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966. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

dépenaillés de physique comme d’intelligence, des faméliques de jouissances ou de renommée en guerre contre l’ordre social ; tous ne sont pas de pauvres enfants cherchant sans la trouver leur place au soleil, des Chattertons d’imitation, plus ou moins énergiques ou lâches, qui se tuent ou se laissent mourir, et dont Hégésippe Moreau ou Gérard de Nerval furent les types douloureux et coupables. […] Bohèmes, malgré tout, cependant, ces derniers, malgré leur attitude de Staters et d’olympiens, leur importance, leur influence, leur situation dans tous les mondes, officiels ou non officiels, leurs chaires quand ils sont professeurs, leurs bibliothèques quand ils sont bibliothécaires, leurs palmes d’académiciens quand ils sont de l’Académie : — le signe essentiel, caractéristique, du bohème, n’étant pas de n’avoir point d’habit, mais de n’avoir point de principes, de manquer de l’asile sacré d’une morale fixe autour de la tête et du cœur, de vagabonder dans ses écrits à tout vent de doctrine, et, comme déjà nous l’avons dit, de vivre, enfant de la balle politique ou littéraire venu ou trouvé sous le chou de la circonstance, sans feu ni lieu intellectuel, — c’est-à-dire sans une religion ou sans une philosophie.

967. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

« Les libéralités et les secours peuvent sans doute beaucoup, pour exciter à avoir des enfants ; mais l’espérance de la liberté et de la sûreté peuvent encore plus. Que le prince ne donne rien, pourvu qu’il n’ôte rien ; qu’il ne nourrisse pas, mais aussi qu’il ne tue point : et les enfants naîtront en foule31.

968. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

De la famille composée des parents et des enfants, sans esclaves ni serviteurs Les héros sentirent, par l’instinct de la nature humaine, les deux vérités qui constituent toute la science économique, et que les Latins conservèrent dans les mots educere, educare, relatifs, l’un à l’éducation de l’âme, l’autre à celle du corps. […] Il en est resté cette loi éternelle, que les républiques seront plus heureuses que celle qu’imagina Platon, toutes les fois que les pères de famille n’enseigneront à leurs enfants que la religion, et qu’ils seront admirés des fils comme leurs sages, révérés comme leurs prêtres, et redoutés comme leurs rois.

969. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Son public le laissait libre de se développer à sa manière, et d’être, comme on l’a appelé, l’enfant de la fantaisie. […] enfant déchu d’une race divine, Tu portes sur ton front ta superbe origine ! […] enfant aux cheveux blonds ! […] pauvre enfant, qui voulez être belle     Et ne savez pas pardonner ! […] Tombé dans la plus profonde misère, le joueur assassine un voyageur dans une forêt et le vole pour apporter du pain à sa femme et à ses enfants.

970. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

» jetait avec mépris, il y a quelque temps, un enfant, qui essayait de hausser son front à la hauteur de la table de travail de Robert de Traz. […] C’est d’un de ses balcons que, débarquant de la gare de l’Est, enfant, j’ai découvert le monde. […] Ce petit enfant que l’on meubla « d’images nationales et familiales » comme il vous ressemble, Alain, Philippe ! […] Imaginons cette rencontre et ce qu’elle doit apporter à l’enfant le plus tendre et le plus intelligent de son pays. […] C’est à nos enfants qu’il importe de faire la discrimination !

971. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Je fuyoie l’école Comme fait le mauvais enfant. […] Il sauve une enfant ; et, nouveau retour, comme l’enfant, pâle, laide, s’effrayait de lui par méprise, hurlait avec colère et mordillait ses mains pour échapper à son étreinte, « cet attouchement, qui ressemblait à celui d’un petit animal, lui causa une telle répulsion, qu’il fut obligé de se dominer pour ne pas jeter là l’enfant ». […] Voulez-vous voir des frères qui aiment en frères, des enfants qui sont bien des enfants, des familles vivant véritablement de l’existence du monde et du ménage, vous recourrez à Tolstoï. […] Que de jolis jeux d’enfants qui vont passer à l’adolescence ! […] Les enfants, jusqu’à ce que l’État les leur arrache, sont des capitaux ou des instruments de bien-être.

972. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

La femme même et les enfants de Cicéron furent exposés à l’insulte et à la violence. […] Il n’accuse ni l’indifférence ni les ordres du prince ; il lui rappelle seulement une ancienne amitié qu’il invoque pour ses enfants. […] Il était importuné par la hauteur et les plaintes d’Agrippine ; et pour la frapper, ainsi que ses enfants, il aimait mieux s’éloigner. […] Deux de ses enfants et sa fille moururent presque au berceau. […] Il paraît que Shakspeare se trouva le fils aîné d’une famille de dix enfants.

973. (1896) Études et portraits littéraires

Il découvre chez l’enfant l’instinct héréditaire précis, pratique. […] Les enfants de la montagne sont divers ; ceux mêmes qui en tiennent le plus peuvent ne pas se ressembler. […] Jusque dans l’extrême vieillesse, il avait gardé une âme d’enfant. […] Puis, subitement, il redevenait « l’enfant fiévreux », impatient de l’immobilité, avide d’espace. […] Je me le figure là, tout enfant, agenouillé dans la nef.

974. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Que l’enfant devienne adolescent, puis homme mûr, enfin vieillard, cela se comprend quand on considère que l’évolution vitale est ici la réalité même. […] Quand nous disons « l’enfant devient homme », gardons-nous de trop approfondir le sens littéral de l’expression. Nous trouverions que, lorsque nous posons le sujet « enfant », l’attribut « homme » ne lui convient pas encore, et que, lorsque nous énonçons l’attribut « homme », il ne s’applique déjà plus au sujet « enfant ». […] La vérité est que, si le langage se moulait ici sur le réel, nous ne dirions pas « l’enfant devient homme », mais « il y a devenir de l’enfant à l’homme ». […] La reconstitution était d’ailleurs instantanée, l’enfant la trouvait toute faite, quand il ouvrait la boîte au sortir du magasin.

975. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Jeanne Armour l’abandonnait ; il ne pouvait donner son nom à l’enfant qu’il allait avoir. […] Sa femme accouchait de son cinquième enfant. […] Comme un enfant trop fort qui se dégage de sa mère en la blessant, il a tordu les nobles formes qui avaient essayé de le contenir, et traîné la littérature à travers une agonie d’angoisses et d’efforts. […] Prenons pour personnage un enfant idiot, une vieille paysanne qui grelotte, un colporteur, une servante arrêtée dans la rue. […] Il fut chassé de l’université ; son père refusa de le voir ; le chancelier, par un décret, lui ôta la tutelle de ses deux enfants à titre d’indigne ; à la fin, il fut obligé de quitter l’Angleterre.

976. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Selon Maine de Biran, le langage est l’oeuvre de la volonté humaine ; l’homme ne s’approprie un langage qu’en le refaisant lui-même, et il n’y a pas de langage extérieur sans un « langage intérieur » préalable ; ce qu’il appelle improprement ainsi, c’est d’abord le langage personnel et volontaire de l’enfant, qui se comprend lui-même avant de comprendre le langage de ses parents ; — c’est ensuite une sorte d’écho musculaire par lequel les organes de la voix s’associent instantanément aux impressions que l’oreille reçoit de la voix d’autrui ; par ces ébauches de mouvements, l’enfant s’approprie la langue qu’il entend et se fait des signes avec les sons ; — c’est enfin la parole personnelle par laquelle nous imitons les sons que nous nous souvenons d’avoir entendus. […] Quant à ceux qui ne savent pas lire ou écrire en silence, ils sont, à cet égard, encore enfants ; leur état n’est qu’un épisode de l’histoire de la parole inférieure. Même en dehors de la lecture et de l’écriture, dans le jeune âge et chez les esprits peu exercés, encore enfants à cet égard, la parole intérieure « réclame », pour avoir quelque suite et nous tenir « isolés des causes de distraction, un plus grand effort d’attention » que la parole extérieure. […] Voici le passage entier : « Je crois qu’un enfant qu’on aurait nourri en pleine solitude, éloigné de tout commerce, — qui serait un essai malaisé à faire, — aurait quelque espèce de parole pour exprimer ses conceptions. […] Pour ces deux enfants, les mots sont « les signes, malgré la paralysie des organes vocaux (Ladreit de Lacharrière, Du retard dans le développement du langage etc., dans les Annales des maladies de l’oreille et du larynx, 1er mars 1876).

977. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Rue des Réservoirs, l’ancien hôtel et le nouvel hôtel du gouverneur de Versailles, l’hôtel du gouverneur des enfants du comte d’Artois, le garde-meuble de la couronne, le bâtiment pour les loges et foyers des acteurs qui jouent au Palais, les écuries de Monsieur  Rue des Bons-Enfants, l’hôtel de la garde-robe, le logement des fontainiers, l’hôtel des officiers de la comtesse de Provence  Rue de la Pompe, l’hôtel du grand-prévôt, les écuries du duc d’Orléans, l’hôtel des gardes du comte d’Artois, les écuries de la reine, le pavillon des Sources. — Rue Satory, les écuries de la comtesse d’Artois, le jardin anglais de Monsieur, les glacières du roi, le manège des chevau-légers de la garde du roi, le jardin de l’hôtel des trésoriers des bâtiments […] Il y a trois divisions de la bouche158 : la première pour le roi et ses enfants en bas âge ; la seconde, nommée petit commun, pour la table du grand maître, pour celle du grand chambellan et pour celle des princes et princesses qui logent chez le roi ; la troisième, nommée grand commun pour la seconde table du grand maître, pour celle des maîtres d’hôtel, pour celle des aumôniers, pour celle des gentilshommes servants et pour celle des valets de chambre : en tout 383 officiers de bouche, 103 garçons et 2 177 771 livres de dépense ; outre cela 389 173 livres pour la bouche de Madame Élisabeth, et 1 093 547 livres pour celles de Mesdames, total 3 660 491 livres pour la table. […] Lisez dans l’Almanach les titres des offices, et vous verrez se développer devant vous une fête de Gargantua, la solennelle hiérarchie des cuisines, grands officiers de la bouche, maîtres d’hôtel, contrôleurs, contrôleurs-élèves, commis, gentilshommes panetiers, échansons et tranchants, écuyers et huissiers de cuisine, chefs, aides et maîtres-queux, enfants de cuisine et galopins ordinaires, coureurs de vins et hâteurs de rôts, potagers, verduriers, lavandiers, pâtissiers, serdeaux, porte-tables, gardes-vaisselle, sommiers des broches, maître d’hôtel de la table du premier maître d’hôtel, toute une procession de dos amples et galonnés, de ventres majestueux et rebondis, de figures sérieuses qui, devant les casseroles, autour des buffets, officient avec ordre et conviction  Encore un pas et nous entrons dans le sanctuaire, l’appartement du roi. […] Il y a une maison de ce genre pour la reine, une pour Madame Victoire, une pour Madame Adélaïde, une pour Madame Élisabeth, une pour Monsieur, une pour Madame, une pour le comte d’Artois, une pour la comtesse d’Artois il y en aura une pour Madame Royale, une pour le petit Dauphin, une pour le duc de Normandie, tous les trois enfants du roi ; une pour le duc d’Angoulême, une pour le duc de Berry, tous les deux fils du comte d’Artois : dès six ou sept ans, les enfants représentent et reçoivent. […] En 1789, la maison du roi, de la reine, du Dauphin, des enfants de France, de Mesdames coûte 25 millions  Celles de Monsieur et de Madame, 3 656 000 l. ; celles du comte et de la comtesse d’Artois, 3 656 000 l. ; ducs de Berry et d’Angoulême, 700 000 l. ; les traitements conservés aux personnes qui ont servi les princes montent à 228 000 l.

978. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Il était comme ces petits musiciens, enfants prodiges, qui, élevés au piano, atteignent tout d’un coup un doigté merveilleux, roulent les gammes, perlent les trilles, font voltiger les octaves avec une agilité et une justesse qui chassent de la scène les plus fameux artistes. […] Il mange trop, en enfant gâté ; il veut des mets forts, épicés, et se fait mal à l’estomac. […] Il a tous les appétits et tous les caprices d’un vieil enfant, d’un vieux malade, d’un vieil auteur, et d’un vieux garçon. […] Swift lui reproche de n’avoir jamais de loisir pour la conversation ; la cause en est « qu’il a toujours en tête quelque projet poétique. » Ainsi rien ne lui manque pour atteindre l’expression parfaite : la pratique d’une vie entière, l’étude de tous les modèles, l’indépendance de la fortune, la compagnie des gens du monde, l’exemption des passions turbulentes, l’absence des idées maîtresses, la facilité d’un enfant prodige, l’assiduité d’un vieux lettré. […] Un des moins rigides et des plus célèbres fut Young, l’auteur des Nuits, ecclésiastique et courtisan, qui ayant en vain essayé d’être député, puis évêque, se maria, perdit sa femme et les enfants de sa femme, et profita de son malheur pour écrire en vers des méditations « sur la vie, la mort, l’immortalité, le temps, l’amitié, le triomphe du chrétien, la vertu, l’aspect du ciel étoile », et beaucoup d’autres choses semblables.

979. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

; hacher le style court et menu, filer interminablement, hier l’intrigue, aujourd’hui la description, demain le dialogue ; émietter en des parts innombrables le corps du sujet, allonger à l’infini les lieux communs du genre : embrouillamini de paternité, suppositions d’enfants, vengeances et trahisons, distillées goutte à goutte jusqu’au suprême épuisement de la matière : c’est toute une gamme d’artifices. […] Savez-vous au monde une impression de stupeur et d’épouvante affolée comparable au bouleversement d’âme d’une mère à qui l’on vient de ravir son enfant ? […] je les retrouverai, les misérables, les bandits qui m’ont pris mon enfant ; alors j’aurai les dents terribles de la lionne et ses griffes sanguinaires, je serai sans pitié, j’aurai la férocité de la bête de l’Atlas !  […] N’oublions pas qu’il y a, dans toute créature humaine, un enfant qui aime les Contes bleus. […] Monsieur, Je ne suis qu’un pauvre petit instituteur de campagne, ayant pour principal souci l’éducation et l’instruction d’un groupe d’enfants du peuple au milieu desquels je me sens heureux.

980. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Elle était restée en son déclin même, la toute-puissance des maîtres anciens ; elle était la défense et la protection d’un tas de poètes nouveaux qu’elle avait vus enfants, et qui venaient abriter, à cette ombre charmante et féconde, les dernières trahisons de leur esprit. […] Elle est la seule femme de ce siècle (après les reines) à qui il n’ait pas été permis de profiter du bénéfice que toutes les femmes apportent, en ce monde, et dont elles usent largement, d’ôter de leur vie, les premières années inutiles, les années sans amour, l’innocence des premiers jours, les bondissements de l’enfant, les rêveries de la petite fille. […] au même instant, dans la tour du Temple, à côté de son père, de sa mère, de son frère enfant, était enfermée une jeune fille de quinze ans, — l’âge de la jeune débutante ! Ces deux enfants étaient nées à Versailles le même jour, et pour ainsi dire à la même heure, aux salves ardentes de l’artillerie, aux chants reconnaissants du Te Deum ! […] Aujourd’hui l’enfant glane, et cherche sa vie, à travers ces domaines, ravagés par mademoiselle Plessis.

981. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

L’enfant admire tout, parce qu’il ignore tout. […] Voyez l’enfant ; les noms des premières personnes, des premières choses qu’il a vues, il les donne à toutes celles en qui il remarque quelqu’analogie. […] Ainsi se forma le caractère idéal de l’Hercule antique ; les héros étaient héraclides, enfants d’Hercule, comme les sages étaient appelés enfants de la sagesse, etc. […] Un de ses enfants fut atteint d’une maladie longue et cruelle. […] Enfin ses forces diminuant tous les jours, il resta quatorze mois sans parler et sans reconnaître ses propres enfants.

982. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Sa mère, fille d’un marin de Boulogne et d’une Anglaise, éleva le jeune enfant de concert avec une belle-sœur, une sœur de son père. […] Il n’était pas l’aîné de ses frères ou sœurs, et il en eut bien d’autres, en tout sept enfants. […] Son fils ne lui résistait pas : c’était encore un enfant. […] Mais, si l’enfant au seuil, ou quelque vieille assise, Venait rompre d’un mot le songe qu’il songeait, Avec intérêt vrai comme il interrogeait ! […] Votre enfant n’est pas un de ces élèves dont on puisse perdre le souvenir

983. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

combien je comprends que les parents sages d’autrefois ne voulussent pas de littérateurs parmi leurs enfants ! […] L’enfant, dès onze ou douze ans, prononçait des discours au club. Une députation de ce club de Besançon alla rendre visite au général Pichegru qui avait repoussé les Autrichiens, du côté de Strasbourg : l’enfant fut de la partie ; deux commissaires le demandèrent à son père : « Donnez-nous-le, nous le ferons voyager ! » Pichegru lui fit accueil et l’assit même sur ses genoux, car l’enfant, très-jeune, était de plus très-mince et petit, il n’a grandi que tard. […] Il donna à l’enfant des leçons de mathématiques et d’histoire naturelle, mais l’élève ne mordit qu’à cette dernière.

984. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Car, si le seigneur les frappe en père de famille, il les protège « en père de famille, il accourt quand il y a un malheur à réparer, il les soigne dans leurs maladies », il leur fournit un asile dans leur vieillesse ; il pourvoit leurs veuves et se réjouit quand ils ont beaucoup d’enfants ; il est en communauté de sympathies avec eux ; ils ne sont ni misérables ni inquiets ; ils savent que, dans tous leurs besoins extrêmes ou imprévus, il sera leur refuge47  Dans les États prussiens, et d’après le code du grand Frédéric, une servitude plus dure encore est compensée par des obligations égales. […] Voyant son canton stérile et ses colons paresseux, il les enrégimente, hommes, femmes, enfants, et, par les plus mauvais temps, lui-même à leur tête, avec ses vingt-sept blessures, le col soutenu par une pièce d’argent, il les fait travailler en les payant, défricher des terres qu’il leur donne à bail pour cent ans, enclore d’énormes murs et planter d’oliviers une montagne de roches. « Nul n’eût pu, sous aucun prétexte, se dispenser de travailler qu’il ne fût malade, et en ce cas secouru, ou occupé à travailler sur son propre bien, article sur lequel mon père ne se laissait pas tromper, et nul ne l’eût osé. » Ce sont là les derniers troncs de la vieille souche, noueux, sauvages, mais capables de fournir des abris. […] Ils adoucissent, ils tempèrent les poursuites parfois trop rigoureuses des fermiers, des régisseurs, des gens d’affaires54. » — Une Anglaise qui les voit en Provence au sortir de la Révolution dit que, détestés à Aix, ils sont très aimés sur leurs terres. « Tandis que devant les premiers bourgeois ils passent la tête haute, avec un air de dédain, ils saluent les paysans avec une courtoisie et une affabilité extrêmes. » Un d’eux distribue aux femmes, enfants, vieillards de son domaine de la laine et du chanvre pour filer pendant la mauvaise saison, et, à la fin de l’année, il donne un prix de cent livres aux deux meilleures pièces de toile. […] Je ne vois pour y prendre part que trois ou quatre grands seigneurs, philanthropes pratiques et guidés par l’exemple des nobles anglais, le duc d’Harcourt qui arrange les procès de ses paysans, le duc de La Rochefoucault-Liancourt qui a fondé dans ses terres une ferme modèle et une école des arts et métiers pour les enfants des militaires pauvres, le comte de Brienne dont trente villages viendront demander la liberté à la Convention84. […] Mais ils mangeaient les moutons, et, par-ci par-là, un enfant.

985. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

De la sorte, l’enfant sortira du collège ignorant les institutions du pays où il doit vivre ; il ne saura pas ce que sont les Parlements ou les États généraux ; mais en revanche il pourra expliquer ce qu’étaient les éphores et les tribuns, raconter dans le plus grand détail ce qu’ont fait les Gracques ou César. […] Ce ne sont pas des Français, ce sont des Grecs et des Romains que les collèges rendent à la société… Quelle ne sera pas l’influence de l’antiquité sur des enfants naïfs, inexpérimentés, qui, pendant six ou sept ans, ont promené leur pensée du Capitole au Parthénon ! […] Est-il exagéré de dire qu’elle a contribué à dégager nos écrivains du latinisme qui pesait sur eux comme un joug pendant et après la Renaissance ; à rendre l’allure de leur style plus légère et plus leste ; à façonner le goût public en donnant pour nourriture aux enfants le suc et la mœlle du génie français ; à renforcer l’âme même de la nation par une assimilation permanente d’éléments qui ont aidé à la former ? […] Les Enfants Sans-Souci, les Confrères de la Passion ne peuvent être passés sous silence par quiconque étudie les mystères ou les moralités d’antan. […] Musset, qui fut l’enfant terrible du romantisme, s’est amusé à railler ces théories nébuleuses et ces fièvres poétiques où les illusions et les rêveries de la jeunesse x se mêlent toujours à une petite dose d’idées sérieuses et fécondes171.

986. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Nous sommes étonné que tant de critiques éminents, qui ont écrit des volumes sur cette question, ne se soient point fait la réponse que le simple bon sens suggérerait à un enfant réfléchi sur cette matière : L’Europe moderne n’a point de poème épique et n’en aura jamais. […] Ce livre raconte en versets, dont chacun est un vers qui trouve son écho dans un autre vers, les pensées de Dieu, la création du monde en six grandes journées de l’ouvrier divin, qui sont peut-être des semaines de siècles ; la naissance du premier homme, son ennui solitaire dans l’isolement de son être, qui n’est qu’un morne ennui sans l’amour ; l’éclosion nocturne de la femme, qui sort, comme le plus beau des rêves, du cœur de l’homme ; les amours de ces deux créatures complétées l’une par l’autre dans ce premier couple dont le fils et les filles seront le genre humain ; leurs délices dans un jardin à demi céleste ; leur pastorale enchantée sous les bocages de l’Éden ; leur fraternité avec tous les animaux aimants qui parlaient alors ; leur liberté encore exempte de chute ; leur tentation allégorique de trop savoir le secret de la science divine, secret réservé seul au Créateur, inhérent à sa divinité ; leur faute, de curiosité légère chez la femme, de complaisance amoureuse chez l’époux ; leur tristesse après le péché, premier réveil de la conscience, cette révélation par sentiment du bien et du mal ; leur citation au tribunal divin ; les excuses de l’homme pour rejeter lâchement le crime sur sa complice, le silence de la femme, qui s’avoue coupable par les premières larmes versées dans le monde ; leur expulsion ; leur pèlerinage sur la terre devenue rebelle ; la naissance de leurs enfants dans la douleur ; le travail sous toutes les formes, premier supplice de l’humanité ; le premier meurtre faisant boire à la terre le sang de l’homme par la main d’un frère ; puis la multiplication de la race pervertie dans sa source ; puis le déluge couvrant les sommets des montagnes ; une arche sauvant un juste, sa famille, tous les animaux innocents ; puis la vie patriarcale, en familiarité avec des esprits intermédiaires appelés des anges, esprits tellement familiers qu’ils se confondent à chaque instant sur la terre avec les hommes, auxquels ils apportent les messages de Dieu ; puis un peuple choisi de la semence d’Abraham ; des épisodes naïfs et pathétiques, comme ceux de Joseph, de Tobie, de Ruth ; une captivité amère chez les Égyptiens ; un libérateur, un législateur, un révélateur, un prophète, un poète, un historien inspiré dans Moïse ; puis des annales pleines de guerres, de conquêtes, de politique, de liberté, de servitude, de larmes et de sang ; puis des prophètes moitié tribuns, moitié lyriques, gouvernant, agitant, subjuguant le peuple par l’autorité des inspirations, la majesté des images, la foudre de la langue, la divinité de la parole ; puis des grandeurs et des décadences qui montent et descendent de Salomon à Hérode ; puis l’assujettissement aux Romains ; puis un Calvaire, où un prophète plus surnaturel monte sur un autre arbre de science pour proclamer l’abolition de l’ancienne loi, et promulguer pour l’homme, sans acception de tribus, Juifs et païens, une loi plus douce scellée de son sang ; Puis une autre terre et un autre ciel pour l’univers romain devenu l’Europe. […] Quel rôle reste-t-il au merveilleux des poètes épiques dans des contrées où l’on apprend par cœur ce livre aux générations qui se renouvellent, pendant que le lait des mères coule encore sur les lèvres des enfants ? […] On l’a appelé le vieil enfant de son siècle. La Fontaine, en effet, est l’enfant de notre littérature française, mais c’est un enfant vicieux.

987. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

C’est qu’ailleurs on peut aller se choisir un héritier à l’hôpital même des enfans-trouvés ; c’est que les noms des grandes familles s’y perpétuent par le sort qui assigne à un enfant du conservatoire toutes les prérogatives d’un sénateur décédé sans héritier immédiat. […] Plus sur la gauche, et vers le devant, un soldat est étendu à plat ventre sur des quartiers de pierre, la plante des pieds tournée vers la fabrique de la droite, la tête vers la gauche d’où s’avancent à lui un autre soldat avec une femme qui porte entre ses bras un petit enfant. […] La langue d’un enfant qui fait un voyage de province se corrompt au bout de quelques semaines ; Voltaire, relégué sur les bords du lac de Genève, y conserve toute la pureté, toute la force, toute l’élégance, toute la délicatesse de la sienne. […] Il y a entre elle et le mur du fond un enfant debout. […] Mère assise avec son enfant devant elle. à gauche, vieux vase sur son piédestal, quartiers de pierres informes dispersées et autres accessoires.

988. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

— L’an passé, nous avons vu de lui, aux galeries du boulevard Bonne-Nouvelle, une tête d’enfant qui nous a rappelé les meilleurs morceaux de Lawrence. […] Tassaert Un petit tableau de religion presque galante. — La Vierge allaite l’enfant Jésus — sous une couronne de fleurs et de petits amours. […] Que l’on compare, par exemple, le Berger et l’Enfant, aux dessins nouveaux dont nous venons de parler. […] Cet enfant qui se pend à une grappe, et qui était déjà connu par quelques charmants vers de Sainte-Beuve, est une chose curieuse à examiner ; c’est de la chair, il est vrai ; mais c’est bête comme la nature, et c’est pourtant une vérité incontestée que le but de la sculpture n’est pas de rivaliser avec des moulages. — Ceci conclu, admirons la beauté du travail tout à notre aise. […] — Eve tient ses deux enfants sur un genou et leur fait une espèce de panier avec ses deux bras. — La femme est belle, les enfants jolis — c’est surtout la composition de ceci qui nous plaît ; car il est malheureux que M. 

989. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Il a femme et enfants, et on l’a vu descendre de son aire pour venir ravager les plantations de manioc. « J’ai eu à mon service, dit M.  […] Bates, c’est penser comme les enfants, que de supposer que la beauté des oiseaux, des insectes et des autres créatures leur est donnée pour charmer nos yeux. […] Dans les profondeurs du navire, la patrie a balayé avant le départ quelques centaines d’hommes condamnés, de femmes coupables, d’enfants innocents au sein de leurs mères, pour purifier la population saine de l’Angleterre et pour peupler des populations renouvelées dans ses colonies. […] C’est le coup sourd des vagues qui s’amoncellent et qui viennent de minute en minute heurter les flancs du vaisseau ; ce sont les plaintes des madriers et des solives qui, dans cet immense chantier flottant, tendent à se détacher les uns des autres pour reprendre leur liberté ; ce sont les sifflements des ailes du vent à travers les voilures, dont cinq cents matelots intrépides prennent les ris ; le tumulte des hommes sur le pont tremblant, la voix et le sifflet du commandant, les voiles qui se déchirent et qui emportent dans les airs la force échappée de leurs plis, les mâts surchargés qui se rompent et qui tombent avec leurs vergues et leurs cordages sur les bastingages, le pas précipité des matelots courant où le signal les appelle, les coups de haches qui précipitent à la mer ces débris pour que leur poids ajouté au roulis du navire ne l’entraîne pas dans l’abîme ; le tangage colossal de ces débris mesuré par six cents pieds de quille, tantôt semble gravir jusqu’aux nuages la lame écumeuse et la diriger en plein firmament, tantôt, arrivé au sommet de la vague, se précipiter la tête la première, les bras des vergues tendus en avant dans l’abîme où il glisse, le gouvernail touchant au fond de l’océan ; les matelots suspendus aux câbles décrivent des oscillations gigantesques sur l’arc des cieux ; les canons détachés de leurs embouchures roulent çà et là sur les trois ponts avec des éclats de foudre ; à chaque effondrement du vaisseau entre des montagnes d’écumes qui semblent l’engloutir, un cri perçant monte de la prison des condamnés, puis des voix de femmes et d’enfants qui croient toucher à leur dernière heure. […] le misérable crépitement de la feuille de ces arbustes que l’enfant qui la presse en jouant dans ses deux doigts fait éclater avec un petit bruit, et qu’il jette pour la voir sécher et pourrir sous ses pas !

990. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Mais les enfants chantent dans leurs rondes : « Tu seras roi, si tu fais bien. » « N’avoir rien à te reprocher, n’avoir jamais à pâlir d’une mauvaise action, que ce soit là ton inexpugnable citadelle. » Et ceci encore : « … Le poète n’est point avare ni cupide… Il se moque des pertes d’argent ; il ne trahira point un ami ; il ne dépouillera point un pupille. Il vit de fèves et de pain bis… Le poète façonne la bouche tendre et balbutiante des enfants ; il défend leur oreille contre les propos grossiers ; il forme leur cœur par de belles maximes ; il leur enseigne l’humanité et la douceur… Il console le pauvre et celui qui souffre. […] … Et c’est ainsi que, sous le délicieux et pittoresque écrivain, sous le satirique osé, sous le moraliste inquiet et quelque peu divisé contre lui-même, sous l’observateur trop complaisant des « petites fêtes » de la chair triste, survit et se devine encore, — grandi et libéré, mais non point infidèle — le « bon petit enfant » à qui Mgr Dupanloup fut paternel autrefois. […] Enfant et adolescent (il le contait lui-même volontiers), il était comme ivre d’être au monde, de voir la lumière, et de sentir. […] Émile Pouvillon, cet amoureux de la terre, qui nous apporte quinze jours à peine, chaque année, ses yeux bleus de faune et d’enfant dans une bonne figure cuite d’officier et qui, le reste du temps, rêve là-bas dans son Quercy, était tout disposé à comprendre la petite pastoure visionnaire.

991. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Pollux le lexicographe affirme qu’en voyant ces faces à serpents et ces torches secouées, il y avait des enfants qui étaient pris d’épilepsie et qui mouraient. […] La multitude est là en effet ; toute la multitude, y compris les femmes, les enfants et les esclaves, et Platon qui fronce le sourcil. […] Dans l’Inde, on donne volontiers les enfants à garder aux éléphants. […] Elle est chez elle, occupée aux soins domestiques, inattentive à ses enfants. […] Il ne faut pas que les enfants s’écartent.

992. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

C’étaient des enfants, et qui n’aimaient qu’à entendre des histoires. Cependant peu à peu la curiosité de ces enfants s’éveilla : des rois, des princesses, des seigneurs, ayant reçu une instruction supérieure pour le temps, aperçurent l’intérêt de ces études cléricales : des clercs ne désespérèrent pas d’être utiles à leur prochain, ou à eux-mêmes, en communiquant quelque chose de la science que jusque-là la langue latine avait dérobée à la connaissance du vulgaire. […] En bon bourgeois aussi, le collaborateur indigne de Guillaume de Lorris méprise les femmes : et de ce mépris brutal et profond naît pour lui l’impossibilité de comprendre l’amour courtois : comment peut-on perdre temps en propos ingénieux, en grimaces dévotes, avec cet être fragile, vicieux, bavard, menteur, et qui ne sert pour un prud’homme qu’à tenir le ménage et donner des enfants ? […] Mais presque toutes tes saintes Qui aux églises sont priées, Vierges chastes, et mariées Qui maints beaux enfants enfantèrent, Les habits du siècle portèrent ; Et en ceux-là même moururent, Qui saints sont, seront et furent.

993. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Il perdit deux ou trois enfants au berceau avant la première édition des Essais. […] Il aimait un logis commode et propre, et se plaisait dans sa librairie, entre ses mille volumes, lisant, marchant, rêvant, dictant, seul surtout, délicieusement seul : femmes, enfants, toutes les fâcheuses servitudes de la vie, étant arrêtés au seuil du sanctuaire. […] Soyons libres même à l’égard des affections naturelles : aimons notre patrie, notre femme, nos enfants, non pas jusqu’au point de nous en troubler. […] Sachons perdre femme et enfants sans affliction tyrannique : se détacher, c’est s’affranchir.

994. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

La Bruyère est un bourgeois de Paris : un libre esprit, sans préjugé de caste ni respect traditionnel, très peu révolutionnaire, mais satirique et frondeur, peu porté à l’indulgence envers les puissants et les puissances : un esprit indépendant, ayant horreur de tous les engagements, qui, pour ne pas diminuer sa liberté, a renoncé à tous les biens, à la fortune, aux emplois, même à la famille ; car une femme, des enfants, rendent le renoncement difficile : a-t-on le droit de se passer de tout pour eux, comme pour soi ? […] L’idée générale du livre est de soumettre la politique à la morale chrétienne : il faut reconnaître qu’il n’y avait pas d’autre façon de montrer les choses à un enfant destiné à régner ; l’essentiel était qu’il tirât de ses études une bonne règle de conduite. […] Il signa les articles d’Issy ; tout en disputant pied à pied le terrain, il était souple, humble, « comme un petit enfant », devant Bossuet, qui avait protégé ses débuts, qui avait une entière confiance en lui, avec une grande admiration de son esprit. […] Tout en élevant le duc de Bourgogne, il songeait que cet enfant régnerait : et dans sa pensée il se réservait le rôle que le médiocre Fleury se donna plus tard auprès de Louis XV.

995. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Ce bon, ce grand enfant de Dumas a, dans son théâtre, une énergie de boucher ou de cannibale. […] Ténébreux, fatal, amer, il sort on ne sait d’où, il passe enveloppé d’un triple prestige de mystère, de crime et d’amour : le Giaour, Lara, le Corsaire, ces incarnations de la sensibilité misanthropique de Byron, sont les modèles d’après lesquels nos robustes et bien portants poètes, le joyeux Dumas, le solide Hugo, ont dressé le type de leur héros, bâtard ou enfant trouvé, victime ou ennemi de la société, désespéré, magnanime et tout débordant de tendresses séduisantes : Antony est plus brutal, Didier plus pleurard. […] Après avoir suivi docilement la tradition dans les Vêpres Siciliennes (1819), il habille d’oripeaux romantiques la maigreur de la tragédie pseudo-classique ; et par ses drames vides de psychologie, d’une sentimentalité fausse ou banale, d’un pittoresque criard et plaqué, par son Marino Fuliero (1829), son Louis XI (1832), ses Enfants d’Edouard (1833), il escamote d’assez bruyants succès. […] Dumas y vint, après que sa fièvre de 1830 fut calmée, lorsqu’il fut rendu à son naturel de bon enfant qui aimait à conter des histoires, et à son tempérament d’homme de théâtre, apte à faire jouer tous les trucs qui tirent le rire et les larmes.

996. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Il se laisse aller comme un enfant sur le sein maternel. […] » Le livre s’orne d’un frontispice de Félicien Rops : une femme hiératique soupèse l’enfant amour, qu’elle respire comme une proie, au milieu d’un paysage stylisé d’arbres, de fleurs et d’ibis. […] Déjà Alfred de Vigny se désolait du serpentement incessant autour de l’homme, de la vipère dorée : Toujours, ce compagnon dont le cœur n’est pas sûr, La femme, enfant malade et douze fois impur. […] Voici René, Adolphe, Rolla, Antony qui, comme des enfants rageurs, s’amusent à se faire mal.

997. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Véfour chez qui vous dînez, déterrant çà et là une croûte de pain dans un tas d’ordures et l’essuyant avant de la manger, grattant tout le jour le ruisseau avec un clou pour y trouver un liard, n’ayant d’autre amusement que le spectacle gratis de la fête du roi et les exécutions en Grève, cet autre spectacle gratis ; pauvres diables, que la faim pousse au vol, et le vol au reste ; enfants déshérités d’une société marâtre, que la maison de force prend à douze ans, le bagne à dix-huit, l’échafaud à quarante ; infortunés qu’avec une école et un atelier vous auriez pu rendre bons, moraux, utiles, et dont vous ne savez que faire, les versant, comme un fardeau inutile, tantôt dans la rouge fourmilière de Toulon, tantôt dans le muet enclos de Clamart, leur retranchant la vie après leur avoir volé la liberté ; si c’eût été à propos d’un de ces hommes que vous eussiez proposé d’abolir la peine de mort, oh ! […] que son père, que sa mère, que ses enfants, n’en saigneront pas ? […] N’est-il pas, à un titre bien autrement sacré que l’esclave vis-à-vis du maître, la propriété de son père, le bien de sa femme, la chose de ses enfants ? […] maintenant que les petits enfants se moquent de Dieu ?

998. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Était-ce bien pour l’abbé Prévost, pour l’auteur de ces romans et de ces mille écrits qu’ils n’ont point lus, que se pressaient vers la ville, dès le matin du dimanche 23, les habitants des communes rurales d’alentour, tellement que le travail des moulins chômait et qu’il ne restait dans les villages qu’une seule personne par maison pour la garde des enfants et des bestiaux ? […] Disons-le sans détour, l’abbé Prévost, reparaissant à Hesdin sous forme de marbre et couronné de la main de ses compatriotes, ce n’est pas seulement l’homme célèbre qui est salué avec respect, c’est à la fois moins et plus, et c’est mieux : c’est l’Enfant prodigue, qui, après une longue absence et après avoir longtemps fait parler de soi en bien des sens, illustré par ses erreurs mêmes et par cette sorte de magie qu’il n’est donné qu’au génie d’y répandre, a terminé son temps d’exil, et qui revient plus aimé, plus embrassé de tous, fêté même et pardonné par les plus sévères. […] Vincent, membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres) et enfant d’Hesdin, formaient le groupe d’honneur.

999. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Né en septembre 1736, aux galeries du Louvre, vers le cul-de-sac du Doyenné, l’enfant croissait à son gré et fut laissé à ses bons instincts naturels : « La douceur aimable et la touchante docilité de son caractère, nous dit Lémontey, en firent l’idole de sa famille ; elle ne put se résoudre à se séparer de lui, ni à chagriner son enfance par de pénibles études. […] Les Gessner, les Florian n’opéraient qu’en petit pour les imaginations de femmes et d’enfants, pour les amoureux, les cœurs tendres et les têtes légères ; ils faisaient un âge d’or de petits bergers. […] Les yeux se tournaient sans cesse vers cette première patrie ; et lorsque la jeunesse eut produit une génération nouvelle, on en parlait à ses enfants, on leur peignait, on leur exagérait sans doute tout ce qu’ils avaient perdu… Et Bailly arrive à conclure que l’âge d’or, cette fable séduisante, n’est que le « souvenir conservé d’une patrie abandonnée, mais toujours chère » : « Les nations où ce souvenir se retrouve ont été transplantées ; ce sont des colonies d’une nation plus ancienne. » Tout ceci est ingénieux, sinon évident ; et Bailly, pour le dire, a deviné quelques-uns des tons de Bernardin de Saint-Pierre, à une date ou ce dernier n’avait encore publié aucun de ses grands ouvrages.

1000. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Charles IX, qui jouerait ici le rôle d’Auguste, n’est qu’un enfant maladif et gouverné ; il aime les vers, il est vrai, et il en commande volontiers à son poète ; mais une Saint-Barthélemy jetée à la traverse fait un terrible contre-temps. […] Là où le texte dit : « Heureux qui, vieux, s’appuyant sur un bâton dans la même allée où il s’est traîné enfant, ne sait compter en fait de siècles que ceux de sa cabane ! […] C’est même un faux sens dans l’esprit de la pièce ; car il n’est pas précisément agréable à un vieillard de se souvenir qu’il a couru là où maintenant il marche à peine ; mais il peut aimer à se dire qu’il s’est traîné tout petit enfant là où il se traîne encore.

1001. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Et cependant, d’enfants que nous étions, nous avons grandi à leur ombre, et quelquefois malgré leur ombre ; nous aussi, nous avons vécu, nous avons vieilli ; nous avons nos opinions faites et qui ont le droit, à leur tour, de se dire mûres. […] Guizot, après bien des discours sur ses charges domestiques, sur les chances de l’avenir, et en lui prenant tout à coup les mains avec effusion : « Je vous dis, mon cher ministre, que mes enfants n’auront pas de pain. » C’était vers la fin son idée fixe et par trop bourgeoise. Ses enfants le lui rendaient entre eux en l’appelant familièrement le père.

1002. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Mais du jour où, dans une province de Judée éloignée de Jérusalem, sur une colline verdoyante, non loin de la mer de Galilée, au milieu d’une population de pauvres, de pêcheurs, de femmes et d’enfants, le Nazaréen, âgé de trente ans environ, simple particulier, sans autorité visible, nullement conducteur de nation, ne puisant qu’en lui-même le sentiment de la mission divine dont il se faisait l’organe inspiré comme un fils l’est par son père, se mit à parler en cette sorte, de cette manière pleine à la fois de douceur et de force, de tendresse et de hardiesse, « d’innocence et de vaillance », un nouvel âge moral commençait. […] « Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu ! […] Enfin c’est un homme qui, par son excellente beauté et ses divines perfections, surpasse les enfants des hommes. » Ce Lentulus, quel qu’il soit, parle déjà comme Jean-Jacques en son Vicaire savoyard. — Et maintenant, comment cette parole du Christ, cette manne première qui tombait et pleuvait sur les cœurs simples, au penchant des collines ou le long des blés, et que le Juste avait en mourant arrosée de son sang, comment, bientôt armée et revêtue de la doctrine et de la théorie de saint Paul, est-elle sortie de la Galilée et de la Judée pour s’approprier aux Gentils et pour leur être inoculée par lui ?

1003. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

A peine arrivé à sa maison, un vieil esclave déguisé en négresse lui apporte des nouvelles du petit Hannibal qu’on élève clandestinement, et qui est déjà un enfant terrible : « Il invente des pièges pour les bêtes farouches. […] il a surpris un aigle ; il le traînait, et le sang de l’oiseau et le sang de l’enfant s’éparpillaient dans l’air en larges gouttes, telles que des roses emportées. […] L’idée d’une immolation d’enfant, pour apaiser Moloch, circule parmi le peuple.

1004. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Il reçut tous les soins affectueux et l’éducation de famille ; son père était négociant ; un oncle, frère de son père, qui logeait sous le même toit, donna à l’enfant les premières notions de latin, et on l’envoya bientôt suivre les classes au collège. […] L’enfant avait annoncé sa vocation précoce par de petites fables en vers français, et les dignes professeurs, émerveillés, favorisèrent cette disposition plutôt que de la combattre. […] Ce petit trait rappelle de loin la belle carpe que Racine, en réponse à une invitation de M. le Duc, montrait à l’écuyer du prince, et qu’il tenait absolument à manger en famille avec ses pauvres enfants, le grand Racine qu’il était.

1005. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Les enfants et les sages ont de grandes ressemblances, et le chef-d’œuvre de la raison est de ramener à ce que fait la nature. Les enfants reçoivent la vie goutte à goutte, ils ne lient point ensemble les trois temps de l’existence ; le désir unit bien pour eux le jour avec le lendemain, mais le présent n’est point dévoré par l’attente, chaque heure prend sa part de jouissance dans leur petite vie : chaque heure a un sort tout entier indépendamment de celle qui la précède ou de celle qui la suit, leur intérêt ne s’affaiblit point cependant par cette subdivision ; il renait à chaque instant, parce que la passion n’a point détruit tous les germes des pensées légères, toutes les nuances des sentiments passionnés, tout ce qui n’est pas elle enfin, et qu’elle anéantit. […] Les enfants, laissés à eux-mêmes, sont les êtres les plus libres, le bonheur les affranchit de tout ; les philosophes doivent tendre au même résultat par la crainte du malheur.

1006. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Il en sait l’aspect coutumier autour des bouges et dans les ruelles, les victimes que ce flot charrie et les raffinements dont elle s’orne pour les riches dans les maisons basses où l’on entend des cris d’enfant. […] Ainsi ces romans sont imbus de condoléance, depuis la scène où une petite enfant raconte à des parents endurcis pour leur fille, l’histoire de l’abandon de sa mère jusqu’à tous les actes évangélique de l’idiot, jusqu’à l’inoubliable entrevue de Raskolnikoff et de Sonia, irrités tous deux l’un contre l’autre, chargés des pires souillures et égaux dans le douloureux abandon de tout orgueil, qui tombent agenouillés l’un devant l’autre et pleurent sur leur souffrance et sur celle qui, diffuse dans la nuit du monde, fait sourdre de toute chair en toute terre, le même murmure de lamentations, et la même pluie lente de larmes. […] Celui-ci, comme tous les êtres de peu de raisonnement, les enfants, les sauvages, aura beaucoup d’imagination : et de plus, comme tous ceux que le spectacle du monde extérieur ne sollicite pas à l’effort de l’interpréter, sera disposé à tourner sur soi ses facultés d’attention et d’analyse.

1007. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Ballanche, il ne faut pas abandonner ses enfants à la charité publique : c’est bien assez qu’après nous il en doive être forcément ainsi. » II. […] A un certain âge de la vie, si votre maison ne se peuple point d’enfants, elle se remplit de manies ou de vices.

1008. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Il est ainsi plus d’une grande vocation dans l’histoire dont un nom donné sans arrière-pensée à un enfant a été l’occasion. […] Les rues où il joua enfant, nous les voyons dans ces sentiers pierreux ou ces petits carrefours qui séparent les cases.

1009. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Or, personne ne peut comparer un Indien du Canada à Socrate, bien que le premier soit, rigoureusement parlant, aussi moral que le second ; ou bien il faudrait soutenir que la paix des passions non développées dans l’enfant a la même excellence que la paix des passions domptées dans l’homme ; que l’être à pures sensations est égal à l’être pensant, ce qui reviendrait à dire que faiblesse est aussi belle que force. […] Ces chars tumultueux où s’assied l’opulence, Tous ces travaux, ce peuple à grands flots agité, Ces sons confus qu’élève une vaste cité, Des enfants de Bruno ne troublent point l’asile ; Le bruit les environne, et leur âme est tranquille.

1010. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

… Sans la marquise de Sévigné et sa passion incompréhensiblement folle pour sa maussade fille, qui donc se douterait seulement de l’existence de ce Grignan, qui ne fut qu’une bouture assez mal venue de sa mère, et dont la possession d’État — comme on dit en droit — vient de deux femmes, deux cents ans avant que ce bâtard de Girardin demandât que la femme fît la possession d’État de l’enfant légitime ! […] Il épousa la fille de Saint-Amans, un riche financier de ce temps ; mais, à cette date de son histoire, Frédéric Masson, l’amoureux de madame de Sévigné, le railleur qui se moque de ce qu’il adore, et dans les moqueries duquel on voit pourtant encore trembler l’amour, n’est plus le riant, le gai, l’ironique historien des premières pages et des premières années de cet enfant ou de ce jeune homme gâté par sa grand’mère, et on n’a plus affaire — changement soudain !

1011. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

C’est aussi la Confession d’UNE enfant du siècle que cette Confession d’Antoinette, mais d’une enfant à qui le siècle n’a pas fait le mal affreux que ce pauvre de Musset a peint, en regardant son cœur !

1012. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils. […] Quoi qu’il en soit, avant de prononcer tant de panégyriques en l’honneur de ce prince, il eût peut-être fallu en demander la permission aux enfants, aux pères et aux épouses de tous les malheureux que ses soldats avaient assassinés par son ordre.

1013. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

ou l’enfant qu’elle porte en elle l’a-t-il absorbée ? […] Saint Nicolas, c’est dans tout l’Est, en Flandre ; en Brabant, en Lorraine, au pays Rhénan, vers le Jura jusqu’au Rhône, le patron des enfants. […] Tout en veillant à la simplicité ou plutôt au fondu du ton, le poète ne fait pas parler les enfants comme des enfants. […] C’est encore de la Madone que les enfants rêveront quand saint Nicolas, après avoir pardonné à la Cagnarde et imposé une pénitence au Cagnard, réveille du saloir les enfants, et tout se termine non pas en chanson, mais en un frissonnant et frais ensemble de cantiques. […] Victor Hugo dit : C’est Shakespeare enfant.

1014. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

j’étais alors un enfant pieux. […] Un enfant m’indiqua la demeure de Déjazet. […] Et les petits enfants ne doivent pas lire des livres. […] Cet appétit de lecture semblera étrangement précoce, si l’on songe qu’en 1834, à neuf ans, l’enfant avait tout dévoré. […] Et les domestiques le chassèrent à coups de bâton, et leurs enfants crachèrent sur lui et leurs chiens le mordirent aux jambes.

1015. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Proudhon, d’après le Dictionnaire des Contemporains, est l’aîné des cinq enfants d’un tonnelier. […] Au surplus, la mère n’aime-t-elle pas son enfant du même amour, qu’il soit homme ou dieu ? […] Et tout enfant ne peut-il pas devenir un rédempteur par la puissance de son génie ? […] Où l’art pourrait-il trouver une image plus émouvante que cette mère tenant son enfant mort sur ses genoux ? […] Son Enfant Jésus ressemble à un Hercule enfant.

1016. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

À huit ans, comme Dante, il devint amoureux d’une enfant nommée Mary Duff. « N’est-ce pas étrange, écrivait-il dix-sept ans plus tard, que j’aie été si entièrement, si éperdument épris de cette enfant à un âge où je ne pouvais point ressentir l’amour, ni savoir le sens de ce mot ? […] Byron était encore tout petit enfant, en jaquette, lorsque sa nourrice le gronda rudement d’avoir sali une cotte neuve qu’il venait de mettre. […] Pour diviniser de nouveau les puissances physiques, il eût fallu que l’homme redevînt un enfant bien portant comme sous Homère. Pour diviniser de nouveau les puissances spirituelles, il eût fallu que l’homme redevînt un enfant malade comme sous Dante. […] C’est une enfant sauvage qui a recueilli Juan, un autre enfant jeté évanoui par le flot sur la grève.

1017. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Or l’idée générale d’homme comprend les femmes, les vieillards et les enfants, celle de la rose comprend les roses blanches et les roses thé, les roses naissantes, boutons à demi épanouis, et les roses flétries. […] Chez le commun des esprits, l’image intérieure de l’homme n’est pas l’ombre d’un Jupiter ou d’un Apollon ; elle n’est pas davantage celle d’un bossu ou d’un estropié ; l’homme imaginé n’est ni Apollon ni Esope, ni un géant ni un nain, ni un enfant ni un vieillard ; c’est un homme tel qu’après l’avoir classé dans le genre humain on ne peut être tenté de le parquer dans un coin de ce genre au moyen d’une épithète restrictive. […] C’est pourquoi toute bonne pédagogie demande à l’esprit encore enfant, non pas d’écouter beaucoup et de tout retenir, non pas d’inventer et d’imaginer au hasard, mais de comprendre ce qu’il entend et de penser par lui-même à l’occasion des pensées d’autrui. […] Egger, Observations et réflexions sur le développement de l’intelligence et du langage chez les enfants (2e édition, 1880), dernières pages de la 2e partie ; — Terrien-Poncel, Du langage (Franck, 1867), chap.  […] Telle est l’utilité des leçons de choses, des jardins d’enfants de Frœbel, des musées scolaires.

1018. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gérard, André = Foulon de Vaulx, André (1873-1951) »

Gérard a chanté exquisément, en enfant.

1019. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Alliamet et Strange »

Alliamet et Strange Lorsqu’un ancien port de Gênes , d’après Berghem ; un Abraham répudiant Agar , et une Esther devant Assuérus , d’après Le Guerchin ; une vierge avec son enfant, un amour endormi, d’après Le Guide, ne font pas sensation, ils doivent être bien médiocres.

1020. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Qu’on se souvienne du succès populaire de la Tirelire et des Enfants du Délire ! […] ma pauvre enfant ! […] Il croyait entendre l’haleine légère de son enfant. […] Vous savez ce que c’est qu’un enfant et surtout une fille dans le pêle-mêle d’une manufacture ! […] Regnard n’a point voulu que les enfants de son imagination fussent sujets de ces misères.

1021. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roidot, Prosper (1878-1959) »

On dirait une âme d’enfant qui traduirait avec une simplicité candide ses éveils à la lumière, ses sensations d’aube, et qui, peu à peu, verrait s’évanouir tous ses rêves dans le crépuscule de la vie qui passe.

1022. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Nattier »

Monsieur Nattier, vous ne connaissez pas les têtes de vos enfants ; certainement elles ne sont pas comme cela.

1023. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Cette princesse était sœur du prince de Guriel, qui, appréhendant aussi que cette furie de Chilaké ne lui fît la guerre s’il retirait ce petit enfant, conseilla à sa sœur de le porter au pacha d’Acalziké. Elle le fit, et ce jeune enfant a été élevé en cette ville d’Acalziké, auprès des pachas. […] De chaque famille où il y avait quatre enfants, il en prenait un ; c’était le plus pitoyable spectacle du monde, de voir arracher les pauvres enfants des bras de leurs mères, les lier deux à deux et les mener au Turc. […] Ses femmes, ses enfants et tout le château jetèrent bien des cris, lorsqu’ils le virent partir et emmener son plus jeune fils. […] Il est certain qu’ils ont grande retenue pour les personnes mariées, encore que ce ne soit que des enfants, et qu’ils ne se portent pas aisément à les arracher de leurs maisons.

1024. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Les parents de l’enfant, outrés du traitement qu’il lui avait fait, s’allèrent jeter aux pieds du roi, comme il était à la promenade, en lui demandant justice de cet horrible excès. […] Il fit bâtir ce caravansérai, qui lui coûta trois mille tomans, qui sont quarante-cinq mille écus, et ensuite le donna au roi, qui en fut fort satisfait, et en récompensa bien ses enfants. […] Le second enclos est pour les enfants du roi, ou régnant, ou décédé, qui sont trop grands pour converser sans danger avec les femmes. […] L’un et l’autre s’y rendirent, et ils résolurent d’élever sur le trône le plus jeune des enfants du feu roi au préjudice de l’aîné. […] Cet enfant royal allait être de cette sorte élevé sur le trône, à l’exclusion de son aîné.

1025. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Et j’imagine que Sophocle enfant, polissonnant avec les petits gamins d’Athènes, ne s’amusait pas autrement dans les joyeux faubourgs, que le jeune Zola, trois mille ans plus tard, qui bondit, sur les rives escarpées de l’Arc, ou qui escalade les pentes rougies du Tholonet, tandis que les lointaines montagnes, au couchant sacré, scintillent et ondulent dans des vapeurs violettes. […] Ces fiers poètes furent les enfants sacrés de héros très sublimes. […] « L’antique aïeul a mordu dans des fruits verts, dit l’Ecclésiaste, et les dents des petits enfants grincent encore !  […] Clotilde, dans la grande salle assoupie, allaite son enfant, le dernier fruit du grand arbre humain des Rougon, et toute alanguie d’amour, toute baignée d’extase, elle soupire et elle songe, bercée par la tiède odeur du printemps : « Quel serait-il, l’enfant ? […] L’œuvre était bonne quand il y avait l’enfant au bout.

1026. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bocquet, Léon (1876-1954) »

Charles Fuster Il y a, dans ce livre (Les Sensations), une délicieuse pièce sur les Enfants des champs, les beaux petits si frais et si sains.

1027. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Max Elskamp chante comme chante un enfant ou un oiseau de paradis. […] Que l’enfant de la mort, avant de mourir, secoue sa tête, s’il en a la force et qu’il produise dans l’air la rumeur du chêne dont le vent remue la chevelure. […] Il ne veut pas dormir, mon enfant…   mon enfant ne veut dormir, et rit ! […] Je suis arrêté par les mots : mon enfant, la grammaire instrumentale étant muette sur la couleur des nasales, qui sont pourtant des voyelles. […] C’est assez bien le thème de l’Enfant Prodigue.

1028. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Et, cet enfant, l’auteur ne l’a pas doué d’un singulier génie, d’aptitudes extraordinaires. […] Mais il n’est pas guindé, souffreteux ; il n’est pas un enfant martyr. […] Lucile, entre les héroïnes des romans, est une véritable jeune fille, non pas une femme inachevée, de même que l’enfant Gilles est un véritable enfant, non pas un petit homme trop court. […] Il était le neveu de Napoléon et l’enfant d’un siècle déraisonnable. […] La vraie mère préférait abandonner son enfant plutôt que de le voir périr.

1029. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

J’ai des enfants, parlez-moi d’eux. […] Ainsi Tourguéniev, lorsqu’il composait Pères et Enfants, Terres vierges, avait mis des lieues et des années entre lui et la Russie. […] C’est le Paul Petrovitch Kirsanof de Pires et Enfants, qui achève de mourir en parfait gentleman sur la terrasse de Brühl, à Dresde. […] A prendre ce mot dans sa signification étroite, il est évident qu’il ne saurait s’appliquer à l’auteur de Pères et Enfants. […] Les hasards des lectures d’un enfant avide ont de ces contrastes.

1030. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Forget, Jules (1859-19..) »

Forget écrivit ses poésies forestières, réunies sous le titre d’En plein bois (1887) et dédiées au grand paysagiste lorrain, au poète forestier par excellence, enfant lui-même du Barrois, André Theuriet.

1031. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Reboux, Paul (1877-1963) »

Paul Reboux, un harmonieux enfant qui n’a pas encore atteint sa vingtième année, et qu’il a gracieusement appelées Matinales.

1032. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verchin, Alexandre »

L’auteur est breton, il aime sa terre natale et il la chante pieusement, en parlant comme un enfant parle de sa mère.

1033. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Le don de dessiner des caractères, de faire vivre des personnages, est rare, et l’on ne peut l’attendre d’un enfant qui s’exerce à écrire dans des compositions de collège. […] a pu tenir dans une courte existence d’enfant entre la première communion et le premier examen ; alors votre expérience est riche, et il ne vous manquera que de l’appliquer.

1034. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

. — La Confession d’un enfant du siècle, roman (1836). — Poésies complètes : 1re partie, Contes d’Espagne et d’Italie (1830) ; Poésies diverses : 2e partie, Un spectacle dans un fauteuil ; 3e partie, Poésies nouvelles (1835-1840) — Les Deux Maîtresses ; Frédéric et Bernerette (1840). — Comédies et Proverbes (1840-1848-1851), contenant : André del Sarto ; Lorenzaccio ; Les Caprices de Marianne ; Fantasio ; On ne badine pas avec l’amour ; Une nuit vénitienne ou les Noces de Laurette ; La Quenouille de Barberine ; Le Chandelier ; Il ne faut jurer de rien ; Un caprice. — Dans une deuxième édition (1857) sont ajoutés : Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ; Louison ; On ne saurait penser à tout ; Carmosine ; Bettine. — Nouvelles (1841-1846) : Les Deux Maîtresses ; Emmeline ; Le Fils du Titien ; Frédéric et Bernerette ; Croisilles ; Margot. — Nouvelles, avec M.  […] Tout a servi à Musset pour que la rencontre nécessaire de l’art et de la matière se produisit ; sa précocité, sa candeur, son aptitude, malheureuse d’ailleurs, précieuse ici, à rester enfant.

1035. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

L’important, c’est qu’il le crée pour lui-même, lorsque, par les notions peu à peu acquises, son idée prend corps et se développe, lorsque le monde lui apparaît en sa nouveauté comme un enfant merveilleux de sa pensée. […] Qui nous dira l’homme mûr dont la vie ne semble un mensonge pour l’enfant qu’il fut ?

1036. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Au commencement de 1672 on ignorait encore dans le public l’existence des enfants de madame de Montespan, et par conséquent on ignorait que madame Scarron fût leur gouvernante ; mais quelques amis, au nombre desquels était madame de Sévigné, la voyaient de temps en temps. […] Ce sont de sottes créatures qui méritent à peine cette leçon : Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants, Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens, Et régler la dépense avec économie Doit être son étude et sa philosophie.

1037. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Rien n’en avoit plus imposé que la mort du grand Pan, annoncée par le pilote Thamus ; qu’une réponse de l’oracle Sérapis à Thulis roi d’Egypte ; que celle d’un autre oracle à l’empereur Auguste sur l’enfant Hébreu ; que les oracles tirés par Eusèbe des écrits mêmes de Porphyre, ce grand ennemi des chrétiens. […] Baltus lui-même ne croit pas à l’oracle de l’enfant Hébreu : il convient que les oracles n’ont point cessé tout-à-coup, mais à proportion du progrès de la religion chrétienne.

1038. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Elle garde sa quenouille, et je crois bien qu’étant obligée d’aller à cheval, le seul mode de transport qu’il y ait en ces longues pérégrinations d’Asie, si son cheval, dont elle est un peu enfant, n’allait pas si vite, elle la piquerait à l’arçon de sa selle comme une bergère des Alpes la pique à sa ceinture, et filerait tout en s’en allant. […] L’humanité, depuis qu’elle existe, a toujours roulé entre trois systèmes et l’esprit humain n’en conçoit pas un quatrième : la polyandrie, le plus mauvais de tous, car il crée l’amazonat sous toutes les formes, le massacre des enfants et la pulvérisation sociale ; la polygamie, qui ruinerait l’État, si le sabre de Mahomet n’y mettait ordre, et enfin la monogamie, ce diamant divin d’une eau si pure, qui est l’exclusion de tous les inconvénients, qui agrandit la tête, épure le cœur et équilibre toutes les facultés.

1039. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

Monselet, qui doit aimer la supériorité et regarder par en haut, comme les têtes créées pour la lumière, s’est fait le Saint Vincent de Paul de tous les enfants perdus du xviiie  siècle, et il en a fait inutilement des enfants trouvés.

1040. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Le Génie de la Comédie qui la visait déjà avant qu’elle fût née l’avait fait naître, en carnaval, dans une petite ville qui aimait le plaisir, et le baptême était si pressé que le curé, qui s’était déguisé en Arlequin et son vicaire en Gilles, baptisèrent l’enfant sans changer de costumes. […] Pour donner une idée de l’exiguïté de sa taille et du peu de hauteur de sa stature, on raconte qu’un jour une duchesse de ce temps matérialiste, qui n’estimait que la matière et à laquelle il s’était permis de faire une déclaration d’amour, le prit d’à genoux où il s’était mis, et, l’enlevant de terre comme un enfant coupable, l’assit d’autorité sur le marbre d’une cheminée qui était haute et sonna pour dire au domestique : « Descendez monsieur ! 

1041. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Les académies touchent parfois de leurs mains aveugles et tâtonnantes à des questions qui leur feraient peur si elles en voyaient la portée, comme des enfants qui touchent à des armes chargées et qui ne savent pas que ce qu’ils touchent là, c’est peut-être la mort ! […] Esprit très élevé et très cultivé, heureux et fier dans sa pensée d’être un enfant du xixe  siècle, — de ce xixe  siècle qui a encore le temps, avec les vingt années qui lui restent à durer, de faire baisser la tête à ses fils et de diminuer l’orgueil et le bonheur d’en être un, — il a été la victime de la culture de son époque et de la culture de son esprit.

1042. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

II Parmi les tard venus à cette place, il en est un pour lequel le succès est partout venu vite, et qui pourrait s’appeler, comme Masséna, l’enfant chéri de la Victoire. […] Si, au lieu d’être un enfant du xixe  siècle, Émile Augier eût appartenu à une autre époque, il eût fait, sans y rien changer, tout ce qu’il a fait dans la sienne.

1043. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Victor Hugo, qui allait être l’Enfant du génie, et M. de Lamartine, qui en était déjà le beau jeune homme, n’avaient pas encore fait entendre, le premier, ces cris sublimes qui ravissaient d’enthousiasme l’âme maternelle de Mme de Staël ; le second, ces soupirs du jeune homme plus puissants que les cris de l’enfant et qui enchantèrent toutes les femmes.

1044. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Mais à cette lueur, toujours de plus en plus défaillante et qui sera évaporée demain, on voit mieux le meurtre lent et détaillé de l’enfant sublime et l’on juge des horreurs de cet infanticide, maintenant à peu près accompli ! […] Séduit un jour par l’enfant ennemi, Arsène, hélas !

1045. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

On connaît son poème sur la manière d’élever et de nourrir les enfants au berceau ; ouvrage où la plus douce poésie relève les idées les plus riantes. […] Des jurisconsultes comme Baudouin, Duaren et Hotman, commentateurs de ces lois romaines, si nécessaires à des peuples barbares qui commençaient à étudier des mots, et n’avaient point de lois ; d’Argentré, d’une des plus anciennes maisons de Bretagne, et auteur d’un excellent ouvrage sur la coutume de sa province ; Tiraqueau, qui eut près de trente enfants, et composa près de trente volumes ; Pierre Pithou, qui défendit contre Rome les libertés de l’église de France, qui devraient être celles de toutes les églises ; Bodin, auteur d’un livre que Montesquieu n’a pas fait oublier ; enfin, Cujas et Dumoulin, tous deux persécutés, et tous deux hommes de génie, dont l’un a saisi dans toute son étendue le véritable esprit des lois de Rome, et l’autre a trouvé un fil dans le labyrinthe immense de nos coutumes barbares.

1046. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Il était impossible que l’enfance de l’humanité suivît une marche différente ; on a remarqué dans un axiome que les enfants ont au plus haut degré la faculté d’imiter le vrai dans les choses qui ne sont point au-dessus de leur portée ; c’est en quoi consiste la poésie, laquelle n’est qu’imitation. […] Le signe distinctif du père de famille désignait collectivement tous ses enfants, tous ses esclaves.

1047. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Mais les Romantiques avaient des âmes puériles, des âmes d’enfants qui font l’école buissonnière. […] C’est le plus clairvoyant de tous : le seul qui convienne qu’il soit un enfant, parmi tous ces enfants à prétentions tragiques ou pédantesques, et le seul que trouble le regret de n’être pas un homme. […] Lamartine a le même âge, mais c’est un enfant calme et joyeux. — Notre génération est parfaitement injuste pour lui. […] Ce n’est ni l’armée rangée en bataille, ni l’enfant malade. […] C’était donc un jeu d’enfant, le beau poëme ?

1048. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Puis, ce sont de délicieuses frises où sont figurés des enfants. […] Une frise d’enfants, qui jouent avec l’armure du Dieu Mars, mérite aussi d’être mentionnée. […]  » Elle s’irrite, elle s’aliène ses enfants, elle met en fureur son mari. […] Par la suite, il se retira dans la chambre d’enfants et écrivit sur les enfants des poésies caractérisées par un excès de subtilité. […] Il est très naïf, très primitif et parle de ses géants de l’air d’un enfant.

1049. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fertiault, François (1814-1915) »

Sainte-Beuve Je ne ferai que passer devant vous, couple conjugal qui unissez vos deux voix ; qui, après avoir perdu un enfant, votre unique amour, l’avez pleuré dans un long sanglot, et qui, cette fois, inconsolés encore, mais dans un deuil apaisé, avez songé à lui en composant des chants gradués pour les divers âges, continuant ainsi en idée, d’une manière touchante, à vous occuper, dans la personne des autres, de celui qui n’a pas assez vécu pour nous.

1050. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Drouais  »

Cet enfant passe et regarde en passant.

1051. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lapointe, Savinien (1812-1893) »

Savinien Lapointe était un enfant chéri de notre grand poète ; aussi retrouve-t-on parfois dans l’élève, et très certainement à sa gloire, la manière naturelle, simple ou élevée quand il le faut, mais toujours populairement philosophique, qui distingue les œuvres du grand maître de la chanson de nos jours.

1052. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Drouais et Voiriot »

Drouais et Voiriot Drouais peint bien les petits enfants.

1053. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Braun, Thomas (1876-1961) »

Braun un artiste sincère et inspiré, par exemple, la Bénédiction de l’enfant.

1054. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pigeon, Amédée (1851-1905) »

Qui l’a lu enfant ne l’oubliera plus.

1055. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Du reste, presque aussi enfant que nous, il se faisait un plaisir et même un mérite de n’être que primus inter pares, et tout n’en allait que mieux, grâce à cette presque égalité. » Le soir, au coin du feu, il proposait à ses élèves et mettait au concours entre eux la traduction de vers et de passages des Géorgiques, dont il s’occupait déjà. […] Ainsi Delille, enfant naturel, élevé par charité, n’en sera pas moins, dès son premier pas dans le monde, et au rebours de l’aigre La Harpe ou de l’âcre Chamfort, le petit abbé le plus espiègle et le bel esprit le plus charmant. […] Malgré les critiques qu’on fit des Jardins, Delille ne continua pas moins d’être le plus brillant et le plus enfant gâté des poëtes. […] Ce qu’il y a de certain, c’est que Chaumette protégea Delille ; ce qui le protégeait surtout, c’était son humeur, sa gloire chère à tous dès le collège, son air enfant, son gentil caractère ; souris qui joue dans l’antre du lion ; épagneul que la griffe terrible épargne. […] Enfant, j’ai connu le manoir où en 1813, pour charmer les vacances d’automne, on avait dans le grand salon un jeu de solitaire, un orgue avec des airs nouveaux ; on apportait quelquefois une optique pour voir les insectes ou les vues des capitales.

1056. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

un lourdaud perdre l’équilibre ; un étranger faire des quiproquos ; un enfant parler politique ; un roi et son ministre jouer à saute-mouton ; une vieille dame lutter contre le vent qui soulève ses jupes ; un nain se baisser en passant sous un portique ; un petit bossu faire des plongeons en parcourant un cercle de femmes ; un homme grave laisser tomber ses lunettes dans sa soupe. […] Malheureusement, ce qu’il trouve au fond de cet abîme, ce n’est point l’idée du comique ; il fera bien de creuser encore, et ailleurs ; mais il ne la trouvera pas plus que les enfants du laboureur ne trouvèrent for qu’ils croyaient enfoui, et qui était partout. […] Pourquoi, lorsqu’elle était enfant, n’aimait-elle pas Molière ou l’aimait-elle si mal que Le Misanthrope lui paraissait moins beau que Les Fourberies de Scapin, et que, dans cette farce préférée, Géronte roué de coups à travers un sac lui semblait plus comique que Géronte maudissant le Turc et sa galère ? […] Lorsque Uranie était enfant, comment aurait-elle apprécié Le Misanthrope ? […] Elle se divertissait aux choses qui font rire les enfants, les gens du peuple et le Marquis.

1057. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

. — Cas des enfants que l’on habitue à calculer de tête, — Mathématiciens précoces. — Cas des joueurs d’échecs qui jouent les yeux fermés. […] Les enfants prodiges qui sont des mathématiciens précoces rendent sur eux-mêmes le même témoignage10. […] Des enfants et même des hommes sont tombés évanouis en présence d’un mannequin ou même d’un drap qu’ils croyaient un fantôme. […] « Un de mes amis, dit Darwin24 avait un jour regardé fort attentivement, la tête inclinée, une petite gravure de la Vierge et de l’enfant Jésus. En se relevant, il fut surpris d’apercevoir, à l’extrémité de l’appartement, une figure de femme, de grandeur naturelle, avec un enfant dans les bras.

1058. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

La belle Ida, fille du roi de Gama, qui est un monarque du Sud (ces contrées ne sont pas sur la carte), a été fiancée toute enfant à un beau prince du Nord. […] On sourit d’entendre les gros mots savants échappés de ces lèvres roses. « Les voilà le long des bancs comme des colombes au matin sur le chaume du toit, quand le soleil tombe sur leurs blanches poitrines » ; elles écoutent des tirades d’histoire et des promesses de rénovation sociale, en robes de soie lilas, avec des ceintures d’or, « splendides comme des papillons qui viennent d’éclore » ; parmi elles une enfant, Mélissa, « une blonde rose, pareille à un narcisse d’avril, les lèvres entr’ouvertes, —  et toutes ses pensées visibles au fond de ses beaux yeux, —  comme les agates du sable qui semblent ondoyer et flotter au matin, —  dans les courants de cristal de la mer transparente1528. » — Et croyez que l’endroit aide à la magie. […] V Il y a une autre chevalerie qui ouvre le moyen âge comme celle-ci le ferme, chantée par des enfants comme celle-ci par des jeunes gens, et retrouvée dans les Idylles du roi comme celle-ci dans la Princesse. […] Les idées viennent de naître ; l’homme est heureux et encore enfant. […] » — « Puis, comme un pauvre petit oiseau innocent — qui n’a qu’un simple chant de quelques notes, —  répète son simple chant et le répète toujours, pendant toute une matinée d’avril, jusqu’à ce que l’oreille — se lasse de l’entendre, ainsi l’innocente enfant — allait la moitié de la nuit répétant : « Faut-il que je meure1536 ? 

1059. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Un article, une page, c’est une chose de premier coup, c’est comme un enfant : ou il est, ou il n’est pas. […] Si cela continue, nos enfants naîtront à quarante ans. […] Ce calme, ce silence, cette immobilité, ces grands arbres avec leurs feuilles repliées sous la chaleur, comme des pattes de palmipèdes… cela met en gaieté les femmes, les enfants, les clercs de notaire. […] C’était le jeu de ballon de mon enfant. […] L’idéal anacréontique : des logogriphes, dont Eros est le sujet, fixés sur la toile avec la poussière de l’aile d’un papillon de nuit ; la mythologie reproduite en grisaille au travers d’une ingénuité sentimentale et niaise, inconnue de l’antiquité ; enfin des hannetons que de grands enfants semblent s’amuser à attacher par la patte contre les murs de marbre du Parthénon.

1060. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

» Et ce rabâchage, un peu bredouillant, est coupé de petits rires intérieurs, et d’imitations de vagissements d’enfants à la mamelle. L’on pardonne à cet Alsacien, dont la tendresse de la saoulerie va à son enfant, à sa petite fille. […] Ce soir, au moment où, après le coucher des enfants, je causais avec la mère dans le salon, il a tout à coup jailli, au milieu de nous deux, dans sa chemise de nuit, disant à sa mère, avec une intonation d’un câlin inexprimable : « Viens un peu nous caresser dans notre lit, pour que nous nous endormions !  […] Samedi 17 août Les enfants s’étaient éparpillés dans les ravines des torrents, à la recherche d’insectes et de fleurettes. […] J’entendais dire à l’abbé, précepteur des enfants, de Béhaine, qui est un très honnête catholique, et accomplissant rigoureusement ses devoirs religieux, je lui entendais dire, que tout serait sauvé avec un pape révolutionnaire.

1061. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Au début d’une vie qu’on connaît à peine, tant elle fut modeste, on s’imagine que l’esprit d’Audin, gracieux, svelte et pur, devait ressembler à l’esprit et à l’âme d’une femme ; mais la religion et l’étude ouvrirent la poitrine à cet enfant bien fait et le développèrent. […] Ses parents, et notamment son parrain, un vieil abbé, chenu de foi et de vertus, le destinaient au sacerdoce, et, dans leurs espérances, lui marquaient sa place parmi les recrues de cette Église, veuve de ses prêtres, qui les pleurait comme la mère des Machabées pleurait ses enfants, en regrettant de n’en plus avoir à donner, pour augmenter la grandeur de son holocauste. […] Et, à Brienne, n’était-ce pas encore une main de prêtre qui passa sur les noirs cheveux de l’empereur futur, caché dans l’enfant corse, et qui le marqua pour son incommensurable grandeur ? […] S’il n’avait pas été à l’époque inférieure de la vie morale où l’on est perméable à son temps ; si, devant un des mille ruisseaux de sang qui sillonnent l’histoire, il avait eu cette fermeté de raison qui écrit pour les gens d’État, non pour les têtes poétiques, les enfants et les femmes, il aurait laissé la chimère d’un crime uniquement politique, et il aurait fait de la Saint-Barthélemy ce qu’elle est réellement, une action catholique, à laquelle nul historien n’a encore osé donner son nom. […] Les gestations ne sont pas régulières, et les enfants les plus forts dépassent bien souvent les neuf mois.

1062. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

J’ai dit qu’enfant à Heidelberg, elle s’était livrée le plus qu’elle avait pu aux exercices virils. […] Dans le pressentiment de sa fin, elle ne demandait à Dieu que sa grâce pour elle-même et pour ses enfants, pour son fils en particulier : « Dieu veuille le convertir ! […] Bref, elle aimait fort ce jeune homme, qu’elle appelait son abbé de Saint-Albin, qui fut depuis archevêque de Cambrai, et lorsqu’il soutint sa thèse en Sorbonne (février 1718), elle y voulut assister en grande cérémonie, déclarant ainsi à la fois et honorant la naissance illégitime de cet enfant.

1063. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

On a conjecturé d’après un passage de ses Poésies que son père, qui s’appelait Thomas, était peintre d’armoiries : en ce cas, l’enfant put épeler de bonne heure tous ces blasons de famille qu’il devait, à sa manière, si bien illustrer un jour. […] Enfant, il aimait donc toutes sortes de déduits et d’ébats, et il s’attachait par instinct aux gens riches, à ceux qui tenaient grand état de chasse, faucons et meutes, ce qui lui semblait le signe d’une noble inclination. […] Il aimait jouer à tous les jeux d’enfants, et il nous les décrit avec un intérêt vraiment enfantin.

1064. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Veuve depuis 1580 de Philibert de Grammont, qu’elle avait épousé en 1567, et dont elle avait deux enfants, elle ne pouvait guère, à la mort de son mari, avoir moins de vingt-sept à vingt-huit ans, c’est-à-dire à peu près l’âge de Henri. […] Henri n’était pas inconstant, en effet, par débauche d’imagination ni par caprice raffiné ; il l’était tout simplement à la gauloise, par promptitude des sens et selon l’occasion ; mais il avait besoin à travers tout d’une fidélité et d’une habitude au logis, d’être père et d’en jouir, de s’ébattre autour d’un berceau ou sur un tapis avec des enfants. […] Elle sait à quoi s’en tenir sur la fidélité de Henri, qui, six mois auparavant, lui annonçait la mort d’un enfant qu’il avait eu de quelque maîtresse obscure.

1065. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Voiture était né l’esprit le plus fin et le plus délicat, formé par la nature pour la compagnie la plus choisie, pour en être l’enfant gâté et les délices : il fut quelque temps avant de rencontrer ce doux climat auquel il était destiné. […] Voltaire sérieux sous ses badinages, ou du moins passionné pour ou contre certaines idées et certaines institutions sociales, y mettant à tout instant la main comme l’enfant imprudent et terrible, mais parfois aussi comme l’ami de l’humanité, ne saurait être ramené et diminué jusqu’à Voiture, qui n’a jamais épousé dans sa vie aucune cause, et qui n’a été que le héros de la bagatelle. […] Voiture me semble avoir eu plus d’étoffe que l’aimable abbé, si grand versificateur et resté un si espiègle enfant.

1066. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

» Car, de même, continue Plutarque, que la poésie d’Antimaque et les peintures de Denys, ces deux enfants de Colophon, avec tout le nerf et la vigueur qu’elles possèdent, donnent l’idée de quelque chose de forcé et de peiné, tandis qu’aux tableaux de Nicomaque et aux vers d’Homère, sans parler des autres mérites de puissance et de grâce, il y a, en outre, je ne sais quel air d’avoir été faits aisément et coulamment : c’est ainsi qu’auprès de la carrière militaire d’Épaminondas et celle d’Agésilas, qui furent pleines de labeur et de luttes ardues, celle de Timoléon, si on la met en regard, ayant, indépendamment du beau, bien du facile, paraît à ceux qui en jugent sainement l’œuvre non pas de la fortune, mais de la vertu heureuse. […] Page unique de charme et de grâce, et qui se peut appliquer plus ou moins à tous ces guerriers, enfants chéris de la victoire, qui portent la flamme au front, l’inspiration au cœur, et qui sont doués de l’illumination soudaine dans les périls, les Condé, les Luxembourg, les Villars, les de Saxe. […] Il se trouvait ainsi le parent le plus proche de Henri IV dans la ligne d’Albret, et même son héritier présomptif en Navarre avant la naissance de ses enfants.

1067. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Un pauvre enfant, qui devait un jour devenir principal de Montargis, Jean Stondonck, venait à pied de Malines à Paris pour être admis à cette sévère école, travaillait le jour sans relâche, et la nuit montait dans un clocher pour y travailler encore aux rayons gratuits de la lune. […] Dans ce genre Addison, je n’ai qu’à rappeler des articles (antérieurs de date peut-être) sur les Jouets d’Enfants, sur la Semaine, Journal des Enfants.

1068. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

ma sincérité, le seul bien qui me reste, Contre moi-même, Enfant, armera ta candeur. […] Pur et suave Enfant, sœur des Grâces décentes, Ne sème point tes fleurs sur un sol dévasté ! […] Quand Bettina, dès la première ou la seconde entrevue avec Gœthe qu’elle aimait depuis longtemps en imagination, se livrait auprès de lui à des caresses d’enfant et à des échappées de folle vigne en fleur, l’auguste et indulgent contemplateur se contentait, de temps en temps, de la rappeler à la raison et de lui dire : « Du calme, du calme !

1069. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Considérez notre littérature depuis le Moyen-Age, rappelez-vous l’esprit et la licence des fabliaux, l’audace satirique et cynique du Roman de Renart, du Roman de la Rose dans sa seconde partie, la poésie si mêlée de cet enfant des ruisseaux de Paris, Villon, la farce friponne de Patelin, les gausseries de Louis XI, les saletés splendides de Rabelais, les aveux effrontément naïfs de Régnier ; écoutez dans le déshabillé Henri IV, ce roi si français (et vous aurez bientôt un Journal de médecin domestique, qui vous le rendra tout entier, ce diable à quatre, dans son libertinage habituel) ; lisez La Fontaine dans une moitié de son œuvre ; à tout cela je dis qu’il a fallu pour pendant et contrepoids, pour former au complet la langue, le génie et la littérature que nous savons, l’héroïsme trop tôt perdu de certains grands poëmes chevaleresques, Villehardouin, le premier historien épique, la veine et l’orgueil du sang français qui court et se transmet en vaillants récits de Roland à Du Guesclin, la grandeur de cœur qui a inspiré le Combat des Trente ; il a fallu bien plus tard que Malherbe contrebalançât par la noblesse et la fierté de ses odes sa propre gaudriole à lui-même et le grivois de ses propos journaliers, que Corneille nous apprît la magnanimité romaine et l’emphase espagnole et les naturalisât dans son siècle, que Bossuet nous donnât dans son œuvre épiscopale majestueuse, et pourtant si française, la contrepartie de La Fontaine ; et si nous descendons le fleuve au siècle suivant, le même parallélisme, le même antagonisme nécessaire s’y dessine dans toute la longueur de son cours : nous opposons, nous avons besoin d’opposer à Chaulieu Montesquieu, à Piron Buffon, à Voltaire Jean-Jacques ; si nous osions fouiller jusque dans la Terreur, nous aurions en face de Camille Desmoulins, qui badine et gambade jusque sous la lanterne et sous le couteau, Saint-Just, lui, qui ne rit jamais ; nous avons contre Béranger Lamartine et Royer-Collard, deux contre un ; et croyez que ce n’est pas trop, à tout instant, de tous ces contrepoids pour corriger en France et pour tempérer l’esprit gaulois dont tout le monde est si aisément complice ; sans quoi nous verserions, nous abonderions dans un seul sens, nous nous abandonnerions à cœur-joie, nous nous gaudirions ; nous serions, selon les temps et les moments, selon les degrés et les qualités des esprits (car il y a des degrés), nous serions tour à tour — et ne l’avons-nous pas été en effet ? […] À la fin de la préface d’un de ses recueils à propos d’un travail sur la Poésie des races celtiques, qu’il y a inséré, il se plaît à revenir en arrière, à repasser sur les souvenirs, les piétés et même les mystiques superstitions de ses pères ; il se met tout à coup à regretter que les humbles marins, ses aïeux, n’aient pas tourné leur gouvernail, n’aient pas laissé dériver leur barque vers d’autres rivages ; il se suppose un moment enfant attardé, fidèle, de la pauvre et poétique Irlande ; écoutez ! […] — Autre exemple : si les diverses races humaines se sont produites sur ce globe successivement et par des générations distinctes comme la science peut être amenée à le reconnaître et comme il incline à le penser, comment alors sauver le grand dogme sacré de l’unité humaine, cette croyance :« que tous les hommes sont enfants de Dieu et frères ? 

1070. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Des enfants, de chœur « vêtus de blanc, avec une étole violette et de grandes ailes » figuraient les Anges. […] Adam, c’est le drame à la fois extérieur à la liturgie et adhérent encore à l’Église, au moment où il va s’en détacher : si j’osais, en faveur de l’exactitude, usurper une image chirurgicale, je dirais que l’enfant tient encore à la mère, et que le cordon n’est pas encore coupé. […] Et de plus, en véritable petit enfant qu’il est, il ne fait que bégayer aussi.

1071. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

C’est Rousseau qui est le consolateur de toutes les âmes fières du Tiers État que l’inégalité a froissées : d’un Barnave, qui se souvient d’un affront fait à sa mère au théâtre par un gentilhomme, du temps qu’il était tout enfant, d’un Marat qui réfute Helvétius et Condillac, et qui commente le Contrat social dans les promenades publiques devant des auditeurs enthousiastes. […] Le mépris de Louis XV et de ses tristes enfants est plus profond chez de grandes dames comme Mines d’Egmont et de Boufflers qui écrivent à un roi, que chez la petite bourgeoise, Mlle Phlipon. […] Chérubin est l’enfant en voie de passer homme, qui ne connaît pas la femme, et que la pensée de la femme obsède, tout bouillant de désirs effrontés et timides.

1072. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Vous avez vu, de vos yeux de dilettante occidental épris de pittoresque, danser la upa-upa à Tahiti ; vous avez vu glisser les danseuses birmanes pareilles à des chauves-souris… ; et vous avez pleuré sur des aïeules, sur des enfants qui meurent ou sur des amants qui se séparent, avec le meilleur de votre âme, la partie la plus naïve et la plus saine de vous, et du même cœur que vous aimez votre mère ou votre pays natal. […] Ce corps, il le pare richement et le déguise en cent façons : il trouve à cela un plaisir d’enfant ou de sauvage. […] Et vous vous rappelez l’abominable dénouement : la bataille des spahis et des nègres, la mort de Jean, de Fatou-gaye et de leur enfant, cette hideuse éclaboussure de sang dans l’enchevêtrement des grands végétaux éclairés à cru et qui ont, eux aussi, l’air vénéneux et féroce… IV De cet exotisme voluptueux et triste dérivent certains sentiments très grands, très simples, éternels, par lesquels se prolongent et s’approfondissent les sensations notées.

1073. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Si j’aime mieux rester à sec sur le rivage que prendre le plaisir de plonger pour repêcher un enfant qui m’est indifférent, rien ne peut faire — à ne considérer en moi que moi — qu’il soit raisonnable de risquer ma vie ou même de compromettre ma digestion pour tenter un sauvetage. […] Une mère sacrifie son bien-être à ses enfants, un amoureux à son amie. […] Le dévouement d’une mère à son enfant, l’amour passionné d’un amant pour sa maîtresse peuvent leur faire sacrifier à « l’autre » qui est en eux, bien d’autres êtres, des individus, des groupes, des peuples.

1074. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Ce La Fontaine qu’on donne à lire aux enfants ne se goûte jamais si bien qu’après la quarantaine ; c’est ce vin vieux dont parle Voltaire et auquel il a comparé la poésie d’Horace : il gagne à vieillir, et, de même que chacun en prenant de l’âge sent mieux La Fontaine, de même aussi la littérature française, à mesure qu’elle avance et qu’elle se prolonge, semble lui accorder une plus belle place et le reconnaître plus grand. […] Chez les Orientaux, à l’origine, quand la sagesse primitive s’y déguisait sous d’heureuses paraboles pour parler aux rois, elle pouvait avoir son élévation et sa grandeur ; mais, transplantée dans notre Occident et réduite à n’être qu’un récit tout court qui amène après lui son distique ou son quatrain moral, je n’y vois qu’une forme d’instruction véritablement à l’usage des enfants. […] Les Fables de La Fontaine sont plutôt la philosophie dure, froide et égoïste d’un vieillard que la philosophie aimante, généreuse, naïve et bonne d’un enfant : c’est du fiel… J’abrège cette page injurieuse67, et je n’y veux voir que ce qui y est en effet, l’antipathie des deux natures et le conflit des deux poésies.

1075. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

car l’être qu’elle le bonheur d’aimer, c’est son enfant. […] Vigny est un enfant du siècle. […] C’est une conception de la vie humaine : « Je me figure — dit Vigny — une foule d’hommes, de femmes et d’enfants, saisis dans un sommeil profond.

1076. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Ils n’ont ni femme, ni enfants, ni neveux ; ils ne vont point dans le monde ; ils ne jouent point au whist ; ils ne prennent point de tabac ; ils ne font point de collections. […] « Vous pensez donc, mon cher enfant, me dit-il, qu’on décrit une méthode par occasion au bout d’un livre, en un chapitre, ou bien un soir entre un verre d’eau sucrée et une tasse de thé ? […] Jouffroy a pour objet de couper les cheveux en quatre ou d’enseigner le français aux enfants ; non sans raison.

1077. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Mlle Germaine Necker, élevée entre la sévérité un peu rigide de sa mère et les encouragements tantôt enjoués, tantôt éloquents, de son père, dut pencher naturellement de ce dernier côté, et devint de bonne heure un enfant prodigieux. […] Cécile, enfant de six ans, s’avançant vers la triste Sophie, qu’une passion silencieuse dévore, lui dit : Pourquoi donc loin de nous restes-tu maintenant ? […] votre enfant, si vous livrez Léonce au tribunal, votre enfant, il mourra ! […] Coppet, c’est l’Élysée que tous les cœurs, enfants de Jean-Jacques, eussent naturellement prêté à la châtelaine de leurs rêves. […] Je me mis à lui parler allemand ; elle comprenait très-bien cette langue, et ses deux enfants la comprenaient et la parlaient très-bien aussi.

1078. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Elle est jeune, timide, imitative, diverse, comme les enfants. […] L’aspect de ces enfants l’a rajeuni. […] Une mère n’a pas plus de sollicitude pour ses enfants que Guérassime n’en eut pour l’animal chétif. […] La troupe, assemblée un instant auparavant, se dispersa, à l’exception de quelques enfants et de quelques curieux. […] Les enfants et les valets qui se trouvaient encore dans la cour l’observaient en silence.

1079. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLII » p. 172

Nous ne savons comment l’enfant gâté avalera cette médecine.

1080. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Misérables » (1862) »

Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.

1081. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Boucher » p. 103

J’avoue que le coloris en est faux ; qu’elle a trop d’éclat ; que l’enfant est de couleur de rose ; qu’il n’y a rien de si ridicule qu’un lit galant en baldaquin dans un sujet pareil ; mais la Vierge est si belle, si amoureuse et si touchante ; il est impossible d’imaginer rien de plus fin, ni de plus espiègle que ce petit saint Jean couché sur le dos, qui tient un épi.

1082. (1921) Esquisses critiques. Première série

Maeterlinck et les Vies imaginaires avec la Croisade des Enfants de Marcel Schwob. […] Bref, à un certain moment que l’on pourrait faire coïncider avec la composition des Confessions d’un Enfant d’hier, M.  […] En assistant aux premières manifestations de sa verve, on se croyait entre intimes, chez un ami, à s’émerveiller des singeries que fait l’enfant de la maison. […] Mais parmi les enfants de pères illustres, dont nous avons vu les débuts dans le même temps que ceux de M.  […] Dans l’une comme dans l’autre on voit l’homme d’affaires enrichi causer avec le vieil aristocrate son voisin et vouloir machiner le mariage de leurs enfants.

1083. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mariotte, Émile »

Oui, plus d’un doutera de tes tourments affreux, Devant ton noir chagrin détournera la tête, Dira : « Larmes d’enfant !

1084. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Michel Van Loo » p. 90

C’en est un autre de Madame de Pompadour plus droit et plus froid ; un visage précieux ; une bouche pincée ; de petites mains d’un enfant de treize ans ; un grand panier en éventail ; une robe de satin à fleurs bien imité, mais d’un mauvais choix.

1085. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Ils le récompensèrent de son dévouement sincère dans sa personne en le nommant pair de France, et dans ses enfants en nommant M. de Marcellus secrétaire d’ambassade à Constantinople. […] Je l’avais entrevue enfant pendant mes courts séjours à Mâcon, dans des fêtes chez ma mère, comme un éblouissement précoce d’aurore qui promet une splendeur de beauté plus tard ; quand la beauté tient ses promesses, elle devient monumentale, et ce fragile monument de la nature devient immortel et classique par le souvenir. […] « — Pas du tout, reprit lady Stanhope ; dans son voyage à Fez, Ali-Bey, qui, grâce à son costume et à sa profonde connaissance des idiomes de l’Orient, pénétrait dans les sérails comme dans les mosquées, eut des relations avec une sœur du roi de Fez, et la laissa grosse d’un enfant qu’on nomme aujourd’hui Osman-Bey. […] De temps en temps un voyageur, alors très rare, venant par curiosité frapper à sa porte, elle refusait d’ouvrir ; elle ouvrit pour Marcellus et pour moi, parce que Marcellus était un enfant, et parce qu’elle avait entendu mon nom de poète dans le monde. Un enfant et un poète, terrain à songes !

1086. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

ces deux cent cinquante mille francs arrachés aux griffes des oiseaux de proie, ce bon tour de vieux renard jouant les corbeaux, ce chef-d’œuvre d’adresse et de savoir-faire, tout cela anéanti, détruit, gaspillé par un caprice d’enfant oisif et prodigue ! […] Il me semble reconnaître un souverain. » Le Caprice, sous la forme d’un enfant ailé, conduit le quadrige ; sa main phosphorique répand sur son sillage une traînée de largesse, du luxe, de fertilité. « Voyez, il me suffit de claquer des doigts, et sur-le-champ des lueurs et des étincelles jaillissent autour du char. […] Elle lui a joué la Courtisane amoureuse, Marion Delorme, la Dame aux camélias, Madeleine repentante, toutes les grandes marionnettes de son répertoire ; bref, l’enfant l’a épousée, à l’insu du marquis de Puygeron, son oncle, le père de la famille, le chef de la maison ; et vite il a emmené sa femme loin de Paris, par les grands chemins. […] Geneviève, la chaste et noble enfant, n’est point de sa race ; quant à son mari, elle ne l’a jamais aimé, et déjà celui-ci commence à voir clair sur ce visage obscur qui couve un secret. […] Là, j’aurais voulu voir cette enfant gâtée de la vie parisienne, enfermée dans de grandes salles séculaires remplies de portraits de famille aux vastes perruques, aux mines renfrognées, aux regards sévères.

1087. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Deux bougies sont devant les yeux de l’enfant, son œil va de la première à la seconde, puis revient de la seconde à la première. […] Si, par une série de mouvements des mains, l’enfant place une montre auprès de son oreille et se donne à lui-même la sensation du tic-tac déjà éprouvée, il sourit de plaisir, et ce sourire signifie : Je sais. […] N’est-ce pas plutôt, comme le remarque Horwicz, l’idée de la préservation qui s’impose d’abord à l’esprit de l’animal et de l’enfant sous cette forme impérieuse : Que faire ? […] Un objet extérieur (par exemple une chose qui blesse un enfant) fait impression sur le système nerveux ; une excitation se produit et rayonne dans tous les rameaux du système nerveux, jusqu’à ce qu’elle rencontre un nerf dont la mise en mouvement ait pour effet de le soulager. Ce nerf, en se mouvant, donne une certaine sensation caractéristique de soulagement, que l’enfant ne peut pas ne pas remarquer.

1088. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lafagette, Raoul d’Espaignol (1842-1913) »

Comme Victor Hugo, dont il a la forme poétique et dont l’inspiration le pénètre, il adorait une enfant ; il l’a perdue.

1089. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Daunou, c’est de forcer les enfants à des pactes, vœux ou mariages, auxquel leurs penchants répugnent. […] Il s’agit de la manière d’apprendre à lire aux enfants. […] Observez bien ce qui se passe dans les premières leçons de lecture que vous donnez à un enfant. […] Il paraît qu’on apprend mieux à lire aux enfants qu’autrefois. […] Ainsi, pour lire aux, on fait prononcer aux enfants a, u, icse, 6.

1090. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Brenet »

Elle est faible de couleur ; mais il y a de l’harmonie ; l’enfant est joli, la figure de la Vierge n’est du moins empruntée de personne ; les mages ne sont ni sans effet, ni sans caractère.

1091. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Et que d’affection il voue aux enfants et aux bêtes ! Le ravissant roman que celui du Chien et de l’Enfant, tout frais, tout parfumé d’innocence et de bonté ! […] Bruxelles, Larcier, 1907. — Le Roman du Chien et de l’Enfant. […] Contes pour les enfants. […] Paris, Mercure de France, 1904. — Contes pour les enfants d’hier.

1092. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXI » pp. 129-130

On se survit, on survit surtout à ses enfants.

1093. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

rudes enfants du travail, jusqu’à ce jour c’est à peine si votre maître vous a prêté sa gousse d’ail pour frotter votre pain ; venez, accourez tous ; notre affaire est au point où vous pourrez nous être d’un grand secours. […] Hâtez-vous, mes enfants, haussez le ton, faisons autant de bruit que le Cyclope qui bat le fer quand le fer est chaud. […] Il avait — ce vil bouffon — la verve ingénieuse de ces Italiens enfants de la mélodie, qui chantent comme l’oiseau chante, et sans plus de préparation. […] Accablé de cette misère, il s’en revint chez lui en grand deuil ; il s’enferma dans un vieux château, non loin de Toulouse, et quand ses enfants lui demandaient des nouvelles de leur mère : — Elle est morte, répondait M. de Montespan. […] On a pas goûté ce prologue en mal d’enfant !

1094. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

. — La Femme enfant, roman contemporain (1891). — Les Petites Fées en l’air, contes (1891). — Pour dire devant le monde, monologues et poésies (1891). — Jeunes filles, réédition (1892). — Les Poésies de Catulle Mendès, trois volumes (1892). — La Messe rose, contes (1892). — Lieds de France (1899). — Luscignole, roman (1892). — Les Joyeuses Commères de Paris, scènes de la vie moderne, avec G.  […] — Isoline-Isolin, contes (1833). — Le Docteur Blanc, mimodrame fantastique (1893). — Le Soleil de Paris, nouvelles (1893). — Nouveaux contes de jadis (1893). — Poésies nouvelles (1893). — Ghéa, poème dramatique de Von Goldschmidt, mis en français par Catulle Mendès (1893). — L’Art d’aimer (1894). — La Maison de la Vieille, roman contemporain (1894). — Verger fleuri, roman (1894). — L’Enfant amoureux, nouvelles (1895). — La Grive des vignes, poésies (1895). — Le Chemin du cœur, contes (1895) […] Catulle Mendès s’est lassé très vite de ces allures tapageuses et de cette gaminerie poétique… Il explique maintenant les mystères du Lotus, fait dialoguer Yami et Yama, célèbre l’enfant Krichdna et chante Kainadèva en vers d’une rare perfection de forme, malgré la difficulté d’enchâsser dans le rythme ces vastes noms indiens qui ressemblent aux joyaux énormes dont sont ornés les caparaçons d’éléphants. […] Paul Hervieu Il faut avoir dans les veines le plus pur-sang de littérature pour engendrer Zôhar ou Grande Maguet, ou la Femme enfant de l’admirable poète qu’est M. 

1095. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Stuart Mill n’eut pas d’enfants, la douce et sévère histoire d’amour qu’il a vécue fut-elle une aberration ? […] Un poète a comparé l’homme à « l’enfant candide et sanglant d’une ogresse ». […] Et aussi l’on s’est efforcé de nous faire rester enfants, d’épaissir notre candeur, de nous empêcher de voir le sang et les larmes qui ruissellent de tous côtés. […] Quel contraste entre la douceur naïve d’un enfant, et les meurtres, les peines, les ruines, les fatigues, les maladies, les souffrances de toute nature qui ont rendu possible sa venue en ce monde après tant de générations ; que représentent sa vie même, sa nourriture, ses vêtements, les objets de ses premiers désirs et de ses goûts enfantins !

1096. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

À l’origine, le sentiment de reconnaissance était enveloppé dans la satisfaction même de l’appétit : l’enfant qui aspire le lait maternel, à chaque aspiration, sent la coïncidence de la sensation nouvelle avec l’image de la sensation passée ; son imagination se remplit, pour ainsi dire, de la même manière que sa bouche : on peut dire qu’ainsi il reconnaît le plaisir déjà éprouvé et le lait déjà sucé. […] Si, par exemple, on constatait qu’un enfant qui appartient à une famille de marins, mais qui n’a jamais vu la mer aux sombres reflets, qui même n’en a jamais entendu parler, manifeste le sentiment de reconnaissance au moment où il la contemple pour la première fois, nous pourrions conclure à peu près sûrement qu’il y a là quelque chose comme un souvenir des événements antérieurs à la naissance. Quand le petit enfant fixe les yeux pour la première fois sur le visage humain, qui sait s’il n’éprouve pas le vague sentiment d’une chose qui n’est pas absolument nouvelle et qu’il a vue comme dans un songe ? […] Quand l’enfant voit le soir, dans sa chambre, l’obscurité s’éclairer tout à coup, il pense qu’en tournant les yeux il reverra la bougie souvent admirée : l’image renaissante appelle pour ainsi dire son objet et tend à s’y superposer.

1097. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

* * * — L’homme qui s’enfonce et s’abîme dans la création littéraire, n’a pas besoin d’affection, de femmes, d’enfants. […] l’ironie des bonnes et des mauvaises fortunes de la vie… Puis, dans ce restaurant, où, en face de moi, a été si souvent assis mon frère, la chaise vide de l’autre côté de ma table me fait penser à lui, et une grande tristesse me prend, en songeant, que le pauvre enfant n’a eu que le crucifiement de la vie des lettres. […] Mercredi, 8 août Des femmes de la campagne portant des enfants avec de musculeux hanchements, marchent le long de la rivière, dans l’ombre des grands arbres. […] Cet enfant est un symbole : il me représente l’avenir des campagnes.

1098. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

L’enfant s’appelle le naturalisme. Il fait son entrée dans le monde à la façon ordinaire des enfants, en criant beaucoup. […] Sans médire des poumons de l’enfant, on peut bien ajouter qu’il occuperait moins nos oreilles sans le concours que lui prête le trombone puissant et infatigable de monsieur son père. […] Enfant perdu de Paris, élevé par charité dans une famille d’ouvriers, il est, à quatorze ans, entré comme apprenti dans une maison d’horlogerie.

1099. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Read, Henri-Charles (1857-1876) »

Maxime Du Camp L’enfant qui a fait de tels vers à l’âge de dix-sept ans était un poète.

1100. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Il en eut dix-sept enfants, dont deux généraux : — l’un l’aîné, William d’Alton, mortellement blessé le 26 décembre 1800 à la bataille du Mincio, celui même qui a baptisé la place168 ; — l’autre, de dix ans plus jeune, Alexandre d’Alton, qui fit toutes les guerres de l’empire, se distingua notamment à Smolensk et qui est mort général de division en mars 1859169 ; — d’autres fils encore qui coururent toutes les fortunes ; plus quantité de filles dont quelques-unes épousèrent elles-mêmes des colonels, commandants de place, etc. […] Il se trouva ainsi le plus jeune membre de la pairie, et je ne répondrais pas qu’elle n’ait été plus souvent effrayée que charmée des surprises que lui ménageait ce dernier né, cet enfant terrible.

1101. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Il semblait que le succès de son aîné l’eût fait pousser et se produire à la hâte, comme un enfant précoce qui devance l’âge d’être homme, séduit et perdu qu’il est par l’exemple de son grand frère. […] Si Louise était une toute jeune sœur de Valentine, une sœur de huit à dix ans au plus ; si, dans son bonheur de retrouver son aînée, et au milieu des baisers reçus et rendus avec ivresse, l’enfant naïve s’écriait : « Et ce pauvre Bénédict, il n’y a donc rien pour lui, ma sœur, pour lui qui a été assez bon pour vous amener à moi ! 

1102. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Il n’y a que vingt vers ; mais ils sont parfaits de naturel et de mélodie : on dirait le doux et mélancolique regard par lequel l’homme qui a souffert répond aux caresses d’un enfant. […] Ainsi, dans l’Hymne oriental : Les tout petits enfants écrasés sous les dalles ; dans l’ode à M. de Chateaubriand : Toi qu’on voit à chaque disgrâce Tomber plus haut encor que tu n’étais monté.

1103. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Il n’est plus permis de dire, en réponse aux exemples empruntés des États-Unis, que ces exemples ne prouvent rien, appliqués à de vieux peuples civilisés, et venant d’un peuple véritablement enfant et encore à l’état élémentaire. […] Et il énumère tous les pouvoirs qui sont tombés, les grandes existences individuelles désormais impossibles, la perte des croyances, qui, chez le grand nombre, a devancé l’acquisition des lumières ; il montre la démocratie grandissant, et, à chaque combat décisif, renversant tout ce qui est sur son chemin, mais sans direction jusqu’ici, sans conscience d’un but à atteindre, et de plus en plus pareille à un enfant robuste et sauvage.

1104. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Puisses-tu vivre longtemps, à pleurer la perte de tes enfants, et, à ton tour, en voir une autre parée de tes droits, comme tu t’es installée dans les miens ! […] Quand il y a dans le discours un véritable mouvement, nulle part on n’aperçoit de solution de continuité : le développement s’achemine tout d’une suite à son but, comme, dans l’être vivant, chaque état du corps, chaque moment de la vie plongent dans l’état et dans le moment qui précèdent, et ne sauraient s’en distinguer : l’enfant devient homme insensiblement, et change en restant le même.

1105. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Il apprit à lire et à écrire 121, sans doute selon la méthode de l’Orient, consistant à mettre entre les mains de l’enfant un livre qu’il répète en cadence avec ses petits camarades, jusqu’à ce qu’il le sache par cœur 122. […] Interrogé sur le moment où il convenait d’enseigner aux enfants « la sagesse grecque », un savant rabbin avait répondu : « A l’heure qui n’est ni le jour ni la nuit, puisqu’il est écrit de la Loi : Tu l’étudieras jour et nuit 133. » Ni directement ni indirectement, aucun élément de culture hellénique ne parvint donc jusqu’à Jésus.

1106. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Il prêcha hardiment la guerre à la nature, la totale rupture avec le sang. « En vérité, je vous le déclare, disait-il, quiconque aura quitté sa maison, sa femme, ses frères, ses parents, ses enfants, pour le royaume de Dieu, recevra le centuple en ce monde, et, dans le monde à venir, la vie éternelle 876. » Les instructions que Jésus est censé avoir données à ses disciples respirent la même exaltation 877. […] Méprisant les saines limites de la nature de l’homme, il voulait qu’on n’existât que pour lui, qu’on n’aimât que lui seul. « Si quelqu’un vient à moi, disait-il, et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple 884. » — « Si quelqu’un ne renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple 885. » Quelque chose de plus qu’humain et d’étrange se mêlait alors a ses paroles ; c’était comme un feu dévorant la vie à, sa racine, et réduisant tout à un affreux désert.

1107. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Que l’on conduise ainsi Poe de la table où tout enfant son père adoptif l’exhibait récitant des vers, à cette taverne de Baltimore où il goûta l’ivresse qui le couchait le lendemain dans le ruisseau ; que l’on connaisse de Flaubert la famille de grands médecins dont il était issu, le pays calme et bas dans lequel il passa sa jeunesse, la fougue de son arrivée à Paris, ses voyages, son mal, le rétrécissement progressif de son esprit, le milieu de réalistes dans lequel s’étriquait ce romantique tardif : que de même on décrive la physionomie satanique et scurrile (sic) de Hoffmann, le pli de sa lèvre, l’agilité simiesque de tout son petit corps, ses grimaces et ses mines extatiques, son horreur pour tout le formalisme de la société, ses longues séances de nuit dans les restaurants, à boire du vin, et ce mal qui le mît comme Henri Heine tout recroquevillé dans un cercueil d’enfant ; que l’on compare les débuts militaires de Stendhal et de Tolstoï à leur fin, à l’existence de vieux beau de l’un, à l’abaissement volontaire de l’autre, aux travaux manuels et à la pauvreté grossière ; que l’on complète chacune de ces physionomies, qu’on en forme des séries rationnelles, on aura dressé en pied pour une période, pour un coin du monde littéraire, pour ce domaine tout entier, les figures intégrales du groupe d’hommes qui sont les types parfaits de l’humanité pensante et sentante.

1108. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Quand on a donné aux enfants gâtés trop de confitures, ordinairement ils veulent de la lune. […] la lune, pour Paradol, pour cet enfant gâté de la littérature, c’était l’influence politique !

1109. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Il n’y avait là, si on veut, qu’une poignée de jeunes filles, pauvres et nobles, à qui le roi payait le sang des pères morts pour lui, mais ces jeunes filles élevées par le roi, dirigées par madame de Maintenon, surveillées par Bossuet et par Fénelon, ces jeunes filles qui, dans leurs divertissements littéraires, avaient Racine pour répétiteur, devenaient un jour des mères par la chair ou l’esprit, — car celles qui ne se mariaient pas étaient dames de Saint-Cyr à leur tour : des mères spirituelles, — et, toutes, elles faisaient descendre dans la société, dans le sang social, par leurs enfants ou par leurs élèves, ce qu’elles avaient puisé au sein d’une éducation sensée et religieuse, où le grandiose touchait à la simplicité. […] C’est par là que, n’étant plus jeune, et que, n’étant presque plus belle, elle avait arraché Louis XIV — l’homme le plus difficile à séduire et le plus difficile à captiver — à la plus belle de ses maîtresses, à la plus altière, à la plus sanguinement spirituelle, à cette Armide des Mortemart qui l’avait enlacé par plus puissant que ses bras, — l’habitude, — et qui lui avait mis aux quatre membres ce boulet des enfants qui fait enfoncer un homme dans une liaison encore plus que le boulet de bronze ne fait s’enfoncer celui qu’on y jette dans la mer !

1110. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Mais il est nécessaire que le prêtre y soit, c’est-à-dire le père appuyé sur la tradition religieuse ; car, au point où nous voilà arrivés dans l’Histoire, impossible d’élever un enfant en dehors des idées chrétiennes. […] Jusque-là, c’est un enfant encore, qui ne sait rien, quoi qu’il ait appris ; car on ne sait pas pour avoir déposé dans sa mémoire des notions qu’on peut y reprendre, a dit profondément un penseur.

1111. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

Par exemple, il se trompe complètement sur les commencements de Beaumarchais, mais il le reconnaît : « J’ai été bête », dit-il simplement, « ce qui prouve l’enfant », ajoute son éditeur, lequel a toujours le chansonnier à califourchon sur le nez, mais ce qui, à mon sens, prouve l’homme ! […] Honoré Bonhomme, qui fait précisément une édition très soignée des irrévérences du maraud, transforme Collé, pour l’excuser de son audacieuse raison, en enfant terrible, en malin, en plaisant, et en vingt autres personnages, tous plus ou moins tortillés et tirés par les cheveux, mais tous rentrant toujours dans le chansonnier.

1112. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

un phénomène bon enfant, sans charlatanisme, sans tromperie, sans trompe et sans trompette, qui, malgré la réputation qui lui vient de Paris, tout doucement, goutte par goutte, flot par flot, comme l’eau vient à l’écoute-s’il-pleut de sa paroisse, n’a pas cessé de vivre à l’écart, au fond de sa province, y continuant son petit train (un train silencieux) de savant, d’annotateur et de critique. […] Elle ne s’en est pas plus plainte que l’enfant qui avait le petit renard dans le ventre, il ne disait rien.

1113. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

— ajoute-t-il en insistant, — je ne crois pas au ciel, mais je crois à l’enfer, où ma place est marquée de toute éternité ; à un enfer où l’inique Jeffries qui doit me juger m’ôtera, pour me confondre, le sentiment de l’iniquité divine, et par ses tout-puissants prestiges, domptant, éblouissant, affolant ma conscience, me fera avouer en grinçant des dents que l’injustice est juste, que l’horreur est clémente, qu’une faiblesse d’un instant exige une éternité de peine infinie ; que le péché originel, la prédestination, le petit nombre des élus, la damnation de Socrate et des enfants non baptisés, sont des miracles de miséricorde, et qu’il est juste et très juste qu’éternellement avec eux je hurle, et qu’éternellement ils râlent avec moi !!! […] c’est cette beauté qu’ont les quelques pages de Georges Caumont ; c’est la beauté de cet enfant malade et insensé, à qui la souffrance l’a donnée, et qui, sans cette souffrance, serait horrible, avec ses idées, comme les sophistes de son temps, et ne mériterait, comme eux, que toutes les violences du mépris.

1114. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Cherchant à s’appuyer sur des explications plus vulgaires, Gustave d’Alaux parle d’imitation intelligente ; mais l’imitation du nègre, comme celle des enfants et des domestiques, est beaucoup plus l’imitation des défauts que des qualités de leurs supérieurs et de leurs maîtres, et la vie tout entière de Soulouque, qui avorte même à parodier Napoléon, est la preuve sans réplique de cette imitation aveugle, grotesque et fatale ! […] Si nous en croyons les dépositions curieuses et terribles de l’histoire d’Alaux, Soulouque, ce vieil enfant, car il avait plus de soixante ans quand il fut élevé à la présidence de la République d’Haïti ; Soulouque, « ce formidable poltron qui voit dans toute ombre un fantôme et dans tout silence un guet-apens », cet être absurde, fanatique, dévoré par des superstitions de sauvage, méfiant, fanfaron, cruel, mais apathique après que le sang, dont il a des soifs vraiment physiques, est versé ; Soulouque, ou, pour l’appeler du nom d’empereur qu’il s’est donné dans une farce officielle qu’aucun gouvernement n’a eu d’intérêt à empêcher, Faustin, est très au niveau, si ce n’est très au-dessous, du premier Cafre venu qui va s’éteindre sur la Côte d’Ivoire.

1115. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Le sujet, en art, n’a d’intérêt que pour les enfants et les illettrés. […] Lui ôter le rythme et l’harmonie, c’est lire une à une, comme épèle un enfant, les notes de la Symphonie héroïque. […] Ce sont : Aigle, amour, orgue, délice, automne, enfant, gens, hymne, œuvre, orge, Pâques, période. […] Cela est sage ; mais on peut faire remarquer que la tendance populaire va vers le pluriel régulier ; les enfants disent des bonhommes. […] On ne dit pas encore j’alle et j’allerai, mais les enfants s’y laisseraient prendre.

1116. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Chardin  » p. 143

Voyez sa Gouvernante avec ses enfants, et vous aurez vu son Bénédicité.

1117. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Hallé » p. 199

Personne ne sait ce que c’est que votre Vierge avec son enfant, vos deux petites Pastorales, votre Abondance répandue sur les arts, ni votre Combat d’Hercule, et d’Achéloüs.

1118. (1895) Hommes et livres

L’honnête maître d’école rêvait de voir son Félix aller à cheval par les rues, comme tous ces vénérés médecins, que l’enfant fut dressé tout petit à admirer et à envier. […] Mais au bout de quinze ans de mariage, il n’avait pas d’enfants. […] L’enfant, le jeune homme ne se sentent jamais isolés, perdus dans le vaste monde ; ils ne subissent plus de ces rudes pressions qui appellent et développent toutes les énergies intimes. […] Mais les inquiétudes de l’Église s’apaisaient facilement ; d’un sourire elle renvoyait ses enfants à leurs travaux. […] Un enfant dans un berceau remue les bras et vagit : à ce tableau d’innocence, toute la cour déborde d’enthousiasme et d’émotion.

1119. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

J’aurai voulu aussi lui demander, dans La Puissance des ténèbres, quand Nitika assis sur la planche fait craquer les os de l’enfant, et que l’on entend piauler le petit écrasé, s’il croyait que la pièce aurait été plus loin, si Tolstoï était Français, et s’il croyait encore, que les trois actes de Mademoiselle Julie auraient été joués, si Strindberg était Français. […] Il me dit qu’il lui faut un certain courage pour sortir dans la rue, suivi de ses cinq enfants, qu’on s’étonne, qu’on rit, qu’on les compte tout haut, derrière lui. […] C’est curieux cette tête, à l’ovale ramassé, aux yeux retroussés, aux grosses lèvres, et qui a quelque chose de féminin qu’il doit à sa coiffure ; et à deux mèches de cheveux, lui faisant des espèces d’accroche-cœurs aux tempes : tête tantôt égayée de vrais rires d’enfant, tantôt s’enfermant dans un sérieux, mauvais, perfide. […] Cette phrase avait apporté un bouleversement dans ses idées, et mis son esprit en quête, du comment de la fabrication des enfants. […] Bauër conte qu’il a vu un petit enfant, criant dans les bras de sa mère : « Vive la Russie ! 

1120. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Comme dans le théâtre des enfants, le lieu de l’action change à chaque scène, ou, pour mieux dire, à chaque scénette, car il y a des scènes de six lignes de dialogue (j’ai compté !) […] … Il y a maintenant à montrer son génie comique, car Gœthe se croyait l’enfant de la double colline : il se croyait le double génie. […] Qu’on cite de lui un mot, — un de ces mots qui retentissent le long des siècles une fois qu’un homme les a prononcés, comme le Qu’il mourût, du vieux Corneille, le Ventrem feri de Tacite, le « Il n’a pas d’enfants  » de Shakespeare ! […] Pour ma part, j’ai connu, étant enfant, un vieillard qui en était plein, qui en débordait, de Voltaire ! […] Lewes, n’est ni un savant, ni un critique, ni un philosophe ; c’est tout simplement un biographe, et, je l’ai déjà dit, dont la biographie sort de l’autobiographie de Gœthe comme un enfant sort de sa mère.

1121. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guttinguer, Ulric (1787-1866) »

Mais laisse-moi du moins regarder dans ton âme, Comme un enfant plaintif se penche vers les eaux ; Toi, si plein, front pâli sous des baisers de femme, Moi, si jeune, enviant ta blessure et tes maux.

1122. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Voiriot »

À droite, le père et la mère à un balcon, au-dessous de ce balcon, leurs petits enfants déguisés en marmottes et en marmots.

1123. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il faut qu’elle produise beaucoup d’enfants robustes et qu’elle mette sur pied beaucoup de braves soldats. […] La Société romaine produisait peu d’enfants. […] Mais, comme toujours, c’est de côté maternel que sa grâce est venue à l’enfant. […] Au même titre que les modernistes les plus dédaigneux du passé, ce chercheur de textes est un enfant du siècle. […] Tout enfant, ses camarades l’appelaient à la tour », à cause de son ampleur précoce.

1124. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Euripide l’a suivie lorsqu’il a représenté Médée tuant ses enfants. […] On peut citer de même la scène où Mithridate propose à ses enfants le dessein d’aller porter la guerre en Italie, celle où Mahomet propose à Zopire de le servir dans ses desseins, s’il veut revoir ses enfants. […] Zopire, en refusant la proposition de Mahomet, l’irrite par sa fermeté, et le met dans le cas d’écouter l’avis d’Omar, qui lui conseille de faire périr Zopire par Séide, et de plus prépare la reconnaissance, en apprenant à Zopire que ses enfants vivent encore. […] C’est parmi nos bergers que l’amour est vraiment un enfant : simple comme la nature qui le produit, il plaît sans fard et sans déguisement, il blesse sans cruauté, il attache sans violence. […] Mais l’homme de génie ne se borna pas longtemps à ces chansons, enfants de la simple nature ; il conçut un projet plus noble et plus hardi, celui de faire du chant un instrument d’imitation.

1125. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Mais sans l’enfant espérance la foi s’habituerait à la créance, au monde, à Dieu. Et sans l’enfant espérance la charité s’habituerait à l’amour ; au pauvre ; à Dieu. […] Cette enfant fait une commission de Dieu. […] Pour avoir la paix demain, on n’a pas d’enfants aujourd’hui. […] — Alors qu’est-ce que c’est, mon enfant.

1126. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Explication du titre de la seconde section. »

Mais quand l’amitié et les sentiments de la nature seraient sans exigence, quand la religion serait sans fanatisme, on ne pourrait pas encore ranger de telles affections dans la classe des ressources qu’on trouve en soi ; car ces sentiments modifiés rendent cependant encore dépendant du hasard : si vous êtes séparé de l’ami qui vous est cher, si les parents, les enfants, l’époux que le sort vous a donné, ne sont pas dignes de votre amour, le bonheur que ces liens peuvent promettre, n’est plus en votre puissance ; et quant à la religion, ce qui fait la base de ses jouissances, l’intensité de la foi, est un don absolument indépendant de nous ; sans cette ferme croyance, on doit encore reconnaître l’utilité des idées religieuses, mais il n’est au pouvoir de qui que ce soit de s’en donner le bonheur.

1127. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guigou, Paul (1865-1896) »

François Coppée Chez le vrai poète, on trouve, harmonieusement fondues, l’imagination de l’homme, la sensibilité de la femme et la candeur de l’enfant.

1128. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lautréamont (1846-1870) »

On sent, à mesure que s’achève la lecture du volume, que la conscience s’en va, s’en va, et quand elle lui est revenue, quelques mois avant de mourir, il rédige les Poésies, où, parmi de très curieux passages, se révèle l’état d’esprit d’un moribond, qui répète, en les défigurant dans la fièvre, ses plus lointains souvenirs, c’est-à-dire, pour cet enfant, les enseignements de ses professeurs !

1129. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Qu’aurait-il dit s’il avait vu celle de ses enfants : l’un avec la Toison d’or et le Saint-Esprit, l’autre très indigne évêque-duc de Laon ? […] C’est pour toi que le fils de Jupiter, Hercule, et les enfants de Léda ont supporté toutes leurs épreuves, proclamant par leurs actions ta puissance ; c’est par amour pour toi qu’Achille et Ajax sont descendus dans la demeure de Pluton. […] [NdA] Il y a bien du mélange dans ces Poésies de La Fare, mélange de bon et de mauvais, mélange de ce qui est de lui et de ce qui lui a été à tort attribué : on cite toujours comme de sa meilleur façon ces jolis vers sous le titre de madrigal : Présents de la seule nature, Enfantement de mon loisir, Vers aisés par qui je m’assure Moins de gloire que de plaisir, Coulez, enfants de ma Paresse : Mais, si d’abord on vous caresse, Refusez-vous à ce bonheur ; Dites qu’échappés de ma veine Par hasard, sans force et sans peine, Vous méritez peu cet honneur !

1130. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Toutes les carrières sont ouvertes à tous, et une ambition, louable dans son principe quand elle n’est pas trop en disproportion avec les moyens et qu’elle s’appuie sur d’honnêtes efforts, porte chacun à se pousser, à s’élever, ou du moins à pousser les siens et à porter ses enfants là où l’on n’a pas atteint soi-même : de là bientôt un concours de tous dans les mêmes voies d’études et vers un petit nombre de professions plus particulièrement en estime ; de là l’encombrement de quelques carrières. […] Je sais bien que Socrate, en son temps, se détournait des sophistes, des prétendus sages qui raisonnaient à perte de vue sur le principe des choses, sur les vents, les eaux, les saisons ; Socrate avait raison de se passer de la mauvaise physique de son temps, de ses hypothèses ambitieuses et prématurées, pour ne s’occuper que de l’homme intérieur et lui prêcher le fameux « Connais-toi toi-même ». « C’est une grande simplesse, a dit Montaigne tout socratique en ce point, d’apprendre à nos enfants “Quid moveant Pisces…”, la science des astres et le mouvement de la huitième sphère, avant les leurs propres. » À cela je répondrai encore que Montaigne n’avait pas tort de préférer de beaucoup l’étude morale à celle d’une astronomie compliquée et en partie fausse. […] Or la coutume qui prévaut d’avoir des écoles où, de nos jours, l’on enseigne indistinctement à tous nos enfants les langues grecque et latine, je ne la considère pas sous un autre point de vue que comme le chapeau sous le bras de la moderne littérature.

1131. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

L’enfant âgé de douze ou treize ans, portant alors le nom de Geronimo et passant pour le page de Quivada, vint quelquefois à Saint-Just dans les derniers mois de la vie de son glorieux père ; mais le vieil empereur le voyait sans faire semblant de le connaître. Cet enfant qui promettait un héros ne paraît pas avoir égayé un instant cette triste demeure. […] La veille de sa mort, il eut un scrupule et fit remettre à l’un de ses aides de chambre 600 écus d’or, pour en acheter à Bruxelles 200 florins de rente viagère au profit de la mère de l’enfant.

1132. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Don Quichotte, après avoir écouté tous les détails sur la vocation obstinée du jeune homme, dont le seul crime est de trop aimer Homère et Virgile, et de vouloir converser tout le jour avec Horace, Tibulle et autres Anciens, répond aux craintes du père par un discours d’une merveilleuse sagesse, et qui, pour la grâce comme pour la modération, pourrait être tout entier (sauf quelques mots) d’un de ces aimables vieillards de Térence : « Les enfants, lui dit-il, sont une portion des entrailles de leurs parents ; il faut donc les aimer, qu’ils soient bons ou mauvais, comme on aime les âmes qui nous donnent la vie. […] Pourquoi un livre qui n’a été écrit qu’en vue d’une nation et dans un dessein tout particulier, tout local, devient-il, presque dès sa naissance, le livre des autres nations voisines et l’enfant adoptif de tout le monde ? […] Semblables aux enfants, les peuples rirent et se rassurèrent… » Cela paraît assurément fort exagéré, quoique cette exagération, à propos d’un chef-d’œuvre de l’esprit, ne déplaise pas absolument.

1133. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Christel, au moment où la porte de la rue s’était ouverte, avait brusquement quitté sa place et était déjà debout, à demi élancée, comme elle faisait pour tous (craignant toujours, la noble enfant, de ne pas assez faire). […] Elle se taisait dans son fauteuil du fond, et palpitait, à en mourir, autant que sa chère enfant. […] Vous prendrez garde à toutes ces haines de là-bas, et vous tâcherez surtout de concilier ici. » Et la famille, et les enfants, elle venait aussi en parler, et embellissait par eux les devoirs : « Ils auront es mêmes fées que vous sous vos mêmes ombrages. » Hervé n’essayait plus de comprendre, il nageait dans une sainte joie ; le jour tombant et de si franches paroles l’enhardissaient ; il exprima nettement ce désir prochain d’union, et cette fois, soit qu’elle fût trop faible, après tant d’efforts, ou trop attendrie, elle le laissa s’expliquer jusqu’au bout sans l’interrompre.

1134. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Femmes du peuple qui peinez tant, voulez-vous oublier la mansarde où il fait froid et où l’on n’a pas toujours du pain, le loyer qui n’est pas payé, le mari qui vous bat quand il est ivre, les enfants morts ou mal portants, toute la douleur de vivre ? […] Mais cette allégresse monastique ressemble à la gaieté des enfants, exprime la légèreté d’âme et la sécurité complète. […] Comme nous, il est enfant de la femme ; comme nous, il est pétri d’un limon abject ; comme nous, il a senti l’aiguillon des convoitises ; comme nous, il a lutté contre des penchants maudits ; comme nous, peut-être, il est tombé.

1135. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Il a tout : du génie, des vertus, une femme qui l’adore, des enfants d’une beauté merveilleuse. […] Du bateau où il croque des paysages, pendant que ses beaux enfants « pétris d’amour et de lumière » s’ébattent sur la rive, il tend ses mains de christ aux jeunes générations… Avec tout cela, je crois bien qu’il lui arrive de dire des sottises  des sottises de rapin échauffé, d’artiste à grande barbe et à grands gestes. […] Voici la première : « En cette parfaite association, sans joie… une seule note humaine et naturelle, l’enfant ; et cette note troubla l’harmonie. » Et voici l’autre : « … L’évolution toute naturelle de la douleur débordante à ce complet apaisement s’accentuait ici de l’appareil du veuvage inconsolable, etc…).

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