Je n’ai pour cela qu’à profiter des documents mêmes que me fournit la publication nouvelle, en tirant un peu moins du côté de l’éloge que ne l’a dû faire naturellement l’estimable biographe (tout biographe devient aisément un apologiste ou un panégyriste), et en me tenant d’ailleurs dans les lignes exactes du récit de Napoléon, le premier des juges, ainsi que dans les termes des meilleurs témoins, auteurs de mémoires. […] Cependant le moment approchait où il allait se dégager du second rang et être appelé à se produire en première ligne. […] Commandant à Legnago en octobre, il avait reçu ordre du général en chef de lui faire un rapport sur la défense de Corona en été et en hiver, et sur toute la ligne de l’Adige au lac de Garde. […] Au clair de lune et par un froid excessif, il fait, accompagné de Joubert, la reconnaissance de l’armée ennemie et observe les lignes des feux sur les différentes hauteurs. […] Tous les cas y sont prévus, et en particulier celui d’une retraite après les lignes forcées et devant un ennemi supérieur.
Pourquoi des peuples qui demeurent à une même distance de la ligne sont-ils si differens l’un de l’autre. […] Les premiers hommes qui auront été s’établir vers la ligne auront laissé une postérité, qui n’étoit presque pas differente de la postérité de leurs parens qui s’étoient allez établir du côté du pole arctique. Les petits enfans nez les uns plus près du pole et les autres plus près de la ligne, suivant la progression des habitations des hommes sur la terre, se seront moins ressemblé. Enfin cette ressemblance diminuant toujours à chaque géneration et à proportion que des habitations des hommes, les unes s’avoisinoient de la ligne et les autres s’approchoient du pole arctique, les races des hommes se sont trouvées être aussi differentes qu’elles le sont aujourd’hui. […] Leur peau y devient blanchâtre, et l’on peut croire qu’une colonie de négres établie en Angleterre y perdroit enfin la couleur naturelle aux négres, comme les portugais du Cap-Verd ont perdu la leur dans les païs voisins de la ligne.
Ne croyons pas à ces lignes de M. […] Aussi bien que ce bâton dans l’espace, une ligne, quelques lignes, un tercet — celui que je viens de citer — isolés sur le blanc d’une page peuvent, par des mots mystérieusement choisis, faire bruire, indéfini, l’orchestre d’une sensibilité préparée. […] La ligne qui relie ces intersections, ah ! […] En dix lignes dix images qui se tiennent, se dérobent. […] Ces lignes, réponse dans l’Enquête de Jules Huret, nous éclairent suffisamment.
Les fatigues avaient encore aminci son visage, et la lumière lunaire en exagérait la pâleur, et les lignes si fortes, si jeunes et si mâles, de sorte qu’à l’image tragique du héros se mêlait je ne sais quelle âpreté ascétique. […] Ces lignes font mal. […] Nous repartons en première ligne, écrit le jeune soldat, en date du 24 mai, près d’Arras ; nous avons encore une crête à enlever ; ce sera dur, mais « impossible n’est pas français », et alors c’est la trouée de Lille et la percée est faite. […] C’est si bon de sentir derrière soi toute une famille, et quand je suis en ligne, dans ma cagna, je ferme les yeux une fois la lettre lue, et je me figure être avec vous tous. […] La grande parole initiale de Déroulède sur laquelle fut bâtie la Ligne et qui l’anime toujours (je la rappelai le 12 juillet 1914 en acceptant, bien indigne, la succession de notre chef), c’est : « Républicains, Bonapartistes, Légitimistes, Orléanistes, ce ne sont là, chez nous, que des prénoms.
Albert Mockel M. de Régnier est surtout un droit et pur artiste ; son vers a des lignes bien tracées, des couleurs transparentes et rares disposées avec justesse ; il démontre une grande probité d’écriture, un idéal d’art austère, la volonté d’un homme qui garde haut sa conscience. […] On la désirerait, à certaines places, secouée de plus de nouveauté, vivifiée par des trouvailles ; et, si elle devait ne chercher que sa propre beauté, s’arrêter à la seule splendeur de ses lignes sculpturales, il faudrait (mais je cherche ici par trop la petite bête !) […] On se reporte, en le lisant, à l’exclamation d’Ovide : quidquid scribere conabar versus erat , tant il semble que le simple délice d’écrire et la facilité inconsciente à modeler les courbes de la Parole ont suffi, dans une âme attirée vers le songe, pour tracer ces strophes aux lignes justes. […] Henri de Régnier a collaboré à presque toutes les « petites revues » tant françaises que belges, que suscita le mouvement dit « symboliste », et l’on trouvera en fin de ces lignes l’état à peu près complet de cette collaboration.
Marmont, par son esprit, par ses lumières, par cette rapidité d’impressions dont il était susceptible, s’y laissa gagner plus qu’il n’eût convenu à un homme qui n’eût voulu rester que dans sa ligne de soldat. […] Au matin, Marmont était chez le maréchal Ney, lorsque le colonel Fabvier, arrivant en toute hâte d’Essonne, lui apprit que, contrairement à ses ordres, les généraux avaient mis les troupes en mouvement vers les lignes ennemies, et qu’une défection était imminente. […] Craignant que l’Empereur n’eût été informé des négociations précédemment entamées, les généraux avaient pris sur eux de se soustraire à sa colère et d’emmener les troupes à travers les lignes ennemies. […] Je n’ai pas à faire son histoire durant les deux Restaurations, et il me suffit de dessiner sa ligne générale de conduite et d’opinion. […] En 1817, la conduite du duc de Raguse à Lyon caractérise sa ligne politique, ligne de modération et d’humanité.
Sa ligne politique, à cette date, est là, et c’est aller plus vite que lui que de la chercher ailleurs. […] C’est ce même sentiment d’une générosité presque confraternelle qui lui inspira (21 juillet) les quelques lignes par lesquelles il honora le trépas du jeune Amédée de Bourmont, tué au début de l’expédition, quand, à peu de jours de là, il avait été si inexorable et d’une mémoire si vengeresse contre le père. […] Les ordonnances du 26 juillet éclatent, et Carrel, ce jour-là, écrit les quarante lignes de protestation par lesquelles il déclare qu’il n’y a plus qu’une voie de salut offerte à la France, c’est de refuser l’impôt : « C’est aux contribuables maintenant à sauver la cause des lois. […] Cette ligne d’indépendance est belle à tenir. (5 septembre.) […] Le procès des ministres, en excitant les passions, fait dévier Carrel de sa ligne ; non pas qu’il ne déteste le désordre et que la vue des émeutes de décembre ne produise sur lui une impression pénible.
Le petit éventail de lignes pointées, divergentes et d’inégales longueurs, qui partent de A, peut représenter l’ensemble de sa postérité variable. […] Chacune de ces lignes pointées, qui atteint l’une des lignes horizontales de la figure et s’y trouve marquée par une petite lettre, suppose qu’il a été accumulé une somme de variations suffisante pour former une variété bien tranchée et telle qu’elle mériterait d’être mentionnée dans un ouvrage systématique. Chaque intervalle entre deux lignes horizontales de la figure peut ainsi représenter un millier de générations ; mais ce ne serait que mieux encore, s’il en représentait dix mille. […] Ce cas se trouverait représenté sur la figure, si toutes les lignes qui procèdent de A étaient supprimées à l’exception de la ligne qui va de a1 jusqu’à a10. […] Dans la figure, nous avons considéré jusqu’ici chaque ligne horizontale comme représentant mille générations ; mais chaque intervalle peut également en représenter un million ou même cent millions.
On ne prêche pas l’entraînement, on ne le prêche pas plus que la force : il est ou n’est pas… Il reconnaissait, à la date où il écrivait ces lignes, que l’heure était déjà passée, et il en souffrait. […] Carrel lui-même, si injuste avec lui dans le détail, lui niant perpétuellement ce qui allait se réaliser le lendemain, lui contestant l’énergie honorable qu’il montra en Belgique et à Ancône, et ces actes efficaces qui donnèrent alors au gouvernement de Juillet une attitude ; Carrel, si cruel une fois et si impitoyable pour lui, puisque, parlant du ministre déjà mourant, il disait (7 avril 1832) : « Espérons qu’il vivra assez pour rendre ses comptes à la France » ; Carrel fut plus juste le jour de la mort de Périer, et il écrivit ces lignes (17 mai), où il lui rend témoignage pour la qualité que lui-même prisait le plus : M. […] La violence du tempérament étouffait en lui les considérations de la prudence… Et il rentre ici dans ses injustices d’opposant ; mais on a pu sentir dans ces lignes un hommage qui est d’autant plus significatif qu’il est comme arraché. […] que Carrel n’a-t-il fait un plus grand nombre de ces articles comme celui qui lui échappa un jour à propos d’un Album de Charlet (5 février 1831), une jolie, piquante et savante analyse, résumée en quelques lignes ! […] Je sens plus que personne que, depuis le licenciement de la force brutale, notre politique n’a plus l’importance qu’elle avait lorsqu’elle n’exprimait que l’emportement, les passions et l’audace du parti ; nous dépendons encore du procès d’avril ; quand il sera terminé, nous aurons un système de guerre tout nouveau à suivre… Mais l’attentat de Fieschi éclatait quelques mois après ; les lois de Septembre s’ensuivaient, et la nouvelle ligne de politique projetée par Carrel s’ajournait indéfiniment.
Ces visions, qui ne sont jamais que l’entre-deux des lignes de l’Évangile, écrit par une main inspirée ; que les blancs remplis du Livre divin, ont, comme nous l’avons dit, trois parties distribuées maintenant en trois ouvrages : — la Vie de la Vierge, — la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, — et le Récit de sa Passion. […] Intensité de la couleur, mais intensité fulgurante, netteté coupante des lignes du dessin, inattendu et délié du détail, se dentelant et se détachant dans la transparence du récit, comme se dentellent et se détachent les rebords déchiquetés d’un édifice délicat et hardi dans la transparence de l’éther : voilà ce qui frappe d’abord dans les récits de cette visionnaire à l’œil perçant et clair qui a de l’aigle et du lynx, qui y voit grand, qui y voit petit, qui y voit pur, qui y voit tout ! […] III En effet, quoi de plus vague et de plus incertain que le terrain sur lequel elle nous bâtit, avec cette puissance de poëte que lui envieraient les plus grands, le monde au sein duquel elle nous fait vivre, puisque je l’ai dit, ce terrain, c’est le blanc laissé par les historiens entre les lignes de l’histoire… ? […] » Et vraiment pour nous qui les admirons aujourd’hui comme l’originalité la plus extraordinaire et la plus puissante, le plus incroyable à nos yeux n’est pas d’avoir créé dans l’histoire ou vu ce qui, de fait, n’y est pas (car c’est la même chose), mais c’est de n’avoir pas brouillé les lignes en écrivant dans l’entre-deux ; c’est de n’avoir pas faussé l’histoire connue, en y ajoutant ; c’est d’avoir pu, par exemple, l’Évangile étant donné, l’Évangile qu’on peut, même sans être chrétien, sans avoir l’âme bien haute, sans être Jean-Jacques, trouver le plus beau livre qui ait jamais paru parmi les hommes, ajouter aux faits qu’il renferme ; à son esprit, à son langage, et cela sans que l’imagination se soulève avertie et dise précisément comme on dit du Père Lacordaire sur la Madeleine : « Prenons garde ! […] Ils sont là tous, plus humainement particularisés avec le détail, les mille petits ou profonds coups de poinçon, qui les gravent dans l’esprit au fond duquel ils étaient déjà (mais moins avant), dans la beauté pure de leurs grandes lignes lumineuses !
à lui payés près d’un franc, autant que des lignes entières. […] Tirer à la ligne (Dieu sait comme !) […] Elles pérorent et placent des phrases à tant la ligne. […] Le public des feuilletons demande en première ligne le dénouement heureux. […] Tel qui peut donner cinq cents lignes admirables patauge et bafouille dès qu’il doit atteindre deux mille.
Le roi prend lui-même connaissance de l’affaire et décide ; presque tout est jugé en faveur de Sainctot, qui a pour lui une longue possession : il restera indépendant de M. de Blainville, ne prendra point l’ordre de lui, marchera à sa gauche, mais sur la même ligne, etc […] « La seule chose qui est favorable à M. de Blainville, ajoute Dangeau, c’est qu’il aura la queue de son manteau plus longue d’une aune que celle de M. de Sainctot ; et ainsi les charges ne sont pas égales, mais elles ne sont pas subordonnées. » Il semble à quelqu’un de spirituel avec qui je lis ce passage, que Dangeau, cette fois, a été à une ligne près de trouver cela ridicule, mais qu’il n’a pas osé. […] Les questions de cérémonial et de salut militaire ne sauraient être oubliées : « En arrivant ici (au camp de Lamsheim), Monseigneur vit toute l’infanterie en bataille sous une ligne à quatre de hauteur… M. de La Feuillée, lieutenant général, qui était demeuré ici pour commander l’infanterie, salua Monseigneur de l’épée, à cheval. » Monseigneur, toutefois, dans cette campagne, s’il ne fait rien d’extraordinaire, ne manque à rien d’essentiel : il remplit les devoirs de son métier, il fait manœuvrer son monde. […] Un Courtenay mousquetaire y fut tué, un descendant légitime de Louis le Gros et, à sa manière, un petit-fils de France. « Je voyais toute l’attaque fort à mon aise, écrit Racine à Boileau, d’un peu loin à la vérité ; mais j’avais de fort bonnes lunettes, que je ne pouvais presque tenir ferme tant le cœur me battait à voir tant de braves gens dans le péril. » Le roi, à ce siège de Mons comme l’année suivante à celui de Namur, s’offre bien à nous dans l’attitude sinon héroïque, du moins royale, et il satisfait à l’honneur, au courage, à tous ses devoirs, y compris l’humanité : « Jeudi 5 avril. — Le roi, en faisant le tour des lignes, a passé à l’hôpital pour voir si l’on avait bien soin des blessés et des malades, si les bouillons étaient bons, s’il en mourait beaucoup, et si les chirurgiens faisaient bien leur devoir. » La ville a demandé à capituler après seize jours de tranchée ouverte : « Le roi, dit Dangeau, a donné ce matin (9 avril) à Vauban 100000 francs, et l’a prié à dîner, honneur dont il a été plus touché que de l’argent. […] Je ne me souviens point que les Romains en aient vu un tel ; car leurs armées n’ont guère passé, ce me semble, quarante ou tout au plus cinquante mille hommes ; et il y avait hier six vingt mille hommes ensemble sur quatre lignes. » Il faut lire toute cette description.
Bignon était un diplomate distingué, qui a eu l’honneur d’obtenir une ligne dans le testament de Napoléon. […] Son caractère offrait la réunion des sentiments les plus généreux et des qualités les plus aimables. » Un troisième ministre important et à physionomie prononcée, qui ne jouissait à Varsovie ni d’une considération sans nuage comme Potocki, ni de la faveur populaire comme le prince Joseph, et dont le crédit avait son point d’appui à Dresde, était le ministre de la justice, comte Lubienski. — Mais je n’ai garde de m’aller enfoncer dans ce monde polonais si compliqué et si peu aisé à démêler de loin ; je n’ai qu’à caractériser la ligne de M. […] Vous ne retrouverez dans ces Mémoires que les principaux événements de notre vie commune : vous y verrez des erreurs que vous m’avez pardonnées, des mécomptes que vous avez prévus, et si votre nom ne s’y rencontre que rarement, vous savez qu’en écrivant les lignes qui suivent, votre pensée n’a pu me quitter un seul instant. » J’avoue que dans les Mémoires qui nous sont donnés, je ne vois pas trace d’erreurs dans le sens où on le pourrait supposer, dans le sens malin et français ; je n’y vois que des mécomptes. […] Fidèle et circonspect, par devoir comme par nécessité, il réprimera son penchant et le tiendra secret jusqu’à ce qu’il croie le moment venu pour la Saxe de suivre une autre ligne et de repasser dans un autre camp : il aura l’air alors de changer de drapeau quoiqu’il n’ait réellement pas changé de sentiments ni de manière de voir. […] Dans les jugements réciproques et contradictoires qu’ils porteront les uns sur les autres, nous verrons encore mieux se dessiner leur ligne et leur caractère.
Armand Silvestre est obligé de parler pêle-mêle de vingt volumes en deux cents lignes — de vingt volumes sur deux cents reçus ! […] Les trois quarts du temps le critique se borne à indiquer le sujet en quelques lignes et à dire des choses aimables ou sévères, et il ne peut faire davantage, même en choisissant un nombre très restreint de volumes et en condamnant à l’oubli tous les autres. […] Si l’on défalque de la critique actuelle les nombreux rédacteurs de ces jugements bâclés dont nous parlions, et qui remplissent avec une aimable inconscience cette rubrique qu’ils échangeraient aussi bien contre une autre, on se trouve en présence d’un petit nombre de personnes qui comprennent au moins la responsabilité qu’elles encourent en accordant vingt ou trente lignes à un livre qui a coûté des mois de travail. […] Elle ne peut se borner à signaler en quelques lignes au public les nouveautés littéraires, car vraiment la réclame, rédigée par des scribes, peut y suffire. […] Ceux-là fuient la nécessité de leur état en se réfugiant dans l’idée générale aussitôt qu’ils peuvent la faire entrer dans trois lignes avarement économisées sur l’insipidité du roman ou du vaudeville dont il faut parler.
À Paris, dans toutes les rues et les boulevards nouveaux de la Chaussée-d’Antin, les trottoirs ne se voient plus, sous les masses grises de vivants qui les recouvrent : une première ligne de mobiles, en blouse blanche, assis les pieds dans le ruisseau, une seconde ligne adossée ou couchée contre les maisons. […] La rue est encombrée de soldats de ligne, qui, assis sur des caisses de biscuit, barrent la rue. […] La ligne lèvera la crosse en l’air. […] » Je reviens en chemin de fer avec deux soldats de ligne. […] Ces jours-ci, nous avions traversé les lignes ennemies, l’armée de Paris donnait la main à l’armée de la Loire.
À peine quelques granges réunies en hameaux, et des lignes de barrière servant à parquer le bétail, formaient-elles un point d’appui ou un obstacle sur ce morne champ de bataille. […] En arrière, deux colonnes serrées, appuyant comme deux arcs-boutants cette double ligne de bataille, semblaient destinées à la soutenir et à l’empêcher de plier sous le choc des Français. […] Ces cuirassiers, rangés sur plusieurs lignes, s’ébranlent et se précipitent sur les baïonnettes russes. Les premières lignes, arrêtées par le feu, ne pénètrent pas, et, se repliant à droite et à gauche, viennent se reformer derrière celles qui les suivent, pour charger de nouveau. […] Tandis que la première ligne d’infanterie est ainsi culbutée et hachée, la seconde se replie à un bois, qui se voyait au fond du champ de bataille.
Il a été publié, à Bruxelles, une édition tronquée de ce livre, précédée des lignes que voici : « Le faux serment est un crime. […] H. » Les quelques lignes qu’on vient de lire, préface d’un livre mutilé, contenaient l’engagement de publier le livre complet.
Villars, ayant passé le fleuve vers le Fort-Louis, força les lignes de Bülh, où le margrave de Baireuth ne l’attendit pas, puis poussa l’armée impériale de poste en poste et fit une profonde incursion dans l’Allemagne au pas de course, répandant au loin la terreur et rançonnant les villes et les contrées. […] Villars, après avoir étudié le terrain, suivant son principe « que, quand on doit jouer une furieuse partie de paume, il faut au moins connaître le tripot », vit bien que d’attaquer Eugène dans ses lignes commencées de Landrecies était chose téméraire, et il se décida à porter son effort contre le camp de Denain, qu’il savait plus abordable, et dont le maréchal de Montesquiou (d’Artagnan) lui avait le premier parlé11. Il fallait seulement masquer ce projet jusqu’au dernier moment, donner le change à Eugène, lui faire croire que c’était à lui et à ses lignes de circonvallation qu’on en voulait : c’est à quoi l’on réussit moyennant un grand secret gardé même avec plusieurs des généraux chargés de l’exécution. […] On traversa l’Escaut sur des ponts improvisés ; on arriva à cette double ligne établie pour la sûreté des convois, et que les ennemis avaient appelée le chemin de Paris ; on assaillit d’emblée le camp surpris, et on défit totalement le corps qui y était retranché. […] Dans le résumé des guerres illustres que Napoléon a tracées en une quarantaine de pages, Villars obtient une ligne, mais cette ligne est celle-ci : « Le maréchal de Villars sauva la France à Denain. » C’est là le mot de l’histoire.
Un homme au collège s’est laissé dire qu’un vers est une ligne de douze syllabes sans élisions, laquelle finit par un son pareil à celui de la ligne voisine ; tout le monde peut fabriquer des lignes semblables, c’est affaire de menuiserie ; d’ailleurs il se souvient qu’il en a fait en latin, presque aussi bien que Claudien, bien plus joliment que Virgile ; maintenant que le voilà inspecteur des douanes, officier en retraite, il rabote et aligne des vers, compose des fables, traduit Horace, exactement comme d’autres, ses confrères, confectionnent des boîtes et des bilboquets avec un tour. Pour moi, j’aimerais mieux être obligé de commander une armée, que d’écrire ces terribles lignes non finies ; je trouve plus difficile de composer six beaux vers que de remporter une victoire ; en pareil cas du moins j’aurais la chance d’avoir un imbécile pour ennemi ; mes généraux me remplaceraient ; et il y a telle occurrence où les soldats tout seuls ont gagné la bataille. […] 200 — C’est que les vers sont tout autre chose que des lignes non finies. […] Notre corps se redresse à la vue d’un noble chêne ; notre main décrit une ligne sinueuse à l’aspect d’une eau ployante et penchée ; notre pas se mesure sur le rythme d’un air que nous entendons.
Un ou deux grains jetés comme au hasard montrent que la nature n’a pas voulu pourtant que cette pureté classique de lignes se pût confondre avec aucune autre. […] C’est un ciel d’Italie tout d’azur, avec un horizon net et arrêté ; pas un nuage, pas une vapeur : le bleu pur et les lignes certaines. […] La lettre du jour de l’an 1854 fut écrite sous cette inspiration du dedans qui sait démêler la ligne à suivre entre des obligations inégalement contraires et qui ne sacrifie rien de légitime. […] Elle goûte les chefs-d’œuvre du pinceau en tout genre, mais elle ne les classe pas indifféremment ; elle ne met pas sur une même ligne et ne comprend pas dans une admiration égale et souveraine tout ce qui peut-être y aurait droit, je veux dire tout ce qui excelle.
Bertrand : il parcourut la ligne des grand’gardes ; l’horizon, vers la forêt de Soignes, « apparaissait comme un incendie. » C’étaient les Anglais qui se séchaient, à leurs feux de bivouac, car le bois ne leur manquait pas. […] Quand on vit s’ébranler cette admirable cavalerie de Milhaud, quand on la vit traverser de droite à gauche notre ligne de bataille, un sentiment universel, électrique, circula : le cri de Vive l’Empereur ! […] Au dernier terme, il ne faut plus à Ney qu’un effort pour saisir la victoire ; les lignes anglaises sont trouées ou ébranlées de toutes parts ; la première ligne, la seconde est rompue, il ne reste à percer que la troisième et dernière ; un peu d’infanterie déciderait tout : Ney en fait demander en toute hâte à Napoléon par son aide de camp Heymès. « De l’infanterie !
Limayrac cesserait d’être lui-même s’il n’était pas toujours piquant, et dès la dixième ligne de sa notice on reconnaît son élégante et pimpante manière ; mais on y souhaiterait quelque chose de plus creusé. […] Limayrac s’est contenté d’être, en quelques lignes comme il sait les écrire, l’introducteur au public de l’auteur du livre de l’Amour : « Le livre de l’Amour — dit-il — est la physiologie complète de cette divine et infernale passion. […] D’abord, la Physiologie du mariage vient du livre de l’Amour en droite ligne. […] Sa Physiologie du mariage — une gaîté et presque une fredaine de sa forte et sanguine jeunesse, une corde agacée de cette lyre aux sept cordes qu’il devait briser sous sa main, — ne descend point en ligne droite de l’Amour de Beyle-Stendhal, mais en spirale, comme un vol d’aigle, de cette Fantaisie que Balzac portait dans sa tête, à côté des plus augustes, des plus calmes, des plus impériales facultés.
Et voici les premières lignes : « Tous les observateurs ont remarqué ce qu’il y a de troublant, d’alliciant et de profondément nostalgique dans le regard des femmes qui offrent cette particularité d’avoir des yeux bleus avec des cheveux bruns, surtout quand ces femmes appartiennent à une race douloureusement affinée par des siècles de vie élégante et artificielle. […] » Et ce roman s’appellera Guy de Valcreux, et je vais vous en confier les premières lignes : « Par une belle matinée de printemps, le digne M. […] Et l’impression du volume pourra bien être retardée parce qu’il y aura tant de citations, à chaque page, à chaque ligne, que l’imprimeur, à court, sera obligé de faire fondre plusieurs milliers de guillemets.
Introduction L’histoire de l’évolution de la vie, si incomplète qu’elle soit encore, nous laisse déjà entrevoir comment l’intelligence s’est constituée par un progrès ininterrompu, le long d’une ligne qui monte, à travers la série des Vertébrés, jusqu’à l’homme. […] Mais la ligne d’évolution qui aboutit à l’homme n’est pas la seule. […] Pour dépasser le point de vue de l’entendement, nous tâchons de reconstituer, dans notre second chapitre, les grandes lignes d’évolution que la vie a parcourues à côté de celle qui menait à l’intelligence humaine.
Louis Ménard « Outre les rêveries en prose, j’ai ajouté à cete édicion de mes poèmes qelqes sonets psicologiques, et deus ou trois pages sédicieuses que l’imprimeur avait remplacées par des lignes de points quand on n’avait pas la liberté de la presse. […] Toutes les autres pièces de vers se trouvaient dans l’édicion précédente, depuis longtemps épuisée, dont la préface se terminait par les lignes suivantes : “Je publie ce volume de vers qui ne sera suivi d’aucun autre, comme on éleverait un cénotafe à sa jeunesse.
Nous concevons à la fois tout un groupe de lignes divergentes ou entrecoupés, et c’est là pour nous la forme. » Surtout ils nient expressément qu’ils aient besoin, pour imaginer une ligne ou une surface, de se représenter les sensations successives de leur main promenée dans telle ou telle direction. « Cela serait trop long, et nous n’avons pas du tout besoin de penser à notre main ; elle n’est qu’un instrument de perception auquel nous ne pensons plus après la perception. » En effet, si, à l’origine de l’idée de distance, on trouve une série plus ou moins longue de sensations musculaires du bras ou de la jambe, ce n’est qu’à l’origine. […] Tel est le procédé de l’aveugle-né ; comme Saunderson, il peut devenir géomètre, concevoir des séries plus ou moins longues, divergentes selon tel ou tel angle ; ce sont là ses lignes ; et, par un ensemble de pareilles lignes, il conçoit des corps géométriques. Nous-mêmes nous nous servons de son procédé quand nous définissons les lignes par le mouvement d’un point, la surface par le mouvement d’une ligne, le solide par le mouvement d’une surface, et quand nous évaluons une ligne, une surface, un solide par la prolongation plus ou moins grande de l’opération musculaire qui en engendre la perception. Or nous pouvons imaginer ces mouvements avec une vitesse extrême ; nous pouvons donc ainsi avec cette seule ressource concevoir plusieurs lignes, partant une surface, et même un solide entier, presque en un instant. […] À cet égard, la peau, comparée à la rétine, est un instrument grossier, même aux endroits où son toucher est le plus délicat. — Aux vertèbres dorsales, au milieu du bras, de la cuisse et du cou58, nous ne distinguons deux attouchements que lorsque les points touchés sont distants de seize à vingt-quatre lignes ; à la face palmaire de la dernière phalange des doigts, il suffit que cette distance soit de 7/10 de ligne ; au bout de la langue, qui a le discernement le plus parfait, cette distance peut être un peu moindre qu’une demi-ligne.
De tout ce désordre se dégage pourtant une ligne ; le but suprême de l’historien est de reconnaître cette ligne, qui est le rythme de la volonté humaine. […] Sans cette complication, le caractère cornélien serait une ligne droite dans l’absolu. […] Quelques lignes de Chateaubriand (« Pharamond ! […] Tous les peintres se servent de lignes et des sept couleurs du prisme ; d’où vient que, même en faisant abstraction du sujet en soi, l’artiste révèle aussitôt sa personnalité ? […] J’ai lu avec plaisir ces lignes d’un homme très compétent : « Parce que des sources italiennes ont été découvertes à des œuvres qui n’étaient pas suspectes d’en avoir, de jeunes critiques ont fini par se persuader que nos poètes du xvie siècle n’ont jamais été capables d’écrire une ligne qui ne leur ait été dictée.
Observons celui-ci, cherchons quelle est sa faculté maîtresse, comment elle a formé son génie, comment elle s’est développée, selon quelle ligne droite ou courbe. […] Cette phrase a quinze lignes, et n’est point longue. […] Quelques lignes auparavant, vous retrouvez encore ce mélange d’élévation et d’aisance qui, depuis le dix-septième siècle, semblait perdu : « un Dieu qui a fait l’homme, parce qu’il n’a pas voulu retenir dans la solitude inaccessible de son être ses perfections les plus augustes, parce qu’il a voulu communiquer et répandre son intelligence, et, ce qui vaut mieux, sa justice, et, ce qui vaut mieux encore, sa bonté. » La première phrase touche au sublime ; la seconde descend presque jusqu’au laisser-aller. […] A-t-on oublié que si l’on ne considère pas les mots comme des chiffres, on ne peut raisonner pendant six lignes sans commettre six erreurs ? […] Cousin à la ligne suivante, « que la volonté seule soit la personne ou le moi. » Mes douleurs, mes plaisirs, mes idées, mes souvenirs, m’appartiennent très-certainement.
Je ne me dissimule pas ce que comportent de vérité ces lignes de Jules Lemaître. […] Doumic exerçait alors cette utile profession), que s’appliquent ces lignes de Faguet. […] En lisant ces lignes de Hugo et le commentaire qui les suit, on aura pensé peut-être à Paul Valéry. […] Il parle en deux cents lignes de ce qu’un auteur a mis deux, trois, dix ans à produire. […] J’infléchis mes lignes droites en lignes serpentines quand je veux serrer de plus près, je rectifie les lignes serpentines en lignes droites quand je veux ordonner des idées.
Dans les autres, conscient du centre de lui-même, il se dessine d’une ligne nette et simple. […] Les Chansons éternelles forment une ligne parabolique dont les deux côtés vont se perdre dans l’infini.
Le chapitre des métaphores pourrait tenir en vingt lignes, si on ôtait les exemples ; si on y mettait tous les exemples possibles, il demanderait vingt gros volumes. […] Gaston Paris me permettra de citer ici quelques lignes de son écriture, car elles sont une critique et elles disent ma pensée même, depuis que je les ai lues : « Sur quelques points (comme ce qui regarde l’orthographe) je ne serais pas tout à fait d’accord avec vous, et en thèse générale je ne sais si dans l’évolution linguistique on peut faire autre chose qu’observer les faits ; mais après tout dans cette évolution même toute volonté est une force et la vôtre est dirigée dans le bon sens. » Ma pensée c’est cela même, c’est que je ne suis qu’une force, aussi petite que l’on voudra, qui voudrait se dresser contre la coalition des mauvaises forces destructives d’une beauté séculaire.
Les lignes que nous voyons tracées à travers la matière sont celles mêmes sur lesquelles nous sommes appelés à circuler. […] Ici les lois sont intérieures aux faits et relatives aux lignes qu’on a suivies pour découper le réel en faits distincts. […] Commençons, au contraire, par tracer une ligne de démarcation entre l’inerte et le vivant. […] De là les lignes divergentes d’évolution, au moins dans ce qu’elles ont d’essentiel. […] On ne peut même pas dire qu’elle soit l’aboutissement de l’évolution entière, car l’évolution s’est accomplie sur plusieurs lignes divergentes, et, si l’espèce humaine est à l’extrémité de l’une d’elles, d’autres lignes ont été suivies avec d’autres espèces au bout.
L’armée était sans vêtements, sans chaussures, sans solde : On donna des fusils aux lieutenants et sous-lieutenants ; cette mesure, dont les officiers de ces grades se seraient bien passés, était bien entendue : nous devions faire la guerre sur les crêtes de l’Apennin, et l’effectif sous les armes était tellement réduit, qu’un seul officier, le capitaine, suffisait au commandement d’une compagnie en ligne… Un jour, je ne me rappelle pas la date, le citoyen Chiappe, commissaire du gouvernement près l’armée d’Italie, présenta à notre acceptation la Constitution de l’an iii. […] C’est de ce corps, qui devint plus tard le 18e régiment de ligne, que Pelleport s’est proposé de faire l’historique, s’écartant peu de tout ce qui est relatif à la fortune et aux actions de la famille militaire à laquelle il appartient désormais jusqu’après la campagne de Russie. […] Nommé de la Légion d’honneur en 1804, il fait la campagne d’Ulm, d’Austerlitz, toujours dans la 18e devenue le 18e régiment de ligne. […] Dans une revue que l’empereur passa au camp de Zeist, dans l’été de 1841. le 18e fut l’un des régiments inspectés : Arrivé devant le front de bataille de mon régiment, qui présentait 4000 hommes en ligne parfaitement équipés à neuf, grâce à des économies que j’avais réalisées sur la masse, et après avoir accordé quelques faveurs à mes officiers, l’empereur parut surpris de ce que je n’avais rien demandé pour moi ; se retournant de mon côté, il me dit : « Et vous, colonel, que demandez-vous ? […] Sous ces divers régimes, la ligne de conduite de Pelleport, nommé lieutenant général et de plus vicomte à la suite de l’expédition d’Espagne en 1823, est empreinte du même caractère invariable de prud’homie, d’honnêteté, d’utilité pour le public, d’observance de ses serments et de fidélité à ses souvenirs.
Enfin savourez sa dernière ligne : « M. […] Je lis et relis ces lettres, que je dois renoncer s’il ne tient qu’à moi, à examiner une à une, mais dont aucune ligne ne sera perdue. […] Ces quelques lignes, si franches, si cordiales dans leur amertume, trahissent le mieux du monde les causes principales de la réaction que j’ai dite. […] Il finit par une petite ligne aux perspectives innombrables. […] Je finirai seulement sur quelques lignes qui nous serviront comme de passage du profane au sacré.
Supposons que ma méthode soit juste, dans ses grandes lignes ; jusqu’ici je n’ai fait que l’appliquer sommairement, par un groupement nouveau de faits bien connus ; et je n’en ai donné qu’une seule explication, en insistant sur les rapports intimes qu’il y a contre l’évolution littéraire d’une part, l’évolution d’un principe et celle d’un groupe d’hommes (nation) d’autre part. […] chercher, derrière les mots et les formes, l’esprit ; et relier enfin tous ces points de repère, isolés, par une ligne synthétique. […] D’ailleurs, quelle que soit la méthode, on aboutit toujours en dernière ligne à quelque interprétation personnelle. […] Le comment de cette ascension nous apparaît dans les lignes très générales d’un rythme, mais ce n’est là qu’une moitié du problème, la plus facile. […] La méthode que j’ai exposée ici ne fait point fi des influences du milieu et du moment ; au contraire ; on a vu le rôle essentiel qu’elle leur attribue dans la ligne générale de l’évolution ; peut-être même quelque lecteur aura-t-il redouté comme conclusion un déterminisme inexorable et niveleur.
Ainsi je me contenterai de dire que les signes, que les semeia, qui servoient dans la musique vocale, aussi bien que ceux qui servoient dans la musique instrumentale, s’écrivoient au-dessus des paroles, et qu’ils y étoient rangez sur deux lignes, dont la superieure étoit pour le chant, comme l’inferieure pour l’accompagnement. Ces lignes n’avoient gueres plus d’épaisseur que des lignes d’écriture ordinaire. […] On s’est même servi des caracteres inventez par les anciens, pour écrire les chants musicaux jusques dans le onziéme siecle, que Gui D’Arezzo trouva l’invention de les écrire, comme on le fait aujourd’hui, avec des notes placées sur differentes lignes, de maniere que la position de la note en marque l’intonation.
À une époque où la vie privée tend à devenir monstrueusement une vie publique et où la vanité de chacun fait crier le plus fort qu’il peut sa crécelle, Léon Gozlan, un des esprits les plus brillants du siècle, de la race en ligne droite et courte des Chamfort et des Rivarol, ne faisait nul tapage de ses facultés. […] La première fois que celui qui écrit ces lignes le rencontra, — il y a de cela des années, — il ressemblait encore à ce portrait de son salon où, sous de longs et magnifiques cheveux noirs, éclatait, sombre, ce visage qu’on aurait dit fait de la beauté de quatre races différentes : la juive, la bohémienne, la phocéenne et la mauresque, et où le lion et l’aigle se confondaient, comme dans une chimérique tête de blason. […] C’est pour cela qu’Alexandre Dumas, le divertisseur des gens superficiels, est déjà à moitié passé, pendant que Léon Gozlan, l’artiste solitaire apprécié seulement durant sa vie des connaisseurs, qui sont des solitaires aussi, vivra plus longtemps que ces deux gloires bouffies, qui s’aplatiront demain comme des éléphants de baudruche sur lesquels on aura marché, par la seule raison que Gozlan mit dans ses livres cette toute petite chose qu’avait Voltaire, qu’avait Beaumarchais, qu’avait le prince de Ligne, et qui nous fait trouver une volupté si particulière jusque dans une anecdote de trois lignes contée par Chamfort ou un mot lancé par Rivarol ! […] Mais dans les autres livres de Gozlan faits par l’imagination et les autres facultés de l’auteur, à chaque ligne ne se rencontre pas moins l’esprit, sa faculté première, et quelle que soit la page, — qu’elle soit chauffée par la passion ou noyée dans les larmes de la tristesse !
Mais il en est de même sur toute la ligne. […] Les deux lignes de musique qui séparent le baiser de Kundry du cri « Amfortas ! […] Tannhæuser ; (218, 3e ligne). Walküre : (238. 3e ligne). Tristan : 38 (3e ligne). 206. 223 (3e ligne). 224 (4e ligne).
qui n’ont pas du moins entamé l’ardeur, ont paru ralentir les productions ; mais rien n’est tari, mais la ligne n’est pas brisée, mais les suites se retrouvent encore. […] Hugo est resté isolé d’elle, et si cet isolement s’est traduit bientôt en lignes si tranchées et a entraîné des conséquences sévères. […] Le départ du mauvais s’est fait de lui-même : les excès se sont tirés sur chaque ligne et jusqu’à leurs dernières et révoltantes conséquences : l’industrialisme, la cupidité, l’orgueil, ont atteint d’extravagantes limites qui font un camp à part et bien large à tous les esprits modérés, revenus des aventures, amis des justes et bienfaisantes lumières. […] Qu’ils suivent chacun leur ligne pour les œuvres individuelles, et consentent à coexister dans de certains rapports de communauté et de confins dans les jugements ; qu’on pratique ainsi la vraie égalité et indépendance, l’estime mutuelle du fond avec les réserves permises : voilà des mœurs littéraires de juste et saine démocratie, ce semble, et qui seraient d’un utile exemple à offrir aux jeunes hommes survenants, lesquels ne trouvent rien où se rattacher, que l’ambition illimitée égare ou déprave, dont quelques-uns tombent du second jour aux vices littéraires, les plus bas de tous, et dont on voit quelques autres plus généreux rôder dans la société comme de jeunes Sicambres, des Sicambres plume en main et sans emploi. […] Un retour, ne fût-il qu’assez rare de la part d’un chacun, s’il est réel et suivi, peut suffire à renouer le lien et à maintenir les lignes.
En dix lignes descriptives au cours de son enseignement esthétique, Ruskin sait enfermer plus de beauté que n’en reflète le préraphaélisme tout entier en une centaine de toiles. […] Imprégnez-vous de ces quelques lignes de l’esthéticien, prises au hasard : « Ces caractères de Beauté que Dieu a mis dans notre nature d’aimer, il les a imprimés sur les formes qui, dans le monde de chaque jour, sont les plus familières aux yeux des hommes…. […] J’ai devant moi en écrivant ces lignes deux portraits de Carlyle, l’un d’après le tableau de Watts, l’autre qui est une photographie quelconque ; de leur comparaison naît pour moi un exemple-type. […] Robert de la Sizeranne en a très bien saisi le caractère, en ces quelques lignes : « Les chevaliers, nous dit-il36, s’avancent dans la toile avec des demi mouvements jolis, mais gauches comme s’ils marchaient sur des pointes d’épées et s’ils avaient peur d’être contaminés par tous les objets qui les entourent. […] Si l’on veut bien admettre les quelques lignes qui précèdent, ou du moins ce qu’elles renferment de plus saillant au point de vue de l’art nouveau, on voit dès lors de quelle inappréciable distance l’art préraphaélite s’éloigne de ce dernier ; de toute la distance qui sépare l’artifice et la pré-conception de la réalité franchement acceptée.
Telle est l’évolution normale, dans ses grandes lignes ; d’autre part, il est évident que l’esprit général d’une époque n’impose pas, heureusement, un moule uniforme à tous les individus ; outre les attardés d’une époque précédente et les précurseurs d’une époque nouvelle, il y a la variété des tempéraments, les combinaisons infinies de la vie. […] Il ne faut pas que les œuvres de ces ouvriers, de valeur relative, nous soient un prétexte pour publier de l’« inédit », faire de l’érudition, encombrer de fatras les manuels et les mémoires ; non, il faut les mettre à leur rang, dire leur vraie valeur, qui n’est pas esthétique mais historique et génétique ; ces œuvres doivent se résumer en lignes d’évolution ascendante ou descendante, et contribuer à une synthèse d’idées. […] Nous créons alors des rubriques de « tout y va » ; ce sont des tiroirs, pour l’œil ; ce n’est pas de l’ordre, de la lumière pour l’esprit. — Il faudrait se résoudre à bouleverser beaucoup de nos catégories ; pour cela il faut s’habituer d’abord à voir autrement, à embrasser d’un coup d’œil la ligne d’ensemble (esprit général) et le cas individuel, et surtout à saisir, derrière la forme souvent trompeuse, l’état d’âme. […] Depuis dix ans j’ai de plus en plus le sentiment que ma méthode, très simple dans ses grandes lignes, infiniment complexe dans le détail, répond précisément aux réalités de la vie, pour autant qu’il est possible d’exprimer en mots rigides cette fermentation perpétuelle, dont le bouillonnement nous enchante et nous déroute, comme les flots de la mer qui se brisent sur le rivage, selon des lois éternelles, et dont l’œil ne perçoit que la ligne changeante et l’écume fuyante.
Enfin nous appellerons plus généralement M′ tout point de la ligne A′ B′ qui sera situé par rapport à B′ et à A′ comme M l’est par rapport à A et à B. […] Cette ligne, on le voit, s’écarte d’autant plus de M′ N′ P′ que la vitesse du système est plus considérable. […] Donc, il y a dans le système S une ligne MNP dont la ligne M′ N′ P′ est sortie, par voie de dédoublement, au moment où S′ se détachait de S. […] Maintenant, nous allons nous occuper plus spécialement des deux observateurs en N et N′, puisque c’est de la simultanéité avec ce qui s’accomplit en ces milieux de ligne qu’il s’agit 36. […] Mais il veut aider le philosophe dans sa tâche ; et jamais son regard ne se détache de la ligne mouvante de démarcation qui sépare le symbolique du réel, le conçu du perçu.
La justice des hommes se promettait par avance une de ces satisfactions d’amour-propre qu’au dire des comptes rendus elle éprouve chaque fois qu’il lui est donné de présider à une cérémonie de cet ordre, et le tout-Paris des dernières, friand de tout bruit de coulisse et notamment de celui que fait le sinistre couperet en glissant dans sa rainure retenait déjà ses places, etc… » Ne croyez pas, je vous en supplie, que ces lignes soient l’indice d’un mauvais cœur. […] Grosclaude exécute depuis des années ce tour de force, de ne pas écrire une ligne qui ne soit un cliché ou un poncif. […] Meissonnier : « Il faudrait n’avoir aucune expérience de ce qui se lit entre les lignes d’un journal pour ne pas comprendre que ces réticences cachent quelque horrible mystère.
Cousons ici quelques lignes curieuses sur la faculté de lecture attribuée à Louis Lambert, c’est-à-dire à Balzac. […] Un acte de drame n’a pas plus de quatre ou cinq cents lignes ; on peut faire cinq cents lignes de dialogue dans sa journée et dans sa nuit. […] Improviser toutes les semaines quatre ou cinq cents lignes sur les sujets les plus divers et les plus inattendus, et des lignes imagées, brillantes, « saupoudrées d’infiniment de traits d’esprit », comme un critique le conseillait à ce monsieur pour son cinquième acte un peu faible, des lignes d’une correction rapide et certaine dans leurs jets impétueux, pleines de ces bonheurs qu’on ne retrouve pas en les cherchant, tour à tour ironiques et enthousiastes, mêlant à la pensée des autres la fantaisie et la personnalité de l’écrivain, il faut pour y suffire avoir vraiment le diable au corps ! […] Mais il a laissé son empreinte, il a conquis son originalité, il est lui ; et nul n’ira plus loin dans la ligne qu’il s’était tracée. […] Ces deux talents sont des lignes parallèles voisines, il est vrai, mais qui ne se touchent point ; ce que l’un a de plus en fantaisie, l’autre le regagne en caractère.
» et elle cite seize lignes. […] *** Payées à la ligne, les ouvrières en feuilleton noircissent beaucoup de lignes. […] J’ai sous presse Dieu et Patrie, volume illustré de 15 000 lignes grand format, et aussi Cœurs vaillants, volume illustré de 12 000 lignes. […] Elle est trop polie, et ça ferait trop peu de lignes. […] J’aime mieux citer quelques lignes d’un noble féminisme.
Viennet, ne fit écrire et insérer, sous le nom de son secrétaire, les quelques lignes qu’on va lire, que sur la demande de M. […] Qu’on ne vienne plus dire que l’École poétique moderne a triomphé sur toute la ligne ; que Lamartine plane d’en haut ; que Victor Hugo, de son rocher de Guernesey, règne dans son soleil couchant et triomphe avec sa Légende des siècles ; M.
Si une âme religieuse en lisant ces lignes pouvait s’imaginer que j’insulte : « Oh ! […] Cela démonte fort les petits esprits, qui n’aiment que des formules de deux ou trois lignes, afin de les apprendre par cœur. […] Plus téméraires encore sont ceux qui prétendent enserrer de lignes l’infini. […] Le jet d’eau laissé libre s’élève en ligne droite ; gêné, comprimé, il biaise, il gauchit. […] Or, dans cette hypothèse, l’humanité serait engagée dans une impasse, sa ligne ne serait pas la ligne droite, marchant toujours à l’infini, puisqu’en poussant toujours devant elle elle se trouverait avoir reculé.
Il n’y manque que les lignes architecturales du temple blanc de Minerve, sur lesquelles semblent se mouvoir, aux différentes heures du jour, les groupes éternellement vivants, quoique mutilés, de Phidias sur le fronton du Parthénon. […] Il se plongea dans les mâles études de l’antiquité grecque et de l’Allemagne, toujours antique ; études sur la philosophie, sur la poésie, sur l’architecture, sur la musique, sur la sculpture, sur la peinture, ces cinq formes extérieures par lesquelles le beau, caché dans les langues, dans les sons, dans les lignes, dans les nombres, dans le marbre, dans les couleurs, se révèle avec plus ou moins d’évidence et de splendeur dans tous les temps et dans tous les lieux où Dieu suscite le génie pour dévoiler la beauté. […] Il semble que des rayons du pur soleil d’Attique pénètrent de toute part ce style, comme il pénètre, au lever du jour, les marbres translucides du Parthénon pour les faire descendre dans l’œil fasciné du voyageur ignorant comme moi, et pour les faire exclamer d’enthousiasme : Voilà le vrai, voilà le beau, voilà la divinité des lignes, voilà l’habitation des dieux sur la terre ! […] L’aspect de ces lignes harmonieuses dans le ciel d’Athènes, dont les profils et les contours forment ce qu’on appelle le beau dans l’architecture, — l’architecture, m’écriai-je, n’est qu’une géométrie animée : cette géométrie chante comme un poème ; ces lignes sont leur poésie ; la symétrie est l’équilibre des lignes. Ces lignes sont la métaphysique des édifices humains, nombres, géométrie, symétrie, décorations, tout cela construit en plus ou moins grande proportion, selon le génie de l’artiste, ce beau qui est l’idéal des yeux comme la musique est l’idéal de l’oreille, comme l’éloquence est l’idéal de la logique, comme la poésie est l’idéal de l’imagination et du sentiment.
Une colline boisée où s’étagent trois lignes de tranchées ; en face, l’autre versant de la vallée tenue par eux. […] Une minute encore ; jamais nous n’aurons de ces jeunes morts trop d’esquisses, recueillons de celui-ci huit lignes rapides, un portrait moral, que je demande qu’à l’étranger on retienne comme le portrait type du jeune Français. […] Je copie de telles pages, je m’attache à la respiration de ces jeunes héros, je ne mets pas d’autre ordre dans leurs pensées que la ligne d’ascension de mon admiration. […] Excuse la brièveté de ma lettre, je ne suis plus au repos, je suis en première ligne dans une cagna obscure où il pleut et où je ne peux me tenir qu’à genoux. […] Pour faire connaître, aimer cette jeune nature si tendre et si forte, j’aurais pu me borner à transcrire ces ultima verba, et simplement je crois, ce jeune salut « à la beauté, à la jeunesse, à la vie », mais c’est par piété que je transcris toutes ces lignes qui font tant d’honneur à notre nation.
Et il explique gentiment : « L’oreille, comme l’œil, apporte au cerveau des sensations d’autant plus précises que le caractère écrit, la ligne tracée ou l’exclamation prononcée sont plus synthétiques. » La bavarde n’entend pas, — heureusement. Si elle entendait, elle répéterait en cent pages les trois lignes substantielles. […] Prenant pour laideur toute beauté expressive et insoucieux de régler ou d’exalter le dedans, il aime dans le geste, non ce qu’il peut révéler de calme noblesse ou de générosité fougueuse, mais la seule beauté précise et presque immobile de la ligne. […] Dans l’Action du 25 juin 1903, il écrit ces lignes qui pourraient être de M. […] Ces lignes furent publiées dans la revue Les Partisans en mars 1901, au moment où paraissait La vérité en marche.
Il me semble qu’en ayant sous les yeux ce premier petit volume sans les additions incohérentes et un peu confuses qu’on a faites depuis, on saisit mieux dans ses justes lignes la génération des idées et la formation du talent. […] Il reste dans les lignes de la justesse et de la vérité. […] Au reste, pour se figurer la ligne de hardiesse et à la fois de modération qu’eût affectionnée et suivie Vauvenargues dans des circonstances différentes et dans les conjonctures publiques qui ont éclaté depuis, il me semble que nous n’avons qu’à le considérer en un autre lui-même, et à le reconnaître dans André Chénier. […] La ligne moyenne des Turgot et des Malesherbes eût été sans doute la sienne ; mais il est à croire que, généreux et brave comme il était, il eût rompu en visière aux erreurs même de ses amis, et qu’il eût protesté autrement encore que par son silence. […] Il a reconnu les vices et les défauts des hommes, mais il les a reconnus avec douleur, sans cette joie maligne qui ressemble à une satisfaction et à une absolution qu’on se donne en secret, de même qu’il a maintenu les grandes lignes, les parties saines et fortes de la nature, sans cet air de jactance par lequel on semble s’exalter en soi et s’applaudir.
Dès les premières lignes de son ouvrage, en effet, Édelestand du Méril a classé, avec la prestesse du coup d’œil le plus net et le plus agile, les travaux insuffisants de ses devanciers sur la question de la comédie, et fait pressentir, par la manière dont il en parle, la supériorité des siens. […] Ce peu de lignes, qui sont tout le savoir humain sur la comédie et son histoire, ont-elles été touchées et rompues par cette vaste dissertation que du Méril a publiée sous le titre d’Histoire de la Comédie, ou bien cette Histoire, qui veut être nouvelle, a-t-elle ajouté à ces lignes, pauvres et solitaires, quelques lignes de plus ? […] Mais, sous les enroulements de l’arabesque, les lignes, courtes et rares, qui sont toute l’histoire, restent toujours ce qu’elles étaient, dans leur maigre intégralité.
C’est en elle sans doute que sa fille a puisé, nonobstant ses tendresses de femme-poëte, ce sens judicieux, ferme, suivi, un peu mâle, ce bon esprit instruit, appliqué, ces lignes sûres et correctes, et ce quelque chose d’étranger et même de contraire à toute vapeur aristocratique. […] La vue fréquente des collections de gravures dans le cabinet de son père l’habituait aux lignes précises du dessin. […] Mais en suivant la destinée poétique de Mme Tastu, en la voyant cheminer si pure, si attentive et discrète, si comprimée parfois dans sa ligne tracée ; en lui entendant opposer d’autres talents de femmes, plus brûlants, plus passionnés en apparence, et non pas soutenus d’âmes plus profondes, je me suis dit que bien des bonnes et essentielles qualités interdisent souvent à des qualités plus spécieuses ou à de brillants défauts de se produire avec avantage. […] Dubois, en citant l’Ange Gardien, caractérisa, par quelques lignes bien senties, ce genre nouveau d’élégie domestique.
Je ne recule pas devant ce devoir, et j’ai lu souvent cinq cents pages pour n’en écrire que dix lignes. […] Le critique impressionniste intransigeant en est réduit à entourer cinq lignes délayant péniblement son sentiment, de commentaires ésotériques, souvenirs de jeunesse, évocations de lectures analogues, citations, congratulations ou injures. […] Une petite feuille si drôle, Le Pal, arborait cette rubrique : « Causeries sur quelques charognes. » La seconde ligne portait : « Hugo, About, Vallès. » II ne faut point s’étonner si par cette méthode on s’attire quelques hostilités. […] Dans le millier de pages, que feraient bout à bout mes chroniques, il n’y a pas dix lignes personnellement hostiles.
La ligne des collines se chantourne dans une gloire. […] Avec votre système vous en arriverez bientôt à juxtaposer des vocables, sans rien qui les enrégimente ou les lie, dans le seul but de provoquer une émotion, de sorte qu’une ligne construite ainsi : Sicile ! […] Mais comment nos critiques à tant la ligne pourraient-ils suivre cet exemple, eux, qui manquent de goût pour discerner le beau et qui adorent la réclame au point de s’intéresser plutôt aux œuvres bruyantes qu’aux œuvres vraiment belles ?
Sans que nous y fassions attention, et comme en dehors de notre conscience, l’esprit travaille et cherche, combine et découvre encore, et soudain parmi les lignes de plan que nous arrêtons nous voyons surgir une pensée nouvelle, importante souvent, parfois vraiment principale et maîtresse, à laquelle il faut tout soumettre, et qui nous oblige à bouleverser l’édifice commencé. […] Le dessin de l’œuvre entière, fait prématurément, retient l’inspiration, et détruit la spontanéité par la netteté impitoyablement sèche de ses lignes régulières.
Comme on s’écarte d’un point de vue pour le contempler, le moi s’écarte de soi-même, et, s’avançant sur la ligne du temps, il ne saisit dans le passé qu’une image dont la conscience a conservé le reflet, une image qu’une mémoire plus ou moins fidèle présente à sa vue, plus ou moins déformée, privée de vie toujours. […] Il faut donc de toute nécessité qu’il se conçoive autre qu’il n’est : lui, l’unique, le voici dispersé sur la ligne du temps en mille représentations diverses, et ces représentations n’existent que pour un sujet qui, lui-même, se modifie insensiblement et sans cesse, c’est-à-dire pour des sujets multiples, entre lesquels n’existe qu’une présomption d’identité que la fiction conventionnelle d’une unité.
Grâce à cette faculté caméléonesque, que, de tous les penseurs dans l’art et dans l’humanité, Shakespeare eut au degré le plus incomparable, et que Walter Scott, son descendant en ligne directe, et Gœthe, son descendant en ligne collatérale, eurent tous les deux après lui, l’auteur du Prométhée put singer puissamment la vie de cette société morte, dont les beaux Vampires de la Renaissance avaient tari le cadavre de leurs lèvres brillantes et enivrées.
Vielé-Griffin et de Régnier ont dû s’éblouir tous les deux de cette magique surprise, mais chez celui-ci la maturité paraît s’être précocément montrée ; l’artiste a très vite contenu le poète, on l’aperçoit dès les livres du début, et dans les Sites déjà le vers est nombreux, ferme de lignes, enrichi d’élégantes images savamment serties qui annoncent l’harmonie des strophes futures. […] L’homme s’agite dans la Joie et dans la Tristesse mais tout effort tenté selon la vie est vain, donc douloureux : il faut ployer la tête et suivre son destin. — Cette philosophie est, il est vrai, trop peu clairement indiquée au long des œuvres de M. de Régnier pour que les lignes précédentes aient une signification autre que probable ; peut-être même ai-je complété ici ce que je devinais de la théorie pour en faire pressentir la consistance. Mais on y voit nettement les idées considérées comme indépendantes du vouloir, la force du Destin et la conclusion : se résigner ; enfin, et surtout, la ligne d’une pensée esthétiquement grande et belle, très propice à une grave poésie lyrique.
Goûtez un peu l’ivresse que respirent ses dernières lignes : « L’Art triomphe une fois de plus ! L’Art pur, l’Art sans compromissions, sans étiquette de chapelle ; l’Art au service de la souveraine Beauté. » Il parlait de « haines à jamais abolies, de consciences haussées à la divinité » et il concluait : « Nous voilà prêts à fêter au prochain banquet la poésie personnifiée cette fois par Jean Moréas, le plus pur, le plus haut et le plus désintéressé des poètes. » Je lisais ces lignes de Léon Deschamps, lorsqu’un télégramme m’apprit le coup fatal. […] Ma mélancolie se fit jour dans ces pages que publiait la Plume, le jour même où Léon Deschamps rendait compte — ce furent ses dernières lignes — du triomphal banquet Paul Adam : 21.
Chose curieuse, ces photographies ont un caractère individuel très marqué, et en même temps une pureté de lignes qui les rend souvent plus agréables à voir que les portraits primitifs. […] » Les nominalistes répondent que la conception d’un triangle suppose une certaine détermination de l’espace, que cette détermination consiste en lignes, que ces lignes supposent des mouvements ou des couleurs, et que ce qui reste finalement dans l’esprit, c’est une représentation plus ou moins vague des états de conscience correspondant soit au mouvement, soit à la vue des lignes colorées. […] La contrepartie physique du raisonnement est la grande loi qui veut que tout mobile persévère dans son mouvement tant qu’une autre force ne l’en détourne pas, et qu’il suive toujours la ligne de la moindre résistance. […] Par une série quelconque de points, A, B, C, D…, je puis toujours faire passer une ligne, mais, si cette ligne est très irrégulière, j’en conclurai que la disposition des points est fortuite ; si elle est très régulière et forme un cercle, j’en conclurai qu’elle résulte d’une loi constante et d’une cause toujours la même110. […] De plus, les lignes de l’image ne sont pas vraiment droites, elles ne sont pas des longueurs sans largeur et sans profondeur, etc.
À seize ans, il a un duel et se bat pour son frère, plus jeune, qu’on a insulté : il est blessé à quelques lignes du cœur. […] Les chefs l’accueillaient avec bienveillance ; et lui, avec cette illusion confiante à laquelle n’échappe aucune noble jeunesse, il voulut user d’abord de cette espèce d’influence qu’ils paraissaient lui accorder, pour tenter de les réunir : « Ainsi, dit-il, je fis de vains efforts pour rapprocher Mounier et l’abbé Sieyès, entreprise bien digne d’un jeune homme à l’égard de ces hommes impérieux, qui étaient arrivés pour faire prévaloir des systèmes opposés. » Lui-même il se forma vite et se décida sur la ligne à suivre. […] Il confesse que l’amour de la popularité fut longtemps son faible et son idole, et que, s’il dévia un moment de la droiture de sa ligne, ce fut pour la ressaisir quand il la vit près de s’échapper : Dès qu’un homme faible, a-t-il remarqué, sent échapper la popularité, il fait mille efforts pour la retenir, et, pour l’ordinaire, ce moment est celui où on manque le plus à son opinion, et où l’on peut se laisser entraîner aux plus folles et aux plus funestes extravagances. — Pour un homme de caractère, l’abus contraire serait plutôt à craindre, et, tout comme l’autre y eût mis de la lâcheté, il serait enclin à y mettre du dépit. […] Je me suis tellement surveillé, que je ne pense pas m’être écarté de ma ligne naturelle ; mais la seconde fois, si je ne me fusse imposé pendant quinze jours un silence presque absolu, il y aurait eu quelques moments de chaleur où je me serais donné des torts réels et ineffaçables. À un autre endroit, il convient plus explicitement d’avoir dévié de sa ligne, lorsque, redevenant assidu aux séances publiques de l’Assemblée, d’où ses travaux dans les Comités l’avaient quelque temps éloigné, il s’aperçut que sa popularité avait notablement baissé, et que les attaques du dehors avaient agi.
En symbolisant ces trois termes par les segments consécutifs AB, BC, CD d’une même ligne droite AD, on peut dire que notre pensée décrit cette ligne d’un mouvement continu qui va de A en D, et qu’il est impossible de dire avec précision où l’un des termes finit, où commence l’autre. […] Nos perceptions, actuelles et virtuelles, s’étendent le long de deux lignes, l’une horizontale AB, qui contient tous les objets simultanés dans l’espace, l’autre verticale CI, sur laquelle se disposent nos souvenirs successifs échelonnés dans le temps. Le point I, intersection des deux lignes, est le seul qui soit donné actuellement à notre conscience. D’où vient que nous n’hésitons pas à poser la réalité de la ligne AB tout entière, quoiqu’elle reste inaperçue, et qu’au contraire, de la ligne CI le présent I actuellement perçu est le seul point qui nous paraisse exister véritablement ? […] D’abord, les objets échelonnés le long de cette ligne AB représentent à nos yeux ce que nous allons percevoir, tandis que la ligne CI ne contient que ce qui a été déjà perçu.
I L’idée du moi On éprouve la même difficulté à construire la conscience continue avec des sensations qui, pour l’analyse abstraite, semblent détachées, qu’à construire une ligne avec des points, un mouvement continu avec des moments successifs. […] Mais supposons, à l’intérieur de la fusée, un appareil optique et photographique capable de photographier toutes ses étincelles, tout son trajet brillant, et même le trajet des autres fusées : ce sera une sorte de mémoire, si la fusée sent à la fois sa lueur présente et les images affaiblies de ses lueurs passées, disposées selon une ligne fuyante. […] Enfin tout vient aboutir à l’idée du moi, comme les rayons au centre, et ce centre est un mobile toujours en progrès sur une ligne continue. […] L’être qui se prolongera par la représentation dans le passé et dans l’avenir sera donc mieux armé dans la lutte pour l’existence : par cela même qu’il concevra sa conservation, il la réalisera dans la même mesure : il aura sa ligne tracée, sa direction, son but ; il saura d’où il vient, où il est, où il va.
Bornons-nous à rappeler qu’ils consistent encore à appliquer le mouvement le long de la ligne parcourue et à supposer que ce qui est vrai de la ligne est vrai du mouvement. Par exemple, la ligne peut être divisée en autant de parties qu’on veut, de la grandeur qu’on veut, et c’est toujours la même ligne. […] Nous sentons bien alors que la ligne parcourue entre deux arrêts se décrit d’un seul trait indivisible, et qu’on chercherait vainement à pratiquer dans le mouvement qui la trace des divisions correspondant, chacune à chacune, aux divisions arbitrairement choisies de la ligne une fois tracée. La ligne parcourue par le mobile se prête à un mode de décomposition quelconque parce qu’elle n’a pas d’organisation interne. […] Chaque être décompose le monde matériel selon les lignes mêmes que son action y doit suivre : ce sont ces lignes d’action possible qui, en s’entre-croisant, dessinent le réseau d’expérience dont chaque maille est un fait.
Mouvements sans mobiles, sensations sans sujets, reliés par un réseau de formules, dessin sans fond, tracé de lignes idéales. […] Et ne le lit-on pas entre ses lignes lorsqu’il remet Hippolyte Rigault à son rang de plébéien ? […] Tandis qu’un bibelot les charme, leur « amuse l’œil », les lignes architecturales du Parthénon les ennuient. […] Il y a là, sur son enfance misérable et sur son éveil d’artiste, des lignes exquises. […] Dirons-nous qu’il se rencontre dans ce volume des lignes de phraséologie un peu fade, comme il n’en sort jamais de sa bouche ?
Voilà tout ce que le démon y peut gagner. » C’est elle qui a dit encore : « Il y a des temps où l’on croirait que le bon Dieu pêche à la ligne, et que le diable, lui, fait les coups de filet. » C’est la plaisanterie de Voltaire, mais retournée de l’autre côté ; ou plutôt ce n’est la plaisanterie de personne, c’est la plaisanterie de tout ce qui sait plaisanter et parler légèrement de choses graves, sans rien diminuer de leur gravité. […] et sur toute la ligne et dans toutes ces lignes le sexe a triomphé !
Il Tétait discrètement, et dans l’entre-deux des lignes plus qu’expressément dans la page. […] J’ai dit qu’on pouvait lire dans l’entre-deux des lignes de M. […] Taine électrisé, a été bombardé, en définitive, dans les dernières lignes de sa Notice.
Lire, c’est étudier ligne à ligne une œuvre littéraire. […] L’helléniste Émile Egger, qui s’y connaissait, a jugé cette traduction en quelques lignes. […] On pourrait avec ces lignes faire une description. […] On s’interrompt, on va à la ligne, et on se met à décrire. […] Lisez ces lignes sur Socrate et Caton.
Il y a des auteurs qui n’écrivent plus leurs romans de feuilletons qu’en dialogue, parce qu’à chaque phrase, et quelquefois à chaque mot, il y a du blanc, et que l’on gagne une ligne. Or, savez-vous ce que c’est qu’une ligne ? Une ligne de moins en idée, quand cela revient souvent, c’est une notable épargne de cerveau ; une ligne de plus en compte, c’est une somme parfois fort honnête. Il y a tel écrivain de renom qui exigera (quand il condescend aux journaux) qu’on lui paye deux francs la ligne ou le vers, et qui ajoutera peut-être encore que ce n’est pas autant payé qu’à lord Byron.
Tandis que notre aile droite, avec le duc d’Anguien, culbute l’aile gauche des ennemis et s’avance même par-delà la première ligne de leur infanterie, leur droite met notre gauche en déroute. Ici, écoutez le narrateur : … Du point où le duc d’Anguien avait fait halte pour rallier derrière la ligne espagnole ses escadrons victorieux, il ne pouvait saisir les détails de ce tableau ; mais la direction de la fumée, la plaine couverte de fuyards, la marche de la cavalerie d’Alsace, l’attitude de l’infanterie ennemie, tout lui montrait, en traits terribles, la défaite d’une grande partie de son armée. […] Laissant Gassion sur sa droite avec quelques escadrons pour dissiper tout nouveau rassemblement de la cavalerie wallonne, il fait exécuter à sa ligne de colonnes un changement de front presque complet à gauche, et aussitôt, avec un élan incomparable, il la lance ou plutôt il la mène en ordre oblique sur les bataillons qui lui tournent le dos. […] C’était Gassion qui, en poursuivant l’ennemi, était arrivé au-delà de la deuxième ligne espagnole (les tercios wallons), c’est-à-dire sur un terrain plus élevé que celui où se trouvait la masse des combattants. […] Au commencement de la bataille, « tous les escadrons sont sur une seule ligne ; Gassion en conduit sept et prend à droite, Anguien à gauche, un peu en arrière avec huit ».
Leurs gaules sont tout bonnement des baguettes de noisetier ou de noyer ; une corde leur sert de ligne, et leurs hameçons ne paraissent pas des plus fins. […] Chacun jette sa ligne là où il croit qu’il fait le meilleur, ayant eu soin, avant tout, de sonder avec sa baguette la profondeur de l’eau pour s’assurer que la petite bouée pourra se maintenir en place. […] Il y en avait alors tant et tant, qu’on pouvait en prendre à volonté avec la première ligne venue, pourvu qu’il y eût au bout une épingle amorcée de quelque sorte de ver ou d’insecte que ce fût, et même d’un morceau de poisson frais. […] M’étant muni d’une belle ligne et des insectes que je savais le plus de son goût, je gagnai un banc de sable recouvert par un pied d’eau environ, et où j’avais préalablement reconnu plusieurs de ces dépôts d’œufs. […] Je repliai ma ligne, et donnai un grand coup de baguette dans l’eau, de manière à atteindre presque le poisson.
Arrivant à des esprits préparés, cette doctrine fut, bientôt, l’universelle croyance ; elle habitua chacun à voir, seulement, dans les âmes, la pure Pensée, indépendante de toute influence sensible, et, dans les corps, la pure Ligne, abstraite. […] Ce fut, encore, Sébastien Bach, un psychologue aussi, curieux de l’expression, mais enfermant les émotions qu’il traduit sous les rigoureuses lignes d’un contre-point fixe, tout rationnel. Enfin, les peintres, Lebrun, Poussin, et, plus tard, David, non moins réalistes, voient et peignent, dans les corps, seule la pure ligne, les contours harmonieux. […] C’était les mêmes lignes, aux entrelacements énigmatiques, aux signes merveilleusement emmêlés, sous lesquelles le grand Albrecht Dürer avait reproduit le secret du monde de la Lumière et de ses formes ; créé le livre enchanté du Nécromant, qui projette sur le Microcosme la lumière du Macrocosme. […] Ces blanches filles aux lignes tournées, mollement, dans une lumière, et cet horizon assombri, où s’avance, sonnant du cor, le héros, cela dit une gaîté où est comme une peur ; M.
C’est ainsi qu’il devina, dès la formation de l’armée de réserve à Dijon, le plan de Bonaparte pour la seconde guerre d’Italie, sa ligne d’invasion par le Valais, et, dans un souper à Berne entre officiers, il fit un pari que l’événement, cinq mois après, justifia. […] et Loison, au-delà du Danube, Jomini avait indiqué éventuellement la ligne de retraite. […] On y lit en tête ces lignes, qui traduisent sa vraie pensée : « Cet ouvrage est un des plus distingués qui aient paru sur ces matières. […] Ainsi Jomini aurait voulu qu’au début de la campagne de 1756 Frédéric portât à la coalition formée contre lui un coup terrible ; qu’entre les trois lignes possibles d’opérations il choisît l’offensive, celle de Moravie, où une grande bataille gagnée lui eût permis de pousser jusqu’à Vienne.
Pour leur donner vis-à-vis du public plus de solidité et de consistance et piper le bruit, on a écrit au frontispice de ces Mémoires cette ligne majestueuse : « Publiés sous le patronage (on a oublié le mot haut) de M. le duc de Luynes (ce qui fait deux ducs), par MM. […] … II Franchement, c’est à ne pas y croire, qu’une telle publication, on ne sait pourquoi de douze volumes qui, si j’en juge par les quatre — que je viens de lire avec le soin et l’attention qu’on met à étudier les insectes… lorsqu’on les aime, — ne contiennent pas douze pages, et peut-être douze lignes de renseignement véritablement nouveau et historique ! […] Trois anecdotes, de dix lignes chacune, pour justifier une publication de quatre volumes in-8º de 500 pages !
Quand un poète est mort, on ne lui ménage pas les lignes. […] C’est un de nos morts… Je prends dans ces lignes toute la part qui m’en revient et qui est à mon intention : cette part, c’est l’envie, l’égoïsme, la médiocrité, la camaraderie ; c’est d’être un compilateur hypocrite, un écrivain à teintes grises, que sais-je encore ?
Et l’on pourrait aller longtemps et passer dans tous les compartiments et l’on pourrait dire : Dans la même proportion qu’il y a une immense tourbe de peintres qui dessinent par des lignes toutes faites. […] On aurait beaucoup fait, on aurait peut-être tout fait si seulement on forçait les combattants à occuper leurs véritables lignes de bataille. […] Et dans cette deuxième partie même il n’y a que le cœur, en tout vingt lignes, qui soit les règles de la méthode. Ce sont ces vingt lignes qui ont révolutionné le monde et la pensée. […] C’est un préjugé qui a cours et qui fleurit sur toute la ligne.
L’effort créateur ne passa avec succès que sur la ligne d’évolution qui aboutit à l’homme. […] Nous parlions jadis de ces « lignes de faits » dont chacune ne fournit que la direction de la vérité parce qu’elle ne va pas assez loin : en prolongeant deux d’entre elles jusqu’au point où elles se coupent, on arrivera pourtant à la vérité même. […] Elle avait dû contourner bien des obstacles, se rétrécir pour passer, se partager surtout entre des lignes d’évolution divergentes ; finalement, c’est à l’extrémité des deux lignes principales que nous avons trouvé les deux modes de connaissance en lesquels elle s’était analysée pour se matérialiser, l’instinct de l’insecte et l’intelligence de l’homme. […] Même sur la ligne où l’essentiel de cette impulsion a passe, elle a fini par épuiser son effet, ou plutôt le mouvement s’est converti, rectiligne, en mouvement circulaire. L’humanité, qui est au bout de cette ligne, tourne dans ce cercle.
Les lignes sont belles. […] Elle est solide et gracieuse, bien aérée, de lignes harmonieuses. […] Les lignes sont nerveuses et souples, sans mollesse ni dureté. […] relis — et médite-les — ces lignes de l’Imitation. […] La ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre.
Dubois, ne détourna pas un seul instant le journal de la ligne extrême où il était lancé ; vers cette fin de la lutte, toutes les pensées n’en faisaient qu’une pour la délivrance, il semblait même qu’il y eût dans cette rédaction du Globe des vues et des ressources d’avenir plus vastes qu’ailleurs. […] Magnin, et celui qui écrit ces lignes, penchaient plus ou moins du côté novateur en poésie ; MM. […] Jouffroy, il est une œuvre qu’avant de finir nous ne pouvons nous empêcher de lui demander, parce qu’il nous y semble admirablement propre, bien que ce soit hors de sa ligne apparente. […] Le psychologiste pur me fait l’effet du pêcheur à la ligne, immobile durant des heures dans un endroit calme, au bord d’une rivière doucement courante. […] Son illusion est de croire pouvoir aller au-delà de ce sentiment d’observation contemplative ; car, s’il veut tirer le poisson hors de l’eau, s’il agite sa ligne, comme, en cette sorte de pêche, le poisson, c’est sa propre image, c’est soi-même, au moindre effort et au moindre ébranlement, tout se trouble, la proie s’évanouit, le phénomène à saisir n’est déjà plus.
Pendant ce temps, sa main écrit des lignes non finies, terminées par des syllabes pareilles ; et il se trouve que ces lignes sont la même chose que ce rêve ; ses phrases n’ont fait que noter des émotions. […] Lisez encore ces trois lignes, vous emporterez avec leur souvenir de quoi songer toute une heure, car elles enferment toute une vie : J’étais libre et vivais content et sans amour ; L’innocente beauté des jardins et du jour Allait faire à jamais le charme de ma vie.
Josèphe, né l’an 37 et écrivant dans les dernières années du siècle, mentionne son exécution en quelques lignes 1234, comme un événement d’importance secondaire ; dans l’énumération des sectes de son temps, il omet les chrétiens 1235. […] Aucune révolution ne fera que nous ne nous rattachions en religion à la grande ligne intellectuelle et morale en tête de laquelle brille le nom de Jésus. […] On sent à chaque ligne un discours d’une beauté divine fixé par des rédacteurs qui ne le comprennent pas, et qui substituent leurs propres idées à celles qu’ils ne saisissent qu’à demi.
Ai-je besoin de dire qu’il n’y a pas de tableau et que, pour découvrir ici ou là une ligne significative, nous sommes obligés à beaucoup d’indulgence et à beaucoup d’imagination ? […] Néron incendiant Rome est un coloriste qui, pour exaspérer la couleur ardente, détruit complètement la ligne. […] Elle ne donne aucune idée de la ligne hésitante et fuyante du livre.
Celui qui écrit ces lignes, — et qu’on lui pardonne d’expliquer ici sa pensée, laquelle a été d’ailleurs si bien comprise qu’il est presque réduit à redire aujourd’hui ce que d’autres ont déjà dit avant lui et beaucoup mieux que lui ; — celui qui écrit ces lignes avait depuis longtemps entrevu ce qu’il y a de neuf, d’extraordinaire et de profondément intéressant pour nous, peuples nés du moyen-âge, dans cette guerre des titans modernes, moins fantastique, mais aussi grandiose peut-être que la guerre des titans antiques. […] Cette patrie n’a d’autre frontière que la ligne sombre et fatale ou commence la barbarie.
Esprit à grandes lignes, mais à lignes arides et qui avait porté le poids du jour, M. […] Il écrivit des livres comme on prend des notes de trois et quatre lignes et dont on se propose de faire des ouvrages qui souvent ne voient pas le jour.
C’est à lui que primitivement fut empruntée cette merveilleuse allégorie de l’araignée qui a filé sa toile entre la ligne et le bras de ce pêcheur que l’impatience ne fait jamais trembler. […] Même au point de vue particulier de l’histoire naturelle, il serait difficile de les condamner, tant il y a analogie et harmonie dans toutes les parties de leur être ; en un mot, la ligne de suture, le point de jonction entre le réel et le fantastique est impossible à saisir ; c’est une frontière vague que l’analyste le plus subtil ne saurait pas tracer, tant l’art est à la fois transcendant et naturel37. […] Dans toutes les études de cet artiste nous trouvons une préoccupation constante de la ligne et des compositions antiques, une aspiration systématique au style.
. — Idée scientifique du solide, du vide, de la ligne, de la surface, du volume, de la force, définis par rapport au mouvement. — Les éléments de toutes ces idées ne sont jamais que des sensations et des extraits plus ou moins élaborés de sensation. […] Elle a une surface, c’est-à-dire une limite ; la surface est la limite de l’étendue solide, comme la ligne est la limite de la surface, comme le point est la limite de la ligne. Or, limite signifie cessation ; la surface, la ligne, le point et les figures qui en dérivent ne sont donc que des points de vue de la solidité, des manières diverses de considérer sa cessation et son manque, c’est-à-dire le manque et la cessation de la sensation de résistance. — Reste l’étendue elle-même. […] Si un autre objet G est sur la même ligne, nous jugeons que sa distance est plus grande, parce que, pour l’atteindre, nous devons prolonger la série des sensations musculaires ou ajouter ce surplus d’effort qui correspond à la vélocité accrue. […] Il se représentait les lignes, les surfaces et les solides par des groupes de plus en plus complexes dont ses sensations de locomotion, de contact et de résistance étaient les éléments ; il définit maintenant la ligne par le mouvement d’un point, la surface par le mouvement d’une ligne, le solide par le mouvement d’une surface.
De même, en entendant le mot polygone, je trace en moi-même fort indistinctement des lignes qui se coupent et tâchent de circonscrire un espace, sans que je sache encore si la figure qui est en train de naître sera quadrilatère ou pentagone. […] Le triangle est une figure fermée par trois lignes qui se coupent deux à deux, et non cette image indécise sur fond noirâtre ou blanchâtre, aux pointes plus ou moins aiguës, qui tour à tour, à la moindre insistance, se trouve scalène, isocèle ou rectangle. […] Si lucide et si compréhensive que soit la vue intérieure, après cinq ou six, vingt ou trente lignes, tirées à grande peine, l’image se brouille et s’efface ; et cependant ma conception du myriagone n’a rien de brouillé ni d’effacé ; ce que je conçois, ce n’est pas un myriagone comme celui-ci, incomplet et tombant en ruine, c’est un myriagone achevé et dont toutes les parties subsistent ensemble ; j’imagine très mal le premier et je conçois très bien le second ; ce que je conçois est donc autre que ce que j’imagine, et ma conception n’est point la figure vacillante qui l’accompagne. — Mais d’autre part cette conception existe ; il y a en moi quelque chose qui représente le myriagone et qui lui correspond exactement. […] Au dedans, cette œuvre est une image plus ou moins vague, celle d’une ligne élancée, puis épanouie ; au dehors, elle est l’attitude et le geste imitatif du corps ; dans le langage primitif, chez les peuples enfants, à l’origine de la parole, elle est une autre imitation poétique et figurative, dont nous retrouvons çà et là des fragments ; aujourd’hui, elle est un simple mot appris, pure notation, reste desséché du petit drame symbolique et de la mimique vivante par laquelle les premiers inventeurs, véritables artistes, traduisaient leurs impressions.
Sur les deux bords, des êtres ondoyants et attentifs sont assis qui, une ligne à la main, essaient de capter dans l’eau ricaneuse le reflet fuyant et frémissant de l’ombre qu’ils sont. […] Puis l’ombre, laissant presque tomber sa ligne vaine, tord ses bras inanes, et elle crie, — avec aussi peu de bruit qu’en un cauchemar : « Ô nuit désastreuse ! […] Son analyse psychologique, vantée de quelques myopes, révèle indifféremment du vrai banal ou du faux, ne vise en réalité qu’à multiplier les lignes. […] À propos de l’inceste qui est le sujet de ce roman, j’écrivais ces lignes d’homme qui voit presque et qui refuse de voir tout à fait : « Léon Daudet n’a pas compris la véritable faute de ses héros.
Tolain qui, après avoir longtemps discuté la valeur du culte du Sacré-Cœur, et devant les explosions de colère que cette sacrilège dissection du viscère divin provoqua sur les bancs de la droite, ne put qu’ajouter : « S’il était permis, s’il était possible de caractériser d’un mot la ligne politique que vous suivez, — je dirais que c’est la ligne politique des Jésuites et de Loyola ! […] Les plans lointains du panorama dessinaient leur succession par une série de bandes horizontales, de plus en plus claires, bordées de lignes sinueuses, et — dans la transfiguration marine que subissait alors, en l’esprit de Victor Charme, le majestueux spectacle, — ces lignes de plans scandaient par larges lames la houle tumultueuse des combles ardoisés, changés en croupes de flots mouvants… « Voyez, dit-il, ne se croirait-on pas au bord d’une falaise ?
Pierre a soixante ans, une petite tête spirituelle et sereine, des traits nets vivement coupés, des yeux souriants et perçants, un beau front uni, un peu fuyant, régulièrement encadré par des lignes géométriques de cheveux gris, rien de maladif, d’inquiet, d’âpre ou de vague, comme dans nos figures modernes. […] Pour le maître, on le trouve ordinairement à sa table devant la fenêtre, regardant parfois les deux lignes grandes et simples qui dessinent le cours de la Seine, occupé plus volontiers à dresser des listes et à composer des groupes de faits. […] Comparez les deux traductions, la complète et l’incomplète, la moderne et l’ancienne, et vous apercevrez l’analyse, sa nature, ses instruments et ses effets : « L’estomac change les aliments en bouillie. » Voilà la science ancienne ; elle tient en une ligne. […] En vain vous auriez les meilleurs yeux et la plus grande science du monde, vous n’apercevriez dans un tableau que des lignes et dans une charte qu’une écriture, si votre imagination n’est pas devenue sensible et si vous n’avez pas au dedans de vous un réactif indicateur.
Si la fonction ne se comprend que par la structure, on ne peut démêler les grandes lignes de la structure sans une idée de la fonction. […] Nous pouvons conjecturer qu’à une division de ce genre est due la multiplicité des grandes lignes d’évolution vitale. […] De plus, c’est à moi qu’il venait en droite ligne. […] On s’en fût convaincu tout de suite, en considérant que les sociétés humaines, à l’extrémité d’une des grandes lignes de l’évolution biologique, font pendant aux sociétés animales les plus parfaites, situées à l’extrémité de l’autre grande ligne, et que la fonction fabulatrice, sans être un instinct, joue dans les sociétés humaines un rôle symétrique de celui de l’instinct dans ces sociétés animales. […] A l’extrémité des deux principales lignes d’évolution ainsi tracées se trouvent l’intelligence et l’instinct.
Dans ce système, le moindre changement d’attitude se traduit par des déplacements de plis du vêtement tout entier : en sorte que, malgré la simplicité et l’uniformité des pièces de leur habillement, les Tanagréennes offrent des silhouettes et des arrangements de lignes beaucoup plus variés et plus imprévus que ne font nos Parisiennes avec leur harnachement si compliqué. […] Les contours du corps féminin s’éloignent très sensiblement de la ligne droite : la toilette s’applique à les en éloigner encore.
L’ordre primitif, indiqué par Jomini dès le matin sur le terrain même, — terrain qu’il connaissait bien, puisque ç’avait été un des champs de bataille de Frédéric, — était de marcher droit sur les clochers de Hochkirch (Haute-Église), le point culminant de tout l’échiquier, d’y faire converger les colonnes pour occuper la chaussée de Wurschen, ce qui eût porté l’effort, en plein, derrière la ligne ennemie entièrement débordée. […] Le 14, Jomini quittait l’armée française et franchissait la ligne ennemie. En arrivant au territoire neutralisé, il rencontra des camps d’infanterie épars sur toute la ligne de la Katzbach, et de l’artillerie séparée de ses attelages et aventurée ainsi sur un front que rien ne couvrait. […] Ce plan consistait à ne pas autrement s’inquiéter de la ligne fortifiée de l’Elbe occupée par Napoléon, à déboucher de la Bohême en courant sur Leipsick, à prendre Napoléon à revers et à prétendre le couper de ses communications sur le Rhin. C’était le plus hasardeux des plans, une parodie et une singerie des principes de la grande guerre : cette bataille de Leipsick, qu’on voulait livrer deux mois trop tôt à un ennemi tenant l’Elbe, disposant de toutes ses forces et pouvant lui-même couper les Alliés de leur ligne de retraite sur la Bohême, les exposait à des chances terribles, à une véritable catastrophe, s’ils la perdaient.
1837 Un ami qui habite le voisinage des montagnes, et à qui je demandais si la vue n’en était pas monotone à la longue, me répondait : « Non, elles ne le sont pas : elles ont, à leur manière, la diversité continuelle de l’Océan, et sans parler des couleurs changeantes, des reflets selon les heures et les saisons, et à n’y voir que les contours et les lignes, elles sont inépuisables à contempler. […] Les lignes et les grands sommets y gagnent beaucoup et reparaissent bien nets. […] Ces morceaux sont accompagnés fréquemment d’analyses, toujours de notes, quelquefois de petites notices sur les auteurs, dans lesquelles, en peu de lignes d’une concision excellente, tout point essentiel est rendu frappant, tout point en réserve est touché. […] J’ai parlé des excellentes petites biographies et des notices en quelques lignes, mises à la tête des extraits. […] Voir, en tête de l’édition du Cours de Littérature de La Harpe (1826), l’excellent, le complet Discours préliminaire, non signé, mais qui trahit, à chaque ligne et sur chaque point, l’exacte critique de M.
M. de Régnier est surtout un droit et pur artiste ; son vers a des lignes bien tracées, des couleurs transparentes et rares disposées avec justesse ; il démontre une grande probité d’écriture, un idéal d’art austère, la volonté d’un homme qui garde haute sa conscience. […] On la désirerait, à certaines places, secouée de plus de nouveauté, vivifiée par des trouvailles ; et, si elle devait ne chercher que sa propre beauté, s’arrêter à la seule splendeur de ses lignes sculpturales, il faudrait (mais je cherche ici par trop la petite bête !) […] On se reporte, en le lisant, à l’exclamation d’Ovide : quidquid scribere conabar, versus erat , tant il semble que le simple délice d’écrire et la facilité inconsciente à modeler les courbes de la Parole ont suffi, dans une âme attirée vers le songe, pour tracer ces strophes aux lignes justes28. […] Et elles se déploient doucement, vêtues de gaze comme d’ailes nacrées, en de vagues paysages aux grandes lignes qui sont de courbes et pensives. » Mais, sinon quant à la parure d’images devenue plus distante, M. de Régnier ne s’est pas assez renouvelé jusqu’ici : ce motif de mélancolie n’a guère changé depuis les poèmes qu’il désigne, sans doute parce qu’il apparut au tournant de la route où le voyageur pressentit enfin son but après des chevauchées trop vainement glorieuses ; au moins s’est-il dégagé avec plus d’évidente force en quelques pièces récentes où le songeur a mis le plus de lui-même et qui s’illuminent telles qu’un miroir propre à refléter peut-être un plus lointain essor. […] Griffin développe sa personnalité et la manifeste en un style subjectif et particulier, M. de Régnier détruit la structure apparente de la sienne pour la subordonner à des lignes objectives et atteindre le Style.
Elle est là, à deux pas de moi, pendant que je vous écris ces lignes. […] Jugez combien je souffre, moi surtout qui avais donné à mon esprit une si franche liberté pour suivre sa ligne de développement. […] Je vous écris ces lignes, mon ami, à la hâte et tout préoccupé du travail, fort peu attrayant, de ma préparation à la licence. […] Je voudrais pouvoir commenter, ligne par ligne, votre lettre que je viens de recevoir, il y a une heure, et vous communiquer les réflexions qu’elle a fait naître en moi en mille sens divers.
Le combat intérieur qui la précède est plus magnifique encore, et il est conduit, ravivé, mené à son terme avec un art prodigieux. » De nos jours, un critique, l’un des plus sagaces et aussi l’un des plus sévères qui aient jugé Victor Hugo, — j’ai nommé Edmond Biré, — n’hésite pas à écrire ces lignes : « Si les Misérables avaient été continués et terminés dans le même esprit qui avait présidé à leur conception ; s’ils n’avaient pas été dénaturés, envenimés par les passions de l’auteur devenu démagogue et socialiste ; s’ils n’avaient pas été démesurément enflés par des épisodes qui débordent le cadre primitif, … l’œuvre du poète, qui reste encore très puissante et très belle, serait la plus admirable qu’il eût écrite, une des plus belles de notre littérature. » Tout le monde connaît la thèse, l’idée maîtresse des Misérables. […] Et plus loin, lorsque sur le champ de bataille, à huit heures du soir, la Garde de l’Empereur s’ébranle, n’a-t-on pas, toutes les imaginations humaines n’ont-elles pas la vision du drame, dans ces lignes de Victor Hugo : « Quand les hauts bonnets des grenadiers de la Garde, avec la plaque à l’aigle, apparurent, symétriques, alignés, tranquilles, superbes, dans la brume de cette mêlée, l’ennemi sentit le respect de la France ; on crut voir vingt victoires entrer sur le champ de bataille, ailes éployées, et ceux qui étaient vainqueurs, s’estimant vaincus, reculèrent, mais Wellington cria : “Debout, gardes, et visez juste !” […] Le premier enfant continue la dernière poupée. » Quel âge faut-il pour goûter ces lignes-là ? […] Un fil mystérieux relie la mère patrie avec les îles et les continents de toute la terre, comme ces lignes légères, tracées sur les cartes de géographie, et qui marquent la route normale des vaisseaux, la route aussi de la pensée humaine. […] « On n’a pas apprécié à sa valeur, disait-il très justement, l’instrument d’influence que peut être le roman-feuilleton, au point de vue de l’éducation intellectuelle et littéraire, et de la formation morale. » Et il ajoutait ces lignes, que je cite parce qu’elles indiquent bien un des caractères du roman populaire, qui doit être approprié au génie de la nation.
Il était une nature trop individuelle, trop chevaleresque pour cela ; occupé sans doute de la chose publique, mais aussi de sa ligne, à lui, à travers cette chose. […] Il n’y a pas trop d’hommes publics qui aient ce défaut-là, de penser constamment à l’unité et à la pureté de leur ligne. […] Et celui-ci était le plus probe, le plus inflexible, passé une certaine ligne ; il ne cédait ici qu’en vue surtout de maintenir et de modérer. […] Ici tout le monde était en ligne. […] il n’a jamais reculé d’une ligne.
C’est à pareil jour qu’il revint l’année dernière de ses voyages sans but à travers le monde, dont il ne rapporte jamais, dans sa valise, que des pierres cassées, des dessins à la plume ou des écritures à lignes inégales qui font chanter ou pleurer ceux qui les lisent. […] Dans leur enthousiasme pour la beauté de l’homme, après lui avoir autant que possible ravi l’ondulation de ses lignes si harmonieusement balancées, ils ont été jusqu’à revêtir de couleurs leurs édifices, afin de mieux imiter la nature par une apparence de vie. […] Tout à coup, à travers une de ces déchirures de la brume, j’aperçus comme au-dessus d’un vaste piédestal de nuées, entre ciel et terre, un édifice carré de marbre blanc sur lequel le soleil de l’Attique se répercutait éblouissant, mais mat comme le soleil d’une autre terre ; il laissait lire sans éblouissement les lignes nettes, pures, rectangles de l’édifice ; on aurait compté les colonnes et recomposé les figures et les groupes des frontons. […] non pas avec des lignes et des couleurs, comme le peintre, chose facile et simple ; non pas avec des sons, comme le musicien ; mais avec des mots, avec des idées qui ne renferment ni sons, ni lignes, ni couleurs. […] Il ne présentait à l’œil que la majestueuse simplicité de ses lignes architecturales.
On conte qu’Apelles, étant venu voir Protogènes, ne voulut pas dire son nom, prit un pinceau et traça sur un panneau préparé une mince ligne sinueuse. […] Comptez enfin l’admirable éclat du soleil qui pousse à l’extrême le contraste des parties claires et des ombres et qui ajoute l’opposition des masses à la décision des lignes. […] A cent pas de l’enceinte sacrée qui l’entoure, on saisit la direction et l’accord de ses principales lignes. — D’ailleurs, elles sont si simples qu’il suffît d’un regard pour en comprendre l’ensemble. […] Nous sentons l’équilibre stable de ses divers membres ; car l’architecte a manifesté la structure interne par les dehors visibles, et les lignes qui flattent l’œil de leurs proportions harmonieuses sont justement les lignes qui contentent l’intelligence par des promesses d’éternité27. […] On bâtit le temple Dorien ; on connaît la monnaie, les chiffres, l’écriture, ignorés d’Homère ; la tactique change, on combat à pied et en ligne au lieu de combattre en char et sans discipline.
Vingt et une pages exactement, et de vingt-quatre lignes, suffisent au sortilège. […] La plus longue a sept lignes. […] Le roman satirique et qui descend en droite ligne de Voltaire a été repris par M. […] J’en voudrais marquer seulement les grandes lignes et le résultat. […] Ce sont sans doute les dernières lignes que sa main ait tracées.
Ce billet d’envoi, dont on a donné quelques lignes, mérite bien d’être fidèlement reproduit, parce qu’il est joli et qu’il éclaire les ombrages et les petites manœuvres de l’amour-propre de La Rochefoucauld : « Je vous envoie… (ici M. […] Cousin fait une allusion vague à son prédécesseur quand il parle de ce billet d’envoi de Mme de Sablé « dont on a donné, dit-il, quelques lignes. » Cet on, c’est moi-même ; et comme s’il en avait trop dit, il a l’air tout aussitôt de se repentir de cette vague et inintelligible allusion en faisant entendre qu’il va lui-même publier le billet fidèlement, comme si ma reproduction n’avait pas été absolument fidèle et comme, si elle laissait rien à désirer.
et combien de fois, ligne à ligne, le travail, c’est-à-dire la réflexion, modifie l’inspiration et la spontanéité !
Plus loin, à Shubino Matzou, d’élégantes femmes en bateau pêchent à la ligne, avec des hameçons en forme de tridents. […] Après il courut tracer la ligne de la configuration du crâne. […] Un pêcheur au bord de la mer, la pipette à la bouche, une ligne entre ses jambes croisées l’une sur l’autre. […] À la suite de la préface, Hokousaï écrit ces quelques lignes. […] Peinture d’un grand relief, aux délicats détails du costume vert et bleu perdus dans la masse, et aux belles lignes du sac.
Mais je ne puis nommer tous ceux qui ont marqué depuis quinze ans et plus dans cette voie, et je n’ai point qualité pour les ranger : deux, entre autres, ont été signalés hors ligne, et ici même56, pour leur science intelligente et leur universalité : Charles Blanc et Théophile Gautier. […] Chaque peinture, chaque fresque, on croit la voir à la manière dont il la décrit, et on la voit non-seulement dans son sujet et sa disposition, mais dans son effet et son ton ou sa ligne. […] Et tout ainsi que pour la symphonie transposée et réduite, ce sont toujours des sons qu’on entend, de même dans ses articles ce n’est pas de l’encre qu’il emploie, ce sont des couleurs et des lignes ; il a une palette, il a des crayons. […] » Il le redit, non moins excellemment, dans un article sur Ary Scheffer, en faisant remarquer que cet esprit si distingué et si élevé n’a pas assez compris que la pensée pittoresque n’avait rien de commun avec la pensée poétique : « Un effet d’ombre ou de clair, une ligne d’un tour rare, une attitude nouvelle, un type frappant par sa beauté ou sa bizarrerie, un contraste heureux de couleur, voilà des pensées comme en trouvent dans le spectacle des choses les peintres de tempérament, les peintres nés. » Aussi, tout en rendant justice aux sentiments et aux intentions épurées de ce « poète de la peinture » comme il l’appelle, il ne l’a loué en toute sincérité et franchise que pour certains portraits où le sens moral n’a fait qu’aiguiser l’observation et donner plus de vie à la vérité.
Entré sous-lieutenant dans le 29e de ligne, Carrel s’y occupait à la fois des détails du métier et de la politique, alors si fervente. […] Il est évident, dès les premières lignes, que c’est une leçon à l’usage de la France que l’historien a voulu donner. […] Il souffrait de n’être pas mis tout à fait sur la même ligne que ses deux amis ; il en souffrait et vis-à-vis du public et vis-à-vis d’eux-mêmes qui, peut-être, tout en étant et se croyant bons camarades, n’allaient pas assez au-devant de ses susceptibilités cachées. […] C’est un bel article, sombre, fier, tendre sans faiblesse, moral sans déclamation, et comme avait seul le droit de l’écrire un homme qui avait sondé la vie et vu plus d’une fois en face la mort. — J’ai suivi jusqu’à présent Carrel un peu au hasard, et je me suis essayé comme lui : j’ai hâte de me recueillir à son sujet et de rejoindre sa vraie ligne, comme il fit bientôt en devenant tout à fait lui-même.
si Champfleury pouvait contempler — comme moi — la dernière ligne de ce manuscrit, où la mort n’a pas laissé le temps de jeter le point final, certes son œil deviendrait morne et s’humecterait… peut-être même ferait-il une Méditation lamartinienne, en songeant que les réalistes de ce bas monde ne sont que vanité ! […] Ce sont les deux mêmes qualités qui feront le grand sculpteur, le grand peintre, le grand compositeur, — le grand écrivain : la ligne et la couleur. […] L’écrivain a la ligne — quand l’idée naît franche et nette dans son cerveau. […] Jules Janin n’a pas la ligne.
C’était un romantique encore, et de la droite lignée de Walter Scott, un romantique d’innovation et peut-être de témérité (nonobstant la précision et la correction scrupuleuse de sa ligne), qu’Augustin Thierry avec ses résurrections saxonnes et mérovingiennes. […] Victor de Laprade dans ses poèmes, d’autres à son exemple dans leur ligne également élevée, tels que M. […] Maison blanche, où la vigne Tordait en longue ligne Son feuillage qui boit Les pleurs du toit !
Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore. […] Çà et là une ligne d’arbres marque sur la campagne la traînée d’un ruisseau blanchâtre. […] Souvenez-vous comment Joinville conte en six lignes la fin de « son pauvre prêtre malade, qui voulut achever de célébrer la messe et oncques puis ne chanta et mourut ».
Cela est sensible, quand on passe de Rousseau à Bernardin de Saint-Pierre : Julie et Saint-Preux n’ont que la grâce française, l’expression des physionomies ; Paul et Virginie ont la noblesse antique, la pureté des lignes ; les premiers font un couple qui intéresse nos âmes, les autres un groupe qui séduit nos yeux. […] Cette mode se marque par le caractère du style Louis XVI, dans l’ornementation et l’architecture : au rococo commence à succéder le pompéien ; on reprend les motifs de décoration que les fouilles récentes ont fait connaître ; des lignes plus simples, plus sévères commencent à rappeler la noblesse des formes antiques. […] La Grèce qu’il, aime, où il vit, c’est la Grèce aimable, légère, joyeuse de vivre, absorbant avidement de ses sens subtils tout ce que la nature a répandu de beautés et de plaisirs dans l’air, dans la lumière, dans les lignes des monts et la mobilité des îlots ; la Grèce des joies physiques et des passions naturelles, primitivement sensuelle ou voluptueuse avec raffinement, la Grèce homérique, alexandrine ou gréco-romaine, épique, idyllique, élégiaque.
Ses lignes ne nous émeuvent plus. […] Barrès, en dix lignes, chaque jour, désignait les mains sales avec un esprit, une désinvolture, qui marquent, je le redis parce que c’est l’essentiel de lui : — un grand écrivain. […] On est beaucoup à s’éveiller chaque matin avec une admirable idée de roman, mais la journée se passe avant qu’une ligne en soit écrite, et le lendemain on s’aperçoit que le sujet a été traité, pour ne pas s’humilier on dit : gâché, par Maizeroy, par Théophile Gautier ou par Homère, et on a tort de s’en apercevoir et raison tout ensemble, parce que l’idée s’est fanée du jour au lendemain, faute qu’on ait songé à la planter au papier, à l’arroser d’encre vivifiante : la veille, oui, c’était original, le lendemain, oui, c’est banal.
A force d’agir sur la langue, à ne voir que ses lignes, ses contours, le brisement ou l’assouplissement de son mètre, la plénitude de ses échos, Banville n’est plus qu’un artiste qui joue d’un instrument quelconque. […] Œil épanoui, Je peins, ébloui Ou triste, Le ciel radieux, Et, mélodieux Artiste, Près du fleuve grec Murmurant avec Les cygnes Fiers de leur candeur, Je dis la splendeur Des lignes. […] Les qualités musicales sont, à la vérité, en première ligne chez Banville.
Il était précédé d’une introduction, dont voici les premières lignes : « Ce livre s’adresse aux jeunes filles, puisqu’il fait partie d’une collection à l’usage des jeunes filles. […] Les conseils qu’on peut donner pour atteindre ce but sont les mêmes pour tous : car, à moins d’être des procédés et des artifices de rhéteur, ils font connaître la méthode et les moyens qui aident tous les esprits à se développer librement, selon la diversité naturelle de leurs aptitudes et de leurs puissances. » Ces lignes rendent compte de la transformation que le livre subit dans la présente édition.
Albert Mockel Stuart Merrill a la science de la ligne décisive, comme il sait onduler toutes les souplesses d’une attitude ; mais, il faut le remarquer, ses formes sont presque toujours en équilibre statique, telles que les fortes et nobles créations de Constantin Meunier, par exemple ; le geste, chez lui, peut s’immobiliser indéfiniment, par cela même qu’il indique plus souvent un état qu’une action, et donne mieux l’impression de la chose qui dure. De plus, si sa ligne est ferme, le trait n’a jamais de dures arêtes, et c’est bien comme les œuvres de peintres italiens, dont les formes très précises ne se découpent jamais cependant avec sécheresse, mais sont harmoniées sur un fond qui participe de leur vie.
Section 18, qu’il faut attribuer la difference qui est entre l’air de differens païs, à la nature des émanations de la terre qui sont differentes en diverses regions Les émanations de la terre sont la seule cause apparente à laquelle on puisse attribuer la difference sensible entre les qualitez de l’air en diverses regions également distantes de la ligne. […] Il y auroit une espece de regle dans ce dérangement s’il venoit du rallentissement de l’action du soleil, je veux dire que tous les pays sentiroient ce dérangement à proportion de la distance où ils sont de la ligne, et que l’élevation du soleil décideroit toujours du dégré de chaleur, quelle que fut cette chaleur en une certaine année.
En vous bornant, comme Taine, à représenter cette diagonale, vous nous représentez non un être vivant, mais une simple ligne géométrique. […] En règle générale, il faut se défier des théories, car, dans la réalité, si rien n’est abandonné à l’aventure, il ne peut être question davantage d’une systématisation trop serrée : tant de choses se rencontrent à la traverse des lignes droites qu’elles se changent vite en lignes brisées ; le but est atteint quand même. […] Etant données telles lignes et tels points d’intersection, il en résultera telle figure, — abstraction faite de toutes les autres circonstances. […] Un géomètre ne croit pas que les points, les lignes et les surfaces épuisent le monde. […] Ces lignes sont évidemment de la même inspiration que le commentaire lyrique du mot Cambronne dans les Misérables.
Et de là est sortie la musique : en même temps que les lignes et les couleurs répondaient à la forme des choses, les mots aux idées abstraites d’elles issues, l’harmonie des sons née de l’imitation des bruits de la nature atteignait ce où échouaient lignes et mots, l’impression sentimentale découlée de la nature. […] Sur les murs ensuiés, des lignes retraçant la plage familière et la mer sempiternelle fixées en leurs traits les plus décisifs, une vision de la plage et de la mer ; puis, aux soirs de feu dans la hutte, parmi la famille assemblée, une voix exprimant en paroles longues et parfois précipitées l’intelligence de la mer tant parcourue et de ces plages connues, et des mots disant les qualités par l’âme abstraites du spectacle invétéré, et des mots pour tout ce qu’elle est d’immense et de fatal, cette incessante mer sur les plages immobiles ; enfin, par les grèves, menant ses courses hallucinées, l’homme, soit que dans quelque coquillage ou quelque corne ou quelque métal grossièrement forgé il voulût exagérer son chant, soit que de sa simple voix il modulât, dans l’harmonie des bruits conjoints, les rythmes et les mélodies, il s’épandait en ululements, et dans ses cris il imitait, variait, et à l’infini transformait et subtilisait les répondantes clameurs des vents et des flots contre les roches, afin qu’en ses vaticinantes vociférations s’exhalassent les innommables et informes et multiples et exubérantes sensations de la mer sur les plages ; et c’eût été des terreurs, des pitiés, des menaces, des désespérances, des amours et des innombrables angoissements d’âme, des innombrables véhémences du cœur poigné, qu’eût alors vécu le chant de l’artiste préhistorique. […] IV Des analyses précédentes ; et des définitions de l’origine et de la nature de ces trois arts spéciaux de la peinture, de la littérature et de la musique ; et de ce que la peinture est l’art des visions par l’instrument des lignes et des couleurs, la littérature l’art des idées abstraites par l’instrument des mots, la musique par l’instrument des sons l’art des sentimalités, c’est-à-dire des émotions si multiples et confuses qu’elles ne s’expriment ni en lignes ni en mots ; et de ce que le premier de ces arts est l’agent des sensations tactiles, le second des sensations intellectuelles, le troisième des passionnelles ; de cela semblerait résulter, contrairement à la théorie citérieure, la nécessaire union de ces arts afin de susciter en l’âme les sensations d’une vie complète ; si, dès le début, le développement de chaque art n’avait suivi cette loi essentielle : la majoration, en chaque artiste, des sensations de l’ordre de son art, et la diminution des autresac. […] Ainsi, quand derrière Akëdyssërilad triomphale et fabuleuse, après les cortèges endiamantés des cohortes et des escortes et des prêtres et des amazones familières, au loin, dans une innumérabilité farouche comme des sables marins et des étoiles de deux, s’avancera l’année… « … De tous côtés, là-bas, l’immense vision d’un enveloppement d’armée… » sera-t-il dit ; et les mots, simples appels d’abstractions, n’auront suscité aux yeux nulles lignes, non plus que forme aucune suite sonore analysable de musique, en leur froide idéalité ; mais avec leur signification rigoureuse d’enchaînement rationnel, ils seront des mets, des mots, des mots, d’où émergera le vague de choses autrefois contemplées et de sentimentalités obscurément senties et saisies en des mots. […] en musicien ; c’était une âme musicale qui percevait ; ainsi, cris de joie, de douleur, de victoires, de chutes, de faims exangues, ils répugnaient en lui tous vocables de dictionnaire, toutes lignes, et, cris de sentimentalités, ils s’épanchaient par son âme en des effervescences de symphonie.
Ces lois se ramènent, en définitive, à celles de la direction du mouvement selon la ligne de la moindre résistance. Si l’on suppose une masse de substance vivante, de protoplasma ayant une irritabilité ou sensibilité confuse, sur laquelle tombe une excitation venue du dehors, il se produira dans cette masse un mouvement, et ce mouvement se propagera selon la ligne de la plus faible résistance entre les molécules les plus délicates, les plus facilement modifiables, les plus vibrantes. Quand ce mouvement aura parcouru une ligne une première fois, il y aura plus de facilité selon cette ligne pour une seconde transmission du mouvement. […] Le long de ces lignes finira par se distribuer la partie la plus excitable du protoplasma, et un nerf prendra ainsi naissance. […] La différence entre un poids de deux kilogrammes et un poids de trente kilogrammes est également sensitive, comme quand on regarde une ligne de deux mètres à côté d’une ligne d’un décimètre.
Pascal avait trouvé un certain nombre de propositions d’Euclide à l’âge où l’on appelle un cercle un rond, une ligne une barre ; et pourquoi un autre enfant n’entendrait-il pas ce que Pascal inventa ? […] D’ailleurs, il y a deux remèdes ; l’un de faire passer tout de suite un certain nombre d’élèves de la seconde classe à la quatrième ; l’autre de détacher ces études du premier cours, et de les renvoyer au second, qui se fait en même temps, marcher sur la même ligne, et où elles se lieront très-bien à la géographie et à la chronologie. […] Mais surtout le petit livre de l’Entendement ou de la Nature humaine, par Hobbes51, ouvrage court et profond, antérieur à tous les auteurs que j’ai cités, et qui ont délayé ses lignes substantielles en une multitude de pages exsangues. […] Les langues grecque et latine ont aussi de particulier, que telle est leur flexibilité, et conséquemment la variété de style de ceux qui les ont écrites, que celui qui possède parfaitement son Homère, n’entend presque rien de Sophocle, et moins encore de Pindare, et que celui qui lit couramment Ovide et Virgile, est arrêté à chaque ligne de Pline le naturaliste, ou de l’historien Tacite. […] Une observation qui se présente ici à mon esprit et qui n’est pas une des moindres raisons de différer l’étude des langues anciennes, c’est l’inversion ; où est l’enfant qui ait assez d’idées et d’étendue de tête pour embrasser toute la suite d’une période de cinq à six lignes où l’ordre des mots suspend le sens jusqu’à la fin ?
On est dupe pour un instant de son demi-rêve, puis on cesse de l’être, puis on l’est encore, puis on cesse encore de l’être : cela fait une ligne incessamment brisée de croyances incessamment démenties et d’illusions incessamment redressées. […] » — Remarquez le voyage que vient de faire la figure intérieure, ses divers glissements en avant, en arrière, sur la ligne du passé ; chacune des phrases prononcées mentalement a été un coup de bascule. […] Sans aucun doute, le soir du jour où je l’ai appris, je me rappelais la grammaire ou le dictionnaire où je l’avais lu, mon bouquin d’écolier, l’endroit précis, telle ligne d’une page froissée et tachée d’encre. […] Maintenant j’ai beau la faire glisser sur toute la ligne de mon expérience antérieure, elle ne s’accroche à aucun des chaînons successifs. […] Je pense à une ligne de peupliers, et, tout en suivant, les yeux fermés, le rideau vert de feuillages mouvants, çà et là troué par l’azur, je sais fort bien qu’il est intérieur et actuel.
Et ces plans diffèrent en ce qu’ils semblent en relation plus ou moins médiate avec notre centre personnel : ainsi, dans un tableau, les dernières lignes d’un paysage paraissent fuir dans un lointain imaginaire. […] Mais ce caractère n’est qu’apparent, et la « ligne » de nos états intérieurs n’est pas plus une ligne véritable que toute autre ligne visible et concrète. […] Loin d’être une ligne, comme le soutiennent l’école anglaise et aussi Wundt, la conscience est un dessin compliqué, un monde simultanément saisi.
Sa biographie tient dans ces quelques lignes. […] Sur le visage presque imberbe, toutes les lignes sont fermes et précises comme sur un bronze ciselé avec insistance ; la peau recouvre d’une pâleur fauve des muscles secs, accoutumés à se manifester par un frémissement sauvage dans le désir ou dans la colère ; le nez droit et rigide, le menton osseux et étroit, les lèvres sinueuses, mais énergiquement serrées, exprimant la volonté téméraire ; et le regard est pareil ù une belle épée, dans l’ombre d’une chevelure épaisse, lourde et presque violette comme les grappes de raisin embrasées par le soleil sur le sarment le plus vivace. […] L’auteur de Dominique a erré des jours et des jours dans les campagnes plates de la Rochelle, en vue de l’Océan, dans le pays pâle « où l’absinthe amère croît jusqu’au bord des champs d’avoine » ; il a eu le temps d’écouter le silence qui n’est qu’un bruit trop menu pour les distraits ; il est monté sur le dos branlant des charrettes de foin qu’on ramène à la ferme ; il a veillé avec les vendangeurs dans les pressoirs ruisselants de vin nouveau ; il s’est habitué à reconnaître les oiseaux à leur vol, à leur chant, à leur cri d’émigrants qu’ils jettent dans leurs voyages de nuit pour se maintenir en ligne ; enfin il eut en soi, pénétrant son âme et s’éveillant avec elle, l’âme d’un coin de la France. […] Et il n’y avait pas de vie, et il n’y avait pas de tache dans cette harmonie ; seulement, là où la lumière mourante touchait plus directement la ligne d’un mur ou la rondeur d’une couba, on eût dit qu’elle se posait sur une poussière impalpable, sur une neige qui s’en pénétrait et la renvoyait en menues aigrettes d’un feu très doux. […] Et si le temps ne me faisait défaut, je voudrais développer devant vous notamment, cette thèse non pas neuve, mais peu familière à beaucoup d’esprits et qui est celle de Fromentin, à savoir que la peinture n’exprime pas nécessairement une idée, qu’elle peut n’avoir « rien de pathétique, d’émouvant, surtout de littéraire », et cependant nous charmer et remplir son but, ou l’un de ses buts, qui est de réjouir l’âme humaine, par la simple beauté des couleurs et des lignes.
Mallarmé n’avait pas changé d’une ligne, il y avait seulement une génération nouvelle. […] Octave Mirbeau, en somme ceux que le journalisme littéraire ne mettait pas en première ligne. […] Parfois, l’écrivain s’attarde à cette quasi-impossibilité de lutter avec des mots contre les couleurs et les lignes (les couleurs et les lignes étant vues comme des directions intellectuelles de sa pensée). […] Au moins sait-il qu’ils ne comprennent pas la féminéité de ces lignes naturistes, et qu’il vaut mieux les en élaguer, eux et leurs aspirations. […] On voudrait, ici, indiquer à travers leur apparente confusion quelques lignes d’ensemble.
Celle-ci pourtant n’est pas là à ce degré de pureté et de simplicité première qui constitue la perfection classique ; cette perfection sans trace d’effort et sans surcharge aucune, il faut la chercher sous le ciel d’Athènes, dans la beauté idéale et légère des temples, dans l’admirable et discret accord des lignes monumentales avec les lignes naturelles du paysage et des horizons.
Ces dialectes se groupent en deux langues, langue d’or et langue d’oïl, provençal et français, dont les domaines seraient séparés à peu près par une ligne qu’on tirerait de l’embouchure de la Gironde aux Alpes en la faisant passer par Limoges, Clermont-Ferrand et Grenoble. […] Au nord de la ligne idéale dont on vient de parler, toute la Gaule romaine à peu près appartient au français, un peu diminuée pourtant au Nord-Est, où les invasions barbares ont fait avancer le tudesque au-delà du Rhin jusque vers la Meuse et les Vosges, et à l’Ouest, où les Bretons chassés de Grande-Bretagne par la conquête anglo-saxonne ont rendu au celtique une partie de l’Armorique.
d’une chose : c’est d’avoir, en reculant la ligne d’ombre vers les hautes ténèbres intellectuelles, suscité à nos esprits qui vous ont suivi quelque crépusculaire illusion d’un radieux midi ; c’est d’avoir, levant, d’un geste, nos yeux vers l’éblouissement interdit de l’absolu, d’avoir obscurci en nous le sens de la clarté. […] Il l’était de par cette maîtrise de soi, empreinte à chaque ligne de son œuvre comme à chaque ride de son front ; de par cette aristocratie absolue qui le faisait vivre à l’écart et qui, à peine surgissait-il en quelque réunion, le désignait, le consacrait.
Cette aimable dilettante a sur nos autres contradicteurs cette originalité de n’avoir pas lu une seule ligne de nos livres. […] Chaque ligne de M.
Ces lignes résument notre ouvrage ; c’est à ces quatre- vingt-dix-neuf écrivains sur cent qu’il s’adresse. […] Bossuet avait un style de génie, dont les qualités créatrices éclatent à chaque ligne et font oublier toute espèce de défauts.
qui est descendu plus avant dans les profondeurs de la politique ; a mieux tiré de grands résultats des plus petits événements ; a mieux fait à chaque ligne, dans l’histoire d’un homme, l’histoire de l’esprit humain et de tous les siècles ; a mieux surpris la bassesse qui se cache et s’enveloppe ; a mieux démêlé tous les genres de crainte, tous les genres de courage, tous les secrets des passions, tous les motifs des discours, tous les contrastes entre les sentiments et les actions, tous les mouvements que l’âme se dissimule ; a mieux tracé le mélange bizarre des vertus et des vices, l’assemblage des qualités différentes et quelquefois contraires ; la férocité froide et sombre dans Tibère, la férocité ardente dans Caligula, la férocité imbécile dans Claude, la férocité sans frein comme sans honte dans Néron, la férocité hypocrite et timide dans Domitien, les crimes de la domination et ceux de l’esclavage, la fierté qui sert d’un côté pour commander de l’autre, la corruption tranquille et lente, et la corruption impétueuse et hardie, le caractère et l’esprit des révolutions, les vues opposées des chefs, l’instinct féroce et avide du soldat, l’instinct tumultueux et faible de la multitude, et dans Rome la stupidité d’un grand peuple à qui le vaincu, le vainqueur, sont également indifférents, et qui sans choix, sans regret, sans désir, assis aux spectacles, attend froidement qu’on lui annonce son maître ; prêt à battre des mains au hasard à celui qui viendra, et qu’il aurait foulé aux pieds si un autre eût vaincu ? […] 47. » Dans cet ouvrage, qui est, comme on le voit, un véritable éloge, Tacite a réuni la philosophie à l’histoire, et l’histoire à l’éloquence : on y retrouve à chaque ligne l’âme d’un citoyen qui porte tout le poids du malheur de la vertu, et qui, en peignant les maux de sa patrie, les éprouve une seconde fois.
C’est ici que Wagner expose sa théorie si vraie de la danse, dont nous allons donner les grandes lignes (III, 87). […] Le décor agit par son éclairage, les principales directions de ses lignes, les quantités et les qualités de ses couleurs, ses états et ses mouvements. […] La lumière se fait et dessine peu à peu les lignes caractéristiques de l’architecture du temple. […] Comme au premier tableau, les lignes verticales et horizontales se contrebalancent, sauf en certains moments d’élévation solennelle et pieuse quand Parsifal s’agenouille devant la lance, quand Kundry, debout profile son ombre noire sur le fond, et plus tard, quand les trois silhouettes de Parsifal et Gumenanz, puis de Kundry, s’avancent lentement toutes sombres devant le rayonnement passionnément vif de la prairie illuminée du soleil, d’où monte comme une hymne de couleurs, de lumières douces et resplendissantes à la fois. […] Dans la grande cavité du temple désert les mêmes lignes réapparaissent peu à peu ; et il n’y a de différence entre ce tableau et le second que dans la mimique des personnages et dans l’apparition de la colombe dans le cône lumineux.
Enfin, ne la reconnaîtriez-vous pas encore dans ces quelques lignes ? […] « C’est Raphaël, disait-il, qui a élevé au plus haut point de perfection cette brillante création du génie italien, l’arabesque de la ligne. […] Lui seul possède cette concentration de ligne et d’expression, unie au sentiment de la grâce, à la puissance de l’idéalité. […] … Lignes superbes, qui vous perdez dans le ciel ! […] Ces deux figures, enlacées et assises, sont d’un mouvement, d’une grandeur et d’un charme de lignes incomparables.
Topffer alors peu connu en France267, et, dans le Journal des Débats du 13 juin 1846, nous avions à écrire les lignes suivantes : « M. […] Son triple talent d’observateur de caractères, de paysagiste expressif et d’humoriste folâtre, s’y croise et s’y combine presque à chaque page ; le pressentiment fatal à demi voilé s’y fait jour aussi : « Cette fois, en déposant le bâton de voyageur, nous dit-il, celui qui écrit ces lignes se doute tristement qu’il ne sera pas appelé à le reprendre de sitôt… Pour voyager avec plaisir, il faut pouvoir tout au moins regarder autour de soi sans précautions gênantes, et affronter sans souffrance le joyeux éclat du soleil. […] il m’écrivait à moi-même ces lignes aimables et familières, dans lesquelles il s’exagérait beaucoup trop sans doute la nature du service dont il parlait ; mais, même à ce titre, elles me sont précieuses, elles m’honorent, elles me vengeraient au besoin de certains reproches qu’on me fait parfois de m’aller prendre d’abord à des talents moins en vue ; elles le peignent enfin dans sa modestie sincère et dans sa façon allègre de porter ses maux : « Bonjour, … monsieur, vous ne me reconnaissez point !
Une composition de quatre pages qui n’est point partagée en paragraphes, où l’on ne va point à la ligne en passant d’une idée importante à une autre idée importante, où l’écriture enfin ne sépare point visiblement ce que l’esprit sépare idéalement, est insupportable ; la clarté n’y saurait être parfaite. Mais il faudra se garder aussi du défaut opposé, qui consiste à passer à la ligne chaque fois qu’on commence une phrase. […] Ainsi Montesquieu n’a pas l’haleine longue : son Esprit des lois est coupé en beaucoup de livres, chaque livre en beaucoup de chapitres, presque tous très courts ; chaque chapitre en petits alinéas de quelques lignes.
Villemain traçait les lignes générales, les grandes directions d’une vaste période : il laissait flotter dans ces larges cadres les individus, de qui émanent immédiatement les œuvres. […] Ces Lundis sont une incohérente collection d’âmes individuelles : Sainte-Beuve ne s’emprisonne pas dans la littérature ; il suffit qu’un homme ou une femme ait écrit quelques lettres, quelques lignes, pour lui appartenir : le général Joubert aussi bien que Gœthe, et Marie Stuart avec Mlle de Scudéry ; généraux, ministres, gens de lettres et gens du monde, français, anglais, allemands, toutes sortes d’individus l’arrêtent ; il extrait de leurs accidents biographiques toutes les particularités psychologiques et physiologiques qui les définissent en leur unique caractère. […] Taine, à l’analyse, n’aperçoit plus, dans l’univers moral et physique, que des sensations et des mouvements : chaque être est « une ligne d’événements dont rien ne dure que la forme » ; selon notre perception des choses, « un écoulement universel, une succession intarissable de météores qui ne flamboient que pour s’éteindre et se rallumer et s’éteindre encore sans trêve ni fin, tels sont les caractères du monde », et la nature est « comme une grande aurore boréale863 ».
Car on ne les peut définir qu’en bloc, étant tous semblables les uns aux autres eu à peu près indiscernables (sauf quelques-uns que l’on caractériserait suffisamment en quelques lignes). […] Dans les cinquante ou soixante mille lignes qu’un journaliste écrit tous les ans, ce qui lui appartient en propre, ce qui le signale et le distingue se trouve perdu dans ce qui le confond et le mêle, dans tout ce qu’il a laissé s’écouler de lui sans y apporter d’attention et sans y attacher de prix. […] Il se délecte au spectacle des sentiments les plus violents auxquels une créature humaine puisse être en proie, se traduisant par les lignes, les formes, les mouvements, les signes extérieurs les plus gracieux et les plus séduisants.
Flaubert, qui s’épuisait à ôter les assonances d’une ligne, n’avait-il pas dit qu’un beau vers qui ne signifie rien est supérieur à un vers moins beau qui signifie quelque chose ? […] Mais la servante devient bientôt maîtresse : la musique, en se développant dans le cadre qui lui est tracé, passe au premier plan ; elle efface par son éclat, en suivant les lignes qui règlent sa marche, la poésie même qui les a dessinées. […] Ce triomphe de la passion atteint la sculpture elle-même, bien qu’elle soit le plus calme et le plus rigide des beaux-arts, bien qu’elle recherche d’ordinaire la pureté des lignes et redoute les gestes trop violents. […] Je ne fais que mentionner les critiques d’art qui, par métier, rendent compte des Salons et s’efforcent de traduire par des combinaisons de mots des combinaisons de couleurs et de lignes. […] … Il s’agit bien de montrer ici un homme qui passe ; là un pâtre qui conduit ses bestiaux ; ailleurs un voyageur qui se repose ; en un autre endroit, un pêcheur, la ligne à la main et les yeux attachés sur les eaux ?
Il s’agissait pour Villars de joindre l’électeur de Bavière le plus promptement possible ; mais en attendant qu’il eût fait reconnaître les chemins et qu’ils fussent praticables, il résolut d’attaquer le prince de Bade dans ses lignes de Bühl et de Stollhofen, lignes en renom qui fermaient l’entrée de l’Allemagne, et qu’il emporta quelques années plus tard sans difficulté, mais après la mort du prince. […] Pour lui, bien inférieur en nombre, il ne se laissa point imposer et ne se piqua point non plus d’honneur hors de propos ; il attendit sous les armes, ne devançant rien, acceptant ce qu’il plairait à l’ennemi d’offrir, n’essayant pas de le décourager d’une bataille, et ne faisant élever des retranchements qu’à l’endroit le plus faible de sa ligne. […] En Italie, il lui faudrait tout d’abord entrer dans un système de guerre qu’il n’a pas conçu et qui n’est pas le sien : Présentement M. le duc de Vendôme a fait toutes ses dispositions, lesquelles je crois être très sages ; mais, quelque respect que j’aie pour ses projets, chacun a sa manière de faire la guerre, et j’avoue que la mienne n’a jamais été de vouloir tenir par des lignes vingt lieues de pays… Encore une fois, monsieur, si quelque chose allait mal en Italie, j’y volerais… Il n’y a qu’à conserver ; et si Sa Majesté, qui m’a dit autrefois elle-même et avec bonté les défauts qu’elle me connaissait, a bien voulu les oublier dans cette occasion, il est de ma fidélité de les représenter.
Le charme ou l’influence de Mme de Staël le tenait dès lors tout entier, et décida de la ligne qu’il suivit. […] Mon intention, en tout ceci, n’est pas d’opposer Benjamin Constant à lui-même ; j’admets qu’il a suivi en général, à travers ses ondulations, une ligne assez conséquente aux principes et aux sentiments qu’il apporta dès le premier jour dans la vie publique. […] Benjamin Constant est un homme à peu près de votre âge, passionné pour la liberté, d’un esprit et d’un talent en première ligne ; il a marqué par un petit nombre d’ouvrages écrits d’un style énergique et brillant, pleins d’observations fines et profondes ; son caractère est ferme et modéré ; républicain inébranlable et libéral. […] Armand Carrel, dans le National du 12 décembre 1830, consacra quelques lignes à la mort de Benjamin Constant ; mais cet article où le journaliste se représente, lui et son parti, comme si pressés par les événements, qu’on n’a pas même le temps de pleurer et de célébrer ses morts, semble trop avoir pour but d’éluder un plus complet éloge.
C’est avec cela qu’il faut refaire la ligne, ou la déclarer incomplète. […] Nourri de vastes lectures, armé d’une érudition remuante, d’une hardiesse de construction très-prompte, il a fait brèche à son tour dans quelques-unes des lignes qui avaient semblé le mieux retranchées. […] On a beau faire, nous n’aimons en France à sortir de l’horizon hellénique et de ses lignes distinctes qu’à bon escient. […] Depuis Auguste jusqu’à Hugues Capet ou à Grégoire VII, le champ était vaste ; la ligne qui les joint est sinueuse et prolongée.
C’est la statue d’Hermès partiellement privée de membres, dont on ne réussit pas à recomposer les lignes exactes. […] Qui ne voit d’ailleurs que les grandes lignes du roman, c’est-à-dire le sujet dans sa floraison mouvante, ne sauraient constituer à elles seules le roman, ni surtout le roman d’analyse ; que, par suite, le sujet ne saurait être entièrement séparé de sa portée psychologique, et nous entendons par l’auteur, — dont le dogmatisme n’est une charge d’état que parce qu’il y a des significations multiples derrière les événements les plus futiles en apparence, derrière les moindres affirmations de la réalité où tout s’enchaîne, tout le passé à tout le présent, dans une constante, rigoureuse et subtile logique. — On ne peut nier non plus que, si les faits présentés, si peu alourdis qu’ils soient de complications matérielles, se distinguent des ordinaires accidents ressassés, par une idée, — il en résulte souvent un ensemble capable d’offrir des ressources d’émotion et d’intérêt, mille fois plus puissantes sur le cœur que ne l’ont jamais été sur l’imagination les ficelles du roman à physionomie unilatérale, comme le roman d’aventures, par exemple. […] Sans doute, ce pouvoir qui semble d’essence supérieure, qui a l’air de condenser de l’expérience, et de l’expérience éduquée, qui se révèle riche en lignes exactes et en presciences ordonnées, — témoigne, surtout lorsqu’il est aussi déterminé qu’en M. […] Et nous admettons — puisque, dans ses fortuites dégénérescences, ce pouvoir va même jusqu’à contrarier les desseins propres du goût, nous admettons que l’on veuille en rendre subsidiaire le fait qu’un écrivain si condescendant et d’une telle ligne, qui nous captive en pensant nous en apprendre toujours, donne l’impression de devoir à sa complexité, plus qu’à sa droiture, de paraître aussi supérieur que bien aménagé.
Je ne ferai que peu de remarques sur ce premier effet que Mirabeau produisit sur les convives, et qui nous est si visiblement rendu ; je ne me permettrai que d’expliquer et de commenter deux ou trois traits, ainsi que l’expression de ridicule qui échappe quelques lignes plus bas, et qui est appliquée à l’extérieur de Mirabeau. […] Mais ces écarts et, pour tout dire, ces échappées, par où il déjoue et rompt parfois sa ligne générale, se réduisent de beaucoup, aujourd’hui qu’on a la clef de tout, et qu’on peut, durant cette période dernière, le suivre presque jour par jour, et sur le théâtre, et derrière la scène. […] Non pas que, dans sa vie besogneuse depuis sa sortie de Vincennes jusqu’à son entrée aux États généraux, Mirabeau, pour subvenir à ses besoins de tout genre, intellectuels et autres, n’ait eu souvent recours à des expédients dont on aimerait mieux que la fortune l’eût affranchi ; mais, en mainte circonstance notable, manquant de tout, lui homme de puissance et de travail, qui ne pouvait se passer à chaque instant de bien des instruments à son usage, lui qui était naturellement de grande et forte vie (comme disait son père), manquant même d’un écu, réduit à mettre jusqu’à ses habits habillés et ses dentelles en gage, il avait résisté à rien écrire qui ne fût dans sa ligne et dans sa visée politique, à prendre du moins les choses dans leur ensemble. […] Comme il ne souffre pas qu’on revienne d’une seule ligne en arrière sur la révolution accomplie !
Cette façon de voir ressort à chaque ligne naturellement, naïvement, et avec une crudité que rien ne tempère : Il (le prince de Conti) continua à me traiter assez obligeamment, dit Cosnac ; mais, dans un temps de guerre, je me voyais un domestique fort inutile. […] On y rencontre en première ligne un bel esprit, une manière de poète, et surtout un homme très gai, très divertissant, le second tome de Voiture, mais plus intéressé, Sarasin, qui tient la place de favori, et avec qui il faut jouer serré. […] En s’opposant de toutes ses forces à ce qu’on livrât la place de Bordeaux à Cromwell avec qui l’on avait ouvert des négociations, en s’opposant vers la fin à l’incroyable faiblesse du prince de Conti qu’on avait presque décidé à conduire sa belle-sœur, la princesse de Condé, en Espagne, Cosnac rendit un service et à son prince et au roi, et ici sa vue s’élève un peu ; on entrevoit quelque chose de cette moralité politique qui va mettre en première ligne la patrie ; c’est par ce côté que nous le trouverons digne plus tard de comprendre et de servir Louis XIV. […] Il fit mettre toutes les chaises sur une même ligne, fortifia les ruelles de tableaux, tablettes, plaques, plaça les miroirs dans des postes avantageux, flanqua chaque table de quatre guéridons ; enfin disposa généralement de tout le corps de ses meubles avec un ordre merveilleux.
Havet, nous ne saurions hésiter entre la beauté douteuse et, en tous cas, bien élémentaire du bec de gaz lançant son faisceau ; de clarté en forme de papillon, — beauté associée à des éléments désagréables, a des lignes anguleuses et rigides, — et l’immortelle grâce d´une statue lumineuse dressant, sa torche, sorte de Lucifer vivant. […] Comme la volonté et la sensibilité, l’imagination même est intéressée dans le raisonnement le plus abstrait, et la preuve, c’est que nous nous figurons toujours le raisonnement : c’est une véritable construction que nous voyons s’élever devant nous, tantôt une échelle dont nous montons ou descendons les degrés, tantôt un savant arrangement de lignes concentriques de circonvolution. […] 3° Par cela même nous devons introduire dans le paysage une harmonie objective, y tracer certaines grandes lignes, le rapporter à des points centraux, enfin le systématiser. […] L’architecture, en premier lieu, organise les matériaux, les met en ordre ; en second lieu, elle les soumet à une sorte d’action d’ensemble qui élève d’un seul mouvement l’édifice au-dessus du sol et, par l’harmonie des lignes, la continuité du jet ascensionnel, rend léger ce qui est pesant, fait monter et tenir debout, dans la position de la vie, ce qui tend à s’affaisser, à s’écraser.
Dans la plaine proche se dresse, qui console de tout, un mont noble aux lignes grecques, une sorte d’Acropole. […] Pour la première fois je respire et je devine un peu Apollinaire ; mais avec l’excessive sensibilité des malades, j’éprouve comme quelque chose d’irréparable et de triste ces lignes du début qui ont une solennité d’adieu et un avant-goût d’oraison. […] A notre tombe viendront seuls ceux qui ne voient pas nos formes. » Et puis ces lignes, que le plus profond et le plus lucide critique des tentatives expressionnistes Kurt Pinthuisah leur a consacrées : « Jamais l’esthète et l’Art pour l’Art ne furent à un tel degré voués au mépris que justement dans cette littérature qui est dans son entière éruption, explosion, intensité et qui doit l’être pour percer d’outre en outre la croûte revêche du passé. […] Une citation des deux frères était placée en exergue : « La parole, le son, la couleur, la forme, la ligne sont des moyens d’expression.
Qui ne sentira un frisson d’inquiétude en lisant ces lignes ? […] Quand du haut de sa chaire il laissait tomber cette phrase : « Vous me ferez cent lignes, vous, le petit sucré là-bas ! […] Pour flatter leur marotte, il leur a promis la construction d’un chemin de fer qui rejoindrait à Beaune la ligne de Lyon. […] Pêcher à la ligne est un grand plaisir, regarder ceux qui pêchent est encore une satisfaction parisienne. […] Je garde la même ligne que les jours précédents, mais nous nous accommodons un peu, et cela va mieux.
Lorsque Bayle a dit de l’orateur romain qu’il renfermait dans une période de six lignes ce, que Sénèque mettait dans six périodes, qui tiennent chacune huit à neuf lignes, il a oublié qu’aucun écrivain n’est plus concis, plus coupé, plus serré que notre philosophe. […] Répondre que oui, n’est-ce pas mettre l’homme et l’animal sur la même ligne ? […] … Non ; mais je ne mettrai pas sur la même ligne celui qui médite et celui qui agit. […] Quelle comparaison d’une belle ligne, quand je saurais l’écrire, à une belle action ? […] Cette modération nous aurait épargné, à l’auteur et à nous, quelques lignes d’humeur.
— Les soldats s’amusaient aussi appeler les ânes des demi-savants : mais, dans les moments difficiles, ils injuriaient ces malheureux serviteurs, et les savante avaient leur part aux reproches du soldat, qui s’imaginait que le but de l’expédition était de satisfaire leur passion pour des recherches auxquelles le militaire prenait fort peu d’intérêt. » — Il ne sait donc pas, celui qui a écrit ces lignes, que cette noble armée, de laquelle il lui plaît de faire une cohue de goujats, prenait aussi sa part des souvenirs magnifiques dont elle était environnée, qu’elle enterrait ses moite avec orgueil au pied de la colonne de Pompée, et qu’elle battait des mains avec enthousiasme à la vue des ruines de Thèbes ! Si, de l’anecdote des ânes, nous passons à la bataille des pyramides, nous reconnaîtrons mieux encore l’intention dénigrante et jalouse qui a dominé l’historien : « Bonaparte fit ses dispositions ; il étendit sa ligne vers la droite, de manière à la mettre hors de la portée du canon, et à n’avoir à soutenir que le choc de la cavalerie.
J’ai su connaître là toute la grâce tourangelle, sa ligne heureuse et grave, et sa mollesse lumineuse. Vielé-Griffin exprime avec un sourire d’aisance et de plénitude l’enchantement de ce pays où des prairies, une courbe de fleuve, une ligne de peupliers suffisent par le jeu de la lumière au décor le plus émouvant.
On a affirmé à l’auteur de cet ouvrage qu’il était absolument nécessaire de consacrer spécialement quelques lignes d’avertissement, de préface, ou d’introduction à cette seconde édition. […] quiconque a fait imprimer douze lignes dans sa vie, ne fût-ce qu’une lettre de mariage ou d’enterrement, sentira l’amertume profonde d’une pareille douleur !
Rien n’effacera ces quelques lignes : « Lorsque l’ennemi était à Paris et que la déchéance de l’Empereur avait été prononcée par un Sénat rebelle, lorsque Napoléon n’avait pour toute ressource que son génie, plus grand dans l’infortune, comme une torche qui jette plus de feu quand une fois elle est renversée, et aussi l’idée, terrifiante pour les étrangers, que l’armée était toujours fidèle, Marmont, qui commandait l’avant-garde, la livra sans consulter personne et traita nuitamment avec Schwartzenberg. » Or, voilà ce qu’a dit Rapetti avec un impitoyable détail et une conclusion plus impitoyable encore. […] Rapetti, qui écrit à la première ligne de la préface de son histoire avec une si noble mélancolie : « Je dois dire d’abord pourquoi j’ai eu le pénible courage de faire un livre contre un homme », Rapetti a suprêmement ce qui fait pardonner l’inflexibilité à l’historien et au juge, et ce qui ferait pardonner, même à la victime, le coup de hache du bourreau.
… » Nous le trouvons tiré en ligne et pas mal ajusté, monsieur. […] où souffle le vent d’un principe, une ligne où l’on sente que l’auteur a en lui ce point fixe des notions premières qui sont comme les gonds de la vie et sur lesquels elle tourne, mais sans jamais s’en détacher… Eh bien, à part cette nécessité d’être moraliste pour être vraiment supérieur dans un livre comme Les Réfractaires, y a-t-il même dans le coup de pinceau de Vallès, qui est énergique, autre chose que de la force qui fait montre de ses biceps, comme messieurs ces Hercules qu’il aime ?
cependant, seigneur, voyez quelles gerbes s’élancent. » Nous approchâmes jusqu’auprès de la ligne de l’incendie. […] La faiblesse de Malanïa Serguéiewna était telle, qu’elle ne pouvait ajouter que quelques lignes ; ces quelques lignes même surprirent beaucoup son mari ; il ignorait que Marpha Timoféevna eût enseigné l’écriture à sa femme. […] C’était avec le plus grand zèle qu’il attachait les vermisseaux à l’hameçon, et jetait lui-même la ligne en se donnant des airs gracieux. […] Les poissons mordaient à l’hameçon ; les tanches, suspendues au bout de la ligne, faisaient briller en frétillant leurs écailles d’or et d’argent. […] C’étaient les lignes de Lavretzky et de Lise qui fonctionnaient le plus rarement.
Et leur talent est bien aussi celui de Charles Demailly : … Talent nerveux, rare et exquis dans l’observation, toujours artistique, mais inégal, plein de soubresauts, et incapable d’atteindre au repos, à la tranquillité des lignes, à la santé courante des œuvres véritablement grandes et véritablement belles9. […] Mais il est peut-être vrai aussi qu’un roman doit être plus logique, plus lié, plus clair que la réalité, et que MM. de Goncourt se sont dispensés plus qu’il n’aurait fallu des règles les mieux fondées de la composition, de tout ce qui, dans une œuvre d’art, produit, pour employer leurs expressions « la tranquillité des lignes » et l’air de « santé courante », donne une impression de grandeur et de beauté, délivre de toute inquiétude l’émotion esthétique et mêle à l’admiration un sentiment de sécurité. […] Mais ils nous ont prévenus : ici non plus qu’ailleurs ne leur demandez « la tranquillité des lignes » ni « la santé courante ». […] Pour nous rendre cette première vue saisissante, mais sommaire, ce premier éblouissement d’un tableau réel, ils commencent donc, instinctivement, par en abstraire les teintes, les lignes, les mouvements ; et comme ils veulent leur donner dans la phrase la place d’honneur et les faire saillir uniquement, ils ne les expriment point par des adjectifs, qui seraient toujours subordonnés à un nom, mais par des substantifs nécessairement abstraits. Et ayant ainsi traduit l’impression générale, qui correspond au premier moment de la vision, ils la précisent par les mots qui viennent ensuite et qui marquent ce qu’on distingue au second coup d’oeil Si donc Mme Gervaisais entre dans une église de Rome, MM. de Goncourt ne diront pas : « Elle se mit à regarder… des femmes agenouillées…, des paysans vautrés… » Non, car ce qu’elle a vu d’abord, ce sont des lignes et des mouvements, c’est quelque chose d’agenouillé et de vautré ; après quoi, elle a remarqué que c’étaient des femmes et des paysans.
Or, personne ne saurait établir une ligne de démarcation certaine entre les différences individuelles et les variétés peu tranchées ou entre les variétés mieux marquées, les sous-espèces et les espèces. […] En admettant que les espèces sont seulement des variétés fortement tranchées et permanentes et que chaque espèce a existé d’abord comme variété, nous pouvons comprendre pourquoi aucune ligne de démarcation n’est possible entre les espèces, qu’on suppose communément avoir été formées par autant d’actes créateurs, et les variétés, qu’on reconnaît avoir été produites par des lois secondaires. […] C’est une difficulté semblable qui arrêta tant de géologues, lorsque Lyell affirma le premier que de longues lignes d’escarpements rocheux aujourd’hui situés au milieu des terres, avaient été formés et que de grandes vallées avaient été creusées par l’action lente des vagues côtières. […] Si nous ne possédons ni arbre généalogique, ni Livre d’Or, ni armoiries héréditaires ; nous avons, pour découvrir et suivre les traces des nombreuses lignes divergentes de nos généalogies naturelles, un héritage longtemps conservé de caractères de toutes sortes. […] Quand je regarde tous les êtres, non plus comme des créations spéciales, mais comme la descendance en ligne directe d’êtres qui vécurent longtemps avant que les premières couches du système silurien fussent déposées, ils me semblent tout à coup anoblis.
L’expression d’un suprême effort passa dans ses yeux, il se tourna vers la table, il prit une plume qu’il eût encore l’énergie de plonger dans l’encrier, il traça deux lignes sur une feuille de papier à sa portée, il me regarda encore, ses lèvres remuèrent de nouveau, puis il tomba comme une masse. […] Ceci à seule fin de fixer la ligne où s’arrête ce monde équivoque, singeant assez habilement ce vrai monde dans lequel il voudrait entrer, et qui ne consentira jamais à lui ouvrir ses portes. […] René le prit machinalement, et il put lire les lignes suivantes : Deux heures du matin. […] La célébration du service divin est décrite de main de maître ; j’y copie ces lignes : Maintenant, toute la cathédrale braisillait, ardente. […] Dès les vingt premières lignes, la cause de l’auteur est gagnée, la sympathie du lecteur lui est acquise, et il lui sera pardonné, si tant est qu’il ait besoin d’être pardonné.
Je ne sais ce que Duclos répondit, ni en quel sens il agit précisément : l’essentiel et ce qui le caractérise, c’est que sa ligne générale de conduite fut plus prudente et plus indépendante que Voltaire n’aurait voulu. […] Ce n’est pas qu’à l’Académie il n’eût rendu des services, et plus même qu’on ne supposerait d’après cette ligne de conduite que j’ai indiquée ; mais chez Duclos il faut s’attendre à une ligne toujours très brisée et pleine de saccades.
L’auteur s’était particulièrement attaché à ressaisir et à démontrer sous la ligne idéale du premier Vauvenargues assez vaguement défini l’homme réel, ambitieux d’une carrière, soit militaire, soit politique, avide d’éloquence, d’action, d’une grande gloire supérieure encore dans sa pensée à celle des lettres. […] La vie ne paraît qu’un instant auprès de l’éternité, et la félicité humaine, un songe ; et, s’il faut parler franchement, ce n’est pas seulement contre la mort qu’on peut tirer des forces de la foi ; elle nous est d’un grand secours dans toutes les misères humaines ; il n’y a point de disgrâces qu’elle n’adoucisse, point de larmes qu’elle n’essuie, point de pertes qu’elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, de l’infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude affliction que puissent éprouver les hommes, et il n’en est aucun de si humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir et son abattement, ne trouve en elle de l’appui, des espérances, du courage : mais cette même foi, qui est la consolation de misérables, est le supplice des heureux ; c’est elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité présente, qui leur donne des regrets sur le passé, et des craintes sur l’avenir ; c’est elle, enfin, qui tyrannise leurs passions, et qui veut leur interdire les deux sources d’où la nature fait couler nos biens et nos maux, l’amour-propre et la volupté, c’est-à-dire tous les plaisirs des sens, et toutes les joies du cœur… Vauvenargues avait vingt-quatre ans quand il écrivait ces lignes. […] C’est un neutre indulgent et parfois sympathique ; et quant à ces traités particuliers sur le libre arbitre et sur d’autres sujets où il a paru imiter le style et suivre les sentiments de Pascal, il nous en donne la clef un peu plus loin dans cette lettre même (10 octobre 1739) ; car, après un assez long développement et qui vise à l’éloquence, sur les combats du remords et de la foi au lit d’un mourant, il ajoute : J’aurais pu dire tout cela dans quatre lignes, et peut-être plus clairement ; mais j’aime quelquefois à joindre de grands mots, et à me perdre dans une période ; cela me paraît plaisant.
Essayons-en pourtant cette fois envers un confrère et un romancier hors ligne, que j’appréciais sans doute depuis longtemps par bien des côtés, mais que je ne me suis mis à bien connaître tout entier que depuis quelques jours. […] Où en était-on à la veille de la Lucrèce de Ponsard, et de l’avénement de cette nouvelle école dramatique dont les principaux talents ont fait depuis bien autre chose et sont sortis de la ligne étroite et un peu secondaire où l’on prétendait les confiner d’abord, — mais où en était-on au théâtre, lors de leur premier début ? […] Feuillet a prouvé dans plus d’une de ses compositions, notamment dans Dalila, et par la bouche de sa Leonora, de son Carnioli (une de ses plus heureuses créations), qu’il savait comprendre la passion, l’art à outrance, la frénésie de la sensation et du plaisir, et qu’il n’était nullement inférieur et insuffisant à les mettre en scène par d’émouvants personnages ; mais il est vrai aussi que, cette excursion faite, cette aventure épuisée et accomplie, il a son chez-lui préféré, sa ligne naturelle et sa voie dans laquelle il aime à rentrer, son inclination tracée et bien distincte.
De tout petits faits bien choisis, importants, significatifs, amplement circonstanciés et minutieusement notés, voilà aujourd’hui la matière de toute science ; chacun d’eux est un spécimen instructif, une tête de ligne, un exemplaire saillant, un type net auquel se ramène toute une file de cas analogues ; notre grande affaire est de savoir quels sont ses éléments, comment ils naissent, en quelles façons et à quelles conditions ils se combinent, et quels sont les effets constants des combinaisons ainsi formées. […] Une infinité de fusées, toutes de même espèce, qui, à divers degrés de complication et de hauteur, s’élancent et redescendent incessamment et éternellement dans la noirceur du vide, voilà les êtres physiques et moraux ; chacun d’eux n’est qu’une ligne d’événements dont rien ne dure que la forme, et l’on peut se représenter la nature comme une grande aurore boréale. […] Meynert, poursuivent aujourd’hui ces recherches anatomiques au moyen de préparations délicates et de forts grossissements, et certainement ils ont raison : car la géographie de l’encéphale est encore dans l’enfance ; on en démêle à peu près les grandes lignes, deux ou trois massifs notables, l’arête du partage des eaux ; mais le réseau des routes, des sentiers et des stations, l’innombrable population remuante qui sans cesse y circule, y lutte et s’y groupe, tout ce détail, prodigieusement multiple et fin, échappe au physiologiste.
En tout cas il y a là une ligne authentique de la psychologie française, peut-être plus importante que l’influence de Tracy, et dont la place dans l’œuvre complète de Stendhal est considérable. […] Mauclair sur l’amour, une Magie de l’art, à laquelle les dernières lignes de son livre actuel semblent préparer, comme les dernières lignes de L’amour physique préparaient la magie de l’amour.
Il se plaisait à vérifier avec lui ce qu’il faut seulement y chercher, le premier aspect, « l’apparence pittoresque, sinon la réalité essentielle des choses », le premier essai largement jeté de la ligne ou de la couleur. […] Cette mer bleue qui caresse les plages de Grèce ; ces riantes villas de Naples et d’Albano, éclairées par un ciel si pur ; ces grandes ruines d’Athènes ; ces lignes élégantes et ces éclatantes couleurs des paysages d’Italie et d’Orient auront gardé quelque chose de mon cœur quand, plus avancé dans la vie et séparé de ma jeunesse, je jetterai en arrière un regard découragé… Mais, oh ! […] « Ces jours derniers, sorti de Corfou, et après avoir traversé l’île, j’étais monté sur une colline qui domine à pic — ici l’île elle-même, ombragée et riante comme un grand jardin, — et là cette douce mer Ionienne que le soleil éclairait de ses derniers rayons avant de disparaître derrière un promontoire aux lignes fantastiques. […] Si j’en juge par ses premières campagnes, elle n’aura peut-être la gloire ni d’ajouter une ligne au Recueil des inscriptions, ni d’exhumer une seule ruine ignorée. […] Havet : « … Cette lumière plus précise que chaude, ces couleurs plus harmonieuses que tranchées, ces lignes de la mer et ces montagnes si nettes quoique lointaines, et si grandioses quoique resserrées dans un espace relativement assez étroit… » 161.
Il ne perd pas une ligne de sa taille en descendant de la tribune, ni un rayon de sa majesté en sortant du sénat ; nous nous aiderons pour vous faire mesurer cette grandeur, qui est dans l’homme et non dans la dignité, du beau travail de translation de M. […] » Il y a deux mille ans bientôt que le plus grand des orateurs et le plus honnête des hommes politiques de Rome écrivait ces lignes. Quelles lignes philosophiques plus belles ont donc été écrites depuis ces deux mille ans par nos orateurs, nos hommes d’État, nos philosophes ? […] Si ces lignes étaient trouvées par vous anonymes dans un volume de vos bibliothèques de Paris ou de Londres, ne les attribueriez-vous pas en conscience à Bacon, à Fénelon, à vos plus pures philosophies, à vos plus éloquentes plumes ? […] Nous allons suivre sa plume jusqu’à la dernière ligne de cette grande vie ; elle ne fut qu’un grand travail pour l’immortalité. — Il ne se trompa pas.
Mais il ne faut pas vingt-cinq lignes pour affirmer qu’aux yeux des vrais artistes, Victor Hugo ne symbolise pas plus toute la poésie d’un siècle que Balzac n’en renferme toute la prose. […] Tout vrai poète est « mon poète », oui, même le plus humble, à la page ou à la ligne exquise. […] Qu’Aloysius Bertrand ait surtout écrit en prose, cela n’importe ; ses proses ont la perfection des poèmes et cela console un peu de ceux qui découpent leurs productions insipides et plates en lignes de douze syllabes. […] Des goûts comme des couleurs on ne discute pas… Et puis ce serait trop long à expliquer ; vingt-cinq lignes n’y suffiraient pas. […] — Vous voulez bien, à propos des lignes de M.
De là résultait un état psychologique spécial, où les sujets se sentaient en possession complète de l’image visuelle « sans pouvoir cependant en reproduire la moindre partie au moment voulu : à leur grande surprise, la ligne disparaissait ». […] Si la perception extérieure, en effet, provoque de notre part des mouvements qui en dessinent les grandes lignes, notre mémoire dirige sur la perception reçue les anciennes images qui y ressemblent et dont nos mouvements ont déjà tracé l’esquisse. […] Il y aurait donc là une marche en ligne droite, par laquelle l’esprit s’éloignerait de plus en plus de l’objet pour n’y plus revenir. […] Et, de fait, où est la ligne de démarcation entre la confusion des sons perçus en masse et la clarté que les images auditives remémorées y ajoutent, entre la discontinuité de ces images remémorées elles-mêmes et la continuité de l’idée originelle qu’elles dissocient et réfractent en mots distincts ? […] Comme on a solidifié en termes indépendants les phases principales du développement, on matérialise maintenant en lignes de communication ou en mouvements d’impulsion le développement lui-même.
Pourquoi, par exemple, dans les objets perçus par la vue et le tact, préférons-nous les lignes flottantes et onduleuses aux lignes dures et anguleuses ? […] Voici quelques lignes tirées des poésies de MM. […] Aucune de ces lignes offre-t-elle rien de musical, le moindre rythme saisissable à l’oreille ? […] Je dois sentir que je franchis une ligne normale de démarcation. […] Les esthéticiens d’Allemagne ont montré que, dans l’architecture, les proportions diverses des lignes sont régies par une règle qu’on a nommée règle d’or, et qui établit entre les lignes un rapport simple.
Wundt attribue aussi à l’aperception le fait suivant : dessinez au tableau un dé dont les arêtes seules soient indiquées, « vous pourrez mettre en avant dans votre esprit celle des deux faces que vous voudrez, selon que vous vous représenterez intérieurement le dé vu de dessous ou vu de dessus. » Mais qu’y-a-t-il de plus simple que ce changement de perspective, dû à la manière dont nos souvenirs intérieurs s’associent avec les lignes extérieures ? […] On prétend que Léonard de Vinci recommandait à ses élèves, lorsqu’ils cherchaient un sujet de tableau, d’étudier avec soin l’aspect des surfaces de bois ; on finit par voir se dessiner, au milieu des lignes confuses, certaines formes d’animaux, des têtes humaines, des groupes pittoresques.
C’est le pendant d’un lourd et pesant érudit qui a besoin d’un passage, qui monte à son échelle, prend et ouvre son auteur, vient à son bureau, copie la ligne dont il a besoin, remonte à l’échelle, et remet le livre à sa place. […] J’achève en une ligne ce que le peintre ébauche à peine en une semaine ; et son malheur, c’est qu’il sait, voit et sent comme moi, et qu’il ne peut rendre et se satisfaire ; c’est que ce sentiment le portant en avant, le trompe sur ce qu’il peut, et lui fait gâter un chef-d’œuvre : il était, sans s’en douter, sur la dernière limite de l’art.
La ligne qu’on mesure est immobile, le temps est mobilité. […] Pas une ligne de ce que nous avons écrit ne se prête à une telle interprétation. […] Fixons notre attention, non pas sur la ligne en tant que ligne, mais sur l’action qui la trace. […] Là est la ligne de démarcation bien nette entre l’intuition et l’analyse. […] Dans le manuscrit, Aristote et Platon sont à peu près sur la même ligne.
Il écrivit donc cet, « Avant-dire » précieux et si souvent rappelé, où en quelques lignes il résumait sa pensée et son art du Symbole. […] Quelques lignes suffiront pour l’apprécier. […] Ce doit être, en ce cas, un puissant génie que l’auteur des lignes suivantes. […] A quelques lignes de distance le sagace critique ne se le rappelait plus. […] Je résumerai le principe, en quelques lignes… Le concept est matérialiste.