienne, vera et mera Gallia ; son histoire ne fait qu’une avec celle de la royauté, et le sort de votre ville a été, à maintes reprises, celui de la France même. […] Quand on embrasse, de quelque courbe de sa rive, la Loire étalée et bleue comme un lac, avec ses prairies, ses peupliers, ses îlots blonds, son ciel léger, la douceur épandue dans l’air, et, non loin, quelque château ciselé comme un bijou, qui nous rappelle la vieille France, ce qu’elle a été et ce qu’elle a fait dans le monde, l’impression est si charmante, si enveloppante, qu’on se sent tout envahi de tendresse pour cette terre maternelle, si belle sous la lumière et si imprégnée de souvenirs. […] Avoir trouvé cela est, certes, aussi beau et même aussi original, aussi surprenant, que d’avoir découvert la loi de la gravitation ou d’avoir écrit le Cid.

1400. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Une série de pièces : Les Demoiselles de Bienfilâtre, l’Affichage céleste, la Machine à gloire, le Plus Beau dîner du monde, décelaient un esprit de goguenardise singulièrement inventif et âcre. […] De grandioses symboles comme Vox populi, l’Impatience de la foule, s’y dressent tout à coup à côté de profondes visions d’au-delà de Véra, de l’Intersigne, des railleries aiguës, sinistres ou gravement lyriques des Demoiselles de Bienfilâtre, de la Machine à gloire, du fantaisiste humour qui distingue le Plus Beau Dîner du monde, l’Affichage céleste, etc… Les Contes cruels signalent avec une admirable netteté les deux courants que suit la pensée de Villiers : l’un positif, affirmant les croyances mystiques, les aspirations idéales ; l’autre négatif, dissolvant, aux acides d’une raillerie puissante, la dureté du temps présent abhorré du rêveur… Par sa fidélité, jamais démentie, aux formules de l’idéal romantique, Villiers de l’Isle-Adam s’est condamné à rester étranger aux courants novateurs de la littérature. […] Villiers écrivain, comme Villiers causeur, est un grand orateur, et certains discours, dans Axël, dans Akédysseril, sont comparables aux plus belles harangues de

1401. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

Il songeait aux mots anciens qui sont beaux comme des plantes sauvages et de même origine naturelle et spontanée. […] Il ne s’agit en cette étude que de la beauté verbale et je dois me borner à chercher si le mot grain est moins beau que le mot décigramme, si l’extraordinaire kilo n’est pas une perpétuelle insulte au dictionnaire français43. […] « Furetières avait raison de regretter le nom énergique d’orgueil, employé par les ouvriers pour désigner l’appui qui fait dresser la tète du levier, et que les savants appelaient du beau nom d’hypomoclion. » Marty-Laveaux, De l’enseignement de notre langue (1872). — On se souvient des conseils donnés par Ronsard dans son Art poétique : « Tu practiqueras bien souvent les artisans de tous mestiers… »

1402. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Si rude qu’on nous veuille faire le présent, l’avenir sera beau. […] Les ultras de tout genre, classiques ou monarchiques, auront beau se prêter secours pour refaire l’ancien régime de toutes pièces, société et littérature ; chaque progrès du pays, chaque développement des intelligences, chaque pas de la liberté fera crouler tout ce qu’ils auront échafaudé. […] Ce n’est pas que ce drame puisse en rien mériter le beau nom d’art nouveau, de poésie nouvelle, loin de là, mais c’est que le principe de la liberté, en littérature, vient de faire un pas ; c’est qu’un progrès vient de s’accomplir, non dans l’art, ce drame est trop peu de chose, mais dans le public ; c’est que, sous ce rapport du moins, une partie des pronostics hasardés plus haut viennent de se réaliser.

1403. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

Le beau tableau, si le peintre avait su faire des montagnes au pied desquelles la Vierge eût passé ; s’il eût su faire ses montagnes bien droites, bien escarpées et bien majestueuses ; s’il eût su les couvrir de mousses et d’arbustes sauvages ; s’il eût su donner à sa Vierge de la simplicité, de la beauté, de la grandeur, de la noblesse ; si le chemin qu’elle eût suivi eût conduit dans les sentiers de quelque forêt bien solitaire, et bien détournée ; s’il eût pris son moment au point du jour ou à sa chute. […] ce n’est pas cela ; il faut d’abord qu’elle soit belle ; puis qu’elle le soit de cette sorte de beauté qui s’allie avec la fermeté, la tranquillité et la joie féroce. […] Qu’il soit jeune, vigoureux, et d’une beauté rustique ; qu’il soit assis sur un bout de rocher ; que de vieux arbres qui ont pris racine sur ce rocher et qui le couronnent, entrelacent leurs branches touffues au-dessus de sa tête ; que le soleil penche vers son couchant ; que ses rayons, dorant le sommet des montagnes et la sommité des arbres viennent éclairer pour un moment encore le lieu de la scène ; que les trois déesses soient en présence de Paris ; que Venus semble de préférence arrêter ses regards ; qu’elles soient toutes les trois si belles, que je ne sache moi-même à qui accorder la pomme ; que chacune ait sa beauté particulière ; qu’elles soient toutes nues ; que Venus ait seulement son ceste, Pallas son casque ; Junon son bandeau.

1404. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 386

On peut juger de sa maniere par ce Madrigal : Soupir, subtil esprit de flamme, Qui sors du beau sein de Madame, Que fait son cœur ? […] O Dieux, qui d’un si rare effort, Mîtes tant de vertus en elle, Détournez un si mauvais sort ; Qu’elle ne soit point infidelle : Et faites plutôt que la Belle Vienne à soupirer de ma mort, Que non pas d’une amour nouvelle !

1405. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Michel Van Loo » p. 90

Quelque habile que fût un artiste, il ne ferait jamais un beau tableau d’un parterre, ni un beau vêtement d’une robe à fleurs.

1406. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Doyen » p. 102

Doyen La Mort de Virginie par Doyen est une composition immense où il y a de très belles choses. […] Virginie est manquée ; ce n’est ni Appius ni Claudius ni le père ni la fille qui attachent ; mais des gens du peuple, des soldats et d’autres personnages qui sont aussi du plus beau choix ; et des draperies d’un moelleux, d’une richesse et d’un ton de couleur surprenant.

1407. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Cela fait, on crut avoir pourvu à tout, et Mlle de Bourbon ne s’occupa plus qu’à être belle. […] Sa ruelle, est-il dit, devint le théâtre des beaux discours, du fameux duel des deux sonnets, et aussi de préludes plus graves. […] Elle, la plus féminine des femmes, lui put servir du plus bel abrégé de toutes les autres. […] Elle avoit une langueur dans les manières qui touchoit plus que le brillant de celles mêmes qui étoient plus belles ; elle en avoit une même dans l’esprit qui avoit ses charmes, parce qu’elle avoit des réveils lumineux et surprenants. […] Malgré toute notre déférence pour ses paroles, et notre admiration pour les belles pages, pleines de largeur comme toujours, dont il a fait la bordure de sa publication, nous ne saurions lui concéder un tel jugement.

1408. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Il trace des modèles d’une belle vie, sans peines et sans devoirs que par l’amour, à qui elle est dédiée. […] On dispute ferme à l’occasion sur une comédie de l’Arioste, ou sur deux sonnets rivaux : Malleville et Voiture ont fait chacun une Belle Mutineuse. […] Le paganisme est un amas de fictions impossibles à croire, dont les cuistres farcissent leurs cervelles : le vrai, le réel (on ne dit pas le beau), c’est le christianisme. […] Si les femmes font un peu les renchéries, les hommes, après avoir poussé les beaux sentiments et cherché le fin du fin, ne haïssent pas de rire gros, comme des ruelles ils vont aux cabarets. […] Belle Philis, on désespère Alors qu’on espère toujours.

1409. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 138

C’est à la faveur de cette Traduction que les Prédicateurs, qui l’ont suivi, se sont crus autorisés à puiser, dans cet Orateur, plusieurs beaux traits admirés ensuite dans leurs Discours. […] On sait que le plus beau morceau de l’Oraison funebre de Turenne, par Fléchier : Ennemis de la France, vous vivez… est tiré de celle d’un Duc de Savoie, composée par ce Lingendes.

1410. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Je dirai tout d’abord qu’ils n’y répondent qu’en partie ; mais, tels qu’ils sont, ils achèveront de déterminer avec précision, vérité, et sans exagération aucune, dans tous les esprits qui se laisseront faire, les traits de cette belle et juste figure de Bossuet. […] Si quelqu’un semblait né pour être prêtre au plus beau et au plus digne sens du mot, c’était bien Bossuet. […] L’étude des belles lettres, qui l’occupait d’abord et où il excellait, se subordonna d’elle-même dans sa pensée dès qu’il eut jeté les yeux sur la Bible, ce qui lui arriva dans son année de seconde ou de rhétorique : ce moment où il rencontra et lut pour la première fois une Bible latine, et l’impression de joie et de lumière qu’il en ressentit, lui restèrent toujours présents, et il en parlait encore dans ses derniers jours ; il en fut comme révélé à lui-même ; il devint l’enfant et bientôt l’homme de l’Écriture et de la parole sainte. […] Dans toutes ces portions de son ouvrage, Le Dieu justifie bien les expressions par lesquelles il se définit lui-même à côté de Bossuet « un homme tout à lui, passionné pour sa gloire, et très curieux de recueillir les moindres circonstances qui peuvent orner une si belle vie ». […] Quel tableau expressif, et qu’un peintre de sainteté en eût fait deux beaux pendants !

1411. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Dupanloup, homme d’éloquence et de zèle, mais d’un zèle qui n’est pas toujours sûr, il lui sembla tomber dans un monde tout nouveau : au sortir d’une nourriture chrétienne classique, sévère et sobre, il était mis à un régime bien différent ; il avait affaire pour la première fois à ce catholicisme parisien et mondain, d’une espèce assez singulière, que nous avons vu, dans ses diverses variétés, naître, croître chaque jour et embellir ; catholicisme agité et agitant, superficiel et matériel, fiévreux, ardent à profiter de tous les bruits, de toutes les vogues et de toutes les modes du siècle, de tous les trains de plaisir ou de guerre qui passent, qui vous met à tout propos le feu sous le ventre et vous allume des charbons dans la tête : il en est sorti la belle jeunesse qu’on sait et qu’on voit à l’œuvre. […] Mais notre siècle, mal abrité et ouvert à tous les vents, ne permet plus ces établissements éphémères : les beaux nuages d’un Malebranche seraient de nos jours bien vite balayés par les tempêtes ou les moindres souffles qui partent chaque matin de tous les points de l’horizon. […] Il méditait de l’entreprendre, cette histoire critique et vivante à la fois, avec toutes les ressources de l’érudition moderne, « en dehors et bien au-dessus de toute intention de polémique comme d’apologétique » ; c’était son rêve constant, — le plus beau, le plus élevé, le plus compliqué des rêves. […] Mais il eut beau faire, la préoccupation religieuse perçait ; on sentait venir un témoin, un observateur d’un ordre à part, armé d’instruments à lui et suspect de curiosité pure, sous la forme du respect. […] Car que peut désirer de plus beau une grande âme, une haute intelligence, si par malheur la vie et la conscience individuelle ne persistent pas à tout jamais et s’évanouissent après cette vie mortelle ?

1412. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Pourtant sa réputation s’était étendue insensiblement ; les belles éditions qu’avait données ici M.  […] Que si, par un bienfait de Dieu, cette infirmité de vue n’est que passagère, alors, belles montagnes, fraîches vallées, bois ombreux, alors, rempli d’enchantement et de gratitude, jusqu’aux confins de l’arrière-vieillesse il ira vous redemander cet annuel tribut de vive et sûre jouissance que, depuis tantôt vingt ans268, vous n’avez pas cessé une seule fois de lui payer !  […] Il ressentit d’abord, en y arrivant, une grande impression de solitude ; le bruit et la vanité qui, jusque dans la maladie, continuent de faire la vie apparente de ces grands rendez-vous, l’offusquaient ; il avait, si l’on ose le dire, quelques préventions un peu exagérées contre ce qu’il appelait notre beau monde ; nature genuine, comme disent les Anglais, il avait avant tout horreur du factice ; mais il ne tarda pas à s’y lier d’un commerce en tout convenable à son caractère et à son esprit avec quelques personnes qui lui prodiguèrent un intérêt affectueux, et particulièrement avec M.  […] Ce qui redoublait son zèle en réjouissant son âme, c’était de voir que la nouvelle école de paysage, florissante à Genève, marchait hardiment dans cette voie dont il avait été, lui, comme un pionnier infatigable : cette haute couronne alpestre si belle de simplicité, de magnificence et de grandeur, il lui semblait qu’un art généreux, en la reproduisant, allait en doter deux fois sa patrie. […] Il y a des scènes parfaitement belles, celle, par exemple, du départ improvisé de M. 

1413. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Il respectera son œuvre : il n’aura souci que de la faire belle ; de cette beauté la gloire sera le prix. […] Il leur faudra bien de l’originalité, bien du bon sens, dans leur création de la beauté, pour ne pas se méprendre et poursuivre, au lieu du beau, le rare ou l’érudit. […] Et ne croit-on pas entendre encore Malherbe, et même Boileau, quand Ronsard défend de sacrifier « la belle invention » et la justesse de l’expression, c’est-à-dire la raison, à la rime ? […] L’erreur de la Pléiade Son but, c’est par les rythmes, par le choix et l’ordre des mots, de créer une forme belle. « Tu te dois travailler, dit-il, d’être copieux en vocables, et tirer les plus nobles et signifiants pour servir de nerfs et de force à tes carmes, qui reluiront d’autant plus que les mots seront significatifs, propres et choisis. » Voilà qui est excellent. […] Par eux elle fut apte à devenir, selon la belle formule que M. 

1414. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

que rien n’est plus beau, plus noble ni plus agréable que d’être imprimé et lu tous les jours. […] Il a écrit de très belles pages sur don Juan, et très significatives. […] En somme, il y a trois vies dignes d’être vécues (en dehors de celle du parfait bouddhiste, qui ne demande rien) : la vie de l’homme qui domine les autres hommes par la sainteté ou par le génie politique et militaire (François d’Assise ou Napoléon) ; la vie du grand poète qui donne, de la réalité, des représentations plus belles que la réalité même et aussi intéressantes (Shakespeare ou Balzac), et la vie de l’homme qui dompte et asservit toutes les femmes qui se trouvent sur son chemin (Richelieu ou don Juan). […] Il jouit du tumulte et de l’incohérence des pensées, des désespoirs qui se livrent, des indignations qui consentent et abdiquent, et des corps vibrants, des cheveux dénoués, des larmes qui voilent et attendrissent la splendeur des beaux, yeux. […] Si ce néo-Grec, que son culte de la nature n’empêche point de montrer dans les choses religieuses les tolérances tendres et amusées d’un Renan, nous parle d’aventure de l’Assomption ou de la Semaine sainte, il y reconnaîtra les fêtes symboliques de l’éternel amour ; il célébrera l’assomption de la femme, Eve ou Vénus anadyomène, et pleurera avec les belles Syriennes sur le cadavre d’Adonis.

1415. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Ou plutôt il ne distingue pas entre l’union libre et le mariage légal : il ne les conçoit l’un et l’autre que « pour la vie. » L’homme et la femme, vus dans le beau de leur instinct, sont essentiellement monogames. […] Cette adoration s’exprime à toutes les pages, tantôt par le plus beau lyrisme et le plus largement frémissant, tantôt par de petits cris, de menues caresses, des gentillesses et des mièvreries d’une incontestable fadeur. Et c’est la « jeune dame » par-ci, « la belle paresseuse par-là » ; et « la chère rêveuse » avec sa « charmante petite moue », et le mari qui est « le cher tyran », et les apostrophes dans le goût du siècle dernier : « Objet sacré, ne craignez rien ! […] » Cette idée le ravit, que la vie de la femme soit rythmée, par les lunaisons, ainsi qu’un beau poème. […] Et le livre se termine par des méditations de l’idéalisme le plus émouvant sur « l’amour par-delà la mort », sur le culte rendu au défunt par la veuve « qui est son âme attardée » ; car il sied que la femme survive. « C’est à l’homme de mourir et à la femme de pleurer. » Tout cela est très beau.

1416. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Ses Poèmes saturniens ont attiré l’attention de tous ceux que préoccupe encore un beau vers, un sonnet bien établi, un heureux choix de mots, de rimes et de rythmes servant à l’exécution d’un beau poème. […] Ce dernier livre contient peut-être les plus belles pièces du poète, celles où son vers — qui n’a pas toujours cette assurance — a le plus d’élan, de force et de vigueur. […] Il a montré la femme telle qu’elle est, mais sans amertume, et même l’exaltation de ses défauts en est devenue belle. […] Edmond Pilon La bonne Vierge-Vénus et la Vénus-Marie Se penchent, se désolent, sanglotent et prient Sur ton tombeau plus blanc que celui des colombes, De l’Olympe, du Pélion, du Paradis, Des anges, des satyres et des séraphins prient Pour le pauvre homme bon et le poète parti Vers les églises d’encens et les riches prairies Où la harpe entremêle à la flûte fleurie Des rythmes de prière à des chansons d’orgie ; Ta vie toute pareille à celle du pèlerin, Dont la violente jeunesse grisée d’amour et de vin Avance peu à peu vers la prière des anges, Aboutit — ô Verlaine — à ce tombeau étrange Bâti des impuretés de ta jeunesse ardente Et des strophes liliales de tes poèmes chrétiens ; Te voici, à présent, couché dans la prairie ; Mais la rouge passiflore à la fleur de Marie Enlace, malgré tout, sa passion orgueilleuse Aux tiges de la pensée et des fleurs religieuses Que placeront des amis, que sèmeront des fidèles Et que planteront de beaux anges avec leurs ailes… La couronne d’épines et la couronne de roses, Le bâton de Tannhauser et la houlette des fêtes Que Watteau dessina, pour toi, voici deux siècles, S’emmêlent sur ton ombre tourmentée et posent Leur symbolique trophée au bord de ton silence… Verlaine, ton tombeau est un tombeau étrange Que veillent à la fois les amours et les anges… [La Vogue (15 juin 1900).]

1417. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Cet empereur de la sourde Éthiopie avait une fille noire et sourde, comme toutes les habitantes du pays, mais plus belle cent fois que la plus blanche Allemande. […] Je vous dis qu’elle mit au monde un petit roi sur un trône, avec le sceptre et la couronne, et si beau qu’il ne s’en pouvait voir de plus beau ! […] On lui appliquait galamment les vers de l’Arioste qui, au vingt-neuvième chant du Roland furieux, fait dire au Souverain Créateur8 : « Je veux qu’à l’avenir toutes celles qui porteront le beau nom d’Isabelle soient aimables, belles, parées par les Grâces, et vertueuses ; je veux qu’elles méritent d’être célébrées sur le Parnasse, le Pinde et l’Hélicon, et que ces monts sacrés retentissent sans cesse de l’illustre nom d’Isabelle » ; on prétendait que cette prophétie du poète n’avait jamais été mieux accomplie qu’en Isabelle Andreini.

1418. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Les populations de ce beau et fertile pays n’étaient guère réunies que le samedi. […] A l’autre extrémité de la plaine (toujours en suivant la mer), on rencontre un emplacement de ville (Khan-Minyeh), de très belles eaux (Aïn-et-Tin), un joli chemin, étroit et profond, taillé dans le roc, que certainement Jésus a souvent suivi, et qui sert de passage entre la plaine de Génésareth et le talus septentrional du lac. […] La belle terre de Génésareth ne se doutait pas que sous le front de ce pacifique promeneur s’agitaient ses destinées. […] À Césarée, il vit la célèbre grotte du Panium, où l’on plaçait la source du Jourdain, et que la croyance populaire entourait d’étranges légendes 413 ; il put admirer le temple de marbre qu’Hérode fit élever près de là en l’honneur d’Auguste 414 ; il s’arrêta probablement devant les nombreuses statues votives à Pan, aux Nymphes, à l’Écho de la grotte, que la piété entassait déjà en ce bel endroit 415. […] Il est vrai que Tell-Hum, qu’on identifie d’ordinaire avec Capharnahum, offre des restes d’assez beaux monuments.

1419. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

« Ton enfant est bien beau pour un fils d’aristocrate », disait un jour un représentant du peuple à sa mère. […] Ce régime, dit-il, me réussissait à merveille, et j’étais alors un des plus beaux enfants qui aient jamais foulé de leurs pieds nus les pierres de nos montagnes, où la race humaine est cependant si saine et si belle. […] Tantôt on retrouve en elle ce sourire intérieur de la vie, cette tendresse intarissable de l’âme et du regard, et surtout ce rayon de lumière si serein de raison, si imbibé de sensibilité, qui ruisselait comme une caresse éternelle de son œil un peu profond et un peu voilé, comme si elle n’eût pas voulu laisser jaillir toute la clarté et tout l’amour qu’elle avait dans ses beaux yeux. […] Cette phraséologie abondante et monotone finit par lasser ceux mêmes qui aimaient le plus à se laisser bercer à la belle langue du poète.

1420. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Nous sommes bizarre à ce point que nous nous contentons que cela soit beau. […] Quel beau décret à rendre ! […] Un chef-d’œuvre est de l’hospitalité, j’y entre chapeau bas ; je trouve beau le visage de mon hôte. […] Car il est beau, sur cette terre sombre, pendant cette vie obscure, court passage à autre chose, il est beau que la force ait un maître, le droit, que le progrès ait un chef, le courage, que l’intelligence ait un souverain, l’honneur, que la conscience ait un despote, le devoir, que la civilisation ait une reine, la liberté, et que l’ignorance ait une servante, la lumière.

1421. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Beyle, ou Stendhal (car les éditeurs lui ont conservé, à ce maniaque de pseudonymes, le nom de guerre sous lequel il a composé ses plus beaux ouvrages), fut un écrivain très peu connu de son vivant, qui a publié, de 1820 à 1841, les livres les plus spirituels. […] Il eut beau s’éloigner, en effet, des premières fonctions de sa vie, de ses premières préoccupations, il eut beau devenir, à moitié d’existence, un observateur, les bras croisés, de la nature humaine, un pacifique dilettante de beaux-arts, un causeur de Décaméron, un capricieux de littérature qui avait fini par prendre goût aux Lettres dont il avait d’abord médit, son genre de talent, qui brusquait l’expression pour aller au fait, se ressentit toujours de la mâle éducation de sa jeunesse. […] la prétention d’être vu et même d’être trouvé beau. […] … Il a l’attrait du mystère et du mensonge, l’attrait d’un grand esprit masqué, ce qui est bien plus qu’une belle femme masquée !

1422. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Vraie supériorité de femme que chacun sentit et que personne ne jugea, parce qu’elle charmait trop ceux qui se mêlèrent à sa vie, elle n’était peut-être pas plus belle qu’elle n’était spirituelle, cette femme à qui Canova n’avait qu’à poser une couronne sur les cheveux pour en faire la Béatrice du Dante, et que tous ils ont dite si belle, dans une si grande unanimité d’illusion, que cela équivaut à une réalité pour l’Histoire. […] C’était la compassion la plus étendue, qui couvrait tout de ses belles larmes, jusqu’aux choses les plus dignes de mépris. […] Elle étendait entre eux des bras tout-puissants de faiblesse, des bras délicats plus forts que la force et plus beaux que la beauté, de ces bras comme, depuis, nous n’en avons plus vu qu’à Rachel ! […] Je ne vois nulle part, dans ces deux vagues et confuses publications, le portrait que j’aurais voulu, — le portrait net, précis, essuyé de tout rêve et de toute rêverie, d’une matérialité vivante, qui crochèterait la pensée de la force de sa réalité et l’empêcherait d’errer jamais sur le compte de ce beau visage que les hommes ne reverront plus ; car le Léonard de Vinci de cette Joconde du xixe  siècle, qu’aurait pu être Chateaubriand qui ne l’a pas été, ne viendra jamais.

1423. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Beyle ou Stendhal (car les éditeurs lui ont conservé, à ce maniaque de pseudonymes, le nom de guerre sous lequel il a écrit ses plus beaux ouvrages) fut un écrivain très-peu connu de son vivant, qui a publié, de 1820 à 1841, les livres les plus spirituels. […] Il eut beau s’éloigner, en effet, des premières fonctions de sa vie, de ses premières préoccupations ; il eut beau devenir, à moitié d’existence, un observateur, les bras croisés, de la nature humaine, un pacifique dilettante de beaux-arts, un causeur de Décaméron, un capricieux de littérature qui avait fini par prendre goût aux lettres, dont il avait d’abord médit, son genre de talent, qui brusquait l’expression pour aller au fait, se ressentit toujours de la mâle éducation de sa jeunesse. […] Esprit de demi-jour et même quelquefois de ténèbres, cet Excentrique prémédité passa dans la littérature, ou plutôt à côté de la littérature de son temps, « embossé » dans une cape hypocrite, ne montrant qu’un œil, à la façon des Péruviennes sous leur mantille, un seul œil noir, pénétrant, affilé, d’un rayon visuel qui, pour aller à fond, valait bien tous les stylets de l’Italie, mais qui avait, croyez-le bien, la prétention d’être vu et même d’être trouvé beau. […] … Il a l’attrait du mystère et du mensonge, l’attrait d’un grand esprit masqué, ce qui est bien plus qu’une belle femme masquée !

1424. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

De même que, sous le beau climat de l’Ionie et de la Grèce orientale, le spectacle éblouissant de la terre et des cieux suscitait des hymnes de louanges, et, en quelque sorte, une apothéose de la nature, ainsi l’étude réfléchie de ses merveilles, la recherche de leurs causes, l’interprétation de leurs symboles, firent naître un autre enthousiasme, qui prit bientôt le même langage. […] Un livre aujourd’hui fort célèbre en Europe, la Réfutation des hérésies par Origène, cite un beau passage d’anciennes poésies grecques sur la naissance spontanée de l’homme. […] Il est malaisé d’ailleurs de découvrir si le premier homme levé du sol fut Alcomène, chez les Béotiens, au-dessus des eaux du Céphise, ou si ce furent les Curètes d’Ida, race divine, ou les Corybantes de Phrygie, que le soleil vit alors éclore les premiers, enfantés par la tige des arbres, ou si l’Arcadie donna naissance à Pélasge, plus ancien que la Lune, ou Éleusis à son premier habitant Diaulos, ou si Lemnos, féconde en beaux enfants, mit au monde le Cabire des mystères ineffables, ou si Pallène fit naître Alcione de Phlégra, l’aîné des superbes géants. […] La morale en est haute, il est vrai, l’accent austère et simple95 : « Plus que devant tout autre, rougis devant toi-même. — Honore ton père et ta mère, tes parents les plus proches ; et, parmi tous les autres, choisis, dans l’ordre de la vertu, le meilleur pour ton ami. » Ce sont là des maximes belles dans tous les temps ; une part d’enthousiasme s’y mêle. […] V. la belle notice sur Xénophane, par M. 

1425. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Voltaire a beau être fils de tabellion, il est grand seigneur par l’esprit et par les manières comme Fronsac. […] Il mettait sa puissance artistique à cette belle œuvre d’être philosophe. […] Cet énergumène a, dit-on, écrit de belles pages, comme il arrive aux fous de faire de beaux rêves. […] Les volumes où l’on a renfermé ses critiques d’art contiennent un Essai sur le beau, essai malheureux, d’une connaissance médiocre et étranglée ; car Diderot se contente d’y exposer maigrement les maigres systèmes de Wolf, de Hutcheson, du père André, qui n’ont pas éclairé beaucoup cette question du beau qu’il faut renvoyer au chapitre des inutilités métaphysiques, et dans cet Essai sur le beau son don d’invention critique l’abandonne. […] Seulement, il a beau être pipé par ses facultés, qu’il n’a jamais su gouverner et qui lui jouent ce tour pendable d’être ridicule ; il a beau être inconséquent d’organisation, sans aucun détraquement extérieur, comme un autre le serait d’une faiblesse de raisonnement et d’une rupture de principes, son inconséquence de nature ne lui fait pas une innocence.

1426. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Mais la parade pompeuse a remplacé l’action efficace ; ils ne sont que de beaux ornements, ils ne sont plus des instruments utiles ; ils représentent autour du roi qui représente, et, de leurs personnes, ils contribuent à son décor. […] Çà et là, dans les recoins et le pourtour, sont des auberges, des échoppes, des cabarets, des taudis pour les ouvriers, les hommes de peine, pour les derniers soldats, pour la valetaille accessoire ; il faut bien qu’il y ait de ces taudis, puisque la plus belle apothéose ne peut se passer de manœuvres. […] En ce temps-là, il faut à un grand un grand état de maison ; son cortège et son décor font partie de sa personne il se manque à lui-même s’il ne les a pas aussi amples et aussi beaux qu’il le peut ; il serait choqué d’un vide dans sa maison comme nous d’un trou dans notre habit. […] Les vingt-cinq chapitres nobles de femmes et les dix-neuf chapitres nobles d’hommes sont autant de salons permanents et de rendez-vous incessants de belle compagnie qu’une mince barrière ecclésiastique sépare à peine du grand monde où ils sont recrutés. […] Superbement vêtu, beau, galant, d’une politesse exquise, le moindre de ses sourires était une grâce. « Son visage toujours riant inspirait la confiance ; il avait la vraie physionomie de l’homme destiné à représenter. » Telle est aussi l’attitude et l’occupation des principaux seigneurs laïques, chez eux, en été, lorsque le goût de la chasse et l’attrait de la belle saison les ramènent sur leurs terres.

1427. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Qu’on dise ce qu’on voudra, l’âme de cette terre est mobile, mais c’est une belle âme parmi toutes les âmes populaires de l’antiquité ou du temps présent. […] Cet homme si laid est le plus beau des hommes !  […] Plus cela était beau, plus cela nous donnait le frisson. […] De ces hameaux c’est la plus belle ; Je veux l’effacer à leurs yeux. […] Là repose, jeune étrangère, La plus belle de ce hameau.

1428. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Car on a beau être historien par la tête et par les entrailles, on a beau avoir une plume solide et brillante, on a beau chercher dans la force de son mépris le trait qui doit rester comme une condamnation et une flétrissure immortelles, il est à coup sûr des temps, des choses et des personnages, qui désarment toujours un peu l’historien et qui l’affaiblissent. […] Le fait qu’il raconte est si beau que sa pensée se rassied trop vite. […] Et voilà pourquoi, sur ce point, rien ne peut remplacer la lecture de son beau livre. […] presque charmant, presque touchant et presque beau. […] Ces exemples et ces noms n’empêchèrent point Granier de Cassagnac de descendre jusqu’au journalisme un talent créé pour un destin plus beau.

1429. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

À la vérité, son argumentation incisive est parfois un peu âpre, voire même dédaigneuse ; mais que ne pardonnerait-on pas à la spontanéité d’un si beau lutteur ? […] Che cosa è la Gioconda se non un libro della Bella mano, anzi delle Belle mani ?  […] D’après Platon, le Beau se confond avec le Bien, ou la Perfection, qui est supérieure à la vérité et à la science. Donc le beau ne procède pas du vrai. Il serait plus juste de dire : le Beau est la splendeur du Bien.

1430. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Évidemment il y aurait là un beau dialogue socratique à faire. […] On fait d’abord de la critique par goût de ce qui est beau, puis on continue à en faire par dégoût de ce qu’on ne trouve pas beau, et on ne trouve plus rien de beau. […] Le beau, réalisé par des moyens précis, détermine des états imprécis et complexes. […] Mais je sais bien que tandis qu’il pleut à Lyon il fait beau à Avignon. […] Prenez la plus belle tragédie, le plus beau roman du monde, racontez-les d’un ton goguenard et d’une manière comique, vous les faites ridicules sinon auprès de leurs lecteurs, tout au moins auprès des vôtres.

1431. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

La voici, la belle Marie. […]              Aux plus beaux lieux de cet empire ? […] On ne demande pas encore aux vers d’être beaux comme de la belle prose ; mais on exige déjà d’une Ode qu’elle soit « construite » comme un Sermon. […]           On a beau la prier. […] Voilà un bel exemple du pouvoir de la dialectique !

1432. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Il faut dire pourtant que sous Louis XIV, à part ce soleil monarchique qui absorbait en lui toutes les superstitions et les apothéoses, le génie et sa fonction étaient noblement conçus, et dans des proportions vraiment belles. […] Mais ce que je veux noter, ce qui me semble fâcheux et répréhensible, c’est qu’en passant à la région de pensée et de poésie, l’idée obsédante du grand homme a substitué presque généralement la force à l’idée morale comme ingrédient d’admiration dans les jugements, comme signe du beau dans les œuvres. […] C’est à propos des conseils pieux, donnés par saint Louis à son fils, et qui rappellent le mot tout à l’heure cité d’Énée à Ascagne : « Belles et touchantes paroles ! […] Le symbolisme de Vico et de Herder, le panthéisme naturel de Schelling, le panthéisme historique de Hégel, l’histoire de races et l’histoire d’idées qui ont tant honoré la France, ils ont beau différer en tout ; contre la liberté ils sont d’accord. […] Je ne saurais dire pour mon compte à quel point je me suis senti souvent rebuté, choqué, jusque dans les plus belles pages d’amis bien éloquents, en voyant cet abus extrême qu’on fait aujourd’hui des grands hommes et tous ces demi-dieux despotiques qu’on inaugure en marbre ou en bronze sur le corps saignant de l’humanité qu’ils ont foulée.

1433. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Mme Roland est la première et la plus belle de ce groupe ; elle en est le génie dans sa force, dans sa pureté et sa grâce, la muse brillante et sévère dans toute la sainteté du martyre. […] Comment raconter la vie de Jean-Jacques, son enfance, ses durs commencements, ses belles années, comment retracer de nouveau les particularités de sa physionomie de jeune homme, après les Confessions ? […] Le jugement sur Mirabeau est d’une belle et calme lucidité. […] Rougissons pour les passions politiques de ces torts presque inséparables qu’elles entraînent à leur suite et que pleurent plus tard les belles âmes. […] Attentive aux affections individuelles, elle leur fait la part belle et grande, elle les cultive pieusement, loin de les immoler en femme trop spartiate sur l’autel de la patrie.

1434. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Il fut le second restaurateur de la belle poésie italienne, en sorte que s’il n’eût pas été Médicis, il eut été un second Pétrarque. […] Laurent, aussi soigneux de sa popularité que de son génie, usa de la liberté du carnaval pour composer des poésies dansantes dont les belles filles des campagnes de Florence venaient le remercier avec des guirlandes de fleurs en main devant son palais. […] Mais Alessandra lui préféra Marcellus, aussi savant et plus beau que lui. […] « Politien entretenait aussi une correspondance amoureuse avec Cassandra Fidelis, jeune et belle Vénitienne, aussi érudite qu’aimable. […] Laurent de Médicis avait fait conclure un mariage entre la belle Francesca, fille de Jean de Bentivoglio, et Galeotto Manfredi, prince de Faenza.

1435. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

A celle-là que racontent les fables, Quant Jupiter de la belle Alcmena Feit Hercules, qui tant se pourmena. […] Pour ses amis, la plupart poussés à l’incrédulité par haine pour les sectaires, une mort à la façon des épicuriens était la plus belle. […] Ainsi Rabelais fut loin de méconnaître le caractère primitif de la Réforme, et je ne sais si quelqu’un s’était servi avant lui de cette belle expression, les sainctes lettres. […] Platon lui faisait aimer les belles pensées, la grâce et la variété de ces peintures de la vie, qu’il excelle à mêler aux plus hautes spéculations de l’esprit. […] Cette gloire est belle, et pourtant il serait injuste d’y réduire Rabelais ; et s’il n’a rien de plus excellent que ce qu’il a tiré de la Renaissance, une certaine part des créations de son esprit n’est pas moins durable.

1436. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Il ne s’agit pas de la réhabilitation de Balzac, quoique Bayle, qui l’appelle « l’une des plus belles plumes de France », la lui ait promise. […] Mais quelque chose que la critique en puisse retrancher, c’est une belle recommandation pour la mémoire de Balzac d’avoir inspiré à Descartes cette théorie du grand écrivain. […] L’éloquence, dans les lettres de Balzac, consiste en un beau choix de pensées se rapportant à un sujet déterminé, rangées dans un ordre approprié pour persuader, et exprimées avec feu ; c’est le ton de l’éloquence plutôt que l’éloquence elle-même. […] Mais c’était de la raison de remarquer dans Balzac ce style relevé, ce beau choix de paroles, cet ordre et cet arrangement d’où elles tiraient leur force, tant de perfectionnements de détail dont ses critiques mêmes étaient d’accord avec ses apologistes. […] On ne cessa pas d’être juste pour quelques morceaux que feront toujours lire avec plaisir et profit les belles qualités de Balzac.

1437. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

L’antiquité n’offre aucun beau type de philologue philosophe, dans le genre de Humboldt, Lessing, Fauriel. […] Peut-être les siècles qui savent le mieux produire le beau sont-ils ceux qui savent le moins en donner la théorie. […] Philosopher, c’est savoir les choses ; c’est, suivant la belle expression de Cuvier, instruire le monde en théorie. […] Comte, toutes les belles âmes convoleraient au suicide ; il ne vaudrait pas la peine de perdre son temps à faire aller une aussi insignifiante manivelle. […] Une seule règle peut être donnée pour produire le beau : Élevez votre âme, sentez noblement et dites ce que vous sentez.

1438. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Lamoureux, un beau succès d’argent. […] — Mon collaborateur parlera du beau festival César Franck. […] On y rencontre une fort belle scène dans laquelle la princesse veut empêcher Lohengrin de partir pour combattre ses ennemis. […] Je me mis à parcourir la ville à travers les brumes légères d’une belle matinée d’automne. […] Et maintenant ou pourra revoir ces pages aimées : non point, comme les belles lithographies du livre de M. 

1439. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Ces beaux projets, comme on le pense bien, ne tenaient pas. […] Émile Deschamps, cet aimable et vif esprit, s’effacer lui-même dans cette collaboration pour faire plus belle la part de M. de Latouche. […] Il n’était pas beau, et il plaisait pourtant. […] Ou, compagne des vents et de l’errante nue, Voit-elle un autre ciel et des astres plus beaux ? […] Ou pourrait, ce me semble, bâtir là-dessus le plus beau de tous les romans par lettres, et le plus sublime.

1440. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Il avait, à ses débuts, la figure la plus charmante, « enfant de l’Amour, beau comme lui, plein de feu, de gaieté, impétueux et malin, studieux et espiègle ». […] Cette modestie si difficile à observer me rappelle un mot de Diderot, parlant, en 1767, d’un « jeune poète appelé Chamfort, d’une figure très aimable, avec assez de talent, les plus belles apparences de modestie, et la suffisance la mieux conditionnée. […] L’ancienne société, tout ce beau monde, les Grammont, les Choiseul, la reine, voyant un jeune poète qui promettait par ses œuvres et qui payait argent comptant par son esprit, voulurent le protéger et l’admettre sur le pied où l’homme de lettres était admis alors. […] Mais dans le mariage, qui est l’état commun, le point de vue change : le mariage est un grand fardeau, mais c’est aussi une méthode d’espérer, « une belle invention, a-t-on dit, pour nous intéresser au futur comme au présent ». […] Il aura beau dire, on ne se ressouviendra que du titre

1441. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

On lui dit que la plus jeune, la plus belle, avait une fièvre chaude. […] Dimanche 29 avril Vraiment, j’ai beau chercher, je ne puis m’expliquer l’intensité de la haine contre nous. […] Quand je suis là, les yeux réjouis par une contemplation vagabonde, quelque chose a beau me dire qu’il y a dehors, des spectacles plus intéressants, des spectacles sollicitant le romancier, je me sens, comme cloué au dos de mon siège, je ne puis me lever. […] Il continue, par un certain orgueil d’artiste, par l’amour du beau qui est en lui, de faire le mieux qu’il peut, mais le coup de fouet du succès n’a plus d’aiguillon pour lui. […] Lundi 12 novembre Un curieux type à fabriquer avec ce marquis de Saint-Senne, vivant dans une mansarde, en face du plus beau tapis persan du seizième siècle connu, et possédant dans deux ou trois malles, — des malles des bonnes de la campagne, — les plus belles épées, les plus riches majoliques, et pour garder ces trésors, se privant de tout, et mangeant dans une crémerie.

1442. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Si, aux yeux des rêveurs et des poètes, les torses retrouvés sont plus beaux que les statues terminées et entières., ils valent infiniment moins sans doute aux yeux de la Critique qui, comme la Politique, ne voit que les faits accomplis ; mais les masses du travail de Sainte-Beuve sont si bien liées entre elles dans l’unité d’un même dessin que, quoiqu’elles ne soient pas toutes sorties, l’imagination de la Critique poursuit et discerne sans peine le contour de leur achèvement. […] Ce qu’il aurait fallu et ce qu’il eût mieux fait que personne s’il l’avait soupçonné, c’était de nous révéler le génie-femme qui palpitait au fond de Virgile, de nous en donner l’anatomie, et par là de nous expliquer et de nous rendre tangible ce phénomène de la beauté d’un poète qui ne ressemble pas à Homère, qui est différent, mais aussi beau. […] Pendant que la philosophie de notre temps ne connaît en tout que la force individuelle de l’homme, pendant qu’en politique elle efface sur la carte du monde les lignes bleues et rouges des frontières et en littérature proclame l’invention et la fantaisie comme les supériorités incontestables et souveraines, on aime à voir une fois de plus la preuve faite de l’insuffisance de l’homme et de la nature lorsqu’il s’agit de marquer le génie de son trait le plus solide et le plus beau. […] Les lettres, ces espèces de photographies dans lesquelles on est aussi laid et aussi manqué que dans l’autre, les lettres, voilà ce qui va incessamment remplacer les livres à cette époque, vouée aux moi les plus drôles et qui fait plus cas d’un autographe que de la plus belle page, car une belle page, cela est écrit pour tout le monde, et un autographe, c’est personnel ! […] … Ainsi Mme Lenormand, qui n’est pas Troubat, troubatise ; et elle, la nièce par le sang de Mme Récamier, — qui avait déjà publié un volume sur cette femme dans lequel cette Légende de Beauté et de Bonté, cette Séduction en perpétuel exercice ne semble plus rien du tout dans les riens qu’on nous donne d’elle, — Mme Lenormand a republié d’autres chiffons de sa belle tante et elle en republiera tout le temps qu’elle en aura de quoi faire, seulement, une papillote !

1443. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

J’essayerai de dire là-dessus ma pensée, en prenant pour division la division même de l’œuvre de Fromentin, puisqu’il a touché à trois genres littéraires : le récit de voyage, le roman, la critique d’art, exemple assurément d’une belle variété d’aptitudes et aussi d’une certaine inquiétude d’esprit. […] Élargissez le champ d’observation, placez-y une scène de la vie primitive, et vous aurez les plus belles pages de Un été dans le Sahara ou de Une année dans le Sahel, la rencontre de la tribu en voyage, ou la danse des nègres près de Mustapha d’Alger, cette espèce de symphonie en rouge qui annonce, vingt ans à l’avance, l’écrivain définitif des Maîtres d’autrefois. […] Mais c’était le plus beau et celui qui lui convenait le mieux. […] En somme, ce qu’on peut dire des deux volumes de voyages de Fromentin, c’est qu’ils sont d’une exacte vision ; modernes par le procédé de style ; qu’ils renferment quelques belles pages, mais aussi beaucoup de passages et de chapitres même où la distinction de la forme cache mal l’absence de mouvement, de vie et de large humanité. […] Lorsque nous sommes en présence d’un spectacle, même le plus admirable, du paysage de la plaine de Grenade, je suppose, ou du Bosphore, ou des ruines de Taormina, ou de tel autre, nous n’en recevons pas une impression détaillée, qui ne peut s’exprimer qu’en une feuille d’imprimerie, mais bien une surprise émue, un coup, une envie de pleurer ou de nous écrier : « Comme c’est beau ! 

1444. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mathieu, Gustave (1808-1877) »

André Lemoyne Pour résumer en quelques mots l’impression sur les œuvres du poète, nous dirons que sa muse, très française et souvent gauloise, nous apparaît comme une svelte et riche meunière, dont le moulin commande un petit cours d’eau, frais, voisin de la mer ; la belle paysanne peut suivre de l’œil la grande courbe du goéland dans son vol et saluer de regards amis l’émeraude filante du martin-pêcheur sous les saules verts-cendrés. […] On dirait de sa muse une de ces belles filles de campagne qui, venues dans la grande ville, s’y affinent, s’y font élégantes, tout en gardant de leur origine un je ne sais quoi de naïf.

1445. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

Elle avait beau s’armer de philosophie : « Son caractère, écrivait l’ambassadeur français, M. de Breteuil, n’est pas formé à ce genre, quoiqu’elle m’ait fait souvent l’honneur de m’assurer du contraire. » Plus juste que M. de Breteuil, nous disons : la philosophie pour elle était un pis aller, il était toujours temps d’y recourir. […] Que de gens, en arrivant à Naples, entre tant de belles choses à voir sous le soleil, n’ont rien de plus pressé que de courir au Musée secret ! […] c’est la postérité, et non pas nous… » Quand la flotte russe qui est entrée dans la Méditerranée par le détroit de Gibraltar va tenter la Grèce et fait des siennes dans l’Archipel et dans les mers d’Asie, Voltaire voudrait plus encore ; il voudrait voir l’Impératrice se promener en bateau sur le Scamandre, et il avait bien compté, « lui dit-il, qu’elle rebâtirait l’antique Troie » ; à cela elle répond qu’elle préfère, sauf meilleur avis, la belle Néva au Scamandre : « Je renonce aussi à la réédification de Troie ; j’ai à rebâtir ici tout un faubourg qu’un incendie a ruiné ce printemps. » Dans les lettres de Voltaire à l’Impératrice, il fait un peu trop le poëte, le fou d’admiration, la tête montée — il y a trop de lazzis et de turlupinades ; il abuse du Moustapha. […] Mais il a beau lui dire du mal des Français et de Paris, c’est bien le Français le plus Français de tous qu’elle cultive et qu’elle courtise en lui.

1446. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

D’une part, l’ascétisme des Esséniens ou Thérapeutes 134, de l’autre, les beaux essais de philosophie religieuse tentés par l’école juive d’Alexandrie, et dont Philon, son contemporain, était l’ingénieux interprète, lui furent inconnus. […] Mais la vraie poésie de la Bible, qui échappait aux puérils exégètes de Jérusalem, se révélait pleinement à son beau génie. […] La cour des rois lui apparaît comme un lieu où les gens ont de beaux habits 139. […] Chez lui, elle tenait à une notion profonde des rapports familiers de l’homme avec Dieu et à une croyance exagérée dans le pouvoir de l’homme ; belles erreurs qui furent le principe de sa force ; car si elles devaient un jour le mettre en défaut aux yeux du physicien et du chimiste, elles lui donnaient sur son temps une force dont aucun individu n’a disposé avant lui ni depuis.

1447. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

La prose du Télémaque, si fleurie, si tendre, si harmonieuse, si cadencée, leur sembla plus poëtique & plus agréable que les plus beaux vers. […] On s’appuya de l’exemple de ce beau génie pour la faire employer partout, & la rendre désormais le seul langage d’Apollon. […] Telle, dans des canaux pressée, Avec plus de force élancée, L’onde s’élève dans les airs ; Et la règle, qui semble austère, N’est qu’un art, plus certain de plaire, Inséparable des beaux vers. […] Ils la peignirent comme une de ces figures hideuses, dont le contraste avec la belle nature effraye tous ceux qui les examinent de près.

1448. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Si admirablement élevés qu’aient été nos officiers sortis de Saint-Cyr depuis 1805, — et même en raison de cette éducation militaire qui passe l’uniforme à l’esprit, — ils ne représentent pas la société de leur temps dans toutes ses nuances, comme ces belles jeunes filles, qui touchaient, elles, par tous les points de leur éducation et de leur vie, à toutes les idées et à tous les sentiments du xviie  siècle, représentent celle du leur et la traduisent à l’imagination charmée. […] C’est par là que, n’étant plus jeune, et que, n’étant presque plus belle, elle avait arraché Louis XIV — l’homme le plus difficile à séduire et le plus difficile à captiver — à la plus belle de ses maîtresses, à la plus altière, à la plus sanguinement spirituelle, à cette Armide des Mortemart qui l’avait enlacé par plus puissant que ses bras, — l’habitude, — et qui lui avait mis aux quatre membres ce boulet des enfants qui fait enfoncer un homme dans une liaison encore plus que le boulet de bronze ne fait s’enfoncer celui qu’on y jette dans la mer ! […] Si, pour les hommes véritablement ambitieux, le père Joseph du Tremblay est plus beau dans sa bure de capucin que le cardinal de Richelieu dans ses flots de pourpre, si la puissance sans titre, l’influence sans nom, mais effectives, sont plus que le costume, l’éclat et l’attitude du commandement, de quel sentiment ne devons-nous pas être pénétrés pour cette admirable vieille femme que Louis XIV appelait Sa Solidité et consultait en plein conseil de ministres, et qui, majestueuse et discrète, « toujours vêtue d’étamine noire ou feuille-morte », resta toute sa vie une humble chrétienne, avec des manières de femme du monde à tout relever !

1449. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Robert Southey, beau par le nom, un nom euphoniquement fait pour la gloire, comme il l’était par le front fait pour le laurier éternel et non celui des lauréats, ne fut, en somme, qu’un scholar réussi. […] Jamais le devoir, la pure et austèrement tranquille idée du devoir n’eut dans une faible créature de Dieu une incarnation plus exquise, plus forte et plus belle. […] Ce passionné du devoir, qui, dans son dernier ordre du jour et le plus beau, ne devait rien trouver de mieux à dire aux marins anglais que ces mots tout-puissants : « L’Angleterre espère que chacun de vous fera son devoir », oublia le sien envers un être auquel il brisa froidement le cœur, envers son pays dont il choquait les mœurs et dont l’opinion était le meilleur de sa gloire, et envers cette gloire elle-même dont il était couvert et qu’il aurait dû respecter ! […] Malheureusement aucun de ceux qui ont écrit sa vie, — et il paraît qu’ils sont nombreux en Angleterre, — n’a été de force à donner ce coup de pinceau qui fixe et embellit la gloire, fût-ce la plus solide et la plus belle !

1450. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Robert Southey, beau par le nom, un nom euphoniquement fait pour la gloire, comme il l’était par le front, fait pour le laurier éternel et non celui des lauréats, ne fut, en somme, qu’un scholar réussi. […] Jamais le devoir, la pure et austèrement tranquille idée du devoir, n’eut dans une faible créature de Dieu une incarnation plus exquise, plus forte et plus belle. […] Ce passionné du devoir, qui, dans son dernier ordre du jour et le plus beau, ne devait rien trouver de mieux à dire aux marins anglais que ces mots tout puissants : « L’Angleterre espère que chacun de vous fera son devoir », oublia le sien envers un être auquel il brisa froidement le cœur, envers son pays dont il choquait les mœurs et dont l’opinion était le meilleur de sa gloire, et envers cette gloire elle-même dont il était couvert et qu’il aurait dû respecter ! […] Malheureusement, aucun de ceux qui ont écrit sa vie — et il paraît qu’ils sont nombreux en Angleterre — n’a été de force à donner ce coup de pinceau qui fixe et embellit la gloire, fût-ce la plus solide et la plus belle !

1451. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Et le cadet que voici se tut sur les mérites de cet aîné, plus beau que lui, mais auquel il ressemble. […] Mais Joubert était bien, je crois, inspecteur de l’Université, et tous deux ils traînèrent péniblement ces haquets affreux, eux, ces hommes faits pour ne rien faire du tout, si ce n’est de regarder dans leur âme ou dans les ciels de Naples ; eux, ces indolents lazzaroni de la rêverie ou de la pensée, qui ressemblent au beau moissonneur appuyé sur le timon du char rustique, dans le tableau de Léopold Robert, quand tous les autres dansent et s’agitent à l’entour. […] On ne savait pas grand-chose de son origine, de sa famille, de son passé, et il a bien couru la chance de mourir tout entier, n’ayant vécu, sinon toujours en lui, au moins pour lui, — ce qui est peut-être la meilleure manière de vivre… Le prince de Ligne disait de Catherine II que son empire allait d’une tempe à l’autre de son beau front. […] Il y a grippé tout ce qui borne son regard, tout ce qui émousse son acier ; car il a beau ne pas avoir d’r dans son nom, ce doux Doudan, il a de l’acier dans son velours.

1452. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Sans valoir la millième partie du bruit qu’on lui a fait, Renan a bien ce qu’il faut, semble-t-il, pour illusionner, je ne dis pas les évêques, dont les mains calmes et consacrées doivent savoir exactement le poids ou la légèreté de l’erreur, mais du moins ce gros public, dont l’instinct est faillible, — mauvais juge d’une science assez grande pour tromper et d’un style assez travaillé pour paraître beau. […] L’homme de génie n’a, en somme, d’autres idées que celles de l’abbé Trois-Étoiles, et c’est, en fait de génie, coucher à la belle étoile, cela ! […] On change Julio de cure, et sa sœur, la belle Louise, qui plaide en justice, conjointement avec son frère, contre les jésuites accapareurs, épouvantée par ces marquises que les Révérends Pères ont à leurs ordres et dont ils font habituellement leurs gendarmes et leurs postillons, renonce au procès ; mais, comme elle n’y peut faire renoncer son frère, plus dur à la détente, elle est enlevée comme une plume par les marquises, portée en Italie et séquestrée dans un couvent de bénédictines de l’État romain. […] Ainsi je n’ai rien dit de la découverte par Julio que la belle Louise n’est pas sa sœur, et de l’amour sensuel, de l’amour turbulent qui saisit le chaste Julio à cette découverte.

1453. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Mais il est beau de voir, même sous la conquête macédonienne, ce qui restait de dignité morale à la philosophie, et quel langage elle savait prendre, entre la servitude du peuple civilisé et les apothéoses que se décernaient les généraux grecs conquérants des barbares. […] Ecrit en majestueux hexamètres, sans les détours impétueux de la strophe et les variétés du rhythme, avec des paroles simples et de grandes images, cet hymne, chanté sans doute sur les tons de quelque ancienne et austère mélodie, nous semble le plus beau démenti des abaissements où se laissait réduire la Grèce, comme des erreurs brillantes qui l’avaient jadis égarée. […] Mais, loin de là, ils courent, sans souci du beau, à des termes divers, les uns poursuivant la gloire avec une hâtive ardeur, les autres tournés à l’avidité du gain, sans nulle pudeur, les autres à la mollesse et aux plaisirs du corps, recherchant ainsi le contraire même de ce que poursuivent les premiers. […] Elle vient, pour célébrer les solennels mystères de sa fille : et lui, propice comme il sied à un Dieu, il apparaît souriant et beau.

1454. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Le Bel  » p. 146

Le Bel Il est de 4 pieds, 4 pouces de large ; sur 3 pieds, 6 pouces de haut. […] J’aime mieux regarder sa découpure au travers d’un verre que le tableau de Mr Bel.

1455. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Si, par hasard, des esprits oisifs et mécontents étaient venus à cette séance académique, où la plus belle société s’était donné rendez-vous, avec l’intention de chercher et d’applaudir quelques-uns de ces traits plus politiques que littéraires, sur lesquels on a trop compté en d’autres temps, ils auraient été désappointés. […] Molé), au contraire, était resté serein, avec je ne sais quoi de clair et de net qui, sans lui faire voir en beau les choses, dégageait pourtant sa perspective. Il disait que la France s’en tirerait ; il l’avait vue, dans son enfance et dans sa jeunesse, sortir victorieuse et plus belle de bien d’autres périls et d’un plus affreux naufrage.

1456. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Les soirs d’été, les fleurs ont des langueurs de femmes, Les fleurs semblent trembler d’amour, comme des âmes ; Palpitantes aussi d’extase et de désir, Les fleurs ont des regards qui nous font souvenir De grands yeux féminins attendris par les larmes, Et les beaux yeux des fleurs ont d’aussi tendres charmes. […] Ne pas être beau, ne pas avoir de génie, ne pas être tout-puissant, ne pas être dieu… rien ne serait plus triste que cette mesquine et misérable condition si elle devait durer toujours ! […] L’Illusion est un fort beau livre, plein de tristesse et de sérénité.

1457. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

. — C’est pourquoi, disait le mari se défendant, il en faut faire meilleure chère ; car, que diable nous servirait tout le bien que nous pourrions amasser, puisqu’aussi bien ce ne serait pas pour nous, mais pour ce beau roi ? […] répliqua cette femme et à belles injures, merci Dieu ! […] Ce fut la fin de la farce de ces beaux jeux, mais non de ceux que voulurent jouer, après, les conseillers des aides, commissaires et sergents, lesquels, se prétendant injuriés, se joignirent ensemble et envoyèrent en prison MM. les joueurs ; mais ils furent mis dehors le jour même, par exprès commandement du roi, qui appela les autres sots, disant Sa Majesté que, s’il fallait parler d’intérêt, il en avait reçu plus qu’eux tous, mais qu’il leur avait pardonné et pardonnerait de bon cœur, d’autant qu’ils l’avaient fait rire jusqu’aux larmes.

1458. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Il ajoute à la vérité : « C’était sans doute parce qu’ils ne sont pas beaux. […] Godeau, de l’Académie française, évêque de Vence, ayant adressé à Voiture un défi de vers galants en honneur de cette belle personne, Voiture lui adressa ce rondeau fanfaron : Comme un galant et brave chevalier, Vous m’appelez en combat singulier D’amour, de vers et de prose polie ; Mais à si peu mon cœur ne s’humilie, Je ne vous tiens que pour un écolier ; Et fussiez-vous brave et docte guerrier, En cas d’amour, n’aspirez au laurier. Rien ne déplaît à la belle Julie        Comme un galant.

1459. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Ce jugement, & la belle ode de Rousseau adressée à cet écrivain, décident sa réputation. […] On comparoit sa muse à une belle femme dans les douleurs de l’enfantement. […] Il dit, un jour, au duc de Bellegarde : Vous faites bien le galant & l’amoureux des belles dames : lisez-vous encore à livre ouvert ?

1460. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

C’est la plus noble, la plus légitime ambition, que celle qui cherche à fonder son empire sur la satisfaction des vrais besoins des peuples. » V Nous citons ces pages parce qu’elles sont très belles d’expression et de sentiment, les plus belles peut-être que l’historien politique ait écrites dans sa vie ; mais, en admirant la haute portée de ces vues d’homme d’administration et de ce style d’homme de discipline civile, peut-on se dissimuler la simonie des idées (si on tolère cette expression) qui éclate dans la pensée ? […] Cela dit sur le principe même de ce Concordat de 1801, nous ne taririons pas en éloges sur la belle étude diplomatique dans laquelle M.  […] « Moreau, dit-il, depuis la campagne d’Autriche, dont il devait le succès, du moins en partie, au premier Consul, qui lui avait donné à commander la plus belle armée de la France, Moreau passait pour le second général de la République. […] Tout le drame est transporté sur les mers ; ce drame est un des plus beaux, des plus divers, des plus passionnés qui se soient jamais joués entre les éléments et les hommes. […] Notre admiration pour les belles parties de ce livre est la garantie de notre impartialité pour ses défaillances de style, de vertu et de sentiment ; mais le cœur souffre autant que la vérité en lisant ces pages.

1461. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Les plus beaux livres sont les plus saints, et les plus saints sont les plus beaux. […] Ne serait-ce pas là la plus belle explication de ce mot : Vous serez des dieux ? […] Pelletan, qui parle comme Platon, a le droit de rêver comme lui de beaux rêves. […] … Nous croyons plus beau et plus viril de regarder en face le malheur sacré de notre condition humaine que de le nier ou d’en assoupir en nous le sentiment avec de l’opium. […] Respectons nos belles destinées futures là-haut, mais ici respectons au moins notre néant !

1462. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Mais si on aimait mieux le vrai que le beau, on ne désarmerait pas, même contre la beauté entraînante, et on la frapperait, en se détournant, quand cette beauté coupable aurait, comme la courtisane de l’Antiquité, compté sur la splendeur du sein qu’elle découvre pour se faire tout pardonner ! […] Quand on n’a pas le langage de la chose qu’on fait, ou l’accent de la langue qu’on parle, quand on n’a pas précisément la qualité essentielle à son art, est-on déjà si grand, littérairement, ou si beau ? […] Cherchez donc dans ces sept gros volumes sur la Révolution française l’identité de l’historien qui écrivit l’Histoire romaine et même cette Histoire de Louis XI déjà inférieure, mais belle encore ; cherchez-la, vous ne la trouverez pas ! […] C’est sans nul doute à ces reines de l’opinion, à ces belles affligées, veuves de sa parole, qu’il a dédié l’ouvrage intitulé : les Femmes de la Révolution. […] Elle l’a flétrie dans ses plus belles pages, elle l’a foulée sous ce pied que Rivarol, toujours magnifique, même quand il s’abaissait jusqu’au calembour, appelait avec flatterie : un piédestal.

1463. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Là, en effet, où le ciel est moins beau, la nature moins riche, la vie moins extérieure et moins libre, la cité moins retentissante de fêtes et de triomphes, l’homme moins jeune, moins ardent, moins passionné de patrie et de gloire, la voix la plus expressive, n’ayant pas pour s’animer les grands spectacles du dehors, aura besoin des méditations les plus intérieures de l’âme ; et l’élévation, la contemplation abstraite et lyrique devra naître surtout de la solitude. […] Écoutez-la, comme l’hymne d’un siècle qui va finir ; écoutez-la, avant que ces beaux climats, mal défendus par le despotisme inerte de l’empire, mais préservés longtemps des Scythes et des Goths, tombent sous l’invasion musulmane, tombent pour des siècles, restent enfoncés, jusqu’à nos jours de civilisation matérielle et de politique surtout commerciale. […] Conduis-moi, aujourd’hui même, au but de ma route. » On le comprend, au reste : quelque belle que soit par moment cette poésie, les tons doivent en être peu variés ; la tristesse religieuse qui en est l’âme en fait l’uniformité. […] Grégoire de Nazianze, archevêque et poëte, tantôt remplissant de ses homélies ou du chant populaire de ses hymnes les basiliques de Byzance, tantôt, par des méditations rêveuses et des élans vers Dieu, occupant sa solitude délaissée dans un village de Cappadoce, avait offert une belle transformation de l’art grec sous l’influence du christianisme. […] Au lieu de souhaiter chrétiennement la souffrance et la résignation, il demande encore à Dieu la gloire et les belles fleurs de la douce persuasion, comme aurait fait Pindare.

1464. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Le trésor est donc beau, si les lacunes sont considérables. […] Les raisons de Desmarets avaient beau être solides ; la saison ne leur était pas favorable. […] Il a pris plaisir à se raconter à lui-même une histoire fantastique et consolante de beaux cavaliers et de belles dames, au bord du chemin, en trempant des croûtes dans une fontaine, pour ne pas manger son pain sec. […] On se place parmi le beau monde. […] C’est une belle vie et une belle fin.

1465. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Cette comédie a beau être en prose, c’est une composition poétique. […] Avec quelle grâce et quel à-propos elle vient s’abattre au beau milieu d’une farce ! […] Il y a de fort belles sentences dans Le Misanthrope. […] Je sais bien que ces belles tirades sont là pour nous dérouler le caractère d’Alceste. […] Le trône cependant est une belle place.

1466. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

que ce serait une belle et utile chose qu’un cours d’antiquité ! […] Avez-vous une plus haute philosophie morale, une plus saine raison, une plus solide vertu, un plus beau style ? […] Quand nous fûmes arrivés dans un si beau lieu, et qui n’est pas célèbre sans cause, nous y trouvâmes toute la solitude que nous voulions. […] « Parce que, si j’avais eu à vous réfuter sur ce point, j’allais m’ouvrir une belle carrière. […] Mais les vents auront beau nous retarder, il faudra nécessairement que nous arrivions, quoique un peu tard.

1467. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Et la réponse de Whistler est vraiment belle, quand on lui demande, combien il a mis de temps à peindre sa toile, et qu’il jette dédaigneusement : « Une ou deux séances », et que sur les oh ! […] Non elle n’est pas belle ! […] l’ennui de ces belles tailles ! […] Goncourt, la belle page à écrire sur l’amitié littéraire ! […] À quoi, je lui dis de se défier de l’imagination, et que je crois que ce qui fait le beau des vrais livres, c’est la sélection de cet emmagasinage.

1468. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Si la belle les eût suivis, Elle n’auroit plus rien à craindre. […] Il sentira un dégoût involontaire au vers suivant : Ou qu’un beau desespoir alors le secourût. […] Une belle personne n’aura point de graces dans le visage, si la bouche est fermee sans sourire, si les yeux sont sans douceur. […] Faire des graces, répandre des graces, est le plus bel apanage de la souveraineté, c’est faire du bien : c’est plus que justice. […] Les Graces, divinités de l’antiquité, sont une des plus belles allegories de la mythologie des Grecs.

1469. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Il aurait beau jeu. […] Richepin, prévu que la Russie serait la belle Aude de 1915 ? (mais non à vrai dire que la belle Aude tournerait assez mal). […] L’ironie sur les « sources » a beau jeu, et beau drapeau. […] André, dans son Traité du Beau, distinguait le Beau essentiel, le Beau naturel, le Beau humain ».

1470. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 211-212

Thémire, ô le bel âge ! […] Avant quinze ans, une Bergere Est du nombre encor des enfans ; Il faut avoir quinze ans pour plaire ; On n’est point belle avant quinze ans.

1471. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » p. 426

Il a beau les faire imprimer sur du papier superbe, les enrichir de gravures magnifiques, les louer infatigablement dans les Avis & Préfaces, les étayer de notes & d'observations ; le Public ingrat en méconnoît le prix, & dit, en voyant tant de luxe inutilement prodigué, J'en trouve tout fort beau, Papier, dorure, image, caractere.

1472. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Challe » p. 219

Il y a vu une quantité de vieux et beaux tableaux qu’on estimait, et il s’est dit, Voilà donc comme il faut faire, pour être estimé aussi, et il a fait des tableaux qui ne sont pas beaux à la vérité, mais qui sont vieux.

1473. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Vassé »

Vassé Cette Femme couchée sur un socle, et la tête penchée sur une urne qu’elle couvre de sa draperie, et qu’elle arrose de ses pleurs est une belle chose. […] La draperie belle.

1474. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

dans si peu de temps aurait-on abattu Le temple le plus beau qu’eut jamais la vertu ! […] N’a-t-il pas écrit quelque part que « le sujet d’une belle tragédie doit n’être pas vraisemblable » ! […] Elles les rediront moins beaux, et peut-être surtout moins simples, mais elles les rediront ! […] Ce philosophe a beau dire, il ne nous est plus possible aujourd’hui de l’en croire ! […] Même pour Zénobie, nous avons beau faire, nous ne pouvons éprouver qu’une pitié philosophique et vague.

1475. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il a fait Hamlet beau, populaire, généreux, affectueux, tendre même. […] N’est-ce pas là un bel étalage, un majestueux spectacle ?  […] Cette absence arrêta la passion de Lattanzio, qui changea bientôt d’objet et se porta vers la fille de Lanzetti, la belle Catella. […] L’esprit s’étant déjà séparé d’elle, ses beaux yeux semblaient dormir doucement de ce sommeil que les insensés appellent la mort, et la mort paraissait belle sur son beau visage. » Juliette aussi est morte. […] Qui ne sent combien la forme est plus simple et plus belle dans Pétrarque ?

1476. (1910) Rousseau contre Molière

« Belle sentence ! […] On connaît l’avare qui, à un sermon pathétique sur la charité, s’écria : « Que c’est beau ! […] Je vis de bonne soupe et non de beau langage. […] Voilà de belles drogues que des jeunes gens, pour les aimer ! Ce sont de beaux morveux, de beaux godelureaux, pour donner envie de leur peau, et je voudrais bien savoir quel ragoût il y a à eux ?

1477. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Elle n’est que la moitié de la qualité littéraire d’un beau roman. […] Clady est belle. […] Son beau corps n’est qu’une infirmité ! […] Certes, il eût aimé, lui aussi, les beaux faits d’armes d’autrefois. […] Tout cela est énorme, effarant, — pas beau ni grand, — bien boche.

1478. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Il est beau, jeune, élégant, et c’est cela qui t’afflige ? […] Qu’est-ce qui demain sera moral, sera beau ? […] La bouche de la reine était extraordinairement belle. […] Creusez une fosse pour mon beau corps. […] Le son n’est en soi ni beau ni laid.

1479. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Brandenburg, Albert-Jacques (1878-1934) »

Encore que le poème soit parfois confus, il se meut d’un ample mouvement, se développe avec abondance dans une belle lumière. […] Anonyme En un temps où, assoupli, préparé par l’admirable usage qu’en ont fait nos derniers grands poètes, le vers français régulier est devenu si facilement beau, il est difficile de juger de la réelle valeur des poèmes de M. 

1480. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 366

Les Contes des deux premiers volumes commençoient tous par ces mots : Ma chere Sœur, si vous ne dormez pas, faites-nous un de ces beaux Contes que vous savez. […] Galland lui-même, Auteur des mille & une Nuits, & celui-ci leur ayant répondu qu’oui : Monsieur Galland , lui dirent-ils, si vous ne dormez pas, faites-nous un de ces beaux Contes que vous savez .

1481. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Parrocel  » p. 156

J’ai les tableaux de Raphael plus présents que les vers de Corneille, que les beaux morceaux de Racine. […] et pourvu que les ombres et les lumières soient bien entendues, que le dessin soit pur, que la couleur soit vraie, que les caractères soient beaux, serons-nous satisfaits ?

1482. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Elle est, somme toute, assez belle. […] Il a une belle situation à offrir. […] Victor Hugo a pourtant invectivé, en beaux vers, ce lion belge. […] C’est très beau. […] Pékin fut jadis une fort belle ville.

1483. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Michel-Ange conçoit, imagine, rêve toujours un peu plus grand et un plus beau que nature. […] Son âme, modelée sur les types hébraïques de l’antiquité ; son esprit, cultivé dès son enfance par les philosophes, les théologiens, les poëtes, les artistes familiers de l’opulente maison Colonna, avaient fait de la belle Vittoria le miracle de l’Italie. […] Ce sont les plus beaux vers de l’époque. […] « En sorte que mille ans après notre départ d’ici-bas, on comprenne combien tu fus belle et combien je t’aimai, et combien la nature rendait impossible de ne pas t’aimer !  […] La terre a recueilli ton beau corps et le ciel tes saintes pensées !

1484. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Belles paroles, riches habits, fêtes somptueuses, effrénées largesses, folles aventures, grandes démonstrations d’honneur, de générosité, de loyauté : voilà le dehors, le masque. […] Le lien féodal, bien relâché, n’oblige ni n’empêche plus guère : la loyauté subtile du chevalier sait se dérober fièrement ; avec de belles attitudes et une noble piaffe. […] De la cet incurable optimisme, cette belle humeur interne chez l’historien de tant de hontes, de crimes et de douleurs : jamais homme n’a été plus satisfait de la fête offerte à ses yeux par ce pauvre monde. […] Au xiiie  siècle encore, avec l’expansion des deux grands ordres mendiants, dont l’un est voué par son nom même à la prédication, l’éloquence chrétienne a encore de beaux jours. […] Ses plus belles pages — et cette seule remarque l’honore — sont sur le schisme et sur les souffrances du peuple.

1485. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Je vous ai exposé ce poème, intéressant à bien des égards, et qui contient de très beaux vers ; mais il est trop technique, il est désespérément technique. […] Oui, c’est un très bel éloge de Descartes, et c’est le geste d’un avocat qui rend hommage, tout d’abord, à celui qui le contredit, et qui lui fait honneur de son talent et de son génie. […] Mais c’est, aussi, et c’est d’abord, la description d’une belle journée qui doit être une journée d’automne, qui se termine par un orage, et un orage terrible. […] dit-on, Le bel emploi que tu nous donnes ! […] C’est une remarque extrêmement ingénieuse, ou, plutôt, c’est une remarque d’un esprit juste… Puis il y eut le très beau livre de Taine sur La Fontaine.

1486. (1890) Dramaturges et romanciers

Vous êtes belles, aimables, amusantes ; vous devriez être encore bonnes, tendres et dévouées. — Comment M.  […] Une pierre qui tomberait au milieu de cette bande y causerait un bel émoi, se dit-il. […] Les œuvres d’art sont donc comme de grandes prières, dont les belles choses visibles fournissent les paroles. […] Que de beaux traits pris sur le vif de la nature italienne ! […] Cela est sérieusement beau, et il m’étonnerait que ceux qui ont accordé leur admiration au tableau où M. 

1487. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Henri IV, au siège d’Amiens, avait songé à la lui donner à la mort de Saint-Luc ; mais, ne voulant pas trop faire à la fois, et vaincu par les sollicitations de la belle Gabrielle, il avait accordé la place au père de celle-ci, M. d’Estrées, homme parfaitement incapable. […] Rosny se hâte d’arriver à Paris pour la recevoir « avec beau bruit d’artillerie ». […] On a devant soi neuf belles et pleines années (1601-1610) : la vie de Rosny devient l’histoire de Henri IV, ou du moins une très grande partie de cette histoire, il devient difficile de l’en séparer par une biographie distincte et réduite à de justes mesures. […] Dans cette masse indigeste et presque insupportable d’ensemble, il y a toujours des détails fort beaux, des chapitres du premier ordre pour l’intérêt et la réalité historique. […] La suite du discours de Henri IV concernant Sillery et Villeroi est belle et montre bien la supériorité politique de celui qui parle, qui contrôle l’un par l’autre, et qui met chacun à son juste emploi ; mais c’est assez de nous tenir à Sully.

1488. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

On y voit confirmé le bel éloge que Voltaire a fait du saint roi quand il a dit : « Prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats sans être emporté, compatissant comme s’il n’avait jamais été que malheureux. » À considérer cette réponse magnanime et si simple qu’on vient de lire, la pensée se reporte à d’autres monarques de renom, et l’on se demande ce qu’en pareille circonstance ils auraient répondu, ce qu’ils auraient fait à leur tour. […] Après divers retards, saint Louis et son armée quittèrent Chypre et firent voile de la pointe de Limesson (Limisso), le samedi 22 mai 1249 : « qui fut très belle chose à voir, car il semblait que toute la mer, tant que l’on pouvait voir à l’œil, fût couverte de toiles des voiles des vaisseaux qui furent comptés au nombre de dix-huit cents tant grands que petits ». […] Cette scène d’arrivée et de débarquement en vue de l’ennemi est vive chez Joinville, et pleine de couleur : Le jeudi après Pentecôte arriva le roi devant Damiette, et trouvâmes là toute l’armée du Soudan sur la rive de la mer, de très belles gens à regarder ; car le Soudan porte les armes (armoiries) d’or, sur lesquelles le soleil frappait, qui faisait les armes resplendir. […] [NdA] On peut lire un beau et touchant passage d’un autre chroniqueur sur les adieux de Blanche et de saint Louis, dans Le Romancero françois de M.  […] Quand il fut jour ou à la clarté des cierges, chacun aperçut sur l’épaule de son voisin une croix en belle broderie d’or ; et celui qui la remarquait sur autrui avait également la sienne.

1489. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Newton une escapade et une fuite de son lièvre favori qui, un soir, pendant le souper, rompt son treillage, prend sa course à travers la ville, et qu’on ne parvient à rattraper qu’après toute une odyssée aventureuse, on lira une lettre très grave, très élevée, à une de ses nobles cousines qu’il n’avait pas vue depuis des années, qui avait été très belle, et à qui les hautes et sérieuses pensées étaient devenues familières. […] J’ai cité et analysé précédemment, de ce premier recueil de Cowper, le poème de La Retraite, le meilleur et le plus beau : aussi n’en parlerai-je pas ici. […] L’ondée abondante chargeait la fleur et faisait pencher sa tête si belle. […] Puis on l’avertit que le vin est oublié, et il s’en charge, suspendant les cruchons par les anses au ceinturon de son sabre de parade : un beau manteau rouge couvre et cache le tout. […] Là, sur la levée, se tient fermement enraciné notre bouquet d’ormes favoris, que notre regard au passage n’oublie jamais, et qui servent de rideau à la cabane solitaire du berger ; tandis que loin, à travers et par-delà le courant qui de ses flots, comme d’un verre fondu, incruste la vallée, le terrain en pente recule jusque vers les nuages, déroulant dans sa variété infinie la grâce de ses nombreuses rangées de baies, la tour carrée, la haute flèche d’où le son joyeux de la cloche vient expirer en ondulant jusqu’à l’oreille qui l’écoute, des bosquets, des bruyères, et des villages fumant dans le lointain. — Ces scènes-là doivent être belles qui, vues chaque jour, plaisent chaque jour, et dont la nouveauté survit à l’habitude et au long examen des années.

1490. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Mais ici nous sommes chez Louis XIV, dans le plus beau de son règne et de son œuvre ; M.  […] Dans son enfance, beau, grave, sérieux et prudent, il n’avait pas autant de vivacité que d’autres enfants élevés auprès de lui et qui se croyaient plus d’esprit que lui (M. de Guiche, le chevalier de Rohan, Tréville, etc.). […] Rousset lui-même nous procure la plus belle preuve des hautes qualités royales, dans le Mémoire dicté par Louis XIV sur la campagne de 1672, et sur les motifs qui la lui firent entreprendre. […] » Ce mot proféré par Louis XIV, au plus beau moment de sa jeunesse et dans la plus grande ivresse de la conquête, me paraît répondre dignement à un autre mot prononcé par lui au moment le plus triste et le plus critique de son règne, sous le coup des plus grands désastres. […] Boileau (et je ne parle pas ici du poète louant en public, mais de l’homme de sens s’épanchant dans la familiarité), Boileau était d’un tout autre avis ; il entrait, nous assure-t-on, dans une espèce d’enthousiasme lorsqu’il parlait de Louis XIV, et l’on a recueilli de ses lèvres ces propres paroles, qui renferment un si bel éloge sous forme littéraire : « C’est, disait-il, un prince qui ne parle jamais sans avoir pensé ; il construit admirablement tout ce qu’il dit ; ses moindres reparties sentent le souverain ; et quand il est dans son domestique, il semble recevoir la loi plutôt que la donner. » Ce dernier trait se rapporte à la facilité de vivre du roi dans son intérieur et à son égalité d’humeur avec tout ce qui l’entourait.

1491. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Mais toutes les circonstances du dehors ont beau être favorables, elles restent vaines lorsqu’on a l’aiguillon au-dedans. […] » Il jouissait de leur extravagance, il les taquinait même au besoin pour la leur faire déployer ; il les invitait ou les accueillait, un peu pour les regarder, comme on voit devant soi des chevaux courir : puis, quand il les avait quittés et le soir venu, il couvrait des pages d’une écriture sans rature du récit de ces conversations, en se donnant tout simplement le beau rôle et en faisant dire, comme Socrate, à ses interlocuteurs plus de sottises encore qu’il ne leur en était sans doute échappé. […] Delécluze ait eu peu d’illusions en aucun temps, nous assure-t-il, et qu’il soit à peu près uniformément satisfait de tous les pas de sa carrière, il est pourtant un moment qui, a ses yeux, eut une importance décisive et qui se peint en beau dans son imagination : c’est l’heure de son entrée dans la carrière littéraire, lorsque ayant renoncé décidément au crayon pour la plume, il fit ses premières armes au Lycée, petite revue distinguée qui parut vers 1819, et lorsque ensuite, après deux ou trois années de prélude, il fut admis parmi les rédacteurs des Débats. […] C’est ce moment, — le vraiment beau moment de M.  […] Eugène Viollet-le-Duc, élevé par lui librement, philosophiquement, mis de bonne heure à même des belles choses, entouré des bons et beaux exemplaires en tout genre, est devenu l’homme distingué que nous savons, le restaurateur le plus actif et le plus intelligent de l’art gothique en France, ayant en toute matière des idées saines, ouvertes, avancées, et maniant la parole et la plume aussi aisément que le crayon ; j’ajouterai qu’à en juger par ses directions manifestes, il n’a guère en rien les doctrines de son oncle ; et c’est en cela que je loue ce dernier de n’avoir point appliqué, dans une éducation domestique qu’il avait tant à cœur de mener à bien, de vue exclusive ni de système personnel et oppressif.

1492. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Denain mérite donc d’être connu, étudié comme Rocroy, d’autant plus que le récit de ce beau fait d’armes offrait des points douteux et non éclaircis, des obscurités qui n’ont été levées que dans ces derniers temps. […] Il fut très beau à Malplaquet et le lendemain. […] Nos fascines seront les corps des premiers de nos gens qui tomberont dans le fossé. » Ces rivalités jalouses sur un si beau fait d’armes accompli de concert sont misérables. […] Dans toute sa carrière active antérieure, il a montré l’instinct et le sentiment de la grande guerre, de brillantes et solides parties, des talents de plus d’un genre qui le classent comme capitaine à une belle place entre ceux qui viennent après les plus grands. Denain, le salut de la France, les beaux sièges qui suivent, tout cela est d’un homme heureux, trop heureux pour ne pas être digne des faveurs de la fortune.

1493. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

tous sans distinction, les plus belles toiles comme les plus médiocres, doivent disparaître dans un temps donné ; la gravure perpétuera la composition et les traits, non les couleurs. […] Delacroix, son voyage en Afrique, qui nous a valu tant de toiles charmantes et d’une fidélité si locale. — Oui, ce sont bien là les intérieurs garnis, à hauteur d’homme, de carreaux de faïence formant des mosaïques comme dans les salles de l’Alhambra, les fines nattes de jonc, les tapis de Kabylie, les piles de coussins et les belles femmes aux sourcils rejoints par le furmeh, aux paupières bleuies de kh’ol, aux joues blanches avivées d’une couche de fard, qui, nonchalamment accoudées, fument le narguilhé ou prennent le café que leur offre, dans une petite tasse à soucoupe de filigrane, une négresse au large rire blanc. » C’est sur cet admirable petit tableau que finissait le premier article57. […] Hook. — Plus d’une fois elle a passé devant les yeux de notre âme, cette barque qui porte un négrillon à la poupe et de beaux jeunes gens vêtus des sveltes costumes dont Yittore Carpaccio habille ses Magnifiques ; plus d’une fois aussi nous avons vu en songe se pencher du haut des terrasses blanches ces belles filles aux tresses d’or crespelées, aux robes de brocart d’argent, aux colliers et aux bracelets de perles, qui jettent un baiser avec une fleur au galant haussé sur la pointe du pied !    […] Il est allé renouveler et rafraîchir cette impression à sa source, et il l’a exprimée de plus belle dans toutes ses finesses et tous ses chatoiements, lors de l’Exposition de Londres, en 1862. […] Une sorte de fraternité s’établit à l’instant entre les hôtes ; les beaux yeux d’Isabelle, l’ingénue de la troupe (et véritablement honnête en effet), n’y nuisent pas.

1494. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Cet écran est d’une grandeur médiocre : du côté du tableau, c’est Madame Royale peinte en miniature, très ressemblante, environ grande comme la main, accompagnée des Vertus, avec ce qui la fait reconnaître : cela fait un groupe fort beau et fort charmant. Vis-à-vis de la princesse est le jeune prince, beau comme un ange, d’après nature aussi, entouré des Grâces et des Amours ; cette petite troupe est fort agréable. […] L’autre côté de l’écran est d’une très belle et très riche broderie d’or et d’argent. […] L’abbé d’Estrades demanda le passage des troupes françaises à travers le Piémont, pour qu’elles allassent occuper cette citadelle de Casai, vendue à la France à beaux deniers comptants. […] Réservons ce beau sujet bien fait pour tenter tout peintre moraliste qui ne craint pas d’entremêler dans une figure les lumières et les ombres.

1495. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Ce dernier, Browne, en même temps qu’il est moderne et encourageant par certaines de ses vues, a des retours d’une belle tristesse et d’un profond scepticisme sur les naufrages du passé : « L’injuste oubli, dit-il, secoue à l’aveugle ses pavots, et traite la mémoire des hommes sans distinguer entre leurs droits à l’immortalité. […] Le plus beau et le plus compliqué génie poétique de l’Angleterre, Milton, est apprécié et développé par M.  […] Sa complexité morale, son unité, les contradictions qu’il assemble et qu’il coordonne en lui, sa stabilité d’âme et de génie, tout cela est peint, analysé, reproduit en plus de cent pages qui sont des plus belles par la pensée comme par le ton, et tout à fait à la hauteur de leur objet ; j’en détache quelques traits décisifs : « La science immense, la logique serrée et la passion grandiose, voilà son fond. […] Il persista et il vint à bout de son projet ; il apprit presque tout ainsi de lui-même, allant à son gré à travers les auteurs, se faisant tout seul sa grammaire, et son plaisir était de traduire en vers les plus beaux passages qu’il rencontrait chez les poètes grecs ou latins. […] On trouvera cela beau peut-être au point de vue de l’inspiration et de la verve ; c’est original du moins, et on y doit admirer une faculté de transposition singulière et puissante.

1496. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

» Et il part de là pour réfuter : c’est se faire beau jeu en commençant. […] remy pour déployer toute sa théorie contradictoire, et il s’attaque courageusement à cette belle idylle intitulée l’Aveugle. […] Heureusement, dans le bel Hymne à Apollon attribué à Homère, on lit ce passage dans lequel le divin aveugle n’est pas présenté autrement que ne l’a fait Chénier, si abreuvé de ces sources habituelles : « … Elles (les jeunes filles de Délos), elles savent imiter les chants et les sons de voix de tous les hommes ; et chacun, à les écouter, se croirait entendre lui-même, tant leurs voix s’adaptent mélodieusement ! […] Fénelon est un de ces beaux noms dont on use volontiers : bien des gens qui n’ont guère de christianisme sont toujours prêts à dire qu’ils sont de la religion de Fénelon ; dans ce cas-ci, nous laisserons donc M. […] Nous avons nous-même remarqué autrefois que certaine ébauche d’élégie, la Belle de Scio, a l’air exactement d’avoir été composée au sortir de Nina, l’opéra-comique de Dalayrac et de Marsollier.

1497. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Ainsi, pour ses articles des Débats, les belles choses restaient, et les mauvaises disparaissaient d’un trait de plume. […] « Épouvanté, j’ai beau crier à mes enfants : N’oubliez pas le français ! […] Partout se révèle et perce un amour-propre presque puéril, qui en toutes choses se préfère naïvement aux autres, qui se donne le beau rôle en le leur refusant, qui se pose en victime et tranche du généreux. […] Nous autres littérateurs, en entendant d’abord ces lectures, séduits par les beaux morceaux, nous n’avions pas été assez sensibles à ce défaut capital ; mais le public, moins attentif à la main-d’œuvre et aux détails, il ne s’y est pas trompé, et il n’a pas agréé l’homme à travers l’écrivain. […] » qui se pose aussi cette autre question plus coquette et dont la fatuité fait sourire : « Quelque belle femme avait-elle deviné l’invisible présence de René ? 

1498. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Le présent volume doit s’ajouter comme un complément indispensable aux vingt-deux volumes d’Œuvres et aux onze volumes de Correspondance de Fénelon, c’est-à-dire à la très belle et très bonne édition de Paris (1820-1829), à laquelle ont présidé l’abbé Gosselin et l’abbé Caron. […] Je sais, en parlant ainsi des lettres de Fénelon, les exceptions qu’il convient de faire : il y en a de très belles de tout point et de très solides, telles que celle à une dame de qualité Sur l’éducation de sa fille, telles que les Lettres sur la religion qu’on suppose adressées au duc d’Orléans (le futur Régent), et qui se placent d’ordinaire à la suite du traité De l’existence de Dieu. […] De même que l’Entretien qui nous a été conservé de Pascal et de M. de Saci est un des plus beaux témoignages de l’esprit de Pascal, de même ces Entretiens transmis par Ramsay donnent la plus haute idée de la manière de Fénelon, et surpassent même en largeur de ton la plupart de ses lettres. […] Parmi les plaisanteries qu’on y rencontre, il en est quelques-unes qui ont trait à la querelle des Anciens et des Modernes, laquelle était alors flagrante au sein de l’Académie et qui se rallumait de plus belle, précisément quand la paix se signait en Europe. […] Il est assez singulier qu’une telle parole se rencontre dans la bouche du Sauvage américain, mais elle n’en est pas moins belle et parfaite, et digne qu’on l’inscrive à la suite des pages de Fénelon.

1499. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Ainsi, à côté de la jeune miss Ives, il est trop question de cette mère presque aussi belle que sa fille, de cette mère qui, lorsqu’elle est près de confier au jeune homme le secret qu’elle a saisi dans le cœur de son enfant, se trouble, baisse les yeux et rougit : « Elle-même, séduisante dans ce trouble, il n’y a point de sentiment qu’elle n’eût pu revendiquer pour elle. » C’est une indélicatesse de tant insister sur cette jolie maman. […] La scène à Londres, où il la revoit vingt-sept ans après, lui ambassadeur, elle veuve de l’amiral Sutton, et lui présentant ses deux enfants, serait belle et touchante, si quelques traits non moins choquants ne la déparaient. […] Milton lui donnait pourtant une belle et pure leçon. […] Le soleil se levait plus beau ; il remettait la fleur à sa boutonnière, sortait par la porte de derrière de son enclos, et retrouvait joie, liberté, insouciance, coquetterie, désir de conquête, certitude de vaincre, de une heure jusqu’à six heures du soir. […] Et même quand il ne peut plus bouger de son fauteuil, et quand tous le jugent baissé et absent, il mérite que celle qui avait si bien senti et fait durer sa nature poétique dise encore de lui : Chateaubriand est dans une belle langueur.

1500. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Autrefois, la belle Hypatie, célèbre mathématicienne et astronome, avait été lapidée à Alexandrie par le peuple. Mme du Châtelet, qui était moins belle, à ce qu’il semble, et qui n’avait pas non plus toutes les vertus d’Hypatie, ne fut point lapidée comme elle, mais elle essuya les fines moqueries de ce monde où elle vivait, le plus spirituel des mondes et le plus méchant. […] Je vous avoue que je suis outrée… C’est là une plainte d’amante qui est dans son droit ; mais, au même moment, elle l’aime ; elle l’appelle « une créature si aimable de tout point » ; elle ne voit que lui dans l’univers, et le proclame sans trop de prévention « le plus bel ornement de la France ». […] Elle a beau ajouter : « Mais à quoi lui sert tant de gloire ? […] Mais un tel accord de deux êtres si à l’unisson lui semble trop beau : Un cœur, capable d’un tel amour, dit-elle, une âme si tendre et si ferme, semble avoir épuisé le pouvoir de la Divinité ; il en naît une en un siècle ; il semble que d’en produire deux soit au-dessus de ses forces, ou que, si elle les avait produites, elle serait jalouse de leurs plaisirs si elles se rencontraient.

1501. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Le texte, typographiquement, est admirable ; les titres sont d’un grand goût ; les portraits sont beaux : je ne trouve à blâmer que les espèces de vignettes qui terminent les pages à la fin des chapitres, et qui font ressembler par moments ce volume royal à un livre d’illustrations : ces enjolivements, dont le sujet est souvent énigmatique, ne conviennent pas à la gravité monumentale de l’édition. […] « Il a été grand surtout dans les moments les plus critiques, a dit Napoléon ; c’est le plus bel éloge que l’on puisse faire de son caractère. » Ce caractère moral est ce qui ressort encore chez Frédéric à travers le guerrier, et qui demeure bien au-dessus ; ç’a été une âme d’une forte trempe et un grand esprit qui s’est appliqué à la guerre parce qu’il le fallait, plutôt que ce n’était un guerrier-né. […] La Prusse n’était arrivée véritablement à compter pour quelque chose dans le monde et à mettre, comme il dit, son grain dans la balance politique de l’Europe, que du temps du Grand Électeur, contemporain des beaux jours de Louis XIV. […] Il s’étend sur ce règne avec complaisance ; il va même jusqu’à oser établir un parallèle entre ce petit prince du Nord et Louis XIV dans sa gloire : sauf deux ou trois traits un peu fleuris et trop mythologiques, sauf un léger accent oratoire qui perce çà et là, cette comparaison fournit à une belle page historique et d’une véritable élévation. […] Si l’on joint à cette narration si noble et si unie les lettres qu’il écrivait à Voltaire durant le même temps, on assistera au plus beau moment de Frédéric, à la crise d’où il sortit avec la persévérance la plus héroïque et la plus glorieuse.

1502. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Le père de Florian avait été au service, dans la cavalerie ; un de ses oncles, qui avait servi également, grand amateur du beau sexe, épousa une nièce de Voltaire. […] Dans ton beau roman pastoral, Avec tes moutons pêle-mêle, Sur un ton bien doux, bien moral, Berger, bergère, auteur, tout bêle. […] Il allait à ce beau et riant château du Marais qu’aucun de ceux qui l’ont visité ne saurait oublier, et là il présidait à la représentation de quelqu’une de ses pièces. […] Or, dans la première quinzaine de septembre 1793, le château privilégié réunissait encore, au sein de sa douce et fraîche vallée, une vingtaine de personnes de tout âge, hommes, femmes, tous plus ou moins menacés, et qui, au milieu de ces idées de ruine, de prison et de mort même, dont chacun était environné alors, tâchaient d’oublier l’orage et de jouir ensemble des derniers beaux jours. […] » Il ajoutait que, s’il mourait, il voulait être enterré dans ce beau jardin, et il désignait même la place.

1503. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Les lettres de Mme des Ursins, même dans la fuite et les disgrâces, ne respiraient que courage et espérance ; mais, à partir de ce moment, elles prennent une teinte marquée d’enjouement et de raillerie brillante, qui nous la montre dans tout son beau. […] Le mot de détrônement est lâché ; elle aura beau le vouloir rétracter ensuite, Mme des Ursins le lui rappellera sans cesse, et ne le lui pardonnera jamais. […] Ces deux femmes célèbres sont belles, à certains moments, chacune dans son rôle, et il est telle lettre de Mme de Maintenon (celle du 23 décembre 1708, par exemple), dans laquelle elle expose son sentiment religieux et résigné avec une justesse, une fermeté et une noblesse de ton si imposante qu’elle arrache un cri d’admiration à celle même qui la contredit. […] Malgré d’heureuses et rares exceptions, il est bien clair que le beau siècle se gâte ; les jeunes femmes de ce temps-là sont étranges de mœurs et de manières ; elles vont être les femmes de la Régence. […] Il faut lire dans le bel Éloge que Montesquieu a esquissé du maréchal, l’aperçu de cette campagne et de la précédente : « Les Portugais vont à Madrid, et le maréchal, par sa sagesse, sans livrer une seule bataille, fit vider la Castille aux ennemis, et rencoigna leur armée dans le royaume de Valence et l’Aragon.

1504. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Mais quelques années après (1787), dans un procès que le mari poursuivait contre elle, Bergasse, avocat et conseil de Kornman, rencontrant le nom de Beaumarchais et cette quantité de grands personnages qui s’étaient intéressés pour la belle coupable, en tira parti dans son Mémoire, et fit, contre Beaumarchais notamment, une sortie violente qui amena celui-ci à porter plainte en diffamation. […] En 89, il habitait encore la Vieille-Rue-du-Temple ; mais, dès ce temps, il avait son beau jardin et sa maison qu’il faisait bâtir sur le boulevard, à l’angle, en face de la Bastille, et que nous avons tous pu voir dans notre jeunesse. […] En rabattant de l’exaltation bien naturelle à un vieillard, plein d’imagination, qui se souvient de son plus beau moment de gloire, on sent en plus d’un passage l’accent de la conviction et d’une sincérité persuasive Beaumarchais, dans ses souvenirs, oubliait sans doute bien des détails qui eussent apporté de l’ombre au tableau, mais il avait raison en parlant de cet intérêt public, de cet aspect patriotique et général sous lequel avait toujours eu soin de placer et de voir même son intérêt particulier. […] » Dans une de ses lettres finales, nous surprenons de lui un espoir ou du moins un désir sur l’immortalité de l’âme : Je n’aime pas, disait-il à un ami, que, dans vos réflexions philosophiques, vous regardiez la dissolution du corps comme l’avenir qui nous est exclusivement destiné ; ce corps-là n’est pas nous ; il doit périr sans doute, mais l’ouvrier d’un si bel assemblage aurait fait un ouvrage indigne de sa puissance s’il ne réservait rien à cette grande faculté à qui il a permis de s’élever jusqu’à sa connaissance ! […] Beaumarchais, si attaqué, si calomnié, n’eut jamais de haine ; si l’on excepte Bergasse, qu’il a personnifié dans Bégearss avec plus de mauvais goût encore que de rancune, il avait raison de dire et de répéter : J’ai reçu de la nature un esprit gai qui m’a souvent consolé de l’injustice des hommes… Je me délasse des affaires avec les belles-lettres, la belle musique et quelquefois les belles femmes… Je n’ai jamais couru la carrière de personne : nul homme ne m’a jamais trouvé barrant ses vues ; tous les goûts agréables se sont trop multipliés chez moi pour que j’aie eu jamais le temps ni le dessein de faire une méchanceté.

1505. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Montesquieu, parlant de la Relation du voyage entrepris et raconté par l’amiral carthaginois Hannon, a dit : C’est un beau morceau de l’Antiquité que la Relation d’Hannon : le même homme qui a exécuté a écrit ; il ne met aucune ostentation dans ses récits. […] Quand Venise, qui a joué un jeu double, s’accommode par le canal de l’Espagne avec l’archiduc de Gratz, Louis XIII s’en montre offensé ; il s’en plaint comme étant fraudé d’un de ses plus beaux droits, qui est de tenir la balance : « Il semble, écrit-il, que pour tomber en une ingratitude volontaire, elle (la république de Venise) ait voulu, s’exemptant de reconnaissance envers moi, me priver de la gloire qui m’était due pour la conclusion d’un si bon œuvre, en la transférant à un autre. » Voilà le doigt de Richelieu et son cachet dans les affaires étrangères en cinq mois de passage au ministère, et au milieu des troubles civils qui semblaient compromettre l’existence même de l’État. […] Les flatteries l’emportèrent jusque-là qu’il crut que toutes les louanges qu’on lui donnait étaient véritables, et que la grandeur qu’il possédait était moindre que son mérite… Il était plein de belles paroles et de promesses qu’il ne tenait pas fidèlement ; mais, lorsqu’il donnait des paroles plus absolues, c’est alors qu’on était plus assuré de n’avoir pas ce qu’il promettait ; et, lorsqu’il promettait le plus son affection, c’était lorsqu’on avait plus de sujet d’en être en doute : tant il manquait de foi sans en avoir honte, mesurant tout l’honneur à son utilité ! […] Après la mort de Luynes, Richelieu n’entre pas encore au ministère ; les ministres qui sont en cour le redoutent, lui sachant tant de lumières et de force de jugement ; ils retardent le plus qu’ils peuvent le moment où le roi prendra de lui quelque connaissance particulière, de peur de le voir aussitôt à la tête des affaires : « J’ai eu ce malheur, dit-il, que ceux qui ont pu beaucoup dans l’État m’en ont toujours voulu, non pour aucun mal que je leur eusse fait, mais pour le bien qu’on croyait être en moi. » Ils ont beau faire, ils ont beau s’opposer à la destinée et s’enfoncer chaque jour dans leurs dilapidations et dans leurs fautes, le moment approche, il est venu, Richelieu désormais est inévitable. […] Il ne saurait admettre que, dans un État, tout le monde indifféremment soit élevé pour être savant : « Ainsi qu’un corps qui aurait des yeux en toutes ses parties serait monstrueux, dit-il, de même un État le serait-il, si tous ses sujets étaient savants ; on y verrait aussi peu d’obéissance que l’orgueil et la présomption y seraient ordinaires. » Et encore : « Si les lettres étaient profanées à toutes sortes d’esprits, on verrait plus de gens capables de former des doutes que de les résoudre, et beaucoup seraient plus propres à s’opposer aux vérités qu’à les défendre. » Il cite à l’appui de son opinion le cardinal Du Perron, si ami de la belle littérature, lequel aurait voulu voir établir en France un moindre nombre de collèges, à condition qu’ils fussent meilleurs, munis de professeurs excellents, et qu’ils ne se remplissent que de dignes sujets, propres à conserver dans sa pureté le feu du temple.

1506. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Mais la tige est assez belle pour qu’on regrette ce qu’eût été le fruit et pour qu’on l’imagine ; mais ces Essais, qui furent l’honneur de la Revue d’Édimbourg, et qui témoignent d’un talent plus grand dans le jeune homme qui les publia que les pages de sa maturité, disent suffisamment ce que Macaulay aurait pu être s’il n’avait pas préféré les faits politiques aux faits esthétiques, et s’il n’eût pas abandonné la littérature pour l’histoire. […] Or, à l’exception de quelques poètes — exception partout — emportés par cette belle démence dont parle Shakespeare, et dont le génie traîne la volonté après soi, comme le cheval sauvage traîna Brunehault, la littérature désintéressée a toujours fort peu existé en Angleterre, dans ce pays de l’intérêt dont Bentham a théorisé les pratiques ; et Macaulay eut l’ambition de son pays. […] Son Jacques II, que je n’ai pas à juger ici, et son Guillaume III, qui en est le corollaire, ne sont, au fond, qu’une thèse whig très passionnée… Du reste, dès sa jeunesse, le whig tenait si fort Macaulay, que, dans son article sur Milton, — certainement une des plus belles choses qu’il ait écrites et l’une des plus belles qu’on ait écrites sur ce grand poète, — il se laisse emporter par son whigisme de la manière la plus… juvénile dans un hors-d’œuvre brillant, audacieux et colère. […] Cependant, ces articles, — excepté le Milton, qui est, comme profondeur d’étude, intussusception et caractérisation du génie d’un poète, de la plus souveraine beauté, — ces articles ne sont pas les plus beaux de la collection de Macaulay, qui écrivit un Milton encore (il ne pouvait, à ce qu’il paraît, s’assouvir de Milton), et un Bacon, et un Byron, qu’on nous donnera plus tard, j’espère. […] Les plus beaux génies, ces fleurs pourpres qui s’épanouissent dans le cerveau, ont leurs racines dans le sang de nos cœurs, et ce que les Livres Saints appellent : « le sel de la sagesse », n’est probablement que le sel des pleurs que nous avons répandus !

1507. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il était de la race la plus distinguée des esprits, capable d’abstraction toute-puissante, avec la passion à côté, l’enthousiasme, toutes les grâces naïves et les noblesses de cœur qui font à un homme la plus belle aristocratie, et, malgré tout cela, c’est pourtant l’écrivain que, dans le silence dont nous nous plaignions pour lui au commencement de ce chapitre, un critique d’un talent aigu, mais épointé, ce jour-là, par le préjugé philosophique, n’a pas craint d’appeler « un marguillier ». […] Il ne l’a pas trouvé même en France, sa belle patrie ; car le livre que voici, qu’on a republié avec une obstination courageuse, y existait depuis plus de trente ans comme un diamant dans une caverne, et les têtes philosophiques de la Revue des Deux-Mondes, qui revoit, mais qui ne voit pas, n’en ont jamais dit le moindre petit mot, et les lunetiers de l’Académie des sciences morales n’ont pas aperçu le diamant. […] … Jamais de plus belles et de plus profondes paroles n’ont été écrites sur la destinée et la nature humaines. […] tu n’es plus beau ! — Mais on lit avec goût et avec empressement, par exemple, Hartmann et Schopenhauer, qui ne sont ni beaux ni vrais, mais qui ont le bonheur d’être dans le faux — un faux affreux ! 

1508. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Mais Byron, comme les poètes absolument grands, avait les toutes-puissantes qualités de la Nature immortelle qui se purifie de ses propres orages, et fait venir ses plus belles moissons dans du sang. […] Le Génie en patois est encore du génie, et parce qu’il n’a pas le soutien d’un idiome riche, harmonieux, complet, comme la grandeur dans l’indigence, il n’en est, — à nos yeux du moins, — que plus beau ! […] Et le meilleur conseil à donner à tous ceux qui ont du talent et même à ceux qui ont du génie, c’est de le mêler à la sainte poussière du pays, c’est de le faire rentrer, ce génie, dans cette terre sacrée, afin qu’un jour il en ressorte, fils du sol, beau comme le coursier de Neptune ! […] Tout devient si beau quand on se retourne, — et surtout quand on ne peut revenir ! […] Coquillage des bords de la Bretagne, mis sur l’étagère des belles dames, il y bourdonne les bruits lointains des flots de la mer… Cela fait rêver et ne fait pas souffrir… Cela est presque joli à entendre.

1509. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delair, Paul (1842-1894) »

Il pétillait de détails ingénieux et de beaux vers. […] De belles pensées graves, une pitié profonde pour les humbles et les petits, ont une certaine parenté avec les vers émus des Pauvres gens, de Victor Hugo.

1510. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Levengard, Pol = Loewengard, Pol (1877-1917) »

Inégales de valeur sont les pièces qui composent les Pourpres mystiques, car plusieurs d’entre elles témoignent de quelque négligence dans le fond autant que dans la forme ; mais ce livre est une belle promesse. […] Esther, macérée dans les aromates, lui est plus proche qu’Hélène, fille de Léda et du cygne, et l’implacable soleil, le Baal dévorateur, plutôt qu’Apollon ou le pâle Galiléen, recevra son hommage orgueilleux, en versets d’une belle et forte langue.

1511. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 320-321

quoi, dans un âge si tendre, On ne peut déjà vous entendre, Ni voir vos beaux yeux sans mourir ! […] soyez jeune Iris, ou plus grande, ou moins belle ; Attendez, petite cruelle, Attendez, pour blesser, que vous sachiez guérir.

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