Les géologues ne voient aujourd’hui, dans la Thessalie bouleversée, que la secousse d’un tremblement de terre et le passage des eaux diluviennes ; mais pour Eschyle et ses contemporains, ces plaines ravagées, ces forêts déracinées, ces blocs arrachés et rompus, ces lacs changés en marais, ces montagnes renversées et devenues informes, c’était quelque chose de plus formidable encore qu’une terre dévastée par un déluge ou remuée par les volcans ; c’était l’effrayant champ de bataille où les titans avaient lutté contre Jupiter.
Où sont les terres promises ? […] Aujourd’hui pour toute la terre la France s’appelle Révolution ; et désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le mot Harmonie.
Malo, d’avoir prétendu qu’on modifie l’ame avec de l’opium , qu’on fait naître des anguilles avec de la farine délayée, & des poissons avec des grains de bled ; qu’on pourroit naviger tout droit, directement sous le pôle arctique , & faire un trou qui allât jusqu’au centre de la terre, attendu que, pour l’ouverture de ce trou, il faudroit excaver au moins toute l’Allemagne ; ce qui porteroit un préjudice notable à la balance de l’Europe . […] Ils appellèrent de l’opinion qu’on vouloit en donner aux vers faits à sa louange, pour être mis au bas de son portrait, où il est représenté en lapon applattissant les pôles de la terre.
C’est que le musicien vous envoie les sons mêmes et que ce que le peintre broie sur sa palette, ce n’est pas de la chair, du sang, de la laine, la lumière du soleil, l’air de l’atmosphère, mais des terres, des sucs de plantes, des os calcinés, des pierres broyées, des chaux métalliques. […] L’une adore, le visage contre terre ; l’autre a vu le prodige.
Quand nous sommes éloignés de la patrie, nous nous rappelons toujours avec délices les jours où nous vivions sous les arbres qui ombragèrent notre berceau ; nous aimons à retracer à notre mémoire et la prairie et le ruisseau et la forêt qui étaient près du toit paternel : nous visitons mille contrées fameuses ; nous admirons les aspects les plus variés d’une nature tantôt belle, tantôt agreste et sauvage ; mais nulle part il ne sort de la terre que nous foulons sous nos pieds des souvenirs animés ; nulle part nous ne reconnaissons et le vent et la lumière et les ombres. […] car, pour se trouver étranger, il n’était pas nécessaire d’être transporté sur une terre étrangère par la rigueur des événements, comme les Israélites sur les bords des fleuves de Babylone ; nous fûmes souvent, et plusieurs d’entre nous sont encore comme des voyageurs égarés sur le sol natal lui-même.
La charrue laboure au pied de la Croix, dans le cercle des épées, magnifique élection de domicile des nations modernes sur la terre ! […] Il aurait vu, enfin, que l’Europe, à son tour, cette Europe qui, à elle toute seule, est le monde, n’est, au fond, qu’une seule famille : la famille d’Abraham, dominant la terre par les juifs, les chrétiens et les musulmans, et il aurait compris que les luttes de l’Europe, quelles qu’elles aient été et quelles qu’elles soient encore, sont des luttes dans le même esprit, et que le glaive qu’elle tient, comme le glaive qui tournait dans la main du chérubin de l’Éden, n’est que le même glaive.
La nature lui avait donné une tête puissante et calme, un cerveau de Dieu de la terre… Mais la main de l’Espagne de saint Isidore s’était empreinte sur le crâne baptisé par elle, et cette marque, il ne put jamais l’effacer. […] Sans doute, la chronique est encore une forme intéressante de l’histoire, mais Charles-Quint, comme tous les personnages qui font question dans les Annales du monde, échappe à la chronique par la profondeur de son caractère ; et quelque dévoué que l’on soit à ramasser les épingles que l’histoire laisse parfois tomber, il y a mieux pourtant que ce travail de bésicles et de flambeau par terre, quand il s’agit d’un homme qu’il faut regarder en plein visage pour le pénétrer.
Pour la première fois, ces barons, qui avaient inventé le mot méprisant, en parlant d’un État ou d’une terre : « tomber en quenouille », respectèrent celle-ci comme une masse d’armes, et ployèrent sous ce gouvernement d’une femme qui était mère du Roi et qui avait le sentiment de la Royauté de son fils. […] Wallon, « plaident les circonstances atténuantes en faveur du Saint », n’ont pas seulement l’air de se douter de ce qu’eût perdu la Royauté, du temps de Saint Louis, s’il n’avait pas été le Saint qu’il fut, l’enfant sans péché mortel de la Reine Blanche, l’homme qui, sur la terre, a été certainement le plus près, par la ressemblance, de Notre Seigneur Jésus-Christ, et qui fit autant que le peut une créature humaine régner avec lui Jésus-Christ, à une époque qui avait l’amour de Jésus-Christ !
Parti de la notion même de l’Église, de sa nécessité, de sa constitution, de son autorité, de rétablissement sur terre de son chef, de sa puissance coercitive, il a comparé la réalité à l’idéal ; et, devant le type décrit et complet d’une Église enseignante, il examine l’Église telle qu’elle est dans le monde, il en interroge la doctrine générale et ses sources. […] Il faut prendre l’homme par quelque endroit de son esprit ou de son cœur, pour l’arracher à la terre et l’élever vers Dieu.
puisqu’il n’échappa pas à l’ivresse de cet horrible spiritueux de son temps, qui jeta par terre les esprits les plus fermes quand elle ne les jeta pas sous le couteau… La vie des poètes est rarement poétique. […] André Chénier, qui, toute sa vie, s’était englouti dans le monde et les choses de l’Antiquité, André Chénier, ce patient et laborieux mosaïste, qui incrustait le détail antique avec un art si profond et si subtil dans l’expression des sentiments et des choses modernes, remonta par l’horreur vers le Dieu auquel il n’avait peut-être jamais pensé, et il jeta cette clameur des Iambes, le cri de la foi passionnée, la plus magnifique torsion d’âme et de main désespérées autour d’un autel invisible, la plus intense prière, enfin, que l’imagination d’un poète révoltée des abominations de la terre ait jamais élancée vers Dieu !
D’abord, ce n’est pas lui, pour avoir plus vite fait, qui a abrégé les offices du roman comme il sait l’écrire ; car c’est un de ces esprits difficiles et vaillants, dédaigneux de l’improvisation, qui veulent que toute œuvre ait ses escarpements et son labeur, et qui savent, par leur expérience, que l’homme est condamné à manger à la sueur de son front, comme le pain de la terre, le pain de sa pensée ; c’est une de ces organisations d’écrivain, aux mâles mécontentements d’elles-mêmes, toujours prêtes à la rature, à la correction, au changement incessant, mouvement perpétuel de l’esprit à la recherche de l’idéal, et que personne de cette époque, dit-on, n’eut au même degré que les deux plus grands, Chateaubriand et Balzac. […] On sent que pour résister à cette poignante et cruelle ironie de l’ange qui regarde la terre et lève les épaules sous ses ailes, — dernier mouvement de la femme que la religieuse n’ait pas réprimé, — il faut que Christian ait jeté dans l’âme troublée d’Éliane de bien brûlantes impressions.
Il déguisa son nom et sa naissance, et vécut plusieurs années inconnu, errant de ville en ville, et de pays en pays, manquant de tout, réduit le plus souvent, pour subsister, à labourer la terre, ou à cultiver des jardins, maniant tour à tour la charrue et la bêche, et honorant cet état par son courage. […] Smyrne ayant été renversée par un tremblement de terre, les habitants le prièrent d’écrire à l’empereur.
Tous les objets dont on s’y occupe sont grands, et en même temps sont utiles ; c’est l’empire des connaissances humaines ; c’est là que vous voyez paraître tour à tour la géométrie qui analyse les grandeurs, et ouvre à la physique les portes de la nature ; l’algèbre, espèce de langue qui représente, par un signe, une suite innombrable de pensées, espèce de guide, qui marche un bandeau sur les yeux, et qui, à travers les nuages, poursuit et atteint ce qu’il ne connaît pas ; l’astronomie, qui mesure le soleil, compte les mondes, et de cent soixante-cinq millions de lieues, tire des lignes de communication avec l’homme ; la géographie, qui connaît la terre par les cieux ; la navigation, qui demande sa route aux satellites de Jupiter, et que ces astres guident en s’éclipsant ; la manœuvre, qui, par le calcul des résistances et des forces, apprend à marcher sur les mers ; la science des eaux, qui mesure, sépare, unit, fait voyager, fait monter, fait descendre les fleuves, et les travaille, pour ainsi dire, de la main de l’homme ; le génie qui sert dans les combats ; la mécanique qui multiplie les forces par le mouvement, et les arts par l’industrie, et sous des mains stupides crée des prodiges ; l’optique qui donne à l’homme un nouveau sens, comme la mécanique lui donne de nouveaux bras ; enfin les sciences qui s’occupent uniquement de notre conservation ; l’anatomie par l’étude des corps organisés et sensibles ; la botanique par celle des végétaux ; la chimie par la décomposition des liqueurs, des minéraux et des plantes ; et la science, aussi dangereuse que sublime, qui naît des trois ensemble, et qui applique leurs lumières réunies aux maux physiques qui nous désolent. […] Il semble qu’on soit admis dans l’atelier du génie, qui travaille en silence à perfectionner la société, l’homme et la terre.
Pressé par les prières de ses esclaves, il s’embarqua une seconde fois, et bientôt reprit terre pour se reposer dans sa maison de Formies. […] Veut-il bouleverser la terre et les races humaines ? […] … Je veux m’enfoncer dans les entrailles de la terre. Terre, ouvre-toi ! […] En 1602, il achète, sur la paroisse de Stratford, un lot de cent sept acres de terre qui venait rejoindre sa maison.
Hippolyte Babou Tonin Désaugiers n’est qu’un Boufflers d’arrière-boutique, un épicurien de comptoir ou de bureau, qui, de ses voyages en Amérique, n’a pas rapporté de plus belle découverte que la suivante : J’ai, par terre et sur l’onde, Visité l’étranger, Dans tous les coins du monde Où j’ai pu voyager J’ai vu boire et manger, qui, de son contact avec les événements et les hommes, n’a retiré, pour règle de sa vie, que cette maxime de philosophie et de morale : Aimons bien, buvons bien, mangeons bien.
Dans ce poème, car le volume n’en contient qu’un, l’auteur a fait un adieu au monde social pour se retirer dans la nature, pour vivre loin des humains et laisser errer ses rêves des cimes des montagnes aux profondeurs des mers, des abîmes du ciel à ceux de la terre.
Il en sortit huit mois après, pour cause de maladie, & fut exilé dans ses Terres en Bourgogne, où il passa dix-sept ans à cultiver les Lettres, toujours avec la même ardeur & les même défauts.
Ce n’est pas non plus l’envie de briller parmi des Nations incultes & grossieres ; d’aller faire valoir ailleurs un mérite qui n’eût été que commun dans leur patrie, qui les a transportés sur des terres étrangeres & barbares : un sentiment plus noble leur a inspiré le courage d’affronter les mers, les climats, & la mort.
Ceux qui revenaient de la Terre Sainte, de Sainte-Reine, du Mont-Saint-Michel, de Notre-Dame-du-Puy, et d’autres lieux semblables, composaient des cantiques sur leurs voyages, auxquels ils mêlaient le récit de la vie et de la mort de Jésus-Christ, d’une manière véritablement très grossière, mais que la simplicité de ces temps-là semblait rendre pathétique.
Il tente, après trois cents ans d’efforts, de réaliser l’idéal platonicien, et l’esclavage va disparaître enfin de la terre. […] Il ne faut pas relire Caïn et Ciel et Terre après les mystères bibliques d’Alfred de Vigny. […] Les hommes ne se pétrissent pas entre eux comme des morceaux de terre glaise. […] Une émotion sublime s’empara de toutes les consciences, et l’enthousiasme fit vibrer le monde, comme si l’on eût vu pour la première fois la réconciliation du ciel et de la terre ! […] Il tenait uniquement à les exterminer, en leur donnant sur la terre un avant-goût des flammes éternelles.
À mesure que le poète s’élève, il entend moins les cris de la terre, et songe moins à y répondre. […] Toutes les choses de la terre lui semblent un lien mystérieux entre la nature divine et la sienne. […] Les révolutions ne touchent qu’aux choses qui sont à plusieurs pieds de terre. […] Où va l’homme sur terre ? […] où va la terre dans le ciel ?
Victor Hugo, si attentif à s’annexer les nouvelles terres poétiques, à recréer autour de lui, dans le monde du verbe français, l’image de l’empire aux cent trente départements qu’il parcourait enfant derrière la Grande-Armée, s’était donné largement à elle dans les Chansons des Rues et des Bois. […] Lorsqu’après un discours sur la tombe de Verlaine, il demandait à un journaliste de lui rendre son manuscrit pour y remettre un peu d’ombre, il voulait dire : pour faire plus vivantes dans l’écrit les paroles prononcées, pour disposer autour de leurs racines un peu de terre mouillée, à la fois plus obscure et plus fraîche. […] Quand Didon, abordant en Afrique, demanda des terres au roi du pays, celui-ci, par dérision, lui en offrit l’étendue d’une peau de bœuf. […] Comme Antée reprenait ses forces en touchant la terre, le poète rajeunit les siennes en contemplant un ciel, un absolu, le ciel qui n’est tel, qui n’est bleu, que parce qu’il ne peut être touché. […] L’art eut à leurs yeux sa terre de légende.
Parce que Scudery aura dit dans une Epître Dédicatoire à M. le Duc de Montmorency, pour lui marquer qu'il est le premier de sa famille qui se soit fait Auteur : Je suis sorti d'une Maison où l'on n'a jamais eu de plume qu'au chapeau ; parce que son Poëme d'Alaric aura commencé par ce Vers : Je chante le Vainqueur des Vainqueurs de la Terre.
Il faudra seulement prendre garde, en les mêlant aux tremblements de terre, aux volcans ou aux ombres d’une forêt, de donner à ces scènes un caractère majestueux.
On ne peut en approfondir tous les détails ; mais on peut avoir au moins une idée générale du négoce des différentes nations qui couvrent la terre.
La grande Mademoiselle a pour logis un galetas sans fenêtres et elle gîte par terre, sur un matelas, avec sa petite sœur qui voit la « bête » et hurle de peur ; l’altière princesse n’a pour tout linge de corps que deux chemises qu’elle est réduite à faire blanchir tour à tour. […] Mais, de même qu’aux environs de 1661, la hiérarchie sociale un instant bouleversée se reforme plus sévère ; de même que les classes superficiellement mêlées se séparent, si bien qu’il se constitue deux Frances, l’une aristocratique, l’autre bourgeoise et populaire, ayant chacune ses mœurs et ses intérêts ; de même les mots de la langue se divisent en deux castes, ceux-ci nobles et réservés à une petite élite, ceux-là roturiers et abandonnés à la foule ; les genres littéraires un moment confondus s’écartent l’un de l’autre ; la comédie et la tragédie sont parquées dans deux domaines différents avec défense formelle de franchir les barrières qui les isolent ; le mélange des tons, accepté ou recherché comme quelque chose de piquant, répugne au goût nouveau ; le burlesque, où les deux faces de la vie étaient violemment confrontées de façon à faire rire aux dépens des choses graves et des grands de la terre et du ciel, tombe dans le mépris et l’oubli. […] Cette vue, nous l’avons acquise par nos propres expériences, nous la devons aux prodigieuses mutations du pouvoir et de la société qui se sont opérées sous nos yeux ; et, chose singulière, une nouvelle intelligence de l’histoire semble naître en nous, à point nommé, au moment où se complète la grande série des renversements politiques, par la chute de l’empire élevé sur les ruines de la République française, qui avait jeté à terre la monarchie de Louis XVI. » En même temps que le sens historique s’aiguisait ainsi, des idées inconnues surgissaient ; des émotions nouvelles, matière littéraire s’il en fut, sollicitaient les écrivains. […] Voilà pourquoi ceux qui ont vu de près ces grandes tempêtes sociales, qui en ont fait partie, qui ont senti la terre trembler sous leurs pieds et la foudre gronder sur leur tête, ceux-là ont été comme atterrés, écrasés par ce cataclysme inattendu. […] Le drame n’ose pas s’abaisser à la vie et au langage de tous les jours ; il reste historique et empanaché ; il parle en vers ; ses héros sont des grands de la terre ou des hommes à passions et à destinées extraordinaires, toujours des êtres d’exception ; la basse condition d’un Ruy Blas ou d’un Didier est voilée d’un manteau tissé d’images éclatantes.
Et si la terre que tu cherches n’a pas été créée encore, Dieu fera jaillir, pour toi, des mondes, du néant, afin de justifier ton audace ! […] — Pour solder les constructeurs de l’édifice, je manderai, des confins de la terre, du Japon et de l’Orient, de la Russie et de l’Amérique, divers milliers d’auditeurs, — amis, ennemis, qu’importe ! […] La Terre a regagné son innocence enfantine […] Erda Après un long silence — Confuses me sont les choses, — depuis que je suis éveillée : — sauvage et hérissée, — tourne la terre… — Ainsi, la Walküre, — l’enfant de la Wala, — expiait dans le lien du Sommeil, — durant que la Sachante Mère dormait ? […] Le Voyageur — Ô Mère, je ne te laisse pas aller, — puisque je suis maître du Charme. — Première-Sachante, — tu as piqué, jadis, — la pointe du souci — dans le hardi cœur de Wotan : — la crainte de la honteuse Fin ennemie — lui a été donnée par ta Science, — pour que l’inquiétude enchaînât son esprit. — Si tu es de la Terre — la plus sage Femme, — dis moi donc — comment le Dieu peut vaincre le souci.
Puis les flammes brûlantes adoucissent progressivement leur éclat ; dans sa sainte allégresse, la troupe des anges, souriant à la terre qu’elle abandonne, regagne les célestes hauteurs. […] Interprétation par Baudelaire30 bk M’est-il permis de raconter, de traduire avec des paroles la traduction inévitable que mon imagination fit de ce morceau, lorsque je l’entendis la première fois, les yeux fermés, et que je me sentis pour ainsi dire enlevé de terre ? […] Et dans ce dénoument de Sigurd, combien paraît froide la situation, en dépit de quelques paroles bien déclamées, comme celles de la Walkyrie : « Terre, engloutis-moi ! […] À peine en eut-il joui, qu’un désir s’éveilla en lui, indiciblement pressant : « celui d’échapper à l’éclat éblouissant de la pureté absolue » et de descendre là où habitent les hommes pour chercher « l’ombre intime d’une étreinte amoureuse. » Son œil anxieux, dit-il, avait encore découvert la femme : « la femme à laquelle du gouffre de sa mer de souffrance aspirait le Hollandais32 » ; la femme, étoile du ciel, dont le rayonnement, parvenant jusque dans la grotte du Venusberg, avait enseigné à Tannhaeuser le chemin des sphères éthérées, et qui, maintenant, des hauteurs radieuses, attirait Lohengrin sur le sein chaud de la terre. […] En Décembre 1884, après un an et demi d’existence, l’Association Wagnérienne était représentée dans quatre cents villes, et avait, environ, cinq mille membres disséminés par toutes les parties de la terre.
Considérations sur l’art wagnérien — 1 — I Par toute la terre s’il est une ville qui ne soit d’aucun lieu ; une ville ? […] Après d’effroyables violences, un silence est survenu ; alors des gémissements profonds comme souterrains font une plainte décroissante, de vagues gémissements proches d’appels et se traînant à terre en l’agonie d’une massive force qui se brise ; pourquoi cette mort et ce crime ? et parmi ces langueurs agonisantes, c’est déjà le très océaneux aperçu, le lent sublime immensément distant vers où l’on avait rêvé, le fuyant idéal, ah, par le désir de qui l’on est damné : et une force juvénile a brisé la force massive ; encore les gémissements, profonds, souterrains, décroissants et implorants, et des lamentations, les lentes plaintes des destinées évanouies : hélas, j’eus des jours victorieux, je fus puissant, je fus un regard levé au ciel, je fus heureux, je meurs, hélas, hélas ; plaintes, lamentations et gémissements, qui se traînent à terre et s’affaissent, en la vision de l’idéal et du désir qui l’a perdu ; car voilà qu’une commisération s’est élevée, large comme les sanglots mourants, comme l’éloignement des entrevus effacés, et qu’une intime commisération monte envers la brillant Siegfried des Victoires pour l’Or, et l’âme avec tant de regrets périe s’exalte en une charité, oh Fafner, âme simple, et tu dis en ta mort la pitié des quelconques chercheurs d’idéal. […] Enfin, la traversée du feu, le réveil de Brünnhilde, les noces finales, une énorme et monstrueuse effloraison de musique, comme une tropicale végétation s’élançant après tant d’années de travail intérieur, d’une terre divinement fertile. […] Dans les temps de l’antiquité, pendant que les philosophies enquéraient vainement le problème du monde, au fond de la province la plus infime de la terre les prophètes disaient en des chants de déments les mots capaces de la révélation.
» Mercredi 16 janvier Zola vient me voir… Il est embarrassé à propos du roman, qu’il doit faire maintenant : « Les Paysans. » (La Terre.) […] Il laisse échapper, que depuis quelque temps, il éprouve de telles souffrances, que maintenant, quand il va à un enterrement, il envie presque l’insensibilité de celui qu’on met en terre. […] , mon premier bouquin, j’ai parfois des colères, contre le non-vrai du livre, qui me font jeter les feuilles imprimées par terre, et les repousser du pied, loin de moi… Puis, je vais les rechercher. […] sans lui, fait-elle, on se coucherait par terre comme un chien galeux… et que la maladie… que la mort vienne… elle serait la bienvenue ! […] Comme les Rothschild ont épuisé tous les genres de chasse, et qu’il n’y a plus de bête sur la terre, qui les intéresse à chasser, on promène, le matin, une peau de cerf dans le bois, et avec des chiens au nez tout particulier, on chasse, tout l’après-midi, cette odeur de bête absente, dans une sorte de poursuite d’une ombre.
Dimanche 7 mars Le peintre Ziem, dont la parole parfois s’emballe, mais qui est toujours toute pleine d’inattendu, de trouvailles originales, arrive le premier au grenier, et se met à parler du charme de la voix des phtisiques, de cette voix de baryton qu’il a connue à Chasseriau, mort de la poitrine, de cette voix de caresse, qui est comme un suprême enlacement autour des êtres et des choses de la terre, de cette voix, dont déjà les microbes tuberculeux et tumulaires font, comme un râle du sentiment. […] Je le trouve dans son atelier du boulevard de Vaugirard, l’atelier ordinaire du sculpteur, avec ses murs éclaboussés de plâtre, son malheureux poêle de fonte, la froide humidité venant de toutes ces grandes machines de terre mouillée, enveloppées de loques, et avec tous ces moulages de têtes, de bras, de jambes, au milieu desquels, deux chats desséchés dessinent des effigies de griffons fantastiques. […] Rodin fait tourner sur les selles, les terres, grandeur nature, de ses six otages de Calais, modelés avec une puissante accusation réaliste, et les beaux trous dans la chair humaine, que Barye mettait dans les flancs de ses animaux. […] Et prenant, au hasard, dans un tas de moulages répandus à terre, Rodin nous fait voir de tout près un détail de sa porte. […] Et il nous peint Drumont blessé, sa culotte tombée à terre, sur le pas de la grange où on l’avait entraîné, tapant sur le pan de sa chemise, toute mouillée de sang, et criant exaspéré à Meyer et à ses témoins : Au Ghetto, sales juifs, vous êtes des assassins… c’est vous qui avez choisi cette maison ayant appartenu à Hirsch, et qui devait me porter malheur !
L’Amérique aura conquis la terre. […] On ira dans les astres, et, quand la terre sera usée, l’humanité déménagera vers les étoiles. […] Elle aurait voulu que la foudre l’écrasât, que la terre s’entrouvrit pour l’engloutir et l’arracher à ce supplice ! […] La terre par moments doute ; on ne comprend plus. […] Le bon Pan lui apprend à poser ses doigts sur les roseaux du syrinx et à frapper la terre d’un pied cadencé.
« Mon matelas est à terre, et moi sur mon matelas (Lettre LXXXVII). […] Lisez-le pour le bel endroit où Sénèque incline la tête de Jupiter vers la terre, et attache les regards du maître de l’univers sur Régulus et sur Caton […] pourquoi vos terres sont-elles plus cultivées que les besoins naturels ne l’exigent ? […] Les terres d’autrui me seront comme si elles m’appartenaient, et les miennes comme si elles appartenaient à autrui. […] Puisse la terre, engloutir celle de leurs provinces assez puissante un jour et assez insensée pour chercher les moyens de subjuguer les autres !
Tandis que la foule se précipitait dans les théâtres qui s’élevaient de toutes parts, le puritain, dans ses méditations solitaires, s’enflammait d’indignation contre ces pompes de Bélial et cet emploi sacrilège de l’homme, image de Dieu sur la terre. […] Le poëte est rarement propre à l’action ; sa force est hors du monde réel, et elle ne l’élève si haut que parce qu’il ne l’emploie pas à soulever les fardeaux de la terre. […] On le voit achetant successivement dans son pays natal une maison et diverses portions de terre dont il forme bientôt une propriété suffisante pour assurer l’aisance de sa vie. […] Et l’on entend dire à la fin de la pièce qui, depuis l’exil de Bolingbroke, n’a pu durer plus de quinze jours, que Mowbray, exilé au même moment que lui, a fait pendant ce temps plusieurs voyages à la terre sainte, et est venu mourir en Italie. […] Quand on embrasse la destinée humaine sous tous ses aspects et la nature humaine dans toutes les conditions de l’homme sur la terre, on entre en possession d’un trésor inépuisable.
Le crime succéda au crime, la honte à la honte, jusqu’à ce que la race maudite de Dieu et des hommes fût une seconde fois chassée pour errer sur la face de la terre, pour servir de proverbe aux peuples et pour être montrée au doigt par les nations1368. […] En France et à Rome, chez les races latines, surtout au dix-septième siècle, ils aiment à se tenir au-dessus de la terre, parmi les mots nobles ou dans les considérations générales, dans le style de salon et d’académie. […] Il avait engagé Parr à suspendre les travaux qu’il poursuivait dans la sombre et profonde mine d’où il avait tiré un si vaste trésor d’érudition, trésor trop souvent enseveli dans la terre, trop souvent étalé avec ostentation, sans jugement et sans goût, mais cependant précieux, massif et splendide. […] Il fit ce crime par humanité, persuadé qu’il n’y avait pas d’autre moyen de pacifier les hautes terres. […] Les longues soirées coulaient gaiement auprès du feu de tourbe, grâce à quelques paquets de cartes, qui avaient trouvé leur chemin jusqu’à ce coin reculé du monde, et à quelques flacons d’eau-de-vie française, qui probablement, étaient l’adieu de Jacques à ses partisans des hautes terres.
Il marche pas à pas, un peu lentement, et souvent terre à terre, à travers une multitude d’exemples. […] Le soleil, la terre, les planètes, l’impulsion initiale des corps célestes, les propriétés primitives des substances chimiques, sont de ces données1512. […] Les boutons d’or, les reines-des-prés par myriades, les graminées penchées sous le poids de leur tête grisâtre, les plantes abreuvées par la rosée de la nuit, avaient pullulé dans la riche terre plantureuse. […] Prenons deux faits : la présence de la terre et l’oscillation du pendule, ou bien encore la présence de la lune et le mouvement des marées. […] Nous remarquons que toutes les variations de l’un correspondent à certaines variations de l’autre ; que toutes les oscillations du pendule correspondent aux diverses positions de la terre ; que toutes les circonstances des marées correspondent aux diverses positions de la lune.
La terre, un peu sèche et pierreuse, ne leur donne guère que du pain et du vin ; encore ce vin est-il léger, si léger que les gens du Nord, pour y prendre plaisir, le chargent d’eau-de-vie. […] Pour coaguler cette masse divine, la Terre aura peut-être été prise et gâchée comme une motte que l’on pétrit sans souci de la fourmi ou du ver qui s’y cache. […] L’impôt mis sur ces terres les purifie seul un peu, en les faisant servir à un but supérieur. […] Même si la Terre ne sert un jour que de moellon pour la construction d’un édifice futur, nous serons ce qu’est la coquille géologique dans le bloc destiné à bâtir un temple. […] Les transporter dans l’infini, c’est comme si l’on prétendait mesurer la chaleur du soleil ou du centre de la terre avec un thermomètre ordinaire.
Le propriétaire possède des chevaux, des voitures, des terres. […] * * * — Flaubert nous dit, que lorsqu’il était enfant, il s’enfonçait tellement dans ses lectures, en se mordillant la langue et en se tortillant une mèche de cheveux avec les doigts, qu’il lui arrivait, à un moment, de choir à terre. […] Puis c’est cette récréation, où comme il est défendu d’avoir une amie, une préférence, une espèce de tour de valse les fait tomber à terre, l’une à côté de l’autre, au hasard. Oui, une récréation, où il est commandé à la fois de parler et en même temps de ne rien dire, et aussitôt que toutes sont assises à terre, et que la Supérieure, prenant la parole, a dit : « Il fait beau ! […] Devant moi, sur la rive en face, des lignes d’arbres à la verdure jaune et chaude encore de soleil, s’estompent dans le poudroiement des journées finissantes, en ces tons d’or qui enveloppent la terre avant le crépuscule.
Il marche pas à pas, un peu lentement, et souvent terre à terre, à travers une multitude d’exemples. […] Le soleil, la terre, les planètes, l’impulsion initiale des corps célestes, les propriétés primitives des substances chimiques, sont de ces données. […] Les boutons-d’or, les reines-des-prés par myriades, les graminées penchées sous le poids de leur tête grisâtre, les plantes abreuvées par la rosée de la nuit, avaient pullulé dans la riche terre plantureuse. […] Prenons deux faits : la présence de la terre et l’oscillation du pendule, ou bien encore la présence de la lune et le mouvement des marées. […] Nous remarquons que toutes les variations de l’un correspondent à certaines variations de l’autre ; que toutes les oscillations du pendule correspondent aux diverses positions de la terre ; que toutes les circonstances des marées correspondent aux positions de la lune.
Tandis qu’une vertu sublime les élève souvent bien au-dessus du niveau commun, ils tiennent toujours à la terre par quelque côté, tantôt par un goût trop vif pour les plaisirs de la table (M. […] Quand elle voyait sa fille, elle retombait sur la terre et la réalité ne valait pas tant s’en faut ce que produisait en elle le concours du cœur et de l’imagination. […] Elle est à Dieu par l’immolation, et encore à la terre par les cuisants regrets que parfois elle éprouve. […] Une seule fois, il s’est servi des tribunaux, mais pour donner aux riches de la terre une de ces fières leçons qui sont la revanche de l’esprit sur la fortune. […] Féval, alors dans ses débuts, n’avait pas encore obtenu la renommée, et que, modeste pot de terre, il entrait en lutte contre un redoutable pot d’argent.
Je ne sais qu’un moyen d’y échapper, c’est de vivre rez terre. […] Politique des nationalités : convoitise de la terre d’autrui. […] Peuples de la terre, chantez ! […] Tout à coup, il croit voir se dresser, ciel et terre ! […] dans cette terre si féconde en hommes.
que tous les grands de la terre y sont arrangés de la belle manière !
[La Terre nouvelle (mars 1900).]
. — La Terre (1887). — Renée, pièce en cinq actes (1887). — Le Rêve (1888). — La Bête humaine (1890). — L’Argent (1891). — La Débâcle (1898). — Le Docteur Pascal (1893)
Et peut-être, en la terre où brille l’espérance, Pur flambeau, Pour prix de mon exil, tu m’accorderas, France, Un tombeau.
La critique serait suspecte de rivalité, l’éloge paraîtrait une adulation aux deux plus grandes puissances que nous reconnaissons sur la terre, le génie et le malheur.
Une mère sur le visage de laquelle la douleur et la misère se montrent ; des filles aussi affligées et aussi misérables, couchées à terre autour d’elle ; des enfants affamés qui se disputent un morceau de pain sur ses genoux ; un autre qui mange à la dérobée dans un coin ; le père de cette famille qui s’adresse à la commisération des passants.
Il y a du même artiste sur un buffet de marbre à droite un vase de bronze beau, élégant et bien peint ; autour de ce case, de gros raisins noirs et blancs, et d’autres fruits ; le sep auquel ces raisins sont encore attachés descend du haut d’un vase de terre cuite à large panse ; il y a autour de ce second vase des pêches et des fruits.
On sait que le végétal emprunte directement à l’air, à l’eau et à la terre les éléments nécessaires à l’entretien de la vie, en particulier le carbone et l’azote : il les prend sous leur forme minérale. […] Comment alors la plante, qui s’est fixée à la terre et qui trouve sa nourriture sur place, aurait-elle pu se développer dans le sens de l’activité consciente ? […] Une espèce qui revendique pour domaine la terre entière est véritablement une espèce dominatrice et par conséquent supérieure. […] On a dit que les Fourmis étaient maîtresses du sous-sol de la terre, comme l’homme est maître du sol. […] A quelle date faisons-nous remonter l’apparition de l’homme sur la terre ?
Chacun de ces états enfanta un nouvel esprit, et fut une expérience de plus sur la terre. L’esprit humain, à un moment donné, est le produit de tout ce qui reste de l’esprit des âges antérieurs accumulé comme une sorte de terre végétale, et qui devient ainsi le point de départ et l’excitant à demi artificiel d’une façon légèrement nouvelle de penser et de sentir. […] Nul ne sait aussi bien que Marivaux le monde de l’amour-propre ; il en a fait le tour et l’a traversé dans tous les sens, et, remplissant la maxime de La Rochefoucauld, il y a peut-être découvert quelques terres inconnues.
quels bras eût-il eus pour lever de terre cette couronne tombée et la placer sur sa tête ? […] Non, la conscience publique ne s’est point trompée, la reconnaissance nationale et populaire n’a point salué à faux le roi longtemps guerrier qui devint celui des laboureurs et des gens du plat pays, qui les releva de la ruine, réprima les brigandages, permit à tout gentilhomme ou paysan « de demeurer en sûreté publique sous son figuier, cultivant sa terre ». […] En demeurant dans mon champ et en bêchant la terre, moi maintenant je l’ai trouvé : c’est la Paix.
D’assez fréquents voyages dans son pays natal, en Vendée, ou plus loin aux eaux des Pyrénées, ou à la terre de M. de Biran au bord de la Dordogne, ne diminuaient que peu ses douleurs toujours renaissantes. […] S’il est des méchants sur la terre, C’est qu’ils n’ont pu se faire aimer. […] La terre est un séjour d’épreuve, L’homme n’est qu’un hôte en ces lieux, Nous descendons le cours d’un fleuve Où mille objets frappent nos yeux : L’endroit plaît, la rive est fleurie, On ne s’éloigne qu’à regret, Mais une voix d’en haut nous crie : Marche !
Il y aurait danger, si l’on n’y faisait attention, de demeurer attardé dans les préparatifs de l’entreprise et perdu dans les notes : je sais un estimable érudit qu’on trouva de la sorte dans son cabinet, assis par terre, à la lettre, et tout en pleurs, au milieu de mille petits papiers entre lesquels il se sentait plus indécis que le héros de Buridan : Sedet æternumque sedebit infelix Theseus. […] Cette littérature oubliée était juste à terre en son vivant ; elle est aujourd’hui sous terre ; elle n’a fait que descendre d’un étage.
Les points extrêmes où nous conduisent toutes ces aventures de bourgeois et de vilains sont à peu près Decize, Avranches, Anvers et Cologne : mais la scène le plus souvent est située quelque part entre Orléans, Rouen, Arras et Troyes, en pleine terre française, champenoise et picarde, dans toutes ces bonnes villes et villages où l’homme ne peut ni se passer de la société de son voisin, ni s’abstenir d’en médire, où, tout aux soucis et aux joies de la vie matérielle, pourvu qu’il ait de bons écus dans sa bourse et de bon vin dans sa cave, l’esprit libre et la langue alerte, il se moque allègrement du reste, qu’il ignore. C’est là la terre classique du Fabliau, et c’est là qu’en tout temps fleurissent les contes salés, propos grivois, impertinentes satires, sur les maris, les femmes et les curés. […] L’un d’eux nous conte, avec une décision crue de style, la « ribole » de trois commères parisiennes qui, après une longue séance au cabaret, sont ramassées dans le ruisseau, ivres, noires de boue : on les croit mortes, et on les jette au charnier des Innocents où elles se réveillent le lendemain, la face couverte de terre, des vers dans les cheveux80.
Ouvrez les yeux : le monde est vaste, l’humanité infiniment variée, et il y a sur terre des hommes et des femmes autrement vivants et dignes d’attention que ceux qui vont à cheval au bois le matin ou celles qui ont leur loge à l’Opéra. […] Feuillet a voulu marquer dès le début que cette Locuste n’est qu’une darwiniste pratique, quelque chose comme un Lebiez en jupons : la première fois qu’elle apparaît à Vaudricourt, c’est en chasseresse braconnant sur les terres d’autrui et pénétrée des droits que lui confère la grande loi de la « lutte pour la vie ». […] Cette créature pourra fort bien n’être que modérément malfaisante ; car la bonne Nature a voulu qu’il y eût sur la terre, en dehors de toute morale, d’autres plaisirs que ceux des animaux de proie.
L’air, la terre et les eaux sont des champs de destruction. […] Dans Jacques, de George Sand, c’est le mari qui disparaît par un suicide discret, parce qu’il se sent de trop sur la terre. […] Billevesées, fadaises, paroles en l’air, ont crié quelquefois des juristes choqués de ces empiètements sur leurs terres et triomphant de quelques erreurs échappées à leurs confrères improvisés !
Ils sont les auxiliaires des prédicateurs ; ils poussent les chevaliers à partir pour la Terre Sainte ; ils font honte à ceux qui en reviennent sans avoir rien fait. […] Ce monarque divin, qui trône au ciel, est, comme le roi qui le représente sur terre, jaloux d’hommages et d’adorations. […] C’est ainsi un Dieu officiel qui a établi toutes les puissances par lesquelles la terre est gouvernée ; c’est par lui que les rois règnent dans leurs royaumes et les pères dans leurs familles, si bien que se révolter contre l’autorité royale ou paternelle équivaut à se révolter contre lui.
Il va les découvrir, les rallier, se mettre à leur tête, comme un nouveau Moïse, et les reconduire dans la Terre promise, à l’ombre du Temple reconstruit sur un nouveau plan, In exitu Israel de Egypto ! […] Une belle scène nous fait redescendre à terre, de ces nuages accumulés à plaisir. […] C’est un curieux contraste que celui du choc des deux femmes : la lutte d’un pot de terre contre une lasse de fine porcelaine.
Il ne fallut point tant d’effort : il trouva La Vallière couchée à terre, tout éplorée, dans le parloir du dehors du couvent ; on n’avait point voulu la recevoir au-dedans. […] La demi-pénitente (comme elle s’appelle) est tout occupée à obtenir de son âme de transporter, de transposer son amour ; il faut que cette âme se tourne à rendre désormais à Dieu seul ce qu’elle avait égaré ailleurs sur un des dieux de la terre : « Qu’elle vous aime (ô Seigneur !) […] Deux ou trois passages dénotent seulement une expression assez figurée et assez vive : Il est vrai, Seigneur, que si l’oraison d’une carmélite qui est retirée dans la solitude, et qui n’a plus qu’à se remplir de vous, est comme une douce cassolette qu’il ne faut qu’approcher du feu pour rendre une odeur très suave, celle d’une pauvre créature qui est encore attachée à la terre, et qui ne fait proprement que ramper dans le chemin de la vertu, est comme ces eaux bourbeuses qu’il faut distiller peu à peu pour en tirer une utile liqueur.
Né en 1746 à Valréas dans le Comtat venaissin, en terre papale, il sortait d’une famille autrefois protestante, qui avait quitté le Dauphiné lors de la révocation de l’édit de Nantes. […] L’abbé Maury n’était pas homme en effet, à cette date, à se consacrer purement au ministère de la parole chrétienne : il n’avait ni assez de foi ni assez de charité pour semer en terre si ingrate, et pour entrer en lutte avec tous les vents du siècle. […] Mais il est certainement dans le bon sens, lorsque dans la séance du soir du 19 juin (1790), une suite de motions étourdies s’étant succédé coup sur coup contre la statue de Louis XIV de la place des Victoires, contre les titres de noblesse et les simples noms de terres, et tout cela de la part des Noailles, des Montmorency, de tous ceux qui en feront depuis leur mea culpa solennel, lui, l’abbé Maury, monte à la tribune, venge ingénieusement Louis XIV, et répond à toute cette noblesse ambitieuse de s’abolir, par ce mot d’un ancien à un philosophe orgueilleux : « Tu foules à tes pieds le faste, mais avec plus de faste encore.
Il en résulta pour Bonneval des difficultés qui le décidèrent à entrer dans l’armée de terre. […] Il n’est rien sur la terre qui puisse m’être sensible que d’être aimée de vous. […] Entre lui et Prié, c’est une guerre à mort ; il se figure que l’Europe entière est attentive à ce démêlé et à l’éclat qu’il en a fait : Je dois songer à la grande affaire qui est de vaincre, écrivait-il à un ami de Bruxelles pendant sa détention au château d’Anvers (16 septembre 1724) ; le moyen que j’ai pris et mes mesures m’y conduisant tout droit, il n’importe pas si cela se fait exactement suivant le goût et la règle des cours, puisqu’un homme de courage hasarde volontiers une petite mortification de la part de son maître pour arriver à un plus grand bien, et qu’il doit suivre sans aucun égard les routes les plus courtes, pourvu que ce soient celles des gens de bien, quand on y devrait chiffonner sa perruque, déchirer ses habits, perdre son chapeau et le talon de ses souliers en sautant les fossés… Au reste, si vous lisez attentivement mes lettres à Sa Majesté, vous verrez qu’elles présagent les pas que j’ai faits avec toute la franchise d’un soldat qui ne craint rien, pas même son maître, quand il y va de son honneur, que je n’ai jamais engagé ni n’engagerai de ma vie à aucun des rois de la terre.
nous autres, pauvres petits hommes (homunculi), nous nous révoltons si quelqu’un des nôtres nous est enlevé de mort naturelle ou violente, nous dont la vie doit être si courte, tandis que les cadavres de tant de villes gisent à terre dans un si petit espace ! […] Mais le xviiie siècle, dans son ambition, ne se contente point de si peu ; Sieyès, dans un de ses rares moments d’épanchement, disait : « La politique est une science que je crois avoir achevée. » Et quant à la morale, plus d’un philosophe du temps eût été plus loin et eût dit : « Je crois l’avoir à la fois achevée et inventée. » Piqué par les reproches du Génie et enhardi par sa présence, le voyageur s’ouvre donc à lui ; il veut savoir « par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Ici les ruines de Palmyre s’oublient : le Génie enlève le voyageur dans les airs, lui montre la terre sous ses pieds, lui déroule l’immensité des lieux et des temps, et commence à sa manière toute une histoire de l’humanité et du principe des choses, de l’origine des sociétés, le tout sous forme abstraite et en style analytique, avec un mélange de versets dans le genre du Coran. […] Volney, content de ne pas mourir et s’enfonçant dans son fauteuil, s’appliquait aussi le mot de Franklin, qui disait en les voyant, Cabanis et lui, tous deux jeunes alors et pleins d’ardeur : « À cet âge, l’âme est en dehors ; au mien elle est en dedans, elle regarde par la fenêtre le bruit des passants sans prendre part à leurs querelles. » Volney, qui n’était point orateur et qui avait l’organe assez faible, causait bien dans un salon ; il parlait comme il écrivait, avec la même netteté, et cela coulait de source ; on aimait à l’écouter. — Son honneur durable, si on le dégage de tout ce qui a mérité de périr en lui, sera d’avoir été un excellent voyageur, d’avoir bien vu tout ce qu’il a vu, de l’avoir souvent rendu avec une exactitude si parfaite que l’art d’écrire ne se distingue pas chez lui de l’art d’observer, et une fois au moins, dans son tableau de la Syrie, d’avoir le premier offert un modèle de la manière dont chaque partie de la terre devrait être étudiée et décrite.
Mardi 4 janvier Cette nuit, en revenant chez moi en chemin de fer, je me suis aperçu tout à coup, que je ne roulais plus sur la terre… et qu’il y avait la Seine, sous moi. […] C’est la loge de Mlle Lloyd, avec son apparence de boudoir galant, et sa cheminée aux petits chenets dorés, ayant comme milieu une terre cuite, et son plafond aux Amours peints par Voillemot, et ses assiettes de Chine accrochées sur la tenture, et son petit cabinet de toilette aux parois et au plafond de glace. […] Puis tout à coup, au milieu de la démonstration, faite à deux mètres de la toile, dans une tranquille eurythmie ; d’un bond, le commis franchit la distance qui le sépare du tableau, et tout à coup, vous le retrouvez au bas de la toile, rasé à terre, appelant votre attention sur un détail, qu’il enveloppe dans le vide d’une main, ayant l’air de jouer amoureusement autour d’un sein de femme.
L’antithèse de Shakespeare, c’est l’antithèse universelle, toujours et partout ; c’est l’ubiquité de l’antinomie ; la vie et la mort, le froid et le chaud, le juste et l’injuste, l’ange et le démon, le ciel et la terre, la fleur et la foudre, la mélodie et l’harmonie, l’esprit et la chair, le grand et le petit, l’océan et l’envie, l’écume et la bave, l’ouragan et le sifflet, le moi et le non-moi, l’objectif et le subjectif, le prodige et le miracle, le type et le monstre, l’âme et l’ombre ; c’est cette sombre querelle flagrante, ce flux et reflux sans fin, ce perpétuel oui et non, cette opposition irréductible, cet immense antagonisme en permanence, dont Rembrandt fait son clair-obscur et dont Piranèse compose son vertige. […] Sur la terre, il faut que le divin soit humain. […] Alors ce n’est plus un siècle seulement que leur clarté illumine ; c’est l’humanité d’un bout à l’autre des temps, et l’on s’aperçoit que chacun de ces hommes était l’esprit humain lui-même contenu tout entier dans un cerveau, et venant, à un instant donné, faire sur la terre acte de progrès.
Cependant on pleure autour de lui, la terre se désespère, les nuées femmes, les cinquante océanides, viennent adorer le titan, on entend les forêts crier, les bêtes fauves gémir, les vents hurler, les vagues sangloter, les éléments se lamenter, le monde souffre en Prométhée, la vie universelle a pour ligature son carcan, une immense participation au supplice du demi-dieu semble être désormais la volupté tragique de toute la nature ; l’anxiété de l’avenir s’y mêle, et comment faire maintenant ? […] Pour Cambyse, Sennachérib, et Gengiskhan, et leurs pareils, avoir mangé, c’est posséder toute la terre. […] Toute la terre était alors mystérieuse ; représentez-vous cette époque : le temple de Jérusalem est encore tout neuf, les jardins de Sémiramis, bâtis depuis neuf cents ans, commencent à crouler, les premières monnaies d’or paraissent à Égine, la première balance est faite par Phydon, tyran d’Argos, la première éclipse de soleil est calculée par les chinois, il y a trois cent douze ans qu’Oreste, accusé par les Euménides devant l’Aréopage, a été absous.
Elle est limitée, parce que l’homme est perfectible avec limites sur la terre, et sans limites hors de la terre. […] Virgile, en racontant les origines de l’empire romain, en transportant les pénates de Troie sur la vieille terre du Latium, nous montre comment se fondent les empires, comment les traditions lient les générations les unes aux autres.
Mais, pour lui comme pour le Journal des Débats, où le Galileo Galilei a paru, la question n’est ni l’astronomie, ni la rotation de la terre : la question, c’est l’Église romaine, c’est la Papauté, c’est l’Inquisition, et surtout les Jésuites ! […] Or, au lieu de ce martyr sublime et commode, il n’a trouvé qu’un vieux bonhomme qui tenait à ses grègues encore plus qu’au mouvement de la terre, et qui avait une peur du diable de les roussir. Il n’a trouvé, enfin, en Galilée, qu’un pauvre caractère, qui n’avait rien de ce qui fait le grand homme quoiqu’il fût un formidable mathématicien, un de ces êtres infirmes qu’on punit maternellement, comme un vieil enfant plein de génie, mais aussi d’obstination et de désobéissance, en lui donnant pour noir cachot un palais Italien, au centre d’une belle terre italienne de douze arpents sur laquelle il pouvait promener ses soixante-quinze ans et ses gouttes, en y ajoutant pour geôliers son ami, l’archevêque de Sienne, et ses propres filles, à lui, Galilée, ses filles qu’il adorait, deux religieuses qui lui parlaient de Dieu, ce dont il avait très probablement grand besoin.
Amédée Pommier a été un grand poète dans tout ce qu’il a compris de l’idée chrétienne, mais, quand cette idée qui l’a élevé au-dessus de lui-même, qui l’a emporté et qui l’a soutenu, l’a laissé à terre, il y est resté. […] Malheur à vous qui, sur la terre, Ayant le choix, avez opté, Non pour une existence austère, Mais pour la douce volupté ! […] la terre aux moites ondées !
Le solitaire découvreur des terres vierges du songe ne permet pas aux grossiers produits d’humanité d’embarrasser la route qu’il suit, perdu qu’il est dans son rêve d’épuration toujours plus artistique et plus parfaite. […] Non seulement la fonction normale de la chair et du sexe ne détruit pas la vie de la pensée, mais elle lui communique la force nécessaire pour créer, elle alimente et renouvelle sa fécondité, comme l’eau du fleuve fertilise la terre desséchée, incapable de produire d’elle-même. […] Ainsi les grands spéculatifs, qui ont été des in-sensuels par principe, restent, malgré leur grandeur et leur génie, des incomplets… Les Kant, les Schopenhauer, les Descartes, les Nietzsche, et même les Spinoza, manqueront toujours, malgré leur immense et juste gloire intellectuelle, d’une saveur d’humanité, de ce parfum qui émane de la terre et du cœur de l’homme.
Sa biographie a été plusieurs fois racontée dans toutes les langues : en français, par Marc-Monnier ; dans son livre l’Italie est-elle la terre des morts ? […] Depuis que Jupiter a envoyé la vérité sur la terre, l’amour, la seule des divines chimères qui puisse encore venir nous visiter, n’use que fort peu de cette permission. […] Il les ramène sur la terre avec la permission de Jupiter et malgré la défense de la Vérité, leur ennemie, exaspérée de leur retour. […] Que font à Paris toute cette masse d’étrangers que leurs malheurs ou leur volonté ont jeté loin de leur terre natale ? […] Malheur à celui qui abandonne avec mépris la terre qui l’a vu naître, qui renie ses frères comme indignes de lui !
Il comprend cent soixante-dix sonnets développant tout un roman d’amour qui commence par la floraison des aveux et des premières tendresses, se continue au bord des flots bleus, dans les monts, s’attriste d’une querelle, se poursuit en rêveries, devant la mélancolie des vagues grises, se termine enfin par le sacrifice, le deuil et l’acceptation virile qui n’est pas l’oubli… C’est bien l’histoire commune et éternelle des cœurs… C’est un véritable écrin que l’Amie perdue, un écrin plein de colliers et de bracelets pour l’adorée, et aussi de pleurs s’égrenant en rosaire harmonieux… C’est un des plus nobles livres d’amour que j’aie lus, parce qu’il est plein d’adorations et exempt de bassesses, parce que la joie et la douleur y sont chantées sur un mode toujours élevé, entre ciel et terre, comme le vol des cygnes qui ne s’abaisse pas même quand leur aile s’ensanglante d’une blessure… Je vous assure qu’il est là tel sonnet que les amants de tous les âges à venir, même le plus lointains, aimeront à relire, où ils retrouveront leur propre pensée et leur propre rêve, comme le doux André Chénier souhaitait qu’il en fût de ses vers d’amour… [Le Journal (26 juillet 1896).]
On en voit un exemple remarquable dans l’hôtel des Invalides et dans l’École militaire : on dirait que le premier a fait monter ses voûtes dans le ciel, à la voix du siècle religieux, et que le second s’est abaissé vers la terre, à la parole du siècle athée.
Il ne commence son récit qu’à l’arrivée à Riom, et lorsqu’on est sur la terre d’Auvergne. […] Un gentilhomme me vient de faire plainte qu’un paysan lui ayant dit des insolences, il lui a jeté son chapeau par terre sans le frapper, et que le paysan lui a répondu hardiment qu’il eût à lui relever son chapeau, ou qu’il le mènerait incontinent devant des gens qui lui en feraient nettoyer l’ordure. […] Il nous fait voir le paysan, l’homme voisin du sol et en ayant gardé de la dureté, tel qu’il était alors, tel que le connaissait d’abord le vieil Hésiode, et tel qu’il redevient si aisément dans tous les temps. « Nous autres races d’hommes qui vivons sur la terre, nous sommes jaloux », a dit quelque part Ulysse chez Homère. Dure et ingrate nature humaine, pétrie au fond d’envie, bien plus que de bonté, qui ne sort guère d’un excès que pour un autre, et qui, dès qu’elle n’est plus foulée et à terre, a besoin de fouler quelqu’un : Si on ne leur parle avec honneur, nous dit Fléchier dans son récit, et si l’on manque à les saluer civilement, ils en appellent aux Grands Jours, menacent de faire punir, et protestent de violence.
J’occupe donc, si je vous crois, Un coin de sa vaste pensée, Où la terre entière est pressée, Où se meut le destin des rois ! […] Grand homme, qui pourrait dormir Au bruit dont tu remplis la terre ? […] S’il respirait encor, dis-moi, la renommée, Cette immortelle voix par la terre semée, Eût-elle été muette ? […] … O terre, ô palais, ô lit nuptial d’Iolcos, ma patrie !
En vain on tirerait argument, pour la vérité d’une idée, de son triomphe comme merveilleux sur la terre : il faut bien en définitive que quelque chose triomphe en ce monde, et comme l’homme n’est pas nécessairement sage, il y a toute chance pour que ce quelque chose soit une folie. […] qu’un peu mieux valait cet âge où la terre facile donnait tout d’elle-même : ……..Tibi dædala Tellus Submittit flores……… ! […] Les lieux les plus vantés de la terre sont tristes et désenchantés lorsqu’on n’y porte plus ses espérances. […] Les proverbes de Franklin sont des grains de pur froment à mettre en terre et qui fructifieront.
Par exemple, dans la Chanson de Roland, ces chevaux si las, si recrus le soir d’une bataille, qu’ils mangent l’herbe couchés par terre et étendus. Dans Raoul de Cambrai, au commencement et le matin d’une bataille, ces barons qui chevauchent si serrés que, si l’on jetait un gant sur les heaumes, il ne tomberait pas à terre d’une grande lieue. […] tandis que les grands poèmes chevaleresques et les nobles sujets qu’ils traitaient se sont perdus avec le temps, ont été oubliés et n’ont laissé de souvenir que ce qu’il en fallait pour être parodiés, tandis que la grande et hautaine branche des Chansons de geste s’est desséchée et a péri, la branche plus humble des Fabliaux, et plus voisine de terre, n’a cessé de verdoyer, de bourgeonner et de fleurir ; ces vieux récits n’ont cessé de vivre, de se réciter, de se transmettre, et les auteurs connus, qui ont eu l’honneur de nous les conserver en les variant à leur guise, n’ont fait le plus souvent qu’hériter des inconnus qui leur en ont fourni la matière et soufflé l’esprit. […] En lisant les vers de Marot, on a pour la première fois, ce me semble, le sentiment bien vif et bien net qu’on est sorti des amphigouris de la vieille langue, si mal employée par les derniers rimeurs, qu’on est sorti des broussailles gauloises ; nous sommes en France, en terre et en langue françaises, et en plein esprit français, non plus rustique, non plus écolier, non plus bourgeois, mais de Cour et de bonne compagnie.
Sous les verts peupliers qui bordent nos prairies, Hier j’avais porté mes vagues rêveries ; J’écoutais l’onde fuir à travers les roseaux, Et debout, effeuillant le saule du rivage, J’attachais mes regards sur le cristal des eaux, Qui, du ciel étoilé réfléchissant l’image, La nuit sur le vallon répandait sa fraîcheur ; Et les vapeurs du lac dont j’étais entourée, D’un nuage céleste égalant la blancheur, Semblaient unir la terre à la voûte azurée. […] Si l’on marche, l’on sent, sous la terre endormies, Des générations d’immobiles momies. […] Nous apprîmes avec stupeur, le lendemain, qu’elle avait expiré sans faiblesse et sans larmes, entre les regrets qu’elle laissait sur la terre et les espérances qu’elle avait depuis longtemps placées au ciel. […] Je n’y toucherais que pour le décorer sur la terre.
Cependant sa moralité militaire avait à souffrir à la vue des désordres, suite de la victoire ; il y eut en effet de grands excès commis après tant de privations, à l’arrivée dans ces riches plaines, à l’entrée dans la terre promise : La richesse du pays rend à notre armée son amour du pillage, et je fais peste et rage auprès du général en chef pour faire fusiller quelques coupables ; car je prévois de grands malheurs si elle continue. […] [NdA] C’est l’éloge que lui donne pour cette action Bonaparte, dans son rapport du 15 avril au Directoire : « Déjà l’intrépide général de brigade Joubert, grenadier par le courage et bon général par ses connaissances et ses talents militaires, avait passé avec sept hommes dans les retranchements de l’ennemi ; mais, frappé à la tête, il fut renversé par terre, etc. » 27.
Après la mort de cette dame et pendant les premiers temps de la retraite que fit Rancé à sa terre de Veretz, il se développe un peu plus et laisse entrevoir à son digne précepteur quelque chose de l’état de son âme : « Les marques de votre souvenir m’étant infiniment chères, lui écrit-il à la date du 17 juillet 1658, j’ai lu vos deux lettres avec tous les sentiments que je devois, quoique je me sois vu si éloigné de ce que vous imaginez que je suis, qu’assurément j’y ai trouvé beaucoup de confusion. […] C’est toujours un rôle délicat de donner des conseils sur un ouvrage dans lequel on se trouve loué, soit que, comme M. de La Rochefoucauld, on revoie d’avance l’article que Mme de Sablé écrivait pour le Journal des Savants sur le livre des Maximes, soit qu’ici, comme Rancé, on soit simplement consulté par l’auteur sur la Relation d’un voyage à la Trappe, et qu’on lui suggère quelque idée de ce dont il serait plus à propos de parler : « Comme, par exemple, du nouvel air que vous respirâtes en arrivant dans la terre où habitent des gens qui font précisément et uniquement dans le monde ce qu’ils sont obligés d’y faire, etc., etc. ; faire un petit éloge de la solitude et des solitaires, autant que le peu de moments que vous les avez vus vous ont permis de les connoître, etc., etc. » Hâtons-nous de corriger ce que notre remarque semblerait avoir d’un peu railleur et enjoué, en déclarant qu’à part ce passage, rien dans cette correspondance n’accuse le moindre vestige subsistant d’amour-propre mondain ni de vanité.
Au nord, l’Océan bat les falaises blanchâtres ou noie les terres plates ; les coups de ce bélier monotone qui heurte obstinément la grève, l’entassement de ces eaux stériles qui assiègent l’embouchure des fleuves, la joie des vagues indomptées qui s’entre-choquent follement sur la plaine sans limites, font descendre au fond du coeur des émotions tragiques ; la mer est un hôte disproportionné et sauvage dont le voisinage laisse toujours dans l’homme un fond d’inquiétude et d’accablement. — En avançant vers l’est, vous rencontrez la grasse Flandre, antique nourrice de la vie corporelle, ses plaines immenses toutes regorgeantes d’une abondance grossière, ses prairies peuplées de troupeaux couchés qui ruminent, ses larges fleuves qui tournoient paisiblement à pleins bords sous les bateaux chargés, ses nuages noirâtres tachés de blancheurs éclatantes qui abattent incessamment leurs averses sur la verdure, son ciel changeant, plein de violents contrastes, et qui répand une beauté poétique sur sa lourde fécondité. — Au sortir de ce grand potager, le Rhin apparaît, et l’on remonte vers la France. […] La terre, un peu sèche et pierreuse, ne leur donne guère que du pain et du vin ; encore ce vin est-il léger, si léger que les gens du Nord, pour y prendre plaisir, le chargent d’eau-de-vie.
La première page de ses livres me confond : la liste des ouvrages du même auteur, parus ou à paraître, toute une bibliothèque, avec les ouvrages de fond, les grands romans valeureux des pleines reliures, Être, l’Essence de soleil, Soi et les plus rapides histoires, que tous les trois mois édite Paul Adam, comme une terre bénie d’où, par an, quatre récoltes éclosent. […] Solness le Constructeur rêve de bâtir sur terre étrangère : il échoue.
Ces problèmes, sortant en quelque sorte de terre et venant effrayer le monde, s’emparèrent de mon esprit et devinrent une partie intégrante de ma philosophie. […] Selon la première idée chrétienne, qui était la vraie, ceux-là seuls ressusciteront qui ont servi au travail divin, c’est-à-dire à faire régner Dieu sur la terre.
Héros de la vie désintéressée, saints, apôtres, mounis, solitaires, cénobites, ascètes de tous les siècles, poètes et philosophes sublimes qui aimâtes à n’avoir pas d’héritage ici-bas ; sages, qui avez traversé la vie ayant l’œil gauche pour la terre et l’œil droit pour le ciel, et toi surtout, divin Spinoza, qui restas pauvre et oublié pour le culte de ta pensée et pour mieux adorer l’infini, que vous avez mieux compris la vie que ceux qui la prennent comme un étroit calcul d’intérêt, comme une lutte insignifiante d’ambition ou de vanité ! […] Allez voir au Louvre ce merveilleux musée espagnol : c’est l’extase, le surhumain, saints qui ne touchent pas la terre, yeux caves et aspirant le ciel ; vierges au cou allongé, aux yeux hagards ou fixes ; martyrs s’arrachant le cœur ou se déchirant les entrailles, moines se torturant, etc.
Ne soyons pas aussi exclusifs, et consentons à croire qu’avant nous il y avait de la sagesse et de la raison sur la terre. […] Cette économie des desseins de la Providence, dévoilée avec la prévision d’un prophète ; cette pensée divine gouvernant les hommes depuis le commencement jusqu’à la fin ; toutes les annales des peuples, renfermées dans le cadre magnifique d’une imposante unité ; ces royaumes de la terre, qui relèvent de Dieu ; ces trônes des rois, qui ne sont que de la poussière ; et ensuite ces grandes vicissitudes dans les rangs les plus élevés de la société ; ces leçons terribles données aux nations, et aux chefs des nations ; ces royales douleurs ; ces gémissements dans les palais des maîtres du monde ; ces derniers soupirs de héros, plus grands sur le lit de mort du chrétien, qu’au milieu des triomphes du champ de bataille ; enfin l’illustre orateur, interprète de tant d’éclatantes misères, osant parler de ses propres amertumes, osant montrer ses cheveux blancs, signe vénérable d’une longue carrière honorée par de si nobles travaux, et laissant tomber du haut de la chaire de vérité des larmes plus éloquentes encore que ses discours : tel est le Bossuet de nos habitudes classiques, de notre admiration traditionnelle.
Pour ajouter à la clarté du nimbe dont il a couronné son héros, pour démontrer par toutes les voies qu’il était de la race de ceux que Dieu envoie remplir un mandat spécial sur la terre, il est entré dans toutes les interprétations familières aux plumes vigoureusement catholiques. […] L’étude approfondie de Christophe Colomb, de ses plans, de ses écrits dans ce qui nous reste de ce grand homme, la connaissance de ses travaux, de son malheureux gouvernement sur le terrain de sa conquête où il déploya l’inutilité de trop de vertus pour les hommes qu’il avait à conduire, la pureté de sa gloire et la beauté céleste de ses infortunes, ont pu forcer l’historien à conclure que cet homme, plus grand que nature et de hauteur de prophète, était le dernier missionnaire de la Providence sur la terre.
… La Célébrité ressemble le plus souvent à la Calomnie, qui rase la terre avant de s’élever et d’éclater sur nos têtes. […] Ces conquérants, qui demandèrent humblement des terres à Rome, on leur en donna, et ils les labourèrent.
Theiner, avec son histoire, serait de moitié dans le coup… Nous ne sommes pas tellement loin de la révolution française, de la révolution romaine et de toutes les autres révolutions qui ont fait ressembler l’Europe à la terre rompue d’un volcan, pour que la supposition d’un tel fait puisse être traitée de peur chimérique. […] Après cela, que Clément XIV ait souffert ou non de cette abolition qu’il a signée ; qu’il y ait répugné longtemps ou bien qu’il y ait promptement consenti ; qu’il l’ait promise aux cabinets qui la demandaient avant ou après son élection ; qu’il ait pleuré en la signant, qu’il soit tombé par terre après l’avoir signée, ou qu’il soit resté calme et fort comme un homme qui vient de soulager sa conscience en accomplissant un devoir ; qu’il en soit mort fou ou repentant ou qu’il ait gardé la pleine possession de son intelligence et se soit éteint dans cette impénitence finale des pouvoirs qui, comme Œdipe, se sont crevé les yeux, et que d’autres Œdipes aux yeux crevés prennent, comme le P.
Il ne la guérit pas plus que la nosographie de la bassesse et du vice de Manon Lescaut et de Desgrieux ne guérit de leur vice et de leur bassesse toutes les Manons et tous les Desgrieux de la terre. […] Jamais les faiseurs de ce temps-ci, les forçats à la ligne du feuilleton, qui rompent leur ban en sautant par-dessus tous les murs de la vraisemblance, ne s’étalent mieux par terre, dans le mélodrame impossible, que ce sauteur d’abbé Prévost !
J’en fais ce qu’il est, l’hébétement, la destruction et la mort… Je n’aperçois qu’un monde d’insectes de différentes espèces et de tailles diverses, armés de scies, de pinces, de tarières et d’autres instruments de ruine, attachés à jeter à terre mœurs, droits, lois, coutumes, ce que j’ai respecté, ce que j’ai aimé ; un monde qui brûle les villes, abat les cathédrales, ne veut plus de livres, ni de musique, ni de tableaux, et substitue à tout la pomme de terre, le bœuf saignant et le vin bleu. […] Je ne vous assure pas qu’ils soient le sel de la terre, mais ils en sont la saumure.
Bien des siècles avant Perrault, l’astronomie céda la place à l’étude de mœurs dans ces récits, qui furent nettement ramenés du ciel sur la terre. […] Au temps du miracle grec, presque toute la terre était barbare. […] On n’a pas l’impression de gravir péniblement une cime, mais de marcher indéfiniment en plaine, dans les terres labourées. […] L’art véritable vient du ciel, et le réalisme reste à ras de terre. […] On ne peut transformer ni éventrer Venise comme une ville de terre ferme.
Le premier, c’est Au clair de la terre. […] Il a des terres partout, un château historique, une galerie de tableaux, les maîtresses qu’il veut. […] Elle l’a emmené, lui et sa femme, dans ses terres, où tous deux crèvent d’ennui. […] Malgré ses serments, l’aïeul est dévoré de l’envie de le voir, ce beau petit gars, l’héritier de sa terre. […] Il y a une cheminée où brûle un bon feu de charbon de terre.
[La Terre nouvelle (juin 1900).]
Lebrun, en publiant en 1858 une édition complète de ses œuvres, nous a montré, par quelques pièces de vers charmantes, que, dès l’époque du premier Empire, il y avait bien des élans et des essors vers ces heureuses oasis de poésie qu’on a découvertes depuis et qu’il a été des premiers à pressentir, comme les navigateurs devinent les terres prochaines au souffle odorant des brises..
Ou bien, irai-je enfin jusqu’au bout de la terre, Avec tous mes Sujets leur déclarer la guerre ?
« Leur rang, ajoute-t-il, ne l’offusquoit point ; il ne les trouvoit pas de trop sur la terre, comme font nos Philosophes : il se contentoit de ne pas se rencontrer sur leur passage.
Il se dispensa, comme Législateur de la Loi, qui force ceux qui vivent dans ce tombeau à ignorer ce qui se passe sur la terre.
Il me semble quelquefois qu’il serait bon pour l’esprit de faire tous les ans une chose nouvelle, et de le traiter comme les terres, qu’on ensemence tantôt d’une façon et tantôt d’une autre.
Formée pour nos misères et pour nos besoins, la religion chrétienne nous offre sans cesse le double tableau des chagrins de la terre et des joies célestes ; et, par ce moyen, elle fait dans le cœur une source de maux présents et d’espérances lointaines, d’où découlent d’inépuisables rêveries.
Les Anglais ont l’esprit public, et nous l’honneur national ; nos belles qualités sont plutôt des dons de la faveur divine que les fruits d’une éducation politique : comme les demi-dieux, nous tenons moins de la terre que du ciel.
Alors, par un jeu de l’optique, l’horizon recule et les galeries suspendues en l’air se découpent sur les fonds du ciel et de la terre.
haud facile emergunt, … etc. maxime vraie par toute la terre.
j’ai vécu puissant et solitaire, Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. Le bon sens dira ce qu’il voudra de cette prétention ambitieuse, en supposant que l’interprétation que je donne soit juste ; il trouvera que c’est étrangement s’octroyer les droits et privilèges d’oint du Seigneur, et se faire à soi-même avec un suprême dédain les honneurs de la terre ; cela conduira plus tard M. de Vigny à sa théorie exagérée du poète, et finalement, à cet Exegi monumentum des Destinées : je sais les abus qu’on a vus sortir et qu’a trop tôt engendrés cette doctrine superbe tant de l’omnipotence que de l’isolement du génie ; mais ici, dans ce poème de Moïse, l’idée ne paraissait qu’enveloppée, revêtue du plus beau voile ; l’inspiration se déployait grande et haute ; elle restait dans son lointain hébraïque et comme suspendue à l’état de nuage sacré. […] Si M. de Vigny altère et fausse l’histoire, ce n’est jamais par frivolité, c’est par trop de réflexion : c’est qu’il cherche comme l’alchimiste à transmuer les métaux, à faire de l’or avec de la terre, du diamant avec du charbon. […] Les Destinées, ces antiques déesses qui tenaient les races et les peuples sous leur ongle de fer, régnaient visiblement sur le monde ; mais la terre a tressailli, elle a engendré son sauveur, le Christ est né ! […] J’y vois encore la contrepartie de l’Églogue à Pollion : Virgile entr’ouvrait le ciel sur la terre, M. de Vigny le referme.
Canova, manquant de souffle, de force et de grâce cette fois, lui avait prêté son ciseau, mais non son génie ; un socle, gros comme la terre, pour offrir un champ assez vaste à la longueur des épitaphes, porte une statue colossale de l’Italie drapée, qui se penche et qui pleure sur le médaillon exigu de son faux grand homme. […] Enfin il y avait le toscan, la vieille langue étrusque de Machiavel, de Michel-Ange, de Dante, rugueuse, nerveuse, un peu sauvage, un peu latine, brève, forte, concentrant en peu de mots un grand sens, telle que Dante l’a chantée, telle que Machiavel l’a écrite, langue faite pour des héros, des poètes, des philosophes, et qui ne s’entend bien qu’à Florence, entre les deux rives de l’Arno et à Pistoia, langue locale s’il en fut jamais, héritière d’un peuple qui n’a point d’héritage sur la terre, langue de puritains et de pédants, qui prétendent avec raison être à eux seuls l’Italie classique… C’est celle-là qu’Alfieri choisit. […] Je pris la route de Gênes, où je m’embarquai avec mon bagage et une petite calèche, laissant mes chevaux suivre la voie de terre par Lerici et Sarzana. […] Ayant pris terre sur cette côte et me lassant d’attendre que le vent redevînt favorable pour reprendre la route de Lerici, je laissai la felouque avec mes effets, et, prenant avec moi quelques chemises, mes écrits dont je ne me séparais plus et un seul de mes gens, j’enfourchai un bidet de poste, et, à travers les précipices de l’Apennin dépouillé, je me rendis à Sarzana, où je trouvai mes chevaux, et où il me fallut attendre la felouque plus de huit jours. […] Aussitôt qu’il aété descendu de carrosse pour entrer dans le cul-de-sac de l’Opéra, M. de Vaudreuil, major du régiment des gardes, lui a dit qu’il était chargé de l’ordre du roi pour l’arrêter, et, dans le moment même, six sergents aux gardes, qui étaient en habits bourgeois, l’ont saisi par les deux bras et par les deux jambes et l’ont enlevé de terre ; on lui a jeté et passé sur-le-champ un cordon de soie, qui lui a embrassé et serré les deux bras… Il s’est, dit-on, un peu trouvé mal ; on l’a passé ainsi par la porte du fond du cul-de-sac qui rend dans la cour des cuisines du Palais-Royal ; on l’a mis dans un carrosse de remise dans lequel M. de Vaudreuil l’a accompagné.”
Dieu est donc le père du mouvement, soit que nous considérions le mouvement à la surface de notre terre et dans les phénomènes les plus habituels, soit qu’élevant nos yeux nous le contemplions dans l’infinité de l’étendue et dans l’harmonie des sphères. […] L’histoire de l’homme considéré simplement comme animal est complète dans son ouvrage ; et, dans le nombre des animaux de l’ancien monde, il n’en est presque aucun, depuis le cétacé jusqu’à l’insecte, soit qu’il se meuve sur la terre, qu’il s’élève dans les airs, ou qu’il demeure enseveli sous les eaux, dont Aristote ne nous apprenne quelque particularité. […] Pour le miel, il tombe de l’air, principalement dans le temps du lever des constellations, et lorsque l’arc en ciel s’étend sur la terre. […] « Les biches mangent les enveloppes de leurs petits aussitôt qu’elles ont mis bas : elles ne les laissent pas même tomber à terre, de sorte qu’il n’est pas possible de s’en saisir : vraisemblablement elles contiennent quelque vertu. […] Vous, au contraire, répondez pour moi que je ne serai pas plutôt mort que je m’en irai jouir de félicités ineffables, afin que le pauvre Criton prenne les choses plus doucement, et qu’en voyant brûler mon corps ou le mettre en terre, il ne s’afflige pas sur moi, comme si je souffrais de grands maux, et qu’il ne dise pas à mes funérailles qu’il expose Socrate, qu’il le porte, qu’il l’enterre.
Auprès du bassin, près du pavillon de l’Horloge, il y avait une tête de chevreuil coupée par terre, et une amazone de l’Hippodrome qui caracolait à cheval. […] Par une porte on entrevoit la bibliothèque, les rayons de bois blanc, le désordre de gros livres brochés, roulés et empilés à terre, des outils d’érudition moyenâgeuse et orientale, des in-quarto de toutes sortes, au milieu desquels un fascicule d’un lexique japonais, et sur une petite table les épreuves de Saint Paul qui dorment, et, par les deux fenêtres, une immensité de vue, une de ces forêts de verdure cachées dans les murs, et la pierre de Paris, le vaste parc Galliera, cette ondulation de têtes d’arbres que dominent des bouts de bâtisses religieuses, des dômes, des clochers, et qui mettent là un peu de l’horizon pieux de Rome. […] Il s’agit de la vente de nos fermes des Gouttes, de ce morceau d’orgueil de notre famille, de cette grande propriété terrienne du grand-père, de cette chose vénérable, respectée, sacrée, qu’en dépit de leur petite aisance, notre père et notre mère se sont entêtés à garder contre les tentations d’offres magnifiques, pour conserver à leurs enfants, ce titre et cette influence de propriétaire, et ce pain solide, que seule la terre représentait, sous Louis-Philippe, pour l’ancienne famille. […] Nous ne sommes pas bien sûrs de ne pas rêver… À nous ce grand joujou de goût, ces deux salons, ce soleil dans la feuillée, ce bouquet de grands arbres, en éventail sur le ciel, ce souriant coin de terre et le vol des oiseaux qui y passent. […] 30 septembre Quinze jours passés dans l’arrangement de cette maison, qui est la maison du restant de notre vie, dans le rêve de trouvailles pour l’orner, la parer d’art : nos yeux tout heureux de ce que son jour illumine et transfigure, en jouant sur nos dessins, nos terres cuites, nos tapisseries ; — quinze jours à la parcourir du haut en bas, en y cherchant des contrastes et des harmonies sur les murs.
Ceux qui vont les yeux baissés vers la terre dénombrent les lessives, tartines beurrées, pour eux réminiscences zoliques, inexpérients que l’Idéalisme s’exhausse plus aisément sur le marchepied du Réel qu’il ne se suspend à la Cardan en un nimbe ; et que platoniciennement il fut défini d’un mode très large la Vie des Idées. […] Mais Lautréamont l’avait entrevu et j’ai épluché jusqu’à la dernière écaille de pin l’artichaut de cette Bête, qui est notre mercure philosophique, notre Terre Sigillée, avec laquelle nous réchaufferons notre Or. […] Solness ne s’élève point pour dominer la terre, mais pour l’abstraction de monter (je le verrais grimpant selon la spirale du progrès}, Petit-Poucet sans frères au pied de l’arbre. […] Ce n’est pourtant pas la terre ni ses pieds que voyait le Christ du haut des clous de la Croix. […] Du réel (au sens vulgaire) assez pour insuffler l’humanité aux fantoches et que le sang jaillisse couleur de lèvres de nos coups d’ongle au fœtus de terre glaise pétri par le génie des paumes du dramaturge magnétiseur.
Il ne voulait être troublé par rien dans ses préparatifs au voyage sur les terres inconnues de Shakespeare. […] Il faut écouter d’abord ceux qui parlent et circulent sous terre comme les taupes et le père d’Hamlet. […] À quoi bon des meubles à celui qui n’a plus de foyer, et qui va errer de rivage en rivage sur la terre étrangère, suivi du petit groupe de la famille, hélas ! […] Pour tomber du ciel, il faut y être monté, ne fût-ce qu’un instant, et cela est plus beau que de ramper toute sa vie sur la terre. […] Plusieurs l’ont essayé qui l’ont laissée tomber à terre piteusement, car il faut, pour la manier, un grand souffle, une haute taille et un bras vigoureux.
Les dieux se sont indignés de voir la terre abandonnée à des monstres difformes, produits impurs du limon. […] L’enfant tourne, retourne son joujou, il le gratte, le secoue, le cogne contre les murs, le jette par terre. […] La mer me jette à terre avec dégoût… Ah ! […] … Mais pour que l’infortuné puisse rencontrer encore la délivrance sur terre, un ange de Dieu lui annonce d’où peut lui venir le salut. […] — Tous les sept ans, il jette l’ancre, et, pour chercher une femme, il descend à terre.
Ceux qui parlent d’en faire un autre se trompent et ne sauraient en venir à bout ; on peut faire des sceptres et des couronnes, mais non pas des rois pour les porter ; on peut faire une maison, mais non pas un arbre ou un rameau vert ; il faut que la nature le produise, par espace de temps, du suc et de la moelle de la terre, qui entretient la tige en sa sève et vigueur. » Or, si cela est vrai d’une monarchie, n’est-ce pas vrai aussi d’une poésie ? […] Un Malherbe de Saint-Aignan avait vendu la terre de ce nom près de Caen pour pouvoir aller guerroyer en terre sainte ; il le revendiquait pour ancêtre. […] Qu’on se figure en effet une poésie véritablement florissante, la moisson abondante et variée des Lyriques, des Élégiaques grecs, cette richesse où puisaient à pleines mains les fils et les héritiers des muses au sortir de l’âge de Solon, à l’entrée de celui de Périclès ; et nous, au contraire, à l’entrée de notre plus beau siècle, réduits, comme ici, à noter çà et là, à souligner quelques beaux vers, à glaner quelques fleurs heureuses et comme de hasard, dans une terre redevenue maigre et pleine de ronces. […] ……………………………………………… La terreur de son nom rendra nos villes fortes, On n’en gardera plus ni les murs, ni les portes, Les veilles cesseront au sommet de nos tours ; Le fer, mieux employé, cultivera la terre, Et le peuple qui tremble aux frayeurs de la guerre, Si ce n’est pour danser, n’orra 130 plus de tambours. […] De ceux qui mangent le fruit de la terre.
Il a compté les barres de fer rongées par la rouille, les feuilles de plomb ridées et recroquevillées qui craquent et se soulèvent étonnées sous le pied qui les foule, les nids d’oiseaux délabrés et empilés dans les recoins des madriers moisis, la poussière grise entassée, les araignées mouchetées, indolentes, engraissées par une longue sécurité, qui, pendues par un fil, se balancent paresseusement aux vibrations des cloches, et qui, sur une alarme soudaine, grimpent ainsi que des matelots après leurs cordages, ou se laissent glisser à terre, et jouent prestement de leurs vingt pattes agiles, comme pour sauver une vie. […] Sous sa lumière, la terre réfléchit les objets comme l’eau. […] à travers fossés et broussailles, sur la terre unie et sur le champ labouré, sur le flanc roide de la colline, sur le flanc plus roide encore de la muraille, comme si c’était un spectre chasseur ! […] Le vent arrivait en se démenant autour du coin, — principalement le vent d’est, — comme s’il était parti des confins de la terre pour tomber sur Toby. […] Plantez ce talent dans une terre anglaise ; l’opinion littéraire du pays dirigera sa croissance et expliquera ses fruits.
Cet équilibre dans les deux exercices alternatifs des grandes facultés de l’homme est la condition de son développement le plus complet sur la terre. […] « Les Cimmériens (peuples voisins du pôle) à qui la vue du soleil est dérobée ou par un dieu, ou par quelque phénomène de la nature, ou plutôt par la position de la terre qu’ils habitent, ont cependant des feux à la lueur desquels ils peuvent se conduire ; mais ces philosophes du doute, dont vous vous déclarez les sectateurs, après nous avoir enveloppés de si épaisses ténèbres, ne nous laissent pas même une dernière étincelle pour éclairer nos regards et nos pas ! […] Alors notre vie sur la terre sera semblable à la vie du ciel ; et, quand nous serons au moment de rompre nos chaînes corporelles, rien ne retardera l’essor de notre âme vers les cieux. » Tout l’ascétisme chrétien qui allait éclore en Orient n’était-il pas là par pressentiment ? […] Puisque donc le consentement de tous les hommes est la voix de la nature, et que tous les hommes, en quelque lieu que ce soit, conviennent qu’après notre mort il y a quelque chose qui nous intéresse, nous devons nous rendre à cette opinion, et d’autant plus qu’entre les hommes ceux qui ont le plus d’esprit, le plus de vertu, et qui, par conséquent, savent le mieux où tend la nature, sont précisément ceux qui se donnent le plus de mouvement pour mériter l’estime de la postérité……………………………………………………………………………………………… « C’est ce dernier sentiment que j’ai suivi dans ma Consolation, où je m’explique en ces termes : On ne peut absolument trouver sur la terre l’origine des âmes, car il n’y a rien dans les âmes qui soit mixte et composé, rien qui paraisse venir de la terre, de l’eau, de l’air ou du feu. […] Mais les âmes qui auront toujours été sous le joug des sens auront peine à s’élever de dessus la terre, lors même qu’elles seront hors de leurs entraves.
j’aimerais mieux gratter la terre avec mes ongles que de me séparer de cela. […] Son père, sa mère, ses deux frères, ses deux sœurs, et une tante dont la fortune consistait en pensions, vivaient sur la petite terre de Rastignac. […] Pour aller au château de Frapesle, les gens à pied ou à cheval abrègent la route en passant par les landes dites de Charlemagne, terres en friche, situées au sommet du plateau qui sépare le bassin du Cher et celui de l’Indre, et où mène un chemin de traverse que l’on prend à Champy. […] À droite et à gauche, les clos de vignes, les vergers et quelques pièces de terres labourables plantées de noyers, descendent rapidement, enveloppent la maison de leurs massifs, et atteignent les bords de l’Indre, que garnissent en cet endroit des touffes d’arbres dont les verts ont été nuancés par la nature elle-même. […] Enfant de la Touraine à qui la Touraine était inconnue, elle voyait en moi un jeune homme affaibli par des travaux immodérés, envoyé à Frapesle pour s’y divertir, et auquel il avait montré sa terre, où je venais pour la première fois.
Image grossière, mais forte, de l’impuissance de l’homme qui veut s’isoler de la terre ! […] ciel, même avec les ailes de sa pensée, il croit s’en rapprocher en entassant des marches de pierre entre la terre et lui. […] Mésalliances interdites aux nobles des deux sexes ; défense aux acquéreurs des terres nobles d’en prendre les noms ; aucun ordre pour les militaires sans naissance proportionnée. […] Là tout est réglé : 1° nourriture : les viandes sont apprêtées sans ragoût, le roi ne boit que du vin du pays ; 2° ameublement : point d’étoffes façonnées, étrangères, point de broderies, prohibition des parfums, des vases d’or ou d’argent ; 3° propriété : chaque famille, dans chaque classe, ne possédera de terre que ce qu’il en faudra pour la nourrir. […] Leurs images remplissaient les terres et les mers.
Il ne chante le plus souvent que les angoisses de son cœur ; mais il le fait avec une telle intensité de pensée et de style que ses cris de douleur deviennent comme impersonnels, et se transforment ainsi en chefs-d’œuvre, où nous reconnaissons nos propres souffrances, nos secrètes convoitises, les passions de tous les siècles et de toute la terre. Musset me reste cher parce qu’il est éminemment français, et par là je veux dire qu’il portait en lui les meilleures traditions de notre race, qu’il en avait le sens profond, qu’il s’était nourri de la pensée de nos maîtres bien à nous, depuis Mathurin Régnier, Molière, Racine, La Fontaine, jusqu’à André Chénier et Beaumarchais, et qu’il avait puisé en eux cette clarté admirable, cette ironie mordante devant la sottise prétentieuse, cette élégance primesautière et cette fière allure d’indépendance, qui ont toujours été l’apanage de notre vieille terre des Gaules, et qui, nous le voulons croire, resteront l’orgueil de la France contemporaine. […] — Hugo, c’est la terre orgueilleuse de la force du tigre et du rhinocéros ; c’est la terre enivrée qui jette au pied des montagnes les grappes violettes de raisins et les roses de pourpre et de feu ; c’est la terre qui montre triomphante au soleil ses bosquets d’orangers, ses champs d’épis, et le splendide désordre de ses forêts où s’entrecroisent des lianes, où des arbres puissants abritent la grâce du colibri et le prudent sommeil du serpent : Hugo c’est la beauté de la Terre, mais Lamartine chante comme un ange exilé : je donne ma voix à Lamartine.
. — La Terre promise (1892). — Cruelle énigme (1893). — Un scrupule (1893). — Cosmopolis (1894). — Un saint (1894)
. — Il pourra pressentir le goût de demain, être la vigie qui annonce la côte voisine, qui crie Terre !
Tel Jupiter, du haut de la voûte azurée, Fait part de sa puissance aux Dieux de l’Empirée : Pouvant d’un seul regard éclairer l’Univers, Il cede à d’autres mains le Char de la lumiere, Qui doit, dans sa carriere, Féconder de ses feux & la terre & les mers.
Devenir l’épouse de l’auteur de Paul et Virginie lui paraissait un don du ciel, supérieur à tous les dons de la terre. […] Tous les faux systèmes tombèrent devant lui ; il ne déplaça pas l’intérêt de sa vie en nous formulant, comme on le fait aujourd’hui, un génie naissant sur un grand homme consommé arrivant du ciel ici-bas, avec un arsenal d’idées préconçues, comme si rien n’eût existé avant lui, et apportant comme un soleil de l’art une lumière incréée jusque-là à la terre. […] Boileau le pleure ; il explique en deux vers touchants les difficultés qu’on eut à vaincre pour obtenir sa sépulture : Avant qu’un peu de terre, obtenu par prière, Pour jamais sous sa tombe eût enfermé Molière. […] Il attirait les yeux de l’assemblée entière Par l’ardeur dont au ciel il poussait sa prière, Il faisait des soupirs, de grands élancements, Et baisait humblement la terre à tous moments ; Et, lorsque je sortais, il me devançait vite Pour m’aller, à la porte, offrir de l’eau bénite. […] C’est que vous n’aimez rien des choses de la terre.
C’est un gros garçon, à l’encolure d’un propriétaire foncier vivant sur ses terres, avec un rien de l’air d’un ahuri et d’un mystique. […] Au milieu des décombres, voletant effarée, une cigogne, salie, noircie par la terre de bruyère, formant une petite montagne au pied de la serre. […] qui, en dépit de son poil noir et de sa bruyance, est le meilleur bon enfant de la terre ! […] Samedi 28 novembre Avec la plus petite fortune du monde, j’aurais connu toutes les jouissances des gens les plus riches de la terre, sauf celles des chevaux et des femmes de luxe. […] Du haut du Trocadéro, quand il n’y a dans le ciel, ni lune, ni étoile, et que les réverbères de l’infini Paris sont allumés, il semble que toutes les étoiles de la voûte céleste sont tombées à terre.
Shakespeare nous tire de Venise, qui est un charnier comme toute la terre des hommes, toute Venise qu’elle soit. […] Identifiée à la passion de dominer, c’est elle, poison commun des peuples et des rois, ensanglante depuis toujours la terre, repaire des hommes. […] Et, en effet, sur la fin, le roman lâche terre, s’ébroue, s’envole, peut plus aller pas à pas, à l’allure d’un bon roman réaliste. […] L’immortalité des morts oubliés, oubliés par leurs proches, par l’Etat et par la terre même ! […] Quelque part l’Amérique finit, il y a les océans qui retouchent la terre : alors Edschmid, qui a soif encore, s’enfuit dans les siècles lointains et se met à écrire la nouvelle magistralement belle de François Villon.
* Remettons le pied sur une terre plus ferme, sur la grande route. […] Les leçons d’esthétique de Pictet l’ayant ému, il attend pieusement le contact avec la terre des arts et les paysages de Virgile. […] Ni la terre française, ni l’âme française, ne parlent fort à ce fils des calvinistes cévenols. […] Je reposerai à Clarens, puisque c’est la terre où vous reposerez. » Quant à lui, elle lui conseille de se marier dans l’année. […] Mais quelle distance ici-bas l’est davantage, comparée à celle de la Terre à Sirius ?
. — Les scènes que Mme de Staël n’épargnait pas vers ce temps à Benjamin Constant, la honte qu’elle lui faisait de ce mariage, l’idée qu’elle supposait à l’Europe et à l’univers lorsqu’on apprendrait cet éclatant divorce de leurs célèbres personnalités, tout cela était tel et agissait si fort sur la tête nerveuse de Benjamin Constant, qu’il y avait des moments où il s’estimait un monstre aux yeux de la terre : « Quand je rentre dans Paris, disait-il sérieusement, je lève les glaces de ma voiture, de peur d’être montré au doigt. » Mais le scepticisme reprenait vite le dessus. — Cependant Mme de Staël avait bien ses distractions aussi, son cercle d’adorateurs, M. de Schlegel, M. de Sabran, M. de Barante… ; elle aimait beaucoup ce dernier, dont elle avait mis quelques traits et quelques situations dans Oswald ; mais il dérivait un peu vers Mme Récamier… En mourant, elle ne témoigna aucun retour vif à Benjamin Constant qu’elle voyait pourtant tous les jours.
Et les Six chansons nous apprennent que le poète l’atteignit, qu’il est entré dans sa Terre promise, qu’il est à présent selon ses vœux.
. — Enfin, le naturaliste genevois Trembley, ayant rencontré Montesquieu en Angleterre, fut invité par lui à le visiter en France dans sa terre de La Brède.
La patrie n’est plus dans ses foyers, elle est dans un camp sur le Rhin, comme au temps de la race de Mérovée ; on croit voir le peuple Juif chassé de la terre de Gessen, et domptant les nations barbares dans le désert.
Ici, une mère renversée à terre, sur le sein de laquelle un soldat écrase du pied son enfant, le regarde faire sans s’émouvoir, sans jetter un cri.
Mais les raisons que nous avons exposées dans ces refléxions et l’expérience du passé, montrent suffisamment que la possibilité de faire un poëme épique françois meilleur que l’éneïde, n’est qu’une possibilité métaphisique, et telle qu’est la possibilité d’ébranler la terre en donnant un point fixe hors du globe.
Il posa son fardeau à terre puis, se débarrassant de sa flûte, il la ficha dans la paille de la toiture, là où il avait pour habitude de la placer.
D’après lui, l’Homère parnassien, c’est-à-dire celui de Leconte de Lisle, « multiplie les épithètes imprécises et inutiles, Les piques sont toujours éclatantes, la terre nourricière, les chevaux rapides, le lait blanc, les nefs creuses, la guerre lamentable, etc. » Ce procédé d’épithètes fixes, que l’auteur de l’Iliade tient certainement par tradition de ses prédécesseurs, n’a absolument rien de parnassien.
» c’est-à-dire, qui chanteroit la terre émaillée de fleurs ? […] Dieu dit à Adam, tu es poussière et tu retourneras en poussière, (…), c’est-à-dire, tu as été fait de poussière, tu as été formé d’un peu de terre. […] Il y a plusieurs hyperboles dans l’ecriture sainte ; par exemple, je vous donerai une terre où coulent des ruisseaux de lait et de miel, c’est-à-dire, une terre fertile : et dans la genèse il est dit, je multiplierai tes enfans en aussi grand nombre, que les grains de poussière de la terre. […] Mais si je disois que le soleil est plus grand que la terre, alors je considérerois le soleil par raport à la terre, ce seroit un sens rélatif ou respectif. […] Les jambes de la statue étoient de fer, et les piés partie de fer et partie de terre ; c’est le siècle de fer de la langue latine, pendant lequel les diférentes incursions des barbares plongèrent les homes dans une extrème ignorance ; à peine la langue latine se conserva-t-elle dans le langage de l’eglise.
Sur terre rampent des ombres de plus en plus épaisses qui enveloppent les phénomènes d’une obscurité mystérieuse, détruisant toutes les certitudes et permettant tous les pressentiments. […] « Que m’importe », disait-il un jour, « que la terre tourne autour du soleil, ou le soleil autour de la terre ? […] Troie est à terre, la sublime Troie est en feu ! […] Je voudrais que la terre eût ton corps comme fruit à manger, et qu’aucune bouche, mais seulement quelque ver, te trouvât douce. […] Voyez et comprenez la Terre et la merveille de cette matinée et la circulation de la vie.
Il croit au rôle et à la tâche de l’humanité sur la terre, et la vue du mal ne le laisse pas indifférent. […] Il est facile et gracieux de dire que la mort est un sommeil au sein duquel l’homme se repose des travaux de la terre. […] Avouons qu’elles y projettent une clarté remarquable et qu’elles fécondent singulièrement une terre tant de fois exploitée. […] À peine campé sur une terre mal soumise, l’homme devint ennemi de l’homme. […] Où va, Seigneur, où va la terre dans les cieux ?
Aussi remercie-t-il, sans savoir au juste qui Ne croyez pas non plus que le spectacle de ce qui se passe sur la planète Terre puisse troubler sa sérénité : « Ah ! […] Et ce sera la lutte éternelle entre le rêve et la réalité, entre l’humanité qui veut conquérir l’infini et celle qui veut organiser la terre, entre la beauté des idées et la tyrannie des faits. […] Le riche est trop attaché à ses terres, à son or, à ses palais ; l’homme intelligent est trop attaché aux idées pour qu’il les possède au lieu de leur appartenir. […] Mais toute l’expérience de l’histoire nous enseigne qu’on ne pourra les supprimer tant qu’il restera sur la terre deux hommes, du pain, de l’argent et une femme entre eux. […] L’héroïsme est une plante dure, qui peut croître dans les gorges du Taygète et périt en terre chaude ; les tièdes parfums des (leurs savantes lui conviennent moins que les courants d’air.
Ne vois-tu pas ici le feu, l’air, l’eau, la terre, Leur éternelle amour, leur éternelle guerre ? […] Savourez, je vous prie, ce petit tableau : « … A ces mots, il assujettit au haut d’une colonne le câble d’un navire, et l’étend tout autour du donjon, de sorte que les pieds des captives ne puissent toucher la terre. […] Je feuillette La Bruyère (c’est une de mes petites bibles) : « Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments, ils redoutent l’hiver, ils appréhendent de vivre. […] ) — Ou bien : « Il faut des saisies de terre et des enlèvements de meubles, des prisons et des supplices, je l’avoue » (et Dieu sait si l’on pourrait allonger l’énumération !) […] On lui a jeté par terre les quelques pièces de sa paye, qu’il trouvait insuffisante : il exige que le caissier les ramasse et les lui mette dans la main.
Être privés de nos parents et amis, être pris par des pirates, avoir été deux fois prisonniers entre les mains des brigands sur terre, et l’attente de l’avenir pire que ce que nous avons jusqu’ici essuyé ! […] C’est celui qui a été le plus beau, qui est mort le plus jeune, qui a parcouru le plus de chemin et conquis le plus de terres, et les plus lointaines et les plus merveilleuses. […] Dans les déserts de l’Oxus, après une longue marche à pied, mourant de soif, il refuse un peu d’eau qu’un des siens vient de trouver, et la répand par terre, parce qu’il ne peut la partager avec ses soldats. […] Cherchez-vous des sujets au-delà de la terre ? […] Cette coquette et fringante Aricie, si spirituelle et si avisée, et qui ne veut s’enfuir avec Hippolyte que « la bague au doigt », est l’arrière-petite-fille de la Terre.
“Je suis le Seigneur, dit-il par la bouche de Jérémie ; c’est moi qui ai fait la terre avec les hommes et les animaux, et je la mets entre les mains de qui il me plaît. Et maintenant, j’ai voulu soumettre ces terres à Nabuchodonosor, roi de Babylone, mon serviteur.” […] Allez donc chicaner saint Paul et Jésus-Christ même, et alléguez-leur la Chine comme vous faites sans cesse et, si vous voulez les Terres Australes pour leur disputer la prédication écoutée par toute la terre. […] « Le nez de Cléopâtre, s’il eut été plus court, toute la face de la terre aurait changé. » C’est elle dont nous nous efforçons vainement d’amoindrir le pouvoir en l’appelant des noms de fortune ou de hasard. […] Il cherche et il trouve sous nos yeux, à nos pieds, des faits d’une ressemblance parfaite avec ces phénomènes célestes que des millions de demi-diamètres de la terre séparent d’elle.
Car, pour aller vite, on la bâtissait en briques et elle était facile à ruer par terre ; ou en bois, et elle était facile à incendier. […] Peut-on enterrer en terre sainte ? […] On enterrera en terre sainte. […] Cinquante ans d’amitié ou il n’y a eu qu’une querelle, c’est la plus belle amitié qu’ait vue la terre. […] Une faut pas se flatter qu’il soit désormais à terre ; mais enfin il a reçu le coup qu’il était très juste qu’il reçût.
Les morceaux en sont demeurés bons, si l’édifice est tombé par terre ; et, après tout, de combien de systèmes n’en pourrait-on pas dire autant ? […] Nous venons d’en avoir une preuve nouvelle dans l’accueil qu’elle a fait à la Terre promise, le dernier roman de M. […] « Les premières lignes de la préface de la Terre promise m’ont tout d’abord donné le frisson, écrivait quelqu’un l’autre jour. […] Cependant, il faut bien s’y résoudre, et donner au moins une courte idée du sujet de la Terre promise. […] Il n’y a dans le dénouement de la Terre promise ni « force perdue », ni, dans la résolution d’Henriette Scilly, rien de « pharisaïque ».
La foi religieuse nous emporte dans des régions qui dépassent la terre. […] Dans son théâtre et dans ses romans, c’est toujours la terre des cigales et du soleil qui est en cause, qui est le thème et le milieu. […] Le jour où Chateaubriand se retira d’elles, elles n’ont plus vécu, elles ont langui sur la terre. […] Zola dans la Terre et de. […] On peut, dans un dialogue terre à terre, faire dire par ses personnages des choses fort idéalistes.
Les arbres de la route, toujours élagués à la mode du pays, ne donnaient presque aucune ombre ; et souvent, rendu de chaleur et de fatigue, je m’étendais par terre, n’en pouvant plus. […] Comme si cela était intéressant, et comme si cela valait même la peine qu’il y eût une humanité sur la terre ! […] … Mon Dieu, je me roule par terre et je gémis d’être homme. Il se roule par terre en pensant au lointain Néron, c’est très bien. […] Reste à chercher quelle règle je dois me prescrire pour remplir ma destination sur la terre selon l’intention de Celui qui m’y a placé.
Ce que l’Anglais moderne a fait pour sa terre natale, la conquête normande le fit pour la nature morale saxonne : Emerson remarque très bien qu’en Angleterre rien n’est tel qu’il fut d’abord ; on a transporté la terre fertile, on a utilisé le roc, on a sondé les gués de toutes les rivières. […] L’amour du paysan français pour la terre est plus qu’un amour, c’est une religion. […] Entre la terre et l’homme, il existe chez nous des relations morales ; la terre n’est pas un objet d’exploitation, c’est un être animé. […] Ce qui réunit les Anglais, ce n’est pas la terre, c’est la race. […] C’est la terre de l’Oubli, et on y entre par mille petites portes étroites et basses.
La religion ne sera point celle du Dieu invisible et inaccessible ; ce sera cette religion qui transporte la terre dans le ciel et fait le ciel à l’image de la terre, arrache la Divinité à son unité majestueuse, la divise et la répand dans les cultes les plus divers. […] L’industrie sera faible, et le commerce limité aux relations inévitables des hommes entre eux sur une même terre ; quand ils auront tiré de cette terre quelques produits, ils ne se hasarderont pas à changer ce que Dieu a fait, ou du moins ils ne le changeront guère. […] On la retrouve partout ; la terre est couverte de ses monuments ; on ne peut se soustraire à ses spectacles et à son influence. […] Le christianisme est presque le complément de toutes les religions qui ont paru sur la terre. […] Les racines du mosaïsme sont très profondes, mais elles ne pénètrent pas la terre entière.
Plusieurs Ecrivains, déifiés par le préjugé ou l’esprit de parti, commencent à voir diminuer leur culte, & à retomber sur terre, du haut du piédestal sur lequel on les avoit élevés.
Épouvantée, Dêdé déposa à terre l’enfant qu’elle avait sur son dos puis, le reprenant et le faisant sauter dans ses bras, elle chanta : Tais-toi, petit de griote, etc.
Il ne lui reste que peu d’attachements intimes sur la terre, et hors de Paris elle se trouve exilée de ce qui remplace pour elle sa famille aussi bien que de son pays. […] Encore à présent, comme on la renvoyait loin de la terre qu’elle avait achetée, le ministre de la police lui fit dire que, si elle voulait insérer dans Corinne un éloge, une flatterie, tous les obstacles seraient aplanis et tous ses désirs seraient satisfaits. […] Mme de Staël a auprès d’elle tous ses enfants, mais l’aîné est sur le point de partir pour l’Amérique ; il va reconnaître les terres qu’ils y possèdent et prendre des arrangements pour le voyage de sa mère elle-même, car celle-ci veut dans une année chercher la paix et la liberté au-delà de l’Atlantique. […] Excepté ses palefreniers et ses quatorze chevaux anglais, son seul souci sur la terre, il ne fait de bien à personne, et il meurt en rimaillant des épigrammes contre le genre humain.
Qui sort ainsi de la terre ? […] L’amélioration de notre propre cour nous révèle l’intention bienfaisante qui nous a soumis à la peine ; car les prospérités de la terre auraient même quelque chose de redoutable, si elles tombaient sur nous après que nous serions coupables de grandes fautes : on se croirait alors abandonné par la main de celui qui nous livrait au bonheur ici-bas comme à notre seul avenir. […] « Croient-ils connaître la terre, croient-ils avoir voyagé, ceux qui ne sont doués d’une imagination enthousiaste ? […] « Puis de ces hauteurs et de ces mille points de vue spéculatifs et anecdotiques où se plaisait madame de Staël, nous l’avions entendue revenant sans cesse à la France, insistant avec une joie naïve d’amour-propre sur l’ascendant que la paix et la liberté légale allaient rendre à cette terre natale de l’intelligence, disait-elle, à cette métropole des esprits dont la civilisation de l’Europe était une colonie.
Un noble proscrit de la famille des Hamilton, nommé Bothwell-Haugh, dont Murray avait laissé la femme expirer de misère au seuil de sa propre demeure donnée par le dictateur à un de ses partisans, jura de venger sa femme et sa patrie du même coup ; il ramassa une poignée de terre qui recouvrait le cercueil de sa femme, la porta sur lui dans sa ceinture comme une éternelle incitation à sa vengeance, se rendit déguisé dans une petite ville que Murray devait traverser en revenant à Édimbourg ; il y tua Murray d’un coup de feu tiré d’un balcon, et, remontant sur un cheval qui l’attendait sur les derrières de la maison, il échappa, par la rapidité de sa course, aux gardes du dictateur. « Moi seul, s’écria Murray en expirant, je pouvais sauver l’Église, le royaume et l’enfant ; l’anarchie va tout dévorer ! […] La reine d’Écosse protesta contre le droit de juger une reine, et de la juger en terre étrangère où on la retenait de force dans les prisons. […] L’âme assez lâche pour ne pas accepter ce combat suprême sur la terre ne serait pas digne du ciel ! […] Cette salle était toute tapissée de drap noir ; l’échafaud, qu’on y avait dressé à deux pieds et demi de terre, était tendu de frise noire de Lancastre ; le fauteuil où Marie devait s’asseoir, le carreau où elle devait s’agenouiller, le billot où elle devait poser sa tête, étaient aussi recouverts de velours noir.
On lui avait refusé une sépulture décente en terre consacrée ; sa dépouille mortelle avait été jetée nuitamment dans une voirie humaine. […] Genève lui offrait à la fois en perspective les avantages d’une ville lettrée et l’indépendance d’une terre vierge des tyrannies des rois et des ombrages de l’Église. […] Peu de temps après son installation aux Délices, il acheta en toute propriété la terre de Ferney, qui a donné son nom à son long exil loin de Paris. […] Une troisième réaction les en proscrit encore, et cet homme dont le nom remplissait la terre n’a pu trouver jusqu’ici une place stable pour son cercueil.
Celui-ci, dont les troupes étaient fatiguées, lui représenta les difficultés, et, entre autres, que pendant la gelée on ne pouvait ouvrir la terre ni se servir des rivières, et que pendant les pluies on ne pouvait faire les charrois. À quoi Villars répondit : « Pendant les pluies on se sert des rivières et on ouvre la terre, et pendant la gelée on fait les charrois. » Villars a beaucoup de ces saillies et de ces répliques heureuses. […] En vérité, cela est plus sûr que de suivre l’avis des courtisans, qui, ne songeant qu’à détruire ceux qui n’ont pour eux que leurs services, pourraient établir, sous un roi moins juste et moins grand que celui que la bonté de Dieu nous a donné, cette maxime si dangereuse pour les maîtres de la terre, qu’il vaut mieux songer à leur plaire qu’à les servir.
Ce fut pour les artistes qui avaient cru au sérieux de cet engagement une déception cruelle ; mais le poète y gagna de voir la grande terre, les grands horizons et les paysages aimés de Virgile. […] Je ne sais s’il y a sur la terre rien de plus utile et de plus doux que de retourner de bonne volonté à la source de notre être et de tout ce que nous avons aimé au monde. […] Je t’assure que c’est un ange que nous avons sur la terre.
Ils ont vérifié en un certain sens ce qui est dit de l’éloquence dans le Dialogue des orateurs ; « Nostra civitas donec erravit, donec se partibus et dissensionibus et discordiis confe-cit, etc. » — « Il en fut de même de notre république : tant qu’elle s’égara, tant qu’elle se laissa consumer par des factions, par des dissensions, par la discorde ; tant qu’il n’y eut ni paix dans le forum, ni concorde dans le sénat, ni règle dans les jugements, ni respect pour les supérieurs, ni retenue dans les magistrats, elle produisit une éloquence sans contredit plus forte et vigoureuse, comme une terre non domptée qui produit des herbes plus gaillardes… » Cela ne s’applique guère à l’éloquence de ces modernes qui, si l’on excepte Retz, n’avaient pas eu proprement à exercer leur talent d’orateur ; mais cela est vrai de leur élocution, de leur langue ; ils l’avaient étendue, élargie, assouplie, fortifiée en toutes sortes de relations et de rencontres bien autrement qu’en restant dans un salon comme à l’hôtel Rambouillet, ou dans un cabinet d’étude, comme un Conrart et un Vaugelas. […] Sur l’offre que leur en fit Alexandre, ils refusèrent de retourner en Grèce, ayant honte, disaient-ils, de s’y montrer en pareil état, et ils aimèrent mieux rester établis suc la terre d’exil. […] Je demande, très-humblement, à un grand écrivain la permission de courir un moment ici sur ses terres, et d’y recueillir, s’il se peut, quelques épaves échappées de ses mains, dans le voyage charmant où il convie ses lecteurs, à travers le xviie siècle.
Toute la terre est pleine de sa gloire ! […] vous êtes mon père ; Et je dis aux vers de la terre : Vous êtes ma mère et mes sœurs. […] Si les esprits supérieurs, les génies à pic, ne prêtent pas pied à divers degrés aux esprits inférieurs, ils en portent un peu la peine, et ne distinguent pas eux-mêmes les différences d’élévation entre ces esprits estimables, qu’ils voient d’en haut tous confondus dans la plaine au même niveau de terre.
En mécanique, on avait d’abord trouvé la machine de Marly, qui, avec des frais énormes, élevait l’eau sur le sommet d’une montagne ; après cette machine on a découvert des pompes qui produisent le même effet avec infiniment moins de moyens : sans vouloir faire d’une comparaison une preuve, peut-être que lorsqu’il y a cent ans en Angleterre, l’idée de la liberté reparut sur la terre ; l’organisation combinée du gouvernement Anglais était le plus haut point de perfection où l’on put atteindre alors ; mais aujourd’hui des bases plus simples peuvent donner en France, après la révolution, des résultats pareils à quelques égards, et supérieurs à d’autres. […] On se confie d’autant plus à leur durée que l’on est soi-même plus incapable d’ingratitude ; on se sait des droits à la reconnaissance, on croit à l’amitié ainsi fondée plus qu’à aucun autre lien de la terre, tout est moyen, elle seule est le but ; l’on veut aussi de l’estime publique, mais il semble que vos amis vous en sont les garants, on n’a rien fait que pour eux, ils le savent, ils le diront ; comment la vérité, et la vérité du sentiment ne persuaderait-elle pas ? […] C’est à cette époque funeste où la terre semble manquer sous nos pas ; où plus incertains sur l’avenir que dans les nuages de l’enfance, nous doutons de tout ce que nous croyons savoir, et recommençons l’existence avec l’espoir de moins.
« Là il s’occupait du soin d’améliorer ses terres, dont il tirait un revenu considérable ; mais ses plus heureux moments étaient ceux qu’il consacrait à l’étude des lettres et de la philosophie, ou au commerce et à la conversation des savants. […] Parmi les lettres de Ficino, on en trouve une de son vénérable protecteur, dans laquelle la trempe d’esprit de ce grand homme, et son ardeur à acquérir des connaissances, même dans l’âge le plus avancé, se peignent avec une grande vivacité. « Hier, dit-il, j’arrivai à Careggi, non pas tant avec le projet d’améliorer mes terres que de m’améliorer moi-même. — Venez me voir, Marsile, aussitôt que vous le pourrez, et n’oubliez pas d’apporter avec vous le livre de votre divin Platon sur le souverain bien. — Je présume que vous l’aurez déjà traduit en latin, comme vous me l’aviez promis ; car il n’y a pas d’occupation à laquelle je me dévoue avec autant d’ardeur qu’à celle qui peut me découvrir la route du vrai bonheur. […] Le tumulte, la confusion, les cris d’horreur furent tels, autour du chœur, que les assistants crurent à un tremblement de terre, et se réfugièrent, par toutes les issues, dans les cloîtres et autour de Santa-Maria.
Quand il mourut, Florence était libre, la Toscane prospère, l’Italie pacifique, l’Europe édifiée de ses vertus ; il fallait ou reconnaître son ascendant ou se déclarer le peuple le plus ingrat de la terre. […] Il subit son exil jusqu’à ce que le roi de l’Italie, unitaire contre la nature et l’histoire, transporte son trône ambulant de capitale en capitale pour trouver une bonne place sur la terre des Romains ; il y détrône un pontife désarmé, sans soldats et sans peuple, vainqueur par les armes françaises, d’une théocratie qui ne devait être remplacée que par la liberté de Dieu sur la terre.
Et ainsi il nous oblige à songer que ce nom patronymique d’Eyquem, de toute antiquité porté par sa race, il a été le premier à le quitter : que son père avait sans doute fait les guerres d’Italie, puisqu’il le dit, mais plus sûrement encore avait siégé à la cour des aides de Périgueux ; que cette terre de Montaigne, dont il se nomme, cette fortune, dont il jouit, avaient été gagnées par des générations de bons bourgeois, siégeant derrière leur comptoir, et qu’enfin le grand-père Eyquem avait bien pu vendre du hareng, comme disait Scaliger, parmi tant de marchandises dont il chargeait des vaisseaux. […] Mais regardant en lui, il y a trouvé quelque chose de plus que lui-même, l’homme : et, il a trouvé aussi qu’il ne se connaîtrait bien lui-même qu’en regardant hors de lui : ses voisins de Gascogne d’abord, ses voisins de France aussi, ses voisins d’Allemagne et d’Italie, ses voisins d’Amérique, ses voisins enfin de tout ce « petit caveau » qui est la terre dans l’univers : et les voisins du temps comme les voisins de l’espace, les gens d’hier, et d’avant-hier, et d’autrefois, l’humanité qu’on appelle ancienne. […] Par elles, il est arrivé à cette grande vérité, qui, si l’on y regarde bien, est la conclusion de toute son argumentation prétendue sceptique : c’est que l’homme, en haut-de-chausses, en toge, ou dans sa nudité naturelle, assis dans un trône ou courbé sur la terre ingrate, est toujours l’homme, « ondoyant et divers » sans doute, mais identique à lui-même dans cette ondoyante diversité, portant partout dans le cœur les mêmes instincts plantés par la commune mère nature, et les mêmes notions essentielles dans la conscience et la raison.
Peut-être tend-elle trop à développer les vertus actives qui rapportent : on sent dans cette morale un peu terre à terre une femme que la vie a battue et rapetissée. […] Il fut mis à la Bastille, puis exilé dans ses terres, à Bussy et Chaseu.
Il acheta une maison près de Genève, qu’il nomma les Délices, une autre à Monrion, près de Lausanne (1755). « Il faut, dit-il alors, que les philosophes aient deux ou trois trous sous terre contre les chiens qui courent après eux. » La leçon lui a profité. […] Je sais bien qu’au fond ces étonnantes liaisons de phénomènes qu’il nous présente, ces ricochets fantastiques d’effets et de causes, ces leçons de résignation fataliste, cette raillerie de la présomption humaine qui se croit assurée d’elle-même ou des choses, enveloppent une assez forte négation de la Providence : mais la moralité terre à terre dérobe l’audacieuse métaphysique.
Il est prêtre enfin, c’est-à-dire (pesez bien les mots et tâchez d’en concevoir tout le sens : ils sont étranges et stupéfiants) ministre et représentant de Dieu sur la terre, choisi et consacré par lui pour distribuer ses grâces aux autres hommes par les sacrements, investi du pouvoir exorbitant de changer du pain et du vin au corps et au sang de Dieu lui-même. […] Et la différence ne pourra que croître à mesure que la société laïque se préoccupera moins d’une autre vie, s’installera mieux dans celle-ci et prendra plus pleinement possession de la terre. […] Sans doute il était trop ivre de la beauté de la terre pour devenir le ministre d’une religion qui sépare si absolument Dieu du monde visible.
Granier de Cassagnac ; je ne voulais point chasser sur ses terres : et, dans le cas présent, c’eût été chasser le tigre. […] Pour un moment, je suis roi de la terre ; Tremble, méchant, ton bonheur va finir ! […] Venant proposer une mesure qui a pour but de diminuer la misère des patriotes indigents, il dira : Que l’Europe apprenne que vous ne voulez plus un malheureux ni un oppresseur sur le territoire français ; que cet exemple fructifie sur la terre ; qu’il y propage l’amour des vertus et le bonheur : le bonheur est une idée neuve en Europe !
» Hugo supporte avec une parfaite indifférence l’exil, n’admettant pas que la Patrie soit seulement la terre d’un sol et répétant : « La Patrie, qu’est-ce ? […] * * * 8 septembre Amsterdam… Une terre sortie de l’eau et véritablement bâtie ; un pays à l’ancre, un ciel aqueux ; des coups de soleil qui ont l’air de passer par une carafe remplie d’eau saumâtre ; des maisons qui ont l’air de vaisseaux, des toits qui ont l’air de poupes de vieilles galères, des escaliers qui sont des échelles, des wagons qui sont des cabines, des salles de danse qui figurent des entreponts ; des hommes, des femmes à sang blanc et froid ; des caractères qui ont la patience de l’eau ; des existences qui ont la platitude d’un canal, des castors dans un fromage : — voilà la Hollande. […] * * * — Pour moi, le plus étonnant trompe-l’œil de la vie sur des figures, le plus merveilleux morceau de peinture, le plus beau tableau de la terre : c’est le tableau des Quatre Syndics de Rembrandt.
A voir les arrivées successives de mobilisés, comme je les ai toutes vues, cela vous remue le cœur et vous enflamme et on ne demande qu’une chose : délivrer la terre de la clique impériale qui nous embourbe depuis si longtemps sous le poids formidable des armements. […] L’unité française se forme dès lors, ainsi qu’une fois déjà elle s’est formée à la Fédération du 14 juillet 1790, non pas sur la même religion sociale exprimée, mais sur le même amour de la France, sur le même amour de la justice… Cette conciliation ne deviendra jamais sans doute une assimilation et une confusion : il faut des fleurs diverses au jardin de la terre. […] Qu’a-t-il pris de sève par ses racines dans la terre profonde ?
Je crois que tous les êtres vivants, plantes et animaux, la possèdent en droit ; mais beaucoup d’entre eux y renoncent en fait, — bien des animaux d’abord, surtout parmi ceux qui vivent en parasites sur d’autres organismes et qui n’ont pas besoin de se déplacer pour trouver leur nourriture, puis la plupart des végétaux : ceux-ci ne sont-ils pas, comme on l’a dit, parasites de la terre ? […] Le feu qui est au centre de la terre n’apparaît qu’au sommet des volcans. […] Cette vie, je me la représente encore comme une vie de lutte et comme une exigence d’invention, comme une évolution créatrice : chacun de nous y viendrait, par le seul jeu des forces naturelles, prendre place sur celui des plans moraux où le haussaient déjà virtuellement ici-bas la qualité et la quantité de son effort, comme le ballon lâché de terre adopte le niveau que lui assignait sa densité.
La distribution des tâches sociales une fois fixée, lorsqu’il est établi qu’une certaine catégorie de gens est faite pour parler aux dieux, une autre pour combattre les ennemis, une autre pour cultiver la terre ou manufacturer les produits, n’est-ce pas alors que l’idée de l’inégalité des castes inaugure son règne ? […] À la porte de l’Église tous les honneurs humains doivent être dépouillés : le Dieu unique est si grand qu’à ses yeux les plus grands de la terre ne dépassent pas les plus humbles. […] On a eu raison de dire en ce sens que, la souveraineté, féodale dépend de la propriété : la condition de la terre emporte celle de l’homme.
Scherer, de dire tout ce qu’il y a d’agitation dans notre cœur lorsque nous commençons à reconnaître que notre Église et notre système n’ont pas le monopole du bien et du vrai, lorsque nous rencontrons des hommes également éminents et sincères qui professent les opinions les plus opposées…, lorsque nous découvrons qu’il n’y a point d’erreur qui n’ait un mélange de vérité, point de vérité qui ne soit partielle, étroite, incomplète, entachée d’erreur, lorsque ainsi le relatif nous apparaît comme la forme de l’absolu sur la terre, l’absolu comme un but éternellement poursuivi mais éternellement inaccessible, et la vérité comme un miroir brisé en mille fragments qui tous réfléchissent le ciel et dont aucun ne le réfléchit tout entier. […] Toujours il se croit à la veille d’une révolution qui va tout changer et renouveler entièrement la face de la terre.
Le monde pensant vit se lever de toutes parts de nouveaux horizons, et l’on découvrit de nouvelles terres. […] quelles différentes révolutions ne doivent-elles pas arriver sur toute la face de la terre, dans les États et dans les empires !
Il est raconté dans la vie d’un de nos Bienheureux qu’un jour il parcourait une ville à cheval avec ses amis : Dieu, qui le voulait avoir, le jeta par terre dans la boue, et ce fut l’occasion de son salut et de sa sainteté. […] qu’ils sont, essentiels, — aussi essentiels même que le commerce des femmes, — pour nous faire hommes tout à fait, pour nous rompre et nous désapprêter l’esprit et nous le déniaiser, pour nous guérir de la gourme originelle, pour nous ramener de temps en temps à la terre quand nous sommes tentés de perdre pied, pour nous avertir avec un léger croc-en-jambe et nous empêcher de faire l’ange quand l’envie par hasard nous en prend.
Comme ce vieillard de Térence qui se punit d’une erreur et qui se venge d’un secret chagrin, il se donnait bien de la peine et de la sueur à remuer la terre et à labourer son champ ; mais, pour cela, il n’était nullement devenu misanthrope. […] L’intérêt que tu as la générosité de me conserver te fait sur cela illusion ; mais moi qui, à la fin, ai eu le temps, depuis que je suis à terre, de me remettre de l’étourdissement que la chute m’a causé, je sens toutes mes contusions.
Au sortir des boudoirs, des toilettes et de tous ces bosquets de Cythère et d’Amathonte, dont il s’est tant moqué, mais dont il aurait dû se garder davantage, il se réfugie au sein de la nature, comme en un temple majestueux où il respire et se déploie plus à l’aise ; il la voit peu et sait peu la retracer sous les couleurs aimables et fraîches dont elle se peint autour de lui ; il préfère la contempler face à face dans ses soleils, ses volcans, ses tremblements de terre, ses comètes échevelées, et plonge avec Buffon à travers les déserts des temps. […] Purgeons le sol des patriotes, Par les rois encore infecté : La terre de la liberté Rejette les os des despotes.
Jouffroy au reste ne se pose pas la question dans ce sens ; il entend surtout par destinée de l’individu, la fin pour laquelle le moi a été placé sur la terre, eu égard à ce qu’il était avant cette vie et à ce qu’il deviendra après la mort. […] C’est nous donner le change et se payer de mots, que d’identifier le problème de la destinée de l’humanité avec celui de la destinée du moi ; la métaphysique et la psychologie ne détermineront pas l’histoire ; l’individu quelconque, s’observant isolément d’après la méthode expérimentale appliquée aux faits de conscience, n’atteindra que certaines formes constantes de sa nature, certains éléments abstraits de son esprit ; il n’acquerra que des probabilités éloignées sur l’immortalité de son âme, et il ne sera nullement en droit ni en mesure de conclure de là au développement de l’espèce à travers les siècles, à l’explication de sa perfectibilité croissante, de son émancipation progressive, de ses conquêtes au sein de la nature ; à la prédiction de son avenir sur cette terre ; pas plus que le chimiste habile qui aurait décomposé et analysé une portion du lobe gauche ou droit du cerveau humain, qui aurait vu certains gaz se sublimer et certains sels se déposer, ne serait en mesure ni en droit de conclure de cette décomposition morte à la loi physiologique du règne animal et de ses évolutions organiques.