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1089. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Il parle d’« ingratitude », de « déloyauté », de « trahison », de « sécheresse de cœur ». […] Et qu’avons-nous à nous mêler de ces affaires de cœur, sur lesquelles les lumières nous font presque absolument défaut ? […] Il faut avoir le cœur bien pur pour marchander son estime à Racine. […] Le drame n’est pas là, il est tout entier dans les cœurs. […] On y songe sans le dire, et cela n’empêche pas le cœur d’être déchiré.

1090. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Je vous écrirai de Varsovie en homme reposé, ainsi qu’à mon ami de Treytorens que j’embrasse de tout mon cœur. […] Je ne vous nommerai pas la personne qui tient après vous le premier rang dans mon cœur. […] Je vous embrasse de tout mon cœur. […] Mes compliments à tous nos amis, que j’embrasse de tout mon cœur. […] Souvent mon cœur est rempli de désirs extravagants.

1091. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Il fixe d’inoubliables physionomies, celle de Dupin, de la victime dans le Cœur révélateur, de Morella, de l’exsangue morphiomane des Souvenirs. […] Le cœur avait cessé de battre. […] Les meurtriers du Cœur révélateur, du Chat noir, du Démon de la perversité, Roderick Usher sont des maniaques commençants, atteints d’hallucinations auditives ou visuelles, agités d’impulsions morbides. […] La recherche de la curiosité orne les contes psychologiques de maladies mentales douteuses et ordonne en suites bizarres les infortunes qui mènent au dénouement du Cœur révélateur et du Chat noir. […] Laisse inviolé mon abandon, quitte le buste au-dessus de ma porte, ôte ton ber de mon cœur et jette ta forme loin de ma porte Le corbeau dit : Jamais plus.

1092. (1885) L’Art romantique

Le cœur contient la passion, le cœur contient le dévouement, le crime ; l’Imagination seule contient la poésie. […] Une extrême sensibilité de cœur peut même nuire en ce cas. […] Quiconque aime la poésie les sait par cœur. […] Du cœur à l’ouvrage ! […] C’est surtout dans le cœur universel de l’homme et dans l’histoire de ce cœur que le poète dramatique trouvera des tableaux universellement intelligibles.

1093. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

C’est ce sentiment qui vit dans leurs cœurs, et que moi-même (si je puis me nommer) j’ai embrassé à mon heure et nourri dans le mien, que je voudrais maintenir, expliquer et confesser encore une fois devant ceux qui ne paraissent point l’admettre et le comprendre. […] Jay, a dit dans son discours de réception (juin 1855) une parole qui m’est toujours restée sur le cœur, et que je lui demande la permission de relever, parce qu’elle n’est pas exacte, parce qu’elle n’est pas juste : Les classiques, disait-il, n’ont pas eu de champion plus décidé que M.  […] Ceux qui en ont été touchés une fois, peuvent la sentir à regret s’affaiblir et pâlir, diminuer avec les années en même temps que la vigueur qui leur permet d’en saisir et d’en fixer les reflets dans leurs œuvres, mais ils ne la perdent jamais. « Il y a, disait Anacréon, un petit signe au cœur, auquel se reconnaissent les amants. » Il y a de même un signe et un coin auquel restent marqués et comme gravés les esprits qui, dans leur jeunesse, ont cru avec enthousiasme et ferveur à une certaine chose tant soit peu digne d’être crue. […] Pour la première fois,     D’ouïr sa voix ; Où rêveuse, l’amie Doucement obéie, S’appuyant à mon bras,     Parlait tout bas ; Pensive et recueillie, Et d’une fleur cueillie Brisant le cœur discret,     D’un doigt distrait, À l’heure où, sous leurs voiles, Les tremblantes étoiles Brodent le ciel changeant De fleurs d’argent.

1094. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Il parlait, du reste, de toutes les choses du cœur avec une facile éloquence, et son esprit n’était pas sans ressource ; mais il n’avait aucune teinture de ce qu’on appelle littérature, et qui est, aux yeux du monde, le plus beau fruit de l’éducation. […] Il semble même, plus tard, que l’exemple de Rousseau, et ses succès, revenant jusqu’au sage ami, aient réveillé la tentation dans son cœur et jeté une ombre d’un moment sur sa félicité longtemps inaltérable. […] « Les hautes montagnes, a-t-on dit, consternent aisément celui qui habite au pied, ou du moins elles le modèrent et le calment ; elles mettent l’homme à la raison. » Simiane reste dans la raison, ainsi que dans le bonheur ; lorsque Rousseau, déjà célèbre, les visite encore, il emporte de leur dernier embrassement une de ces fraîches et à la fois solennelles images, qui, en présence de Thérèse et de tant d’illusions flétries, sauvaient l’idéal dans son cœur. […] Steven, Suédois de naissance et de cœur, fils d’un des braves de Pultawa, se trouve placé entre toutes ses affections et tous ses devoirs.

1095. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Mais j’en reviens toujours là : la poésie ne me plaît au théâtre que si elle a les qualités exigées pour le théâtre, si elle est en situation, si elle exprime des sentiments qui touchent, si elle va au cœur. […] mais j’aime mieux l’y voir rire que de l’y voir gambader… Nous arrivons à ces Idylles prussiennes qui ont fait tout à coup surgir de Banville comme un Banville qu’on ne connaissait pas… Toutes les pièces de ce recueil d’Idylles sont superbes et d’un pathétique d’autant plus grand que le désespoir y est plus fort que l’espérance ; qu’il y a bien ici, à quelques rares moments, des volontés, des redressements et des enragements d’espérance, mais tout cela a l’air de s’étouffer dans le cœur et la voix du poète, et on épouse sa sensation… Les hommes sont si faibles et ont tant besoin d’espérer, que c’est peut-être ce qui a fait un tort relatif aux Idylles prussiennes de M.  […] Emmanuel Signoret Théodore de Banville exprima un peu de cette jeunesse des choses que regrettait si amèrement Baudelaire et vers qui s’élança toujours son cœur pesant, ulcéré et gonflé de tendresse. […] Il faut lire les Exilés d’un cœur pieux et les relire en prenant conscience de la valeur métaphysique de nombreux mots splendides.

1096. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Dieu n’est pas seulement au ciel, il est près de chacun de nous ; il est dans la fleur que vous foulez sous vos pieds, dans le souffle qui vous embaume, dans cette petite vie qui bourdonne et murmure de toutes parts, dans votre cœur surtout. […] Allez voir au Louvre ce merveilleux musée espagnol : c’est l’extase, le surhumain, saints qui ne touchent pas la terre, yeux caves et aspirant le ciel ; vierges au cou allongé, aux yeux hagards ou fixes ; martyrs s’arrachant le cœur ou se déchirant les entrailles, moines se torturant, etc. […] Chantez donc encore une fois l’hymne funèbre de l’humanité : elle n’est plus, le froid lui a monté au cœur. […] « Grâce à ces moyens, ajoute-t-il, le ciel brillera pour vous d’un éclat plus vif, et le plaisir fera battre votre cœur.

1097. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

J’admire et j’applaudis de grand cœur avec la noble Chambre d’autrefois ce qu’il y a de jeune, de brillant, d’aventureux dans ce tournoi à outrance ; ce sont des exploits de tribune ; mais je me demande quels pouvaient être les résultats. […] Son cœur saigne véritablement devant certains spectacles, et son âme parle par sa blessure. […] Depuis lors, son beau talent, avec la fermeté, la souplesse et la vigueur qui le distinguent, avec cet art de présenter la pensée sous des aspects toujours larges et nets, avec l’éclat et la magnificence du langage qui ne se séparent point chez lui de la chaleur du cœur, s’est mis tout entier au service non seulement des belles causes, des causes généreuses, mais aussi des choses praticables et possibles. […] C’est ce même sentiment qui, dans son dernier discours sur les affaires de Rome (19 octobre), lui a fait proclamer avec amertume que le résultat le plus net de l’anarchie, ce n’était pas de détrôner quelques rois, c’était de détrôner la liberté : « Les rois sont remontés sur leurs trônes, s’est-il écrié douloureusement, la liberté n’est pas remontée sur le sien : elle n’est pas remontée sur le trône qu’elle avait dans nos cœurs. » Je n’ai rien à dire de ce dernier discours, qui retentit encore.

1098. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Vous observez que toute sa politique doit venir de là, et vous êtes amené ainsi à comparer tel ou tel texte des Lois à la fameuse prosopopée des Lois dans le Criton, Vous vous dites que Platon est avant tout un aristocrate, mais qu’une sorte de respect stoïque et même chevaleresque de la loi est une chose qu’il doit avoir dans le cœur puisqu’il l’admire si fort dans le cœur des autres. […] Non pas un être qu’on adore par mouvement du cœur et élan de l’instinct, mais une doctrine que d’autres doctrines ont amené peu à peu à croire vraie ; Dieu pour Platon est une conclusion ; la foi de Platon est une logique. Ce n’est pas chose à lui reprocher ; mais comme cela nous intéresse de comparer cette religion philosophique aux religions où Dieu est « sensible au cœur » c’est-à-dire à l’intuition immédiate de tout l’être vivant !

1099. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Avant lui, on le sait, les passions royalistes et protestantes avaient vomi contre la Ligue toutes les horreurs que peuvent entasser dans le cœur des hommes la haine et la vengeance des guerres civiles, mais ces rages de partis vivent ce que vivent les roses des roses sanglantes ! […] Nous ne savons rien de la vie de cet écrivain ; mais nous ne serions point étonné qu’il eût écrit son livre dans la simplicité de son cœur, sous les clématites de sa province, loin des hommes auxquels il faut arracher les préjugés d’une main plus ferme quand ils en ont dans la pensée, quitte à les faire saigner un peu, comme les Chirurgiens, pour les guérir. […] Cherchant aujourd’hui le droit dans le fait à propos de la Ligue qui l’avait trouvé dans le ciel, et en face de la race nouvelle érigée sur les débris des races anciennes parmi nous, il aurait proclamé l’arrêt suprême et vu ce que tout le monde sans exception verrait pour le moment en France, si la pitié pour les victimes n’attendrissait le jugement contre les coupables, et si quelques gouttes du sang de martyr de Louis XVI ne nous étaient entrées dans les yeux pour nous retomber sur le cœur ! […] Il est tellement pénétré, pour son propre compte, de tout ce que son devoir (qu’il nous permette d’écrire ce mot-là) serait de pousser vigoureusement dans l’esprit de ceux qui ne veulent pas comprendre, comme on pousse une épée dans le cœur de ceux contre qui on se bat et qui résistent, que, chose singulière et naturelle !

1100. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Qui a le cœur d’absoudre un homme coupable ou de vanter un homme funeste, prend sur soi la moitié du mal qu’il a commis et l’applique à froid sur sa conscience. […] En choisissant pour nous la raconter la vie de Clément XIV, ce pontificat de quatre années qui ne contient guères qu’une seule chose : la suppression de l’Ordre des jésuites, et en élevant, à propos de ce fait si lamentablement fameux qui contrista tous les cœurs dévoués à la cause du catholicisme, un monument de louange et de respect au pontife de l’abolition, le P. Theiner n’a pas ignoré qu’il prenait, de gaîté de cœur, comme historien et comme juge, sa part volontaire dans cette abolition effrayante, car les derniers mots n’en sont peut-être pas dits. […] Dans cette longue chaîne de souverains pontifes qui avaient porté et gardé au fond de leur cœur le sentiment de la force de l’Église romaine, il put se rencontrer un pape qui les sacrifia.

1101. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Grossièrement je voudrais étudier ce qu’ils apportent de nouveau en psychologie, je voudrais fixer les progrès qu’ils peuvent nous faire accomplir dans la connaissance de ce qu’on appelait, à l’âge classique, le cœur humain ; (et je vous prie de laisser ici à cœur son sens le plus vague). […] À la place de la conception freudienne du refoulement, il y a chez Proust la conception des intermittences du cœur. […] Car aux troubles de la mémoire sont liées les intermittences du cœur. […] Ce sont là des cas différents, mais symétriques, d’intermittences du cœur. […] La souffrance ici est bien moins superficielle, est bien plus difficile à supporter, elle a pour siège une couche plus profonde du cœur.

1102. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

L’un éleve l’esprit, l’autre touche le cœur, le troisiéme l’émeut, l’effraie, le déchire. […] Piron ont des beautés particuliéres qui décélent un génie original, mais sa versification flatte peu l’oreille, & par conséquent ne va pas au cœur. […] Le Siége de Calais de M. du Belloi, a intéressé tous les cœurs françois. […] Personne ne développe avec plus de finesse les replis les plus cachés du cœur humain. […] Des peintures naïves du cœur, une diction pure, correcte, élégante, le dialogue le plus vif & le plus décent, caractérisent les piéces de M. de St.

1103. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Il a cette force qui vient de la raison, du vrai mis dans tout son jour par un esprit solide & ferme ; & non celle qui vient du sentiment, des mouvemens d’un cœur tendre & affectueux. […] Il prêchoit souvent dans son Diocèse ; mais ne le faisant que de l’abondance du cœur, nous n’avons rien de ce qu’il fit dans ce genre qui puisse être placé au premier rang. […] La Religion y paroît avec ces charmes, que lui prête un cœur éloquent, pénétré de sa vérité & de sa grandeur. […] Sa plume & sa mémoire y avoient moins de part que son cœur. […] C’est qu’en effet les beaux Arts élévent l’ame ; la culture de l’esprit en tout genre anoblit le cœur.

1104. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 555-559

Si quelque chose pouvoit justifier M. l’Abbé Prévot, de s’être abaissé à des Ouvrages, qui, pour le plus grand nombre, captivent l’imagination pour l’égarer, parlent à l’esprit sans le rendre plus éclairé, agirent le cœur sans le corriger & le former ; ce seroient l’art singulier, l’imagination vive & féconde, le sentiment tendre & profond, la touche mâle & vigoureuse, qui dominent avec tant de richesse dans tout ce qu’il a écrit. […] Son cœur infiniment sensible lui fournissoit sans doute ces traits qui donnent tant de vigueur à ses divers Personnages, & produisent ce pathétique dont l’effet est toujours assuré.

1105. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

La fuite en de nouveaux pays… la création fiévreuse de Tristan, c’est-à-dire du drame qui se jouait en son propre cœur… lui sauvèrent la vie. […] Il ne touchera pas moins le fond de notre cœur que le brillant chevalier, fils de roi, qu’il devint plus tard ; peut-être plus. […] Qu’on écoute ce que dit Gottfried : « Lorsque la fille et l’homme, Isolde et Tristan, eurent tous les deux bu le philtre, immédiatement, ce qui occupe le monde entier, l’Amour fut là, celui qui assiège tous les cœurs, et il se glissa dans leurs deux cœurs » (édition Bechstein du texte primitif, vers 11711-11716)76. […] C’est un exemple d’un autre genre de précision ; la musique se tait, et la phrase, réduite strictement à des mots qui chacun exprime une idée précise, nous donne en quatre lignes le drame entier qui se passe dans le cœur d’Isolde. […] /Cœur à mourir promis  !  

1106. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

En chemin, le lecteur de nous deux, pris d’un barbouillement de cœur qui lui fait l’affreuse peur de ne pouvoir lire. […] c’est peut-être l’alliance d’une maladie de cœur et d’une maladie de foie. […] Nous rentrons, nous lisons ces pages qui nous touchent en plein cœur de notre fraternité, et des larmes dans la gorge arrêtent notre lecture. […] Et c’est, tout le dîner, des violences et des contradictions, qui semblent crever de son affection blessée, de son cœur trompé, humilié. […] dit mon frère, et le cœur nous bat à tous les deux.

1107. (1926) L’esprit contre la raison

L’être qui déguisait les apparences et sa propre médiocrité sous les noms flatteurs de conscience, de réalité, espérant vivre parmi prétextes et mensonges aussi tranquille que le rat dans son classique fromage et, comme ce rat, décidé à en vivre, d’un cœur léger renonçait à toute justice suprême, à toute grandeur. […] J’ai vu un tableau de Joan Miróca où un cœur rouge battait à même un ciel bleu. […] Et nous regardons, vengés enfin des minutes lentes, des cœurs tièdes, des mains raisonnables. […] Les Pensées de Pascal nourrissent souterrainement le texte comme ici « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » [Lafuma 224 , Br. 277]. […] Ce coeur cerf-volant se trouve dans « Dancer », tableau de 1925.

1108. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

La guerre civile s’éteignant, la lutte avec l’Espagne continuait de s’acharner au cœur du royaume, dans les provinces même voisines de Paris. […] Sans s’occuper précisément de politique, elle avait du sens, et, lorsque son cœur l’avertissait, elle entendait certaines choses avec promptitude. […] Bref, le roi insistant toujours sur ces trois conditions dont il veut être sûr à l’avance, que la femme en question soit belle, qu’elle soit d’humeur douce et complaisante, et qu’elle lui fasse des fils, Sully, de son côté, tenant bon et se retranchant à dire qu’il n’en connaît pas avec certitude de telles, et qu’il faudrait en avoir fait l’essai au préalable pour savoir ces choses, Henri finit par livrer son mot, le mot du cœur : « Et que direz-vous si je vous en nomme une ?  […] Un jour, en voyant des portraits de princesses à marier, elle disait à d’Aubigné en la lui désignant : « Celle-ci me fait peur. » Et puis, tout n’était pas aussi gagné dans le cœur du roi qu’il le semblait. […] J’en puis être juge compétent, vous ayant peinte en toute perfection dans mon âme, — dans mon âme, dans mon cœur, dans mes yeux.

1109. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

a sur Madame toute la supériorité d’une nature de génie faite exprès pour sonder et pour fouiller dans les cœurs, pour en rapporter des descriptions toutes vives, qu’il nous rend présentes en traits de flamme. […] Elle eut du regret d’être obligée de renvoyer ses filles d’honneur, dont la jeunesse et la gaieté la divertissaient ; elle se donna un dédommagement selon son cœur en prenant près d’elle et en s’attachant sans titre officiel deux amies, la maréchale de Clérambault et la comtesse de Beuvron, toutes deux veuves, que Monsieur avait éloignées avec aversion de la cour du Palais-Royal, et auxquelles Madame était restée fidèle dans l’absence ; c’étaient ces amies de Paris à qui elle écrivait continuellement. […] Mais ce n’étaient là que des éclairs de joie, et le fond des pensées de Madame en ces années était le découragement et un soulèvement de cœur perpétuel contre la grande orgie dont elle était témoin. […] Là même où elle ne s’enflammait pas, il y avait des détails qui la faisaient sourire de pitié : « Il n’est que trop vrai que des femmes se font peindre des veines bleues, afin de faire croire qu’elles ont la peau si fine qu’on distingue leurs veines à travers. » Elle n’avait de consolation que dans sa fille la duchesse de Lorraine, qu’elle avait élevée selon son cœur et mariée un peu à l’allemande. […] Elle a du cœur ; ne lui demandez pas l’agrément, mais dites : Il manquerait à cette cour une figure et une parole des plus originales si elle n’y était pas.

1110. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Fiancé à la fille d’un médecin au commencement de l’année 1735, après s’être assuré du cœur de la jeune personne, il entreprit le cours de ses voyages dans les pays étrangers : il ne résida pas moins de trois ans en Hollande ; il vint ensuite quelque temps à Paris, où les Jussieu le reçurent : il n’était pas encore question de Buffon. Cette absence se prolongeant de la sorte, Linné apprit, non sans étonnement, qu’un perfide ami cherchait à en profiter pour lui enlever le cœur de sa fiancée ; il revint sans trop se presser, à temps encore pour déjouer cette machination anticonjugale, et il retrouva la jeune fille restée fidèle. […] Ainsi, en même temps que Buffon insiste sur la distinction des espèces, il a des vues sur l’unité du plan général organique ; il les développe au commencement de son article de l’âne, il appuie sur les ressemblances cachées, sur les analogies qui se dérobent sous des différences apparentes ; il demande si cette conformité constante et ce dessein suivi de l’homme aux quadrupèdes, des quadrupèdes aux cétacés, des cétacés aux oiseaux, des oiseaux aux reptiles, des reptiles aux poissons, etc., dans lesquels les parties essentielles, comme le cœur, les intestins, l’épine du dos, les sens, etc., se trouvent toujours, ne semblent pas indiquer qu’en créant les animaux l’Être suprême n’a voulu employer qu’une idée, et la varier en même temps de toutes les manières possibles, afin que l’homme pût admirer également et la magnificence de l’exécution et la simplicité du dessein. […] Mais il semble que les auteurs, dans leur préoccupation morale, aient vu Buffon plus chrétien finalement et en général plus religieux qu’on n’est accoutumé à se le représenter ; il y est parlé, en un endroit, « de sa profonde religion de cœur ». […] Foisset, d’après la tradition locale et d’après les nombreuses lettres qui lui ont passé sous les yeux, croit avoir le droit d’être moins favorable à la sensibilité et au cœur de Buffon : Je sens bien que je ne saurais vous persuader, me faisait l’honneur de m’écrire M. 

1111. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Maucroix eut alors sa grande aventure de cœur. […] Après des années, un jour qu’il était accusé d’être volage et peu profond dans ses sentiments, Maucroix en convient d’assez bonne grâce : À propos, écrivait-il à une femme d’esprit qui l’attaquait là-dessus, vous me reprochez que bien souvent ç’ont été les sens qui ont emporté mon cœur ; pour cette fois-là (Il parle d’une liaison nouvelle), vous ne devinez pas trop mal, ma chère ; quand il y a un peu d’amour en campagne, cela arrive assez souvent : car, quoi ! […] Son cœur est à l’abri des tempêtes civiles, Et ne s’alarme point quand, pour piller nos villes, D’escadrons ennemis il voit ses champs couverts. […] On a les lettres charmantes encore, mais plus réservées, plus résignées, qu’il écrit pendant sa convalescence : c’est certainement du christianisme qui se réveille dans le cœur de Maucroix ; mais, avec le retour à la santé, il s’y mêle bien de l’Horace encore : … Je ne suis pas fâché, non, de n’être pas mort : je ne suis pas si dénaturé que cela. […] C’est à Maucroix aussi que La Fontaine, près de mourir, écrivait cette dernière lettre que chacun sait par cœur, tant elle a été citée de fois, et qui le peint dans la candeur de sa pénitence : … Voilà deux mois que je ne sors point, si ce n’est pour aller un peu à l’Académie, afin que cela m’amuse.

1112. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Cette Correspondance nous le montre, jour par jour, pendant près de vingt années, et grâce à elle, nous assistons, dans ce cœur, dans cette intelligence supérieure et fébrile, à tous les flux et reflux, à toutes les pulsations du dedans. […] Nous ouvrons le livre, et dès l’abord ceux qui ne connaissent que le Lamennais des derniers temps sont comme transportés aux antipodes : on a un Lamennais tendre, gai, enfant, innocent, tout occupé du petit troupeau spirituel qui se rangeait autour de l’abbé Carron, et badinant avec un peu moins de légèreté que Saint-François de Sales, mais avec la même allégresse ; un Lamennais parlant du bon Dieu, de la sainte Vierge, et disant en toute naïveté : « Les Feuillantines sont ma pensée habituelle. — Mon cœur, ma vie est aux Feuillantines ; je me trouve partout ailleurs étranger. » Qu’il y a loin de là au Lamennais qu’on a vu siéger, silencieux et le front plissé, à la Montagne ! […] Jetons un regard sur nous-mêmes, et demandons-nous si dans notre vie, dans notre cœur, depuis l’âge de la jeunesse jusqu’à celui des dernières années, il n’y a pas de ces distances infinies, de ces abîmes secrets, de ces ruines morales peut-être, qui, pour être plus cachées, n’en sont pas moins réelles et profondes. […] Et quand, après cela, j’arrête mes regards sur cette immense Éternité, fixe, immobile, vaste comme mon cœur, inépuisable comme ses désirs, je voudrais, je voudrais m’élancer dans ses profondeurs. […] On voit dans cette Correspondance quelle plaie cruelle cette rupture laissa dans le cœur des plus fidèles amis.

1113. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Tantôt enfin (et c’est ici le cas qui n’est pas le moins original en son genre), nous avons vu la Théologie elle-même tout armée, la dialectique serrée et savante, sachant les points, les textes décisifs, les comment et les pourquoi de l’orthodoxie, sachant aussi les raisons du cœur et les plus fins arguments de la spiritualité ; nous l’avons vue venir du Nord sous la figure de Mme Swetchine, s’installer, prendre pied chez nous et y devenir conquérante à sa manière. […] Par exemple, dans une lettre à M. de Montalembert, au moment de la crise de déchirement avec M. de Lamennais : « Je le crois, disait-elle, le grand homme eut fléchi devant un enfant tendre et pieux, car il me semble bien que c’est à la seule tendresse que peut céder M. de Lamennais, et, comme Clorinde, si son bras est fort, son cœur est faible. » Je ne m’inquiète pas du fond de la pensée ni de savoir s’il est exact de supposer à ce vieux cœur breton de telles tendresses, mais on a peine à comprendre, quand on a vu M. de Lamennais, que l’idée de Clorinde ait pu venir à personne à son sujet. — D’autres fois, c’est la parfaite justesse qui manque aux idées de Mme Swetchine. […] Telle est la thèse qu’elle soutient avec toutes les subtilités de son cœur et de son esprit, et qu’elle orne des figures et des mille emblèmes d’une imagination tournée en dedans. […] « J’ai souvent pensé, dit-elle, que c’était par le cœur qu’on ne s’ennuyait jamais, les deux héros de l’ennui, M. de Chateaubriand et Benjamin Constant, m’ayant mise sur la voie de cette vérité en démontrant sibien que ce n’est pas l’esprit qui sauve d’un tel mal. » On trouve son compte avec elle par bien des pensées de ce genre, même quand on ne la suit pas dans ses plus hautes régions Enfin, sans tant épiloguer sur les mots, ceux qui se livreront à cette lecture, dussent-ils comme moi rester à mi-chemin de la sympathie, y gagneront au moins une vue intéressante sur une nature de femme très rare et très distinguée, qui fait le plus grand honneur au monde aristocratique où elle a vécu.

1114. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

On voit par ses conversations à quel point il en était préoccupé, et combien cette partie un peu contestée de sa renommée lui tenait à cœur. […] Gœthe osait donc se découvrir devant Eckermann et montrer les nombreuses piqûres que son amour-propre avait reçues ; il semblait lui dire en les étalant : « Voyez, il n’y a pas d’homme complètement heureux. » Ainsi, un jour qu’il causait de son recueil de poésies à l’orientale, le Divan, et particulièrement du livre intitulé Sombre humeur, dans lequel il avait exhalé ce qu’il avait sur le cœur contre ses ennemis : « J’ai gardé beaucoup de modération, disait-il ; si j’avais voulu dire tout ce qui me pique et me tourmente, ces quelques pages seraient devenues tout un volume. — Au fond, on n’a jamais été content de moi, et on m’a toujours voulu autre qu’il a plu à Dieu de me faire. […] Il n’est pas le seul des poëtes critiques que des adversaires de secte et de coterie aient accusé « d’être plus qu’un esprit sceptique, d’être un cœur sceptique ; de n’avoir ni enthousiasme, ni amitié ; de faire vanité de n’aimer qui que ce soit, quoi que ce soit au monde, etc. » Nous connaissons ces injures pour nous avoir été dites51 : mais n’ont-elles pas été dites à Gœthe notre maître, tout le premier ? Je me souviens d’avoir lu un discours prononcé ex cathedra à Cambridge (1844), dans lequel l’orateur, s’emparant contre lui de son étendue et de son impartialité même, l’appelait égoïste, faux, méchant, traître, un homme « qui se jouait avec sang-froid de la paix et de la vertu d’autrui, et qui jouissait du haut de sa sérénité de voir les ruines qu’il avait portées dans les cœurs assez simples pour se confier au sien. » Les Pharisiens de tout temps, les hommes de secte et de parti sont bien les mêmes, qu’ils soient de Cambridge, ou de l’ancienne Sorbonne, ou d’un salon à la mode voisin de la sacristie. […] À genoux devant Molière et La Fontaine, il admire Athalie, goûte Bérénice, sait par cœur les chansons de Béranger, et raconte parfaitement nos plus nouveaux vaudevilles.

1115. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Guéroult, cet esprit, ce cœur si dévoué à la cause moderne, a été élevé religieusement ; il a passé par le séminaire. […] Il vient de parler des diverses hymnes et proses célèbres de la liturgie, le Dies iræ, le Vexilla, le Stabal, et il en a défini l’impression profonde avec largeur et vérité : « Je sais que beaucoup, dit-il, qui n’ont peut-être jamais mis le pied dans une église pour prier, qui n’ont jamais ressenti dans leur cœur la pieuse ferveur de la foi, riront de mon enthousiasme et de mon admiration ; mais je dois leur dire que depuis sept ans j’ai manqué peu de représentations au Théâtre-Italien, que j’ai suivi assidûment les concerts du Conservatoire, que Beethoven m’a donné la fièvre de plaisir, que Rossini m’a remué jusqu’au fond de l’âme, que Mme Malibran et Mlle Sontag ont été pour moi de bienfaisantes divinités ; que pendant près de deux ans je n’ai eu d’autre religion, d’autre espérance, d’autre bonheur, d’autre joie que la musique ; que, par conséquent, ils ne peuvent me regarder comme un trappiste qui ne connaît que ténèbres et matines ; mais il faut qu’ils sachent aussi que celui qui leur parle, et qui aujourd’hui est bien loin de la foi chrétienne, a été pendant cinq ans catholique fervent, qu’il s’est nourri de l’Évangile, de l’Imitation ; qu’élevé dans un séminaire, il y a entendu des chœurs de deux cents jeunes gens faire résonner sous une voûte retentissantel’In exitu. […] ce seul nom cependant est si beau, et la chose en elle-même si digne d’envie ; elle est si chère à ceux qui l’ont adoptée à l’heure où l’on croit et où l’on aime, et qui sont restés fidèles à ce premier idéal trop souvent brisé ; elle a été tellement notre rêve à tous, notre idole dans nos belles années ; elle répond si bien, jusque dans son vague, aux aspirations des âmes bien nées et trouve si bien son écho dans les nobles cœurs, qu’on hésite à venir y porter l’analyse, à la vouloir examiner et décomposer. […] Scherer ; hier M. de Rémusat, dans une Revue, adressait aux écrivains, pour leur réchauffer le cœur, d’éloquents conseils tous puisés dans ce même ordre de convictions ardentes ; Tocqueville en était imbu et pénétré, toute sa parole en vibrait. […] La question sociale et l’humanitarisme ne lui font pas oublier la patrie ; il a parmi ses proches amis et rédacteurs un reste vivant de ces patriotes de 1815, animés d’un vieux souffle ardent, et qui, tout républicains qu’ils étaient de cœur, se sont ralliés au Napoléon des Cent-Jours, défendant le sol français21.

1116. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Cette fibre française nationale chez les jumeaux de La Réole étonnait, scandalisait des cœurs, à vrai dire aliénés, en qui elle était totalement absente. […] Le Cabinet, qui était le second depuis la rentrée de Louis XVIII, et qui succédait à celui qu’avait présidé M. de Talleyrand, était présidé lui-même par le duc de Richelieu, noble figure, cœur loyal et resté français dans l’émigration et jusque sous le drapeau russe, et l’un des hommes qui firent le plus pour rendre la Restauration viable, si elle avait pu ou voulu l’être. […] Osant blâmer M. de Richelieu d’avoir accédé, de guerre lasse et le cœur navré, à ce traité nécessaire et imposé qui diminua la France et qui en rogna la carte, bien moins pourtant qu’on ne l’avait craint, il disait d’un air capable : « Au reste, il y avait une autre carte plus respectable que celle dont on a parlé : elle était tracée dans le cœur de tous les Français attachés à leur roi. » Il répétait sans cesse, en se flattant d’avoir une recette royaliste de son invention : « On peut étouffer la faction, sans arracher un cheveu de la tête d’un seul factieux. » C’était le même qui, autrefois préfet à Metz sous l’Empire, un jour de cérémonie et de fête impériale, avait dit à sa fille en présence d’un buste de Napoléon : « Fille d’un guerrier, couronnez le buste d’un héros ! » Ces anciennes louanges étaient plus qu’oubliées et réparées, et de tous les ministres il était le plus selon le cœur et les entrailles de la Chambre nouvelle.

1117. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Aussi le père de Jean-Bon s’opposa-t-il au désir de son fils ; mais celui-ci, doué d’une grande volonté, persévéra dans son projet, et, après avoir mis sa mère dans le secret, il partit, laissant sur le bureau de son père une lettre dans laquelle il lui ouvrait son cœur et lui expliquait ses sentiments. […] Jean-Bon fut comme la plupart des hommes de cette époque : son esprit qui était ferme et net, et non supérieur, s’excitant et s’enflammant au foyer du cœur et au souffle de la passion, marcha avec les événements sans les devancer de beaucoup, et il est de ceux qui auraient pu dire en toute vérité avec le moraliste : « Les occasions nous font connaître aux autres, et encore plus à nous-mêmes. » Le 30 avril 1789, à l’occasion de l’Édit de Louis XVI en faveur des Protestants et en vertu duquel il leur était permis de s’avouer tels désormais sans péril et sans crainte, de pratiquer leur culte, de contracter mariage selon les lois et de jouir des avantages et des droits de citoyens, Jean-Bon prononçait à titre et en qualité de pasteur, « devant quelques vrais serviteurs de Dieu et divers citoyens amis de la religion, de la tolérance, de la patrie et de l’humanité », un discours ou sermon où il se montrait pénétré de reconnaissance envers « le bienfaisant monarque », et d’une sensibilité autant que d’une modération qu’il n’a que trop tôt démenties : « Mais peut-on se le dissimuler ? […] Assez d’écrivains, pressés de donner, comme les récits de la vérité, les rêveries de leur esprit ou les préventions de leur cœur, ont publié des ouvrages, prétendus historiques, de cette grande crise politique. […] Comme la plupart des régénérateurs de son temps, il paraissait croire, moyennant méthode, à une refonte complète possible de la constitution morale, intellectuelle et physique de l’homme : « La société a besoin, disait-il, que chacun de ses membres ait une constitution vigoureuse, un esprit éclairé et un cœur droit. » Prêchant l’excellence de l’éducation, il est en garde à tout instant contre l’instruction proprement dite, et semble demander qu’il n’y en ait pas trop, absolument comme Jean Reynaud parut le dire un jour dans sa fameuse circulaire. […] Les vues qui lui tenaient à cœur, plus grandioses que pratiques, et qui dans leur exagération embrassaient toute la Méditerranée, allaient à contrecarrer les plans autrement positifs du jeune général qui avait tant contribué à la prise de Toulon, et les propositions détaillées qu’il faisait dans le même temps pour la défense et l’armement des côtes ; les deux systèmes durent être, un instant, en présence et en balance.

1118. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Soit qu’il fit choix d’époques encore neuves à l’étude, soit qu’il se jetât sur des pays à mœurs franches et sauvages, soit même qu’il se tînt à des cas singuliers du cœur, toujours, en tout sujet, il se retranchait, pour ainsi dire, au début ; il mettait une portion de sa vigueur à ne pas sortir du cercle tracé ; il faisait comme le soldat romain qui, à chaque halte, avant toute chose, traçait le fossé et posait le camp. […] Ainsi l’Italie est morte ; mais Rome, frappée au cœur, ne devait pas lui survivre longtemps. » Parmi les figures qu’il rencontrait au premier plan, il en est deux que M. […] Irez-vous jamais en Corse et dans le cœur du pays ? […] Ce qui convient à mon cœur, c’est l’oiseau gémissant qui pleure Itys, toujours Itys. […] Et cet autre refrain, qu’à l’oreille d’Orso tous les échos murmurent, ne le cède à rien en opiniâtre et fixe clameur : « A mon fils, mon fils en lointain pays, — gardez ma croix et ma chemise sanglante… — Il me faut la main qui a tiré, — l’œil qui a visé, — le cœur qui a pensé… » La scène avec les Barricini autour de la bière du pauvre Pietri ne ferait pas un indigne pendant, pour le tragique, à ce qui se passe là-bas au pied du tombeau d’Agamemnon.

1119. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Jeté jeune et sans éducation régulière au milieu d’une littérature compassée et d’une poésie sans âme, il a dû hésiter longtemps, s’essayer en secret, se décourager maintes fois et se reprendre, tenter du nouveau dans bien des voies, et, en un mot, brûler bien des vers avant d’entrer en plein dans le genre unique que les circonstances ouvrirent à son cœur de citoyen. […] Mais souvent aussi il a des tons qui viennent du cœur et une tendresse mélancolique qui le rapproche des poëtes de notre âge. […] Sa vie, ainsi ordonnée dans son désordre, devint double, et il en fit deux parts : l’une, élégante, animée, spirituelle, au grand jour, bercée entre les jeux de la poésie, et les illusions du cœur ; l’autre, obscure et honteuse, il faut le dire, et livrée à ces égarements prolongés des sens que la jeunesse embellit du nom de volupté, mais qui sont comme un vice au front du vieillard. Madame de La Sablière elle-même, qui reprenait La Fontaine, n’avait pas été toujours exempte de passions humaines et de faiblesses selon le monde ; mais lorsque l’infidélité du marquis de La Fare lui eut laissé le cœur libre et vide, elle sentit que nul autre que Dieu ne pouvait désormais le remplir, et elle consacra ses dernières années aux pratiques les plus actives de la charité chrétienne. […] vous pouvez nous l’apprendre ; Votre réponse est prête, il me semble l’entendre : C’est jouir des vrais biens avec tranquillité, Faire usage du temps et de l’oisiveté, S’acquitter des honneurs dus à l’Être suprême, Renoncer aux Phyllis en faveur de soi-même, Bannir le fol amour et les vœux impuissants, Comme Hydres dans nos cœurs sans cesse renaissants.

1120. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Regnier avait le cœur honnête et bien placé ; à part ce que Chénier appelle les douces faiblesses, il ne composait pas avec les vices. […] De plus, prévoir que mes amis auraient lu avec déplaisir ce que j’ai toujours eu dessein d’écrire m’eût été amer… » Suivant André Chénier, l’art ne fait que des vers, le cœur seul est poète ; mais cette pensée si vraie ne le détournait pas, aux heures de calme et de paresse, d’amasser par des études exquises l’or et la soie qui devaient passer en ses vers. […] Mille ennuis, mille dégoûts l’y assaillirent ; seul, à vingt ans, sans amis, perdu au milieu d’une société aristocratique, il regrettait la France et les cœurs qu’il y avait laissés, et sa pauvreté honnête et indépendante47. […] Or j’ai soigneusement recherché dans ses œuvres les traces de ces premières et profondes souffrances ; je n’y ai trouvé d’abord que dix vers datés également de Londres, et du même temps que le morceau de prose ; puis, en regardant de plus près, l’idylle intitulée Liberté m’est revenue à la pensée, et j’ai compris que ce berger aux noirs cheveux épars, à l’œil farouche sous d’épais sourcils, qui traîne après lui, dans les âpres sentiers et aux bords des torrents pierreux, ses brebis maigres et affamées ; qui brise sa flûte, abhorre les chants, les danses et les sacrifices ; qui repousse la plainte du blond chevrier et maudit toute consolation, parce qu’il est esclave ; j’ai compris que ce berger-là n’était autre que la poétique et idéale personnification du souvenir de Londres, et de l’espèce de servitude qu’y avait subie André ; et je me suis demandé alors, tout en admirant du profond de mon cœur cette idylle énergique et sublime, s’il n’eût pas encore mieux valu que le poète se fût mis franchement en scène ; qu’il eût osé en vers ce qui ne l’avait pas effrayé dans sa prose naïve ; qu’il se fût montré à nous dans cette taverne enfumée, entouré de mangeurs et d’indifférents, accoudé sur sa table, et rêvant, — rêvant à la patrie absente, aux parents, aux amis, aux amantes, à ce qu’il y a de plus jeune et de plus frais dans les sentiments humains ; rêvant aux maux de la solitude, à l’aigreur qu’elle engendre, à l’abattement où elle nous prosterne, à toute cette haute métaphysique de la souffrance ; — pourquoi non ?  […] Il nous semble, en un mot, et pour revenir à l’objet de cet article, que la touche de Regnier, par exemple, ne serait point, en beaucoup de cas, inutile pour accompagner, encadrer et faire saillir certaines analyses de cœurs ou certains poèmes de sentiment, à la manière d’André Chénier.

1121. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Je vois bien que je n’avais vécu jusque-là que dans l’état d’innocence, et j’avais cru à tout le monde le cœur fait comme moi ; je me suis bien trompé, mais je ne saurais me repentir de l’avoir été pour n’avoir jugé de l’âme des hommes que par ce que je sentais. […] Je deviens de jour en jour philosophe, et, pourvu que j’aie le plaisir de vous retrouver et de vous décharger mon cœur, je ne compte pour rien tout le reste. […] Il avait le cœur haut, comme le lui disait La Fare, et, dans le talent, Le don d’imaginer avec facilité. […] Et continuant de parler d’elle : « C’est, ajoutait-il, comme une nuance de raison et d’agrément qui occupe les yeux et le cœur de ceux qui lui parlent ; on ne sait si on l’aime ou si on l’admire : il y a en elle de quoi faire une parfaite amie, il y a aussi de quoi vous mener plus loin que l’amitié. » Et l’éloge continue sur ce ton délicat. […] Ces lettres, pleines de sentiment, de grâce, de vive estime pour un mérite personnel si rare qu’outrageait la fortune, font honneur au cœur autant qu’à l’imagination de Chaulieu.

1122. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Fouquet, comme Retz, était d’ailleurs un personnage aimable, séduisant, doué de qualités brillantes et de ressources infinies ; d’un génie vaste, en prenant le mot vaste dans le sens de défaut, embrassant trop de choses à la fois, mais d’une âme élevée, d’un cœur libéral et généreux, aisément populaire. […] On disait que Fouquet était « le cœur le plus magnifique du royaume ». […] Nous savons presque par cœur ces lettres charmantes qui ouvrent le recueil de toutes celles de Mme de Sévigné, et où elle nous montre si vivement son enjouement d’esprit jusque dans les plus grandes angoisses de son cœur. […] La Fontaine devait bien ce soupir de cœur à Fouquet : c’était celui-ci qui avait en quelque sorte découvert le poète.

1123. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

) Ô vous qui me reprochez mon père, vous n’avez pas l’idée de son généreux cœur. […] Les qualités de ton excellent cœur, la force et la grandeur de ton âme me pénètrent du plus tendre amour. […] Évidemment il était le héros et l’espoir de sa famille, fils unique entre cinq sœurs, dont trois seulement étaient restées en France, et qui toutes, soit pour l’esprit, soit pour le cœur, l’adoraient et l’admiraient. […] Jamais une femme ne pleure que je n’aie le cœur serré. » Même dans ce procès de 1773, où il dénonce et désole une femme, il a pour le sexe en général de ces hommages qui viennent là on ne sait pourquoi ni comment : « Objet de mon culte en tout temps, ce sexe aimable est ici mon modèle ! […] Cet Être souverain daigne s’abaisser un jour jusqu’à lui et lui dit : Je suis Celui par qui tout est ; sans moi, tu n’existerais point ; je te douai d’un corps sain et robuste, j’y plaçai l’âme la plus active : tu sais avec quelle profusion je versai la sensibilité dans ton cœur, et la gaieté sur ton caractère ; mais, pénétré que je te vois du bonheur de penser, de sentir, tu serais aussi trop heureux si quelques chagrins ne balançaient pas cet état fortuné : ainsi tu vas être accablé sous des calamités sans nombre ; déchiré par mille ennemis, privé de ta liberté, de tes biens ; accusé de rapines, de faux… Et lui, se prosternant devant l’Être des êtres, répond en acceptant toute sa destinée : Être des êtres, je te dois tout, le bonheur d’exister, de penser et de sentir.

1124. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Est-il d’utilité publique que la nation française, dont la constitution est de base purement laïque, je le répète, se voue au cœur de Jésus et à la protection du Saint-Siège ?‌ […] Il faut vraiment toute la force, tout l’art de dissolvant du catholicisme pour parvenir à transformer ce centre rayonnant de la vie qu’est le cœur en un symbole aussi mesquin. […] Il montre un visage calme et bienveillant, mais son cœur est torturé de la soif du pouvoir, mordu du désir d’étreindre tous ces passants et de les pétrir à sa guise. […] Quels yeux et quels cœurs britanniques pourraient considérer sans un sentiment de légitime orgueil et d’espoir insondable cette nécropole des génies de sa race ? […] En face de cette clarté et de cet horizon, dominant Paris prodigieux et comme porté sur ses vagues, au lieu de ce bloc de pierre, symbole d’ignorance et de servitude, je demande quelque chose de semblable à ce que je viens de dire, quelque majestueux temple laïque où puisse s’étayer notre destin qui chancelle et que nous puissions contempler d’un cœur libre et d’un regard joyeux.

1125. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

La question, assurément, est délicate ; mais elle revient à celle-ci : Jusqu’à quel point l’enfant qui joue de tout son cœur et l’acteur tout à son rôle se trompent-ils eux-mêmes et perdent-ils la notion de leur vraie personnalité ? […] Ainsi s’expliquent les locutions bien connues : la voix de la raison, la voix du cœur, la voix du sang, la voix des passions ; chez nos tragiques, tout mobile est une voix ; ils disent : la voix de la nature, la voix de la fortune, la voix des bienfaits. […] Ainsi, dans la Bible, la prière d’Anne, la femme stérile, qui, « le cœur plein d’amertume », demande un fils à Dieu, scandalise tout d’abord le sacrificateur Héli : « Il observait le mouvement de ses lèvres ; elle parlait en son cœur ; elle ne faisait que remuer ses lèvres, et l’on n’entendait point sa voix. […] Vivre sous ta puissance, / C’eût été démentir mon nom et ma naissance, / Et ne point écouter le sang de mes parents, / Qui ne crie en mon cœur que la mort des tyrans. » 31. […] Légère inexactitude dans la citation où Racine a volontairement préféré l’impersonnel à un féminin : « Ton cœur impatient de revoir la Troyenne / Ne souffre qu’à regret qu’un autre t’entretienne » (et non « une autre »)/ Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux. »

1126. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Il y avait aussi ceux qui jugeaient avec le cœur. […] On ne flâne pas sur le Zocodover ou le Miradero en pressant sur son cœur une tête de mort. […] Mais ayant le cœur généreux et bon, il accorde à chacun les mêmes droits, selon la justice. […] je ne vous épiais pas : je venais prier auprès du grand-duc… Je vous ai bien aimé, mon cœur ! […] Romain Rolland est un merveilleux peintre de sentiments, un véritable poète du cœur.

1127. (1894) Critique de combat

Il est intelligent, et en lui l’esprit n’a pas tué le cœur. […] C’est le cœur qui vous mène, qui frémit, qui parle, qui agit en vous. […] Ils assiègent pour son compte la porte et le cœur de la rebelle. […] Son cœur se fond en pitié. […] Cet amour de la justice pour tous, ce désir passionné de progrès social pour la terre entière est devenu le cœur de son cœur.

1128. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Je rattache à cette double source les expressions comme : « cela ne dit rien à l’esprit ; — cela parle au cœur » ; et chez les poètes : Tout parle de sa gloire. […] ) Mon cœur s’en est plus dit que vous ne m’en direz. […] Mon cœur… M’en dira d’autant plus que vous m’en direz moins. […] Voir Cyon, Le cœur et le cerveau, dans la Revue scientifique du 22 novembre 1873. […] /Mon cœur s’en est dit plus que vous ne m’en direz ; /Il faut que j’aime enfin. » 22.

1129. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

L’Athmonien y va de tout cœur, et se suspend tout entier à la corde ; mais ils ne tirent pas tous avec un zèle égal. […] Sans la morale, tout ne serait-il pas contagion pour le cœur ? […] « Ce que je vous dis là ne sont point des chansons ; « Et vous devez du cœur dévorer ces leçons. […] « Le soin d’en amasser occupe tout le cœur, « Et quiconque s’y livre y trouve son bonheur. […] L’avarice endurcit le cœur ; Harpagon parlant à une intrigante qui, pour le flatter,

1130. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorchain, Auguste (1857-1930) »

sophiste éhonté, cœur fragile, âme lâche,                       Tu glisses, malheureux ! […] Et l’éblouissement de ses yeux a fait parler son cœur… Il a aimé, il a chanté.

1131. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 234-238

Ailleurs ce sont des obscénités présentées sans ménagement, ou plutôt avec une complaisance qui prouve un cœur corrompu, &, par une consequence assez légitime, un esprit obscurci par cette corruption même. […] Les Ecrivains du Christianisme, en répandant la clarté dans l’esprit, font sentir en même temps une chaleur qui échauffe & remplit le cœur ; dans Bayle, c’est une lueur froide qui éblouit un instant les yeux, & vous laisse ensuite dans l’obscurité.

1132. (1910) Rousseau contre Molière

L’horreur et le mépris qu’y nourrit cette même passion pour tous les vices qui l’ont irritée sert encore à les écarter du cœur qu’elle agite. […] Vous savez que je ne manque pas de cœur et que je sais me servir de mon épée quand il le faut. […] Cela est si vrai qu’au passage même où il proclame l’amour du beau moral comme éternel dans le cœur de l’homme (« l’amour du beau est un sentiment aussi naturel au cœur humain que l’amour de soi-même… », à ce passage même, il ajoute une note qui est celle-ci : « C’est du beau moral qu’il est ici question. […] Sa mécanique à elle est plus forte que la nôtre ; tous ses leviers, vont à ébranler le cœur humain. […] Il faut qu’elle apprenne à pénétrer leurs sentiments par leurs discours, par leurs actions, par leurs regards, par leurs gestes… Ils philosopheront mieux qu’elle sur le cœur humain ; mais elle lira mieux qu’eux dans le cœur des hommes.

1133. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Elles sont seulement voluptueuses de cœur, dans toute l’étendue de la tendresse de ce cœur. » « Oh le pauvre cœur de femme qu’un rien de l’être aimé, émeut, exalte, froisse !  […] Ce livre a laissé dans mon cœur une empreinte, qui a grandi en moi, comme l’entaille faite à l’écorce d’un arbre. C’est pourquoi je ne puis me décider, comme tant d’autres, à me marier sans mon cœur. » « Une femme qui n’a ni mari ni amant, ne peut écrire des romans. […] ” » Et sur l’un des derniers feuillets du carnet se trouve : Histoire de plusieurs cœurs de jeunes filles, que j’ai connues. […] C’est le contrecoup d’un divorce, qui empêche le fils des divorcés de faire un mariage, selon son cœur, et cela entremêlé de scènes entre le père et la mère très bien faites, et qui me semblent, hélas !

1134. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Soit qu’on dépense simplement, soit qu’on dissipe, le talent, au cœur même, s’en ressent. […] Eh bien, c’est le secret du cœur qui échappe en cela à la plume de l’écrivain ; il ne fait que traduire naïvement dans ses récits romanesques les vœux, les espérances, les illusions de plus d’un grand homme en herbe et de plus d’un millionnaire en fumée. […] La philosophie moderne a bien de la peine à ne pas oublier naturellement cette charité qui est le cœur du christianisme en son sens divin.

1135. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Poussée par cet amour qui enflamme le courage des lions, et non par celui qui habite d’ordinaire au cœur des jeunes vierges… Enfin, par charité, j’ai dû en prendre compassion. […] Je m’exerce à connaître le cœur féminin ; et, puisque je réussis si aisément en tout ce que j’entreprends, je m’élèverai à des entreprises plus hautes, sauf à alléguer pour excuse que septies in die cadit justus. » La fuite d’Annette et d’autres disgrâces accablent le vieux LISEO. […] Mon cœur s’élance au-devant de lui !

1136. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

D’un autre côté, peut-on penser que l’accent de madame Scarron dans l’expression de son chagrin, cet accent qui alla au cœur du roi, ne sortît du cœur de la gouvernante dont la douleur n’était pas toute pour la perte de l’enfant et s’était accrue de la douleur du père ? […] Madame Scarron tut sans folie concevoir l’espérance de loucher le cœur du monarque, et surtout en concevoir le désir ; et madame de Montespan dut ressentir, dans son âme altière, une secousse de jalousie qui ne pouvait manquer d’avoir des suites.

1137. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Pour te donner l’être, j’ai puisé dans mon flanc la vie la plus près de mon cœur, afin de t’avoir ensuite éternellement à mon côté. […] Si le chagrin ferme l’âme, la félicité la dilate : dans le premier cas, on n’a pas assez de déserts où cacher ses peines ; dans le second, pas assez de cœurs à qui raconter ses plaisirs. […] Si vous remontez de la douleur au plaisir, comme dans la scène d’Homère, vous serez plus touchant, plus mélancolique, parce que l’âme ne fait que rêver au passé et se repose dans le présent ; si vous descendez au contraire de la prospérité aux larmes, comme dans la peinture de Milton, vous serez plus triste, plus poignant, parce que le cœur s’arrête à peine dans le présent, et anticipe les maux qui le menacent.

1138. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

C’est mon ami Grimm ou ma Sophie qui m’ont apparu, et mon cœur a palpité, et la tendresse et la sérénité se sont répandues sur mon visage ; la joie me sort par les pores de la peau, le cœur s’est dilaté, les petits réservoirs sanguins ont oscillé, et la teinte imperceptible du fluide qui s’en est échappé, a versé de tous côtés l’incarnat et la vie. […] Si elle enflamme le visage, les yeux sont ardents ; si elle est extrême et qu’elle serre le cœur au lieu de le détendre, les yeux s’égarent, la pâleur se répand sur le front et sur les joues, les lèvres deviennent tremblantes et blanchâtres.

1139. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Joli comme une femme, lorgnant, souriant, mignard, faisant le petit bec, la bouche en cœur. […] Au récit d’une grande action notre âme s’embarrasse, notre cœur s’émeut, la voix nous manque, nos larmes coulent. […] Il faudrait pouvoir observer pendant toute la vie le jeu du cerveau, du cœur, du diaphragme, des entrailles, et avoir la vue assez subtile, assez perçante pour en appercevoir les oscillations les plus imperceptibles.

1140. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

C’est tout ce qui restait de l’antique foi chrétienne, de l’enthousiaste amour de Dieu, épousé par le cœur ardent du Moyen Age demeuré fidèle jusqu’au grand Adultère de la Renaissance, dont le XVIe siècle fut un des bâtards ! […] le fanatisme religieux, le charbon fumant d’une flamme d’amour, inextinguible encore, pour une religion enfoncée par le marteau de quinze siècles dans le cœur, les mœurs et les institutions politiques des peuples, et même de ceux-là qui s’étaient révoltés contre elle… Il ne faut pas s’y tromper ! […] Son talent, s’il en avait eu, aurait bénéficié du malheur auguste et mystérieux de la Cause de Dieu, perdue par les hommes, au XVIe siècle ; car c’est presque une loi de l’histoire, avec la mélancolie naturelle à l’âme humaine, que les causes perdues nous prennent plus fortement le cœur que les causes triomphantes et soient plus belles à raconter !

1141. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

Cette affreuse gaîté, qui est le sang qu’on jette contre le ciel, était retombée sur son cœur. […] Dans ce livre de vers qu’il a appelés Les Hirondelles, pour exprimer la fidélité au retour de la même pensée, il a été positivement le Voyant d’une patrie qui n’est plus, et, en pleine Allemagne du xixe  siècle, il a repris le chant, interrompu par plusieurs milliers d’années, des Hébreux exilés sur les bords des fleuves de Babylone ; seulement les exilés, à Babylone, avaient connu ce qu’ils chantaient et pressé sur leur cœur ce qu’on n’emporte point à la semelle de ses souliers ; tandis que lui, Wihl, l’exilé séculaire, à distance, dans le temps et dans l’espace, de cette patrie tuée et dont il n’a pas même vu le cadavre, a ajouté à la nostalgie fiévreuse de l’exil ce qui l’aurait diminuée s’il avait été moins poète : — l’envenimement de dix-huit siècles. […] Mais c’est que Byron n’était pas Hébreu, avec une passion d’Hébreu dans le cœur, comme Louis Wihl.

1142. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Le cœur ! […] Non, je ne donnerai pas mon cœur, pour être esclave. […] C’est que « le cœur corrompt ». […] Faudra-t-il que je te paye l’amende pour m’avoir volé mon cœur ? […] J’ai tant aimé l’azur qu’il a pénétré mon être et m’a fait un cœur de turquoise.

1143. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Ce cœur bouleversé et dévoré ne comprenait rien au calme de ses amis ; il leur demandait « si les corruptions et les scélératesses des hommes au pouvoir ne mangeaient pas leur chair et ne séchaient pas leur sang. » La résignation le révoltait. […] Esther Johnson, qui si longtemps avait eu tout le cœur de Swift, souffrait encore davantage. […] On rit, ou plutôt on ricane, le cœur serré, comme devant les extravagances d’un fou d’hôpital. […] L’homme fiévreux, après le labeur du soir et les angoisses de la nuit, aperçoit au matin la blancheur rayonnante du ciel qui s’ouvre ; il se déprend de lui-même, et de toutes parts la joie de la nature entre avec l’oubli dans son cœur. […] … » — Les dames mes amies, dont le tendre cœur — a mieux appris à jouer un rôle, —  reçoivent la nouvelle avec une grimace d’affligées : — « Le doyen est mort (pardon, quel est l’atout ?).

1144. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Il ricane à propos de la doctrine qui va employer sa vie et occuper tout son cœur. […] Il perce les montagnes de l’érudition paperassière, et pénètre dans le cœur des hommes. […] Au besoin, le cœur tient lieu de cerveau. […] Carlyle veut réduire le cœur de l’homme au sentiment anglais du devoir, et l’imagination de l’homme au sentiment anglais du respect. […] Au besoin, ils la violentaient quand ils voulaient vérifier par des textes les suggestions de leur propre cœur.

1145. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Baudelaire débute par une sorte de voyage au pays du cœur, selon l’expression de M.  […] Laurent-Pichat — un noble esprit qui écrit sous la dictée d’un grand cœur — a donné du talent de M.  […] celle-là, nous l’avions crue morte, et nous applaudissions du cœur et de la main à ce trépas inespéré. — Fou que nous étions ! […] L’élément humain a peut-être dans son livre une part plus large ; il s’adresse moins à l’intelligence, au cœur davantage. […] Nous cédons à l’élan primesautier de l’esprit, à la promptitude du cœur.

1146. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

C’est un diplomate et le réel lui tient à cœur. […] Avant-saison du cœur ! Le livre devait d’abord s’appeler Cœur vert. […] Indigence du cœur, dira-t-on ? […] Ce sont les quatre démons du cœur de Simon avec lesquels il joue aux quatre coins.

1147. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

1148. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [« Pages extraites d’un cahier de notes et anecdotes »] » pp. 439-440

Son cœur était bien usé. Et de tout temps les esprits de Benjamin Constant et de Mme de Staël s’étaient convenus bien mieux que leurs cœurs ; c’est par là qu’ils se reprenaient toujours… Benjamin Constant a laissé un roman qui fait suite à Adolphe : mais cela devient de plus en plus clairement son histoire.

1149. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mérat, Albert (1840-1909) »

Albert Mérat sait par cœur le Paris vivant, élégant, gracieux, élégiaque, amoureux, pittoresque ; si j’avais à lui adresser un reproche à propos de Paris, ce serait de n’en avoir pas assez vu le côté inouï, prodigieux et grandiose. […] En se promenant, sans autre compagne même que sa rêverie ou cette vague musique que les poètes écoutent en leur cœur, dans le bruit et le silence des choses, comme il regarde, comme il devine tout, comme tout l’intéresse, l’émeut des mille détails de la vie qui passe !

1150. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Nous nous aimions pour noire cœur et non pour nos talents. […] Il est dans le cœur.

1151. (1899) Arabesques pp. 1-223

Homais, le capitaine Fracasse et les Gouvernants ne possèdent-ils plus qu’un seul cœur : ce cœur bat dans leur coffre-fort. […] Et leur cœur bat à l’unisson du cœur de l’univers. […] Dans les cœurs où plus rien ne sait mettre à la voile. […] Il faut sentir battre son cœur selon le cœur de tous les opprimés. […] Charles Guérin : le Cœur solitaire.

1152. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Pour le dire en passant, c’est un exemple de la merveilleuse connaissance psychologique du cœur humain que possédait Homère. […] Vraiment, elle est vivante, et non seulement au cœur de l’Angleterre de Shakespeare, mais aussi au cœur de l’Italie de Dante. […] Vous le voyez avec le cœur, avant que les yeux aient assez d’espace pour contempler. […] Grandioses étaient les lumières de son midi au cœur de l’Été. […] Moi, la fille du Grand-Pin… Moi, une Micmac, montrer la peine que j’ai au cœur !

1153. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Faute de pouvoir forcer les convictions, il tâche à séduire les cœurs. […] Il tenait à cœur de se justifier de cette critique, et il avait raison. […] Mon cœur s’épanouit en voyant en vous un ami que la nature me donnait. […] Le cœur se gonfle, le caractère s’aigrit ; et l’on dit et l’on fait des folies. […] À moi il me navre le cœur. » — « Si vous voyiez M. de Sartine ?

1154. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Electre dans les fers aux cœurs donne la loi. […] Autrefois, sans effort, elle attirait les cœurs. […] Corneille éleve notre ame : Racine pénetre nos cœurs. […] Il porta sur la scene la métaphysique du cœur. […] Quinaut fut, avec Racine, le Poëte qui parla le mieux au cœur.

1155. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il est de très bonne santé, de tempérament calme, de travail facile et de cœur froid. […] Il est femme, de cœur, d’intelligence, de manière et de style. […] la robe, c’est plus difficile, et c’est ici que le cœur se gonfle. […] Tout homme de lettres a dans son cœur un Trissotin qui sommeille, ou tout au moins un Cydias qui germe. […] Mais le fond des idées est bien pauvre et le fond du cœur est bien froid.

1156. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Ainsi point de conclusion ; nous aimons notre métier de critique et de portraitiste, nous le continuerons selon l’occasion et le moment, suivant que le cœur et la fantaisie nous le diront, et en tâchant de ménager de notre mieux les convenances diverses. […] Qu’une page première du poëte d’Elvire soit venue nous rendre au hasard quelqu’une des douces plaintes connues : Lorsque seul avec toi, pensive et recueillie, etc., etc… ; Ramenez-moi, disais-je, au fortuné rivage, etc… ; que Victor Hugo ait proféré, à une heure brûlante, cet hymne attendri : Puisque j’ai mis ma lèvre à ta coupe encore pleine, etc… ; qu’Alfred de Musset lui-même, à travers son léger récit d’Emmeline, ait modulé à demi-voix : Si je vous le disais pourtant que je vous aime, etc., etc. ; ces notes vraies, tendres, profondes, nées du cœur et toutes chantantes, nous paraissent, aujourd’hui encore, autrement enviables que bien des mérites lentement acquis.

1157. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre IV. Le développement général de l’esprit est nécessaire pour bien écrire, avant toute préparation particulière »

Si on a été attentif à regarder en soi comme au dehors, si on a essayé de noter ses émotions, d’en saisir les causes, les effets, les nuances, les degrés, la communication ira se resserrant chaque jour entre la sensibilité et l’intelligence ; les émotions multiplieront les idées, l’esprit affinera le cœur, et la subtilité du jugement s’augmentera avec la délicatesse du sentiment. […] Il suffira de quelques conseils bien simples, bien évidents pour former le style ; quand l’esprit saisit bien, quand le cœur sent bien, quand on a échappé à la tyrannie paresseuse de la mémoire, on n’écrit jamais mal et l’on est tout près de bien écrire.

1158. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Archiloque, et Lycambe. » pp. 7-11

Jamais personne n’a plus ouvert son cœur à la haine & à la vengeance. […] On se vengea, par le fer, du poignard que ses iambes enfonçoient dans le cœur.

1159. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Épilogue »

Il eût été plus vrai de dire que quand tout le monde est ridicule, personne ne l’est… Or presque tout le monde actuellement a le ridicule de penser que l’homme et la femme ont la même tête, le même cœur, la même puissance et le même droit. […] L’Orgueil, ce vice des hommes, est descendu jusque dans le cœur de la femme, qui s’est mise debout pour montrer qu’elle nous atteignait et nous ne l’avons pas rassise à sa place, comme un enfant révolté qui mérite le fouet !

1160. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

C’est le véritable nom de ce gouvernement à deux têtes ou plutôt à deux cœurs, qui a traversé tant d’années de calamités sans se diviser, après quoi le ministre est mort de douleur de la mort du souverain, laissant pour toute fortune une tombe sacrée à celui qu’il a tant aimé. […] Il aurait dû réclamer légalement le nom de Brunacci, famille plus illustre de Sienne que la famille Consalvi à Rome ; il n’en fit rien par respect pour son père, et persuadé, dit-il, que la plus précieuse noblesse est celle du cœur et des actions. […] Il paraît que le Seigneur voulut éprouver ainsi la sensibilité peut-être trop ardente de mon cœur, ou plutôt je crois que, dans sa clémence, il chercha à punir mes nombreux péchés par ces deuils que mon caractère me rendait plus pénibles. […] « Peu après, mon cœur reçut encore un coup très sensible du même genre. […] que de sensations affluèrent alors à mon cœur, et en vinrent presque à le briser !

1161. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Il faut n’avoir lu sérieusement ni une page des annales des siècles, ni une page de son propre cœur, pour se complaire à ce songe doré de vieux enfants. La première ruine d’empire dont la terre est semée le confond, le premier tombeau rencontré sous les pieds le dissipe, la première déception de cœur ou d’esprit le fait fondre en larmes. […] « C’est ainsi, poursuit l’hymne sacré, que les sages, méditant dans leur cœur et dans leur entendement, ont expliqué le passage du néant à l’être ; mais Lui, Dieu, quelle autre source put-il avoir que lui-même ? […] Un des combattants, le héros Arjoùn, à l’aspect de ses parents, de ses amis, de ses compatriotes, qu’il faut frapper dans cette guerre civile, sent défaillir en lui son cœur, et préfère recevoir la mort au malheur de la donner. […] Plus je repasse dans mon esprit ce saint et merveilleux dialogue de Krisna et d’Arjoùn, plus mon cœur est dilaté par une joie surnaturelle.

1162. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Tout cœur (qu’on le note bien) ému de la nature, et tendrement disposé à la peindre, quelque choix, quelque discrétion qu’il y mette, est un peu brame en ce point. […] il tient la plume, la grâce céleste descend, la magie commence, la première beauté de cœur a brillé. […] Que de chocs dans la foule, qui vous renfoncent douloureusement ce talent ignoré qu’on tient contre son cœur ? […] D’autres pages touchantes du Voyage, et qui trahissent bien, dans sa sincérité première, ce talent de cœur tout à fait propre au nouvel écrivain, sont celles où il se reproche comme une faute essentielle de n’avoir pas noté dans son journal les noms des matelots tombés à la mer. […] Quiconque est sensible de cœur, quiconque est né voyageur par instinct ou poëte, lit un jour Bernardin et est initié par lui.

1163. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Je voulais lui donner mon cœur, une expression que j’avais entendue. […] Et en même temps, comme j’entendais sans cesse parler d’opérations, ainsi que de choses habituelles et ordinaires, je songeais sérieusement à prier mon père, de m’ôter le cœur. Et je voyais mon cœur apporté dans une bourriche, par un conducteur de diligence, à la plaque, à la casquette garnie de frisure de peluche, oui, je le voyais, mon cœur, posé sur le buffet de la salle à manger de ma petite femme. Et dans le don matériel de mon cœur, il n’y avait ni blessure, ni sang. […] Le plus jeune, dans le tour manqué, aurait les deux cuisses brisées, et le jour où il serait reconnu qu’il ne pourrait plus être clown, son frère abandonnerait le métier, pour ne pas lui crever le cœur.

1164. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Celle de l’amour avoit été manquée par Rotrou : Corneille l’employa heureusement dans le Cid ; mais c’est aussi presque la seule pièce dans laquelle il parle au cœur. […] Les défenseurs de l’amour peuvent encore alléguer la tragédie de Didon : il n’y a qu’un rôle dans cette pièce, ainsi que dans Ariane ; & ce rôle doit son pathétique au développement des effets terribles d’une passion dans le cœur d’une femme extrême en tout. […] Le Préjugé à la mode, la fausse Antipathie, & l’Ecole des amis, doivent faire estimer cet écrivain, que son esprit, ni les agrémens qu’il met partout, n’empêchent point de parler au cœur. […] Thalie, alternativement gaie & fondant en larmes, a tous les droits imaginables sur les cœurs. […] Il prétend que, s’ils consultent leur cœur à la fin d’une tragédie, ils tomberont d’accord de ce qu’il avance.

1165. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

La main sur le cœur, de tels vers méritent-ils autre chose que la gaîté de la critique ? […] L’exil a fasciné leur générosité naturelle, et leur esprit, le calme de leur esprit, a été perturbé par la chevalerie de leur cœur. […] Une Critique qui a du cœur souffre plus qu’on ne croit des morts qu’elle est tenue de constater ! […] Victor Hugo reprend-il son génie parce qu’il abandonne les idées auxquelles il l’avait donné à dévorer, comme Oreste son cœur aux serpents des Furies ? […] Hugo doit au monde moderne dont il veut être à toute force, au lieu de rester simplement et fièrement soi ; telles sont les éclatantes beautés qu’il doit aux opinions de son siècle, devenues les religions de son cœur et de sa pensée !

1166. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Par une lacune énorme d’éducation, de conscience et de cœur, au lieu de subordonner sa personne à l’Etat, il subordonne l’Etat à sa personne. […] Ce contraste d’une philosophie très cruelle et d’un cœur très humain me paraît charmant. […] C’était une femme fort intelligente  habile, et même adroite   ce n’était pas un petit esprit, ni un cœur bas. […] Dans les dernières pages de son livre, le prince excuse le meurtre du duc d’Enghien par la raison d’Etat, justifie la guerre d’Espagne, affirme que l’empereur n’a été que le propagateur désintéressé des idées de la Révolution, qu’il n’a jamais été ambitieux ni égoïste, et insinue que ce qu’il avait peut-être de plus remarquable, c’était la bonté de son cœur. […] Taine, non point avec mon cœur, mais avec mon imagination ; que d’ailleurs, après l’homme, l’œuvre resterait à juger, et qu’il faut donc attendre ; que, si les deux chapitres de M. 

1167. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Notre professeur, l’excellent abbé Duchesne, nous donnait des soins particuliers, à moi et à mon émule et ami de cœur, Guyomar, singulièrement doué pour ces études. […] On sentait qu’il avait un cœur et des sens, mais qu’un principe plus élevé les dominait, ou plutôt que le cœur et les sens se transformaient chez lui en quelque chose de supérieur. […] Le vieux père attribuait à une certaine faiblesse d’esprit ce qui était le résultat des ravages intimes de rêves impossibles en un cœur que l’amour avait percé de part en part. […] s’il l’avait évitée, s’il l’avait traitée durement, c’eût été pour elle un triomphe et la preuve qu’elle l’avait atteint au cœur ; mais cette politesse toujours la même, cette résolution de ne pas voir les signes les plus évidents d’amour, étaient quelque chose de terrible. […] Son aiguille allait, allait sans cesse, et elle filait des heures délicieuses plongée dans les songes de son cœur, croyant qu’elle et lui ne faisaient qu’un.

1168. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Elle aime, en son cœur, ce Tristan qui la conduit vers son nouveau royaume, et cependant elle devrait le haïr. […] Eh pardi eu, il ne voit pas que l’amour fait ravage au cœur du héros. […] Tristan porte la main à son front ; Iseult porte la main à son cœur. […] Les amants se parlent les yeux dans les yeux, cœur à cœur, presque lèvre à lèvre. […] Marne est un vieillard ; il conçoit de l’événement plus de douleur que de colère et sa surprise s’épanche d’autant mieux que nulle sensualité ne souille son cœur royal.

1169. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

mon cœur se brise ! » ensuite, à la fin de l’œuvre, lorsque s’arrêtant comme frappé au cœur d’un coup douloureux, il écoute et dit : Encore ? […] Et comme le cœur d’Orphée est douloureusement abîmé, lorsqu’il voit soudain Eurydice à nouveau perdue ! […] Et c’est l’oubli de soi-même, l’envahissement total du cœur par l’éblouissante Gloire. […] Belle joie, elle s’efface : « Car je suis un pécheur misérable ; agneau divin, pardonneur des péchés, vois mon cœur ; aie pitié, agneau divin !

1170. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Je le crois bien : elle sait son métier, madame la baronne d’Ange ; elle se défie de la boîte aux lettres comme d’une souricière à secrets, et, lorsqu’elle va en bonne fortune, elle déguise tout, son nom, son âge, son âme et son cœur, jusqu’à son écriture. […] Il lui offre son nom, son cœur, sa main qu’il vient d’ensanglanter pour elle. […] Cette Suzanne est un chef-d’œuvre de mécanique féminine : l’autopsie de la femme sans cœur n’avait jamais été plus brillamment pratiquée. […] Sur quoi, Jean Giraud, refermant sa caisse, lui ouvre son cœur. […] Sa petite cousine Mathilde l’aime, de toute la franchise de son petit coeur ; et, comme elle sait que son père n’acceptera jamais un gendre de mille écus, elle supplie René de faire bien vite sa fortune, en lui promettant d’attendre.

1171. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

      Mais de quelle mélancolie       Il frappe et saisit tous les cœurs, Lorsqu’attristant notre âme, et sombre, et recueillie, Au cercueil d’Henriette il invoque nos pleurs ! […] Ton intrépide cœur, étranger aux alarmes, Vient donc aussi d’apprendre à connoître l’effroi ! […] Elle devrait être écrite en caractères éclatants dans toutes les places publiques, aux portes des maisons, dans toutes nos chambres : mais elle devrait encore bien plus être gravée dans nos cœurs, et faire le continuel sujet de nos entretiens. […] Puisque vos cœurs sont attendris, et qu’une ardente charité en a fondu la glace et amolli la dureté, allons donc tous ensemble nous jeter aux pieds de l’Empereur : ou plutôt prions le Dieu de miséricorde de l’adoucir, en sorte qu’il nous accorde la grâce entière. » Ce discours eut son effet, et saint Chrysostome sauva la vie à Eutrope. […] Le tombeau du martyr, le rocher, la retraite, Où dans un long exil vieillit l’anachorète, Tout parle à notre cœur ; et toi, signe sacré, Des chrétiens et du monde à l’envi révéré, Croix modeste, quel est ton ineffable empire ?

1172. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Dozy comment il a pu se faire que le Cid, tel que vient de nous le montrer l’histoire, lui, l’exilé, qui vivait a augure, comme on disait, à l’aventure, au jour le jour, consultant le vol des corbeaux et des oiseaux de proie, oiseau de proie lui-même, « qui passa les plus célèbres années de sa vie au service des rois arabes de Saragosse ; lui qui ravagea de la manière la plus cruelle une province de sa patrie, qui viola et détruisit mainte église ; lui, l’aventurier, dont les soldats appartenaient en grande partie à la lie de la société musulmane, et qui combattait en vrai soudard, tantôt pour le Christ, tantôt pour Mahomet, uniquement occupé de la solde à gagner et du pillage à faire ; lui, cet homme sans foi ni loi, qui procura à Sanche de Castille la possession du royaume de Léon par une trahison infâme, qui trompait Alphonse, les rois arabes, tout le monde, qui manquait aux capitulations et aux serments les plus solennels ; lui qui brûlait ses prisonniers à petit feu ou les donnait à déchirer à ses dogues… », — comment il s’est fait qu’un tel démon ait pu devenir le thème chéri de l’imagination populaire, la fleur d’honneur, d’amour et de courtoisie, qu’elle s’est plu à cultiver depuis le xiie  siècle jusqu’à nos jours : — « un cœur de lion joint à un cœur d’agneau », comme elle l’a baptisé et défini avec autant d’orgueil que de tendresse ? […] Il ne s’était jamais vu dans une bataille, déjà le cœur lui en rompait. […] Venez-nous en aide pour l’amour de sainte Marie. » Il posa les mains sur sa belle barbe ; puis il prit ses filles dans ses bras, et les pressa sur son cœur, car il les aimait beaucoup. […] » On sent, à tous ces noms et surnoms redoublés, tantôt terribles et tantôt caressants, dont on le salue, combien il est cher aux siens, à ces cœurs castillans dont il est l’orgueil. […] Quelques-unes de ces romances sont d’un grand caractère : la première entre autres, dans laquelle on voit don Diègue, tristement inconsolable de l’outrage qu’il a reçu du comte et qui cette fois est bien un soufflet, trop vieux et trop débile pour en tirer vengeance par lui-même, et se demandant si l’un de ses fils est de force et de cœur à le suppléer.

1173. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Dans tous ces écrits, dans le texte, les préfaces, les moindres notes, dans tout ce qui sort de la plume de M. de Lescure, on sent l’âme, le cœur, la sève, un bouillonnement d’esprit et de noble ambition ; l’âge lui en retirera assez, et, loin de le blâmer de ce trop de vivacité et de ferveur, je suis tenté plutôt de lui appliquer le mot de Chateaubriand : « Laissons l’écume blanchir au frein du jeune coursier. » Aujourd’hui il a rencontré sur son chemin, dans le cours de son ardente recherche en tous sens, le Journal manuscrit de Mathieu Marais, et il nous le donne avec des suites de lettres de ce même avocat curieux et savant. […]  » L’honnête homme en Boileau ne l’attirait pas moins que l’esprit judicieux et le critique : « C’est un homme » ajoutait-il, « d’une innocence des premiers temps et d’une droiture de cœur admirable, doux et facile, et qu’un enfant tromperait. […] Il faut connaître tous les grands hommes, et celui-ci a le cœur si étendu et l’âme si tendre que par les sentiments il est au-dessus des lumières de l’esprit. — Adieu, madame, il fait toujours bon connaître ceux qui nous apprennent à aimer. » C’est dans une lettre à une amie qu’il a glissé cette pensée. […] Marais, lié de correspondance avec Bayle et porté vers lui par tous les sentiments d’estime et d’admiration, n’eut rien de plus à cœur que de le mettre en de bons rapports à distance avec Despréaux et d’obtenir du grand Aristarque quelque jugement favorable. […] » s’écriait Marais ; « je vous assure, madame (il parle à Mme de Mérigniac), qu’il n’y manquerait rien. » Et mêlant un cri de l’âme ces choses de l’esprit, il disait encore : « Que l’on est heureux, madame, d’avoir des amis officieux et qui trouvent dans leurs cœurs des ressources contre la tyrannie de la mort et ses oublis éternels ! 

1174. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

En prononçant ce cruel adieu, mon cœur est oppressé ; il me semble que j’aime plus que jamais le petit nombre d’amis que je laisse en France… » Il laissait des amis non seulement dans le civil, tels que celui à qui il écrivait, mais aussi dans le militaire, et de vraiment intimes : je ne citerai que le général Guilleminot. […] Mais parmi ceux qui étaient censés présider à la direction suprême, et au cœur de ce quartier général des Alliés en 1813, Jomini avait vu se dévoiler dans toute son étendue le spectacle des vanités, des intrigues et des chétives rivalités humaines. […] Qu’il aille en France, en Russie, qu’il entre au service des czars ou des rois, il reste Suisse au fond du cœur : la petite patrie, il ne l’abdique jamais au sein des empires, et au moment critique, à l’heure du péril, il se retrouve patriote suisse comme au premier jour, comme au jour du départ du pays natal, prêt à répondre à son appel et à le servir. Tout vrai Suisse a un ranz éternel au fond du cœur. […] Jomini se retrouvera Suisse encore et fidèle de cœur dans deux Épîtres adressées à ses compatriotes en 1822, à l’occasion de quelques phrases légères et malheureuses prononcées à la tribune française, où l’Opposition elle-même avait paru faire bon marché de l’indépendance de la Suisse et de sa considération en Europe.

1175. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

si l’on en excepte quelques amis inaltérables, la plupart de ceux qu’on se rappelle après dix années de révolution, consistent votre cœur, étouffent vos mouvements, en imposent à votre talent même, non par leur supériorité, mais par cette malveillance qui ne cause de la douleur qu’aux âmes douces, et ne fait souffrir que ceux qui ne la méritent pas. […] Les philosophes de tous les pays nous exhortent et nous encouragent ; et le langage pénétrant de la morale et de la connaissance intime du cœur humain, semble s’adresser personnellement à tous ceux qu’il console. […] Dans le calme, dans le bonheur, la vie est un travail facile ; mais on ne sait pas combien, dans l’infortune, de certaines pensées, de certains sentiments qui ont ébranlé votre cœur, font époque dans l’histoire de vos impressions solitaires. […] Alors que le criminel éprouve l’adversité, il ne peut se faire aucun bien à lui-même par ses propres réflexions ; tant qu’un vrai repentir ne le remet pas dans une disposition morale, tant qu’il conserve l’âpreté du crime, il souffre cruellement : mais aucune parole douce ne peut se faire entendre dans les abîmes de son cœur. […] Les ambitieux et les avides, tantôt cherchent à tourner en dérision la duperie de la conscience, tantôt s’efforcent de supposer d’indignes motifs à des actions généreuses : ils ne peuvent supporter que la morale subsiste encore ; ils la poursuivent dans le cœur où elle se réfugie.

1176. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Un chapitre d’introduction, où l’auteur explique sa doctrine littéraire ; puis neuf chapitres de description des diverses classes de la société : le mérite personnel, d’abord, parce qu’il n’a pas de place marquée dans la hiérarchie ; puis le monde proprement dit, étudié dans ses principaux éléments et occupations, les femmes avec le cœur et la conversation ; les classes maintenant, gens de finance, bourgeois et robins, courtisans et grands ; enfin l’État, les ministres et le roi. […] Fénelon y définit son idéal, qui est l’idéal de son tempérament : une éloquence naturelle, familière, insinuante, qui persuade par sentiment plus que par logique, qui aille du cœur au cœur, et soit faite surtout de ferveur et de tendresse. […] Toutes les variétés de sentiments, toutes les sortes d’esprit y sont : et quelle connaissance de l’homme et du monde, des ressorts par lesquels se manient les cœurs ! […] Il avait d’autant plus sur le cœur son humiliation, que sa fortune avait sombré dans cette affaire de quiétisme. […] Féodal, il est révolté — du moins au fond du cœur et dans le secret de ses écrits — contre l’absolue domination de Louis XIV.

1177. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Pour avoir dit que, si nul poète ne parlait plus haut à mon imagination, deux ou trois autres disaient peut-être des choses plus rares à ma pensée et à mon cœur. […] Mais cela prouve au moins qu’il y a dans la poésie de l’auteur des Quatre Vents de l’esprit une énorme part de fabrication quasi mécanique et automatique, quelque chose où ni le cœur, ni la pensée ne sont intéressés. […] De même, et ne me croyez pas pour cela un mauvais cœur, rien ne me réjouit comme ses listes de tyrans (on en ferait des volumes), et comme ses énumérations de crimes, de meurtres et d’atrocités. […] Cette poésie, que ma pensée et mon cœur ont parfois trouvée indigente, finit donc par apparaître, à qui sait lire, comme la plus opulente qui se puisse rêver. […] Et, pour ne parler que des poètes, quel plus grand cœur que Lamartine ?

1178. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Pour l’homme à qui manquerait tout à coup l’enseignement du passé, le plus pressant serait de retrouver sa raison et son cœur, et c’est là tout d’abord ce qu’il retrouverait dans le livre de génie. […] Bernardin de Saint-Pierre élève l’âme en faisant trouver la chasteté supérieure à l’amour ; il épure à la fois les sentiments du jeune cœur qui aime et les souvenirs de ceux qui ont passé l’âge d’aimer. […] C’était la différence d’un roman de fantaisie à un roman de cœur ; il prit peu à peu la première place, et il l’a gardée. […] » N’appartient-il qu’à la jeunesse de ressentir des troubles de cœur indéfinissables, d’avoir de ces rêveries où l’on est attentif aux moindres choses, au bruit de la feuille qui tombe, à l’oiseau qui traverse le ciel, à la fumée qui monte dans les arbres, au clocher qui s’élève au loin dans la vallée ? A quel âge cesse-t-on d’être « tourmenté et comme possédé par le démon de son cœur ? 

1179. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

On ajourne la réponse, et, en attendant, on se met à ouvrir son cœur. […] Je n’ai point assez de vanité pour douter que les femmes des grandes villes ne m’eussent dans peu d’instants chassée de votre cœur. […] L’ambition vous appelle et vous séduira… Objections éternelles, et que la raison d’une femme (pour peu qu’elle en ait) fait aisément à son cœur, mais que celui-ci toujours réfute ou étouffe non moins aisément ! […] Sophie, comme la plupart des femmes qui, encore innocentes et pures, ont donné leur cœur, voudrait en rester là ; elle voudrait concilier les garanties et les charmes de deux situations incompatibles. […] Les charmes de l’union des cœurs s’y joignent pour nous à ceux de l’innocence.

1180. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Heureux si, sans autre outil que sa pensée, il a fouillé assez avant pour faire saigner un cœur sous l’ æs triplex du magistrat ! […] — il faut qu’il se soit passé dans le cœur de cet homme-là quelque chose de bien monstrueux. […] Ne sentez-vous pas au fond du cœur que vous avez tout au moins perdu le sentiment moral et social de la mission de sang que vos prédécesseurs, les vieux parlementaires, accomplissaient avec une conscience si tranquille ? […] Au fond de ce doucereux verbiage, vous ne trouvez que dureté de cœur, cruauté, barbarie, envie de prouver son zèle, nécessité de gagner ses honoraires. […] Et dans ce cas, il n’a reçu ni éducation, ni instruction, ni soins pour son esprit, ni soins pour son cœur ; et alors de quel droit tuez-vous ce misérable orphelin ?

1181. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

C’est une conversation très agréablement sinueuse et qu’il serait difficile de résumer… Je vais vous signaler des vers charmants comme celui-ci : Ce qu’on n’a point au cœur l’a-t-on dans son esprit ? […] Des plus sauvages cœurs il flatte le désir. […] La louange est beaucoup, l’amour est plus encor : Quels plaisirs de compter les cœurs dont on dispose ! […] Il est bien temps d’ôter à mes yeux ta présence, Quand tu luis dans mon cœur ! […] — Non, reprit-il ; plût au Ciel vous avoir Servi mon cœur, et qu’il eût pris la place De ce faucon !

1182. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Il lui emprunte surtout, comme dans son ode célèbre au comte du Luc, ce qui est le plus passager et tient le moins au cœur de l’homme, les souvenirs mythologiques, l’enveloppe de la fiction, le manteau et non la voix du prophète. […] Mais c’est surtout par la croyance à l’âme immortelle et à l’avenir des méchants et des justes, que ce caractère du poëte se montre, soit dans les trop rares fragments de ses cantiques perdus, soit même dans les odes consacrées aux jeux athlétiques, où il ramène un sentiment, dont son cœur surabonde. […] Mais, son cœur resta dorien et monarchique, si cet anachronisme de langage est permis. […] C’est elle qui fait violence à la vérité, et sur des noms obscurs jette une gloire corrompue21. » Sa complaisance de cœur semble être pour l’île d’Égine, la conquête et l’auxiliaire d’Athènes, grande dans l’imagination poétique par le nom des Éacides, et mêlant, comme Athènes, la guerre, la marine et les arts. […] Mais aussi, c’est toi qui, lorsque la rébellion intraitable est lancée dans les cœurs, terrible, à ton tour, fais face au pouvoir des méchants et refoules la violence au fond de sa sentine !

1183. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

L’essentiel est que Louis XIV avait reçu de la nature un bon esprit et un grand cœur. […] Il faut l’entendre, avant tout, parler de la chose sur laquelle il a le plus droit d’être écouté, de celle qu’il a le mieux sue et qu’il avait le plus à cœur de posséder et de faire dignement, l’office et la fonction de la royauté ; soit qu’il songe à son fils dans ses instructions, soit que plus tard il s’adresse à son petit-fils partant pour régner en Espagne, il excelle à définir dans toutes ses parties ce personnage qu’il a su le mieux être, qu’il a été le plus naturellement et comme par une vocation spéciale, le personnage de souverain et de roi. il faut l’entendre encore dans cette Conversation devant Lille (qui se lit dans les Œuvres de Pellisson), parlant dans l’intimité, mais non sans quelque solennité selon sa noble habitude, de son amour pour la gloire, du sentiment généreux qui l’a poussé à s’exposer et à paraître à la tranchée et à l’attaque comme un simple mortel, comme un soldat : « Il n’y a point de roi, pour peu qu’il ait le cœur bien fait, disait-il, qui voie tant de braves gens faire litière de leur vie pour son service, et qui puisse demeurer les bras croisés. » On retrouve là à l’avance, dans la bouche du monarque, quelques-unes des belles pensées de Vauvenargues sur la gloire, avec un peu plus d’emphase, mais non moins de sincérité. […] A prendre le chemin qui semblait le plus court, « il ne fallait pas moins que déclarer la guerre à l’Espagne et passer sur le ventre de toutes les places fortes que cette couronne possédait aux Pays-Bas » ; ce qui ne faisait pas le compte de Louis XIV, au moins au début de la guerre, car il voulait, avant tout, porter la blessure au cœur de la Hollande. […] Mais c’est assez ; mieux vaut en rester sur une impression qui est un témoignage de la vraie grandeur du cœur.

1184. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Il ressentit vivement et profondément ce que la France éprouva à cette heure de gloire indicible et d’infortuné ; il l’exprima sous toutes les formes, promptes, aisées, touchantes, saisissantes, qui parlaient aux yeux et allaient au cœur de tous. […] Je n’ai pas eu besoin d’y trouver, pour m’en souvenir, le Chien du régiment, le Cheval du trompette, ce qui était à toutes les vitres et ce qu’on sait par cœur. Pourquoi la France entière sut-elle par cœur du premier jour l’élégie de Millevoye, le Jeune Malade ? […] Thiers ; je ne vois pas qu’il y ait grande comparaison à établir entre eux, sinon en ce qu’ils ont tous deux traité des mêmes époques avec une âme et une intelligence bien françaises, un coeur national, et aussi avec clarté et netteté. […] Horace Vernet, en se trompant de gaieté de cœur et en confondant les deux France, a fait son groupe d’autant plus intéressant et bien pittoresque.

1185. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

. — La reine, en ces commencements du règne, prise à partie par son frère Joseph qui ne demandait qu’à la conseiller, et questionnée par lui sur les qualités et défauts de son époux, lui répondait (27 juin 1774) : « Vous voulez, pour m’en dire davantage, que j’entre dans des détails particuliers et confidentiels, et à cœur ouvert, sur le caractère du roi : c’est quelque chose de bien délicat à écrire. […] Feuillet de Conches, Joseph II écrivait à Louis XVI avec une véritable cordialité et de l’effusion : « Vous savez que je ne suis pas un diseur de belles phrases ; mais ce n’en sont certainement point, si je vous assure que je vous aime de tout mon cœur et que mon estime et amitié la plus sincère vous sont vouées pour la vie. […] C’est odieux et révoltant ; plaignez-moi, ma bonne sœur, je ne méritais pas cette injure, moi qui ai cherché à faire tant de bien à tout ce qui m’entoure, et qui ne me suis souvenue que j’étais fille de Marie-Thérèse que pour me montrer toujours ce qu’elle m’avait recommandé en m’embrassant à mon départ, Française jusqu’au fond du cœur ! […] depuis qu’il fut sorti des ministres de son choix et selon son cœur, des Turgot, des Malesherbes, sa faiblesse le fit presque toujours double. […] La femme de cœur, voilà ce qu’il faut à jamais admirer en Marie-Antoinette, non la femme politique.

1186. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Là où nous rencontrons un contemporain imprévu qui, pour être tout à fait du peuple, n’en est que plus poëte selon son cœur, et selon notre propre génie français, ne disons pas : C’est différent ; sachons le reconnaître sans pruderie et l’honorer. […] Obligé à un état manuel, et bien qu’il n’en rougisse point, Reboul ne s’en glorifie pas non plus et ne s’y complaît pas ; religieux de cœur, il accepte ce lot comme une part de la tâche imposée par le Maître. […] lui avait été au cœur, et il y avait cru. […] La blancheur du lait s’étend sur son visage ; un froid pesant comme le plomb, tombant, à la voix de l’enfant, sur son cœur bientôt sans battements, suspend assez longtemps sa vie, et la voilà pareille, près du petit qui pleure, à une vierge de cire habillée en bergère49. » Jeanne, la diseuse de bonne aventure, survient ; mais Marguerite, qui veut s’assurer de son malheur, dissimule ; elle a l’air d’attendre encore Baptiste. […] La cérémonie commence, l’anneau est béni, et Baptiste le tient ; mais, avant de le mettre au doigt qui l’attend, il faut qu’il prononce une parole… Elle est dite ; aussitôt, du côté du garçon d’honneur, une voix s’élève ; Marguerite, qui peut-être au fond de son cœur doutait encore, a crié : « C’est lui ! 

1187. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Au fond, le rêve endormi dans quelque repli secret du coeur, chez moi-même et chez beaucoup d’autres, notre rêve inavoué, désavoué même souvent par nos habitudes et notre allure, c’est le rêve de don Juan. […] Elle revient pourtant, elle revient le cœur gros de chagrin et de reproches. […] Le sentiment du ridicule est un excellent contrepoids à la passion, l’empêche d’envahir le cœur tout entier. Puis, comme le choix est grand dans tout cet étalage, une partie au moins de l’esprit et du cœur reste disponible, prête aux aventures qui peuvent se présenter. […] … La Providence est une divinité maladroite, qui ne fait rien pour raffermir son culte toujours chancelant, mal assis dans le cœur de l’homme ; elle vous reprend d’une main (elle doit avoir des mains puisqu’on lui prête un doigt) ce qu’elle, vous a donné de l’autre, de sorte que l’observateur attentif finit par s’apercevoir qu’il n’y a rien, dans ces alternatives de générosité et de rigueur, qui différencie clairement son action de celle du hasard au passe dix ou à la roulette.

1188. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Bref, aveugle et à soixante-huit ans, elle trouva à placer son cœur, et cette fois (pour la rareté du cas) elle le plaça sur un Anglais, homme recherché, répandu, qui n’avait pas cinquante ans, dont elle aurait pu être la mère, qui devait passer sa vie loin d’elle, et qu’elle embarrassait fort par ses vivacités de tendresse. […] Enfin, si l’on pardonne à Mme de Sévigné d’avoir aimé follement sa fille, on pardonnera à Mme Du Deffand d’avoir eu pour Walpole cette passion qu’on ne sait comment qualifier, qui lui était entrée par l’esprit dans le cœur, mais qui était fervente, élevée et pure. […] En écrivant ainsi, il ne se doutait pas encore que celle qu’il appelait une débauchée d’esprit allait se prendre pour lui d’une véritable passion d’esprit, et que cette passion chez elle deviendrait une passion de cœur, la seule peut-être qu’elle ait eue, et qui dura quinze ans, aussi vive le dernier jour que le premier. […] Dans quelques livres qu’on sait par cœur, et qu’on n’imite pas assurément dans le temps présent. […] Mais la clef profonde de ce cœur est dans son sentiment pour Walpole.

1189. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Et élevant de plus en plus sa pensée et son cœur, réduisant sa propre souffrance à ce qu’elle est dans l’immense sein de la nature, s’y voyant non plus seulement soi, mais des royaumes entiers, comme un simple point dans l’infini, il ajoute en des termes qui rappellent d’avance Pascal, et dont celui-ci n’a pas dédaigné d’emprunter le calque et le trait : Mais qui se représente comme dans un tableau cette grande image de notre mère nature en son entière majesté : qui lit en son visage une si générale et constante variété ; qui se remarque là-dedans, et non soi, mais tout un royaume, comme un trait d’une pointe très délicate, celui-là seul estime les choses selon leur juste grandeur. […] Notre philosophe dit quelque part (livre II, chapitre xvii) qu’il connaît bien assez d’hommes qui ont diverses parties très belles : l’un, l’esprit ; l’autre, le cœur ; l’autre, l’adresse ; tel la conscience, tel autre la science, plus d’un le langage ; enfin chacun a sa partie : « Mais de grand homme en général, et ayant tant de belles pièces ensemble, ou une en tel degré d’excellence, qu’on le doive admirer ou le comparer à ceux que nous honorons du temps passé, ma fortune ne m’en a fait voir nul… » Il fait bien ensuite une exception pour son ami Étienne de La Boétie, mais c’est là un de ces grands hommes morts en herbe et en promesse, et sans avoir eu le temps de donner. […] que vous en semble du nôtre où nous avons tant de personnages évidemment distingués comme du temps de Montaigne, l’un par l’esprit, l’autre par le cœur, un troisième par l’adresse, quelques-uns (chose plus rare) par la conscience, une quantité par la science ou par le langage ? […] En entrant en charge, Montaigne a bien soin de prévenir Messieurs de Bordeaux pour qu’ils ne s’attendent pas à trouver en lui plus qu’il n’y a en effet ; il s’expose à eux sans apprêt : « Je me déchiffrai fidèlement et consciencieusement, dit-il, tout tel que je me sens être ; sans mémoire, sans vigilance, sans expérience et sans vigueur ; sans haine aussi, sans ambition, sans avarice et sans violence. » Il serait bien fâché, tout en prenant en main les affaires de la ville, de les prendre si à cœur qu’il l’a vu faire autrefois à son digne père, lequel y perdit à la fin sa tranquillité et sa santé. […] Pourtant, sa bonté de cœur l’emportant encore sur sa fierté et sur son mépris : « Mais ceci me déplaît, ajoute-t-il douloureusement, de voir des natures débonnaires et capables de justice se corrompre tous les jours au maniement et commandement de cette confusion… Nous avions assez d’âmes mal nées, sans gâter les bonnes et généreuses. » Pour lui, dans ce malheur, il cherche plutôt une occasion et un motif de se fortifier et de se retremper.

1190. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Dans cette Revue de Paris, Mme Émile de Girardin insérait l’autre jour sur La Nuit des vers tout de cœur, et qui ont le mérite d’être vrais. […] Tout en restant dans les conditions de sa belle nature, ce qu’on peut souhaiter à M. de Laprade, c’est qu’il fasse intervenir plus distinctement dans ses compositions la personne humaine : Regarde dans ton cœur, c’est là que sont les dieux, a-t-il dit lui-même, et il n’a qu’à suivre son précepte. […] Homme, si, le cœur plein de joie ou d’amertume, Tu passais, vers midi, dans les champs radieux, Fuis ! […] ce soleil te parle en lumières sublimes ; Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ; Et retourne à pas lents vers les cités infimes, Le cœur trempé sept fois dans le néant divin ! […] Puis, en souvenir d’elle Et de nos jours si doux sous l’aile maternelle, Avant de m’éloigner du jardin, je cueillis Les fleurs de mes amours, — une pervenche, un lis ; Du rosier couronné ployant la haute branche, J’y cueillis une rose, et c’était la plus blanche ; Et quand j’eus fait ainsi le bouquet de ma sœur, Je le baisai trois fois et le mis sur mon cœur.

1191. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Je veux espérer, madame, qu’il se réveillera dans les cœurs, et que notre nation, qui s’est acquis tant d’estime autrefois, reprendra à l’avenir sa première fierté, et qu’elle se ressouviendra qu’elle doit être vertueuse pour plaire au roi qui la commande. […] Mme des Ursins ne laisse pas tomber ce mot : « On dit pourtant, remarque-t-elle, que c’est plutôt le peuple qui en a été irrité, que la plupart des seigneurs. » On conçoit par une telle disposition de cœur combien, dans de si périlleuses conjonctures, Mme des Ursins dut être utile alors à Madrid pour y soutenir et y fortifier les résolutions royales ; car ce fut là l’honneur de cette maison de Bourbon à son avènement en Espagne, ce fut son vrai sacre, pour ainsi dire, de ne jamais désespérer au plus fort de la crise, de sentir la main de Louis XIV prête à se retirer et presque à se retourner contre elle, sans se laisser abattre : « Le roi est tout occupé du soin de se défendre seul, au cas que le roi, son grand-père, lui retire les secours dont il l’a assisté », écrivait Mme des Ursins. […] Certainement on ne peut la trouver dans le cœur humain ; car qui était plus sûr que moi du cœur du roi d’Espagne ? […] J’aime les femmes modestes, sobres, gaies, capables de sérieux et de badinage, polies, railleuses d’une raillerie qui enferme une louange, dont le cœur soit bon et la conversation éveillée, et assez simples pour m’avouer qu’elles se sont reconnues à ce portrait que j’ai fait sans dessein, mais que je trouve très juste.

1192. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Dans un des exercices publics qui avaient lieu dans la grande salle du collège, voyant entrer M. de La Visclède, secrétaire perpétuel de l’Académie de Marseille, et bien que l’auditoire fût en partie composé des plus jolies femmes de la ville : « Je ne voyais, dit-il, que M. de La Visclède, et mon cœur palpitait en le voyant. » Tel était Barthélemy à quinze ans : âme modérée, affectueuse et fine, esprit vif, curieux, délié, avide de savoir, ne mettant rien au-dessus des belles et nobles études qui se cultivent paisiblement à l’ombre des académies et des musées, on aurait dit que quelque chose de la pénétration et de la douceur des anciens Grecs, de ces premiers colons et civilisateurs de la contrée phocéenne, avait passé jusqu’à lui, et qu’il avait assez goûté de leur miel pour ne plus vouloir s’en sevrer jamais. […] Il y avait en M. de Choiseul de la grandeur et de la magnificence dans le bienfait, avec un fonds rare de délicatesse ; il allait au-devant du cœur de l’obligé. […] Mais observez qu’il ne plaît en effet qu’en prenant la teinture du sentiment, et qu’il reste toujours à savoir si ses grâces séduisantes ne sont pas le fruit de l’usage du monde ou de l’hypocrisie du cœur. […] Quand elle a eu le temps de s’insinuer dans les cœurs, quand les épreuves n’ont servi qu’à la rendre plus agissante, c’est alors que le choix est fait, c’est alors que l’on commence à vivre dans un autre soi-même. […] Les détails où il faut entrer sans cesse, et qui recommencent chaque jour, ne le lassent point ; loin d’être jamais un ennui, ils lui paraissent une source de plaisirs : Consacrons à l’amitié, dit-il, les moments dont les autres devoirs nous permettent de disposer ; moments délicieux qui arrivent si lentement et qui s’écoulent si vite, où tout ce qu’on dit est sincère, et tout ce qu’on promet est durable ; moments où les cœurs à découvert et libres de contrainte savent donner tant d’importance aux plus petites choses, et se confient sans peine des secrets qui resserrent leurs liens ; moments enfin où le silence même prouve que les âmes peuvent être heureuses par la seule présence l’une de l’autre ; car ce silence n’opère ni le dégoût ni l’ennui.

1193. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Elle continua d’acquérir tant qu’elle vécut ; elle protégea de tout son cœur et de tout son crédit les savants et les hommes de lettres de tout ordre et de tout genre, profitant d’eux et de leur commerce pour son propre usage, femme à tenir tête à Marot dans le jeu des vers comme à répondre à Érasme sur les plus nobles études. […] Il y eut de son temps un immense mouvement dans l’esprit humain, une cause proprement littéraire et libérale, qui passionna les esprits et les cœurs, comme fit plus tard la politique. […] Et quelques mois après, marquant avec orgueil le jour de Marignani, elle écrit dans le transport de son cœur : Le 13 de septembre, qui fut jeudi, 1515, mon fils vainquit et défit les Suisses auprès de Milan ; et commença le combat à cinq heures après midi, et dura toute la nuit, et le lendemain jusques à onze heures avant midi ; et, ce jour propre, je partis d’Amboise pour aller à pied à Notre-Dame-de-Fontaines, lui recommander ce que j’aime plus que moi-même, c’est mon fils, glorieux et triomphant César, subjugateur des Helvétiens. […] Elle réussit peu dans sa mission d’Espagne : là où elle cherche à émouvoir des cœurs généreux et à faire vibrer une fibre d’honneur, elle ne rencontre que dissimulation et politique. […] Montaigne relève ce propos et se demande à quoi pouvait servir, en un tel moment, cette idée de protection et de faveur divine : « Ce n’est pas par cette preuve seulement, ajoute-t-il, qu’on pourrait vérifier que les femmes ne sont guère propres à traiter les matières de la théologie. » Aussi n’était-ce pas une théologienne que Marguerite : c’était une personne de piété réelle et de cœur, de science et d’humanité, et qui mêlait à une vie grave un heureux enjouement d’humeur, faisant de tout cela un ensemble très sincère et qui nous étonne un peu aujourd’hui.

1194. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

De la même manière, quand quelque partie d’un animal, comme le cœur d’un vertébré, a des fonctions consistant en de tels mouvements rythmiques, la transmission de sensations agréables ou pénibles au cerveau cesse d’être utile et finit par disparaître faute d’exercice. « L’affaire du cœur, dit avec raison Grant Allen, est simplement de battre, et il est enfermé dans le corps, à l’abri de tout dommage. Tant qu’il bat, il fait bien son œuvre ; mais, quand il commence à être malade ou désintégré, l’animal ne peut, par aucun mouvement volontaire, rien faire pour le réparer. » Le cœur et les portions automatiques du corps, considérées en général, requièrent donc un système presque exclusivement moteur ; les muscles et les organes des sens, au contraire, ont encore besoin d’un système sensitif plus ou moins centralisé, de manière à produire le plaisir et la peine. […] Un requin est ouvert, on enlève son cœur et ses viscères, et pendant plusieurs heures l’animal privé de cœur, de sang et d’entrailles, se débat, essaie de mordre, témoigne d’une force prodigieuse.

1195. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Comme toute femme qui a fait des observations sur son propre cœur, elle a écrit un roman, intitulé Nelida (on aimerait mieux qu’elle l’eût gardé dans son âme) ; puis des lettres politiques si pleines des erreurs du temps où elle les publia, qu’elle n’a pas osé les rééditer, tant les événements qui se sont produits depuis 1849 l’auraient confondue ! […] Ce sont des pensées, des réflexions et des maximes sur la condition humaine, l’homme, la femme, la vie morale, le cœur, l’esprit, l’éducation, le temps présent, les arts et les lettres, l’aristocratie, la bourgeoisie, le peuple et la religion des contemporains. […] » ne s’apercevant pas qu’Héloïse précisément fait la réponse contraire ; que jamais cet atroce bas-bleu anticipé à qui la science avait châtré le cœur, tout en lui corrompant la tête, n’avait aimé son misérable Abeilard. […] Les commencements, c’est le plus beau, en tout ; mais particulièrement en républiques, lesquelles d’ordinaire commencent en belles femmes, un peu affolées, mais finissent toujours en queue de poisson, et de poisson vitement pourri, à faire mal au cœur aux républicains les plus solides ! […] Aucune de ces trois choses qui font la femme tout entière, aucun de ces trois rayons qui composent cette jolie petite foudre qu’on appelle une femme, et qui peut tomber sur nos cœurs, n’est en Mme Stern.

1196. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Il fit de Louis XIV un roi de tapisserie, magnifiquement extérieur et superficiel, mais, sous la casaque bien portée, il ne mit qu’un despote vulgaire, un être médiocre, d’esprit et de cœur. […] L’orgueil souffrant de celui-ci, de cet esprit qui sentait sa puissance, mais qui, comme tant d’esprits, se méprenait sur elle, a cherché à voiler cette blessure, mais il l’avait au fond du cœur, et elle saigne partout dans ses Mémoires. […] Jamais dans les annales de l’histoire et dans celles bien plus variées du cœur humain, on n’avait vu deux êtres si bien faits pour s’appartenir. […] « Elle sentait et pensait en petit. » La première misère de sa vie — cette sainte misère qui nous lave le cœur avec nos larmes et qui nous le parfume pour toujours lorsque nous l’avons respirée ! — la première misère de sa vie, ose-t-il dire, l’avait avilie dans son cœur et dans son esprit.

1197. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il était de la race la plus distinguée des esprits, capable d’abstraction toute-puissante, avec la passion à côté, l’enthousiasme, toutes les grâces naïves et les noblesses de cœur qui font à un homme la plus belle aristocratie, et, malgré tout cela, c’est pourtant l’écrivain que, dans le silence dont nous nous plaignions pour lui au commencement de ce chapitre, un critique d’un talent aigu, mais épointé, ce jour-là, par le préjugé philosophique, n’a pas craint d’appeler « un marguillier ». […] Or la personnalité se déploie en pénétrant dans le mérite, et le cœur se divinise en pénétrant dans l’amour. […] On restera dans cette lumière tonifiante, non pas seulement pour l’esprit, mais pour le cœur. […] Dans ce sujet d’un livre qui prêtait le plus à la lâche sentimentalité des hommes, on ne trouvera, pour mettre autour de son cœur navré par l’éternelle douleur de la vie, que des choses d’une vigueur sublime… Saint-Bonnet, l’auteur de la Chute, — de ce livre dont nous n’avons, hélas ! […] Il explique aussi l’amour, et le sacrifice, et la prière, et le renoncement toujours et nécessairement inspirés par l’amour, — cet amour dont la douleur, « l’auxiliaire de la création depuis le malheur de la chute », est « le levier » dans le cœur de l’homme, — et tout ce mysticisme d’accent qui semble couronner le livre d’une auréole de sainteté (surnaturel à part) ne le rend pas plus vrai, mais plus éloquent, plus touchant, plus pénétrant, plus chaud aux âmes et plus maître d’elles, si, dans ce triste temps, il y en avait !

1198. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Ce rude et joyeux jaugeur, au bonnet bleu et à la branche de houx, ce chanteur de chansons, le soir, dans les granges, ce joueur de violon et de cornemuse — qui ne l’est pas qu’en vers — et qui faisait réellement danser dans leurs sabots les meunières et les batelières de l’Écosse, a toujours vécu sur le cœur de son pays, et il y a trouvé sa force et sa gloire. […] Brizeux, que les gens de Paris ont cru exclusivement Breton, parce qu’ils ne l’étaient pas, et que les Bretons ont aimé, parce qu’il n’était pas devenu tout à fait Parisien à Paris, Brizeux, qui avait le bonheur d’avoir une langue complète et magnifique, dans laquelle il eût pu être Breton tout à son aise et chanter la Bretagne, et qui a mieux aimé nous la dire, la Bretagne, en vers français, n’était pas, selon moi, assez profondément de son pays ; je ne dis pas de cœur, mais de génie. […] Ce n’est pas même là le Brizeux auquel on s’attendait ; Brizeux le Brisé, brisé de cœur, de voix, de rythme, de talent aussi, car son talent éclate parfois tout à coup et se brise dans une fêlure. […] Les fils de ceux qui burent leur sang au combat des Trente ont assez de cœur pourtant pour ressentir ces fières nostalgies, si les vers de Brizeux étaient capables de les donner ; mais la Bretagne peut être tranquille sur le compte de ses enfants. […] Il s’agit de cœur !

1199. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Le cœur de l’homme est ainsi pétri que toute condamnation l’exalte et fait lever dans son âme le génie aveugle et violent de la contradiction, qui dort en nous et qui est si promptement debout ! […] Il me fait, lui le Villonesque et le Rabelaisien, l’effet d’avoir ce que n’avaient ni Villon, ce polisson auquel ce diable de Louis XI, si bon diable, épargna la corde, ni Rabelais, cet impitoyable génie du rire à outrance, qui aurait eu tout, s’il avait eu du cœur ! […] L’Idée de Dieu ne passe pas une seule fois dans le cœur ou dans la pensée de ces vagabonds et de ces mendiants dont il est le rhapsode, — dont il chante les Odyssées et les Idylles sur ce noir violon de ménétrier, brûlant et sinistre, qui vous émeut tant, et qui met jusque dans les airs de l’amour toutes les férocités de la vengeance contre la misère de la vie. […] On a prétendu que ces bouillonnements tumultueux, embrasés et terribles, étaient sortis, non du volcan du cœur ou de l’esprit d’un homme, mais, le croira-t-on ? […] Ils avaient, si on s’en souvient, appliqué déjà cette méthode de trahison à un autre poète, Rollinat, l’auteur des Névroses, acclamé par eux dans la surprise d’un talent plein de nouveauté, puis bientôt bafoué et traité de saltimbanque par cette envie qui se trouve toujours embusquée dans un repli du joli cœur de l’homme, et qui se repentait d’avoir applaudi !

1200. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Henri IV, au contraire, en accordant franchement et trêve et prolongation de trêve, tandis que Mayenne refusait d’en profiter pour traiter de la paix, se gagna les cœurs et les villes de son royaume ; il y eut en trois mois plus de conversions à sa cause qu’on n’en eût pu espérer autrement en des années. […] Il y a dans le président pendant la Ligue deux hommes en quelque sorte : d’une part, le conseiller politique, l’homme sage et patriote qui cherche le salut général et la pacification de l’État ; et de l’autre il y a l’ami, l’intime du duc de Mayenne, « celui qui connaît le mieux l’intérieur de son cœur ». […] Pourquoi ne pas supposer que ces hommes sages et, ce me semblea, exempts de passion, avaient à cœur en effet de maintenir en France la religion de nos pères, et qu’ils estimaient le rétablissement en question un contrepoids utile à cette confédération formée et à cette petite république protestante qui subsistait au sein de l’État ? […] Le président Jeannin, vieux et malade, toujours généreux et plein de cœur, courait aux négociations, à ce champ de bataille pacifique qui était le sien, comme le guerrier va au feu, comme César courait à ses légions, malgré les vents et les flots et en méprisant les tempêtes.

1201. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

J’aurais eu regret cependant que l’auteur eût complètement supprimé dans le volume offert à notre public deux ou trois morceaux. « La crise de la foi » est un beau chapitre intérieur, et qui rappelle, à quelques égards, le touchant monologue de Jouffroy au moment où il s’aperçut que la foi première sur laquelle il s’appuyait s’était écroulée dans son cœur. […] Scherer, de dire tout ce qu’il y a d’agitation dans notre cœur lorsque nous commençons à reconnaître que notre Église et notre système n’ont pas le monopole du bien et du vrai, lorsque nous rencontrons des hommes également éminents et sincères qui professent les opinions les plus opposées…, lorsque nous découvrons qu’il n’y a point d’erreur qui n’ait un mélange de vérité, point de vérité qui ne soit partielle, étroite, incomplète, entachée d’erreur, lorsque ainsi le relatif nous apparaît comme la forme de l’absolu sur la terre, l’absolu comme un but éternellement poursuivi mais éternellement inaccessible, et la vérité comme un miroir brisé en mille fragments qui tous réfléchissent le ciel et dont aucun ne le réfléchit tout entier. […] Au lieu de cela, placez-vous à la frontière, dans un pays encore français, n’ayez nulle chance de rencontrer dans un salon le soir l’écrivain que vous avez jugé le matind, de le rencontrer, lui ou l’un de ses amis intimes, de ses proches par le sang ou par le cœur, et vous pouvez avec convenance en parler comme d’un ancien, comme d’un mort, sans embarrasser votre pensée dans toutes sortes de circonlocutions, en appelant faux ce qui est faux, puéril ce qui est puéril, en entrant dans le vif de la pensée à tout coup. […] En ce sens, il est vrai de dire que de Maistre, le plus catholique des esprits, paraît le moins chrétien des cœurs.

1202. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

L’action de l’espérance embellit tellement tous les caractères, qu’il faut avoir bien de la finesse dans l’esprit, et de la fierté dans le cœur, pour démêler et repousser les sentiments que votre propre pouvoir inspire : si vous voulez donc aimer les hommes, jugez-les pendant qu’ils ont besoin de vous ; mais cette illusion d’un instant est payée de toute la vie. […] C’est par la connaissance intime des traces que l’ambition laisse dans le cœur après ses revers, et de l’impossibilité de fixer sa prospérité, qu’on peut juger surtout l’effroi qu’elle doit inspirer. […] L’ambition dénature le cœur, quand on a tout jugé par rapport à soi, comment se transporter dans un autre ? […] Si ces considérations générales suffisent pour éclairer sur la juste influence de l’ambition sur le bonheur, les auteurs, les témoins, les contemporains de la révolution de France, doivent trouver au fond de leur cœur de nouveaux motifs d’éloignement pour toutes les passions politiques ?

1203. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

François Coppée Verlaine a créé une poésie qui est bien à lui, une poésie d’une inspiration à la fois naïve et subtile, toute en nuances, évocatrice des plus délicates vibrations des nerfs, des plus fugitifs échos des cœurs ; une poésie très naturelle cependant, jaillie de source, parfois même presque populaire, une poésie où les rythmes libres et brisés gardent une harmonie délicieuse, où les strophes tournoient et chantent comme une ronde enfantine, où les vers — qui restent des vers et parmi les plus exquis — sont déjà de la musique. […] Quelle messe vaudra celle de ce cœur qui s’offre tout entier, brûlant, extasié, sur l’autel de son repentir ? […] Cette exaltation violente et sacrée, cette fusion du cœur dans les brasiers du cœur d’un Dieu, cet amour gratuit, affolé, absolu, au-delà de l’enfer et du ciel, au-delà de toute idée de récompense ou de châtiment, cette transe divine n’avait jamais été traduits ainsi, ni dans la littérature française ni dans aucune littérature moderne.

1204. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

D’un cœur moins pur que les autres, Juda aura pris, sans s’en apercevoir, les sentiments étroits de sa charge. […] Nul doute, en effet, que l’amour tendre dont le cœur de Jésus était rempli pour la petite église qui l’entourait n’ait débordé à ce moment 1075. […] Vers la fin du repas, le secret qui pesait sur le cœur de Jésus faillit lui échapper : « En vérité, dit-il, je vous le dis, un de vous me trahira 1076. » Ce fut pour ces hommes naïfs un moment d’angoisse ; ils se regardèrent les uns les autres, et chacun s’interrogea. […] Céphas, plein de cœur et se croyant sûr de lui-même, jura qu’il irait avec lui en prison et à la mort.

1205. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Elle passa neuf années avec lui, dans une liaison qu’elle ne regardait pas comme un mariage ; depuis la mort de Scarron, elle écrivit à son frère : « Je n’ai jamais été mariée : dans mon union avec Scarron le cœur entrait pour peu de chose, et le corps, en vérité, pour rien77. » Et Scarron, avant de l’épouser, disait à ses amis : Je lui apprendrai bien des sottises, mais je ne lui en ferai point. […] Il offre tant de sympathies diverses à satisfaire, il soumet les sympathies physiques à tant de sympathies morales et intellectuelles, il présente tant de points de défense et d’attaque en même temps, il fait naître tant désirs au-delà du désir même, il offre tant à conquérir au-delà de la dernière conquête, il donne tant de jeu aux craintes, aux espérances, il arrête les progrès si près du but et y rappelle si puissamment par l’effort même qui en éloigne, enfin il y a tant de distance entre les voluptés que l’art le plus exercé ou le naturel le plus aimable peuvent donner à l’abandon et le charme de cette retenue mystérieuse qui arrête les mouvements d’un cœur passionné, que rien n’est impossible à une grande passion dans le cœur d’une telle femme. […] Je crois, au contraire, et la suite apprendra qui d’Auger ou de moi a raison, que madame de Scarron a plu très sensible me ni au roi dans sa première visite ; que le compliment qu’il lui adressa non seulement fut sincère, mais même inspiré par une secrète inclination pour elle, et fut une première amorce, jetée par des espérances confuses de possession plus ou moins prochaine, à un cœur qu’il jugeait disposé à lui céder.

1206. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

En l’attendant, la sœur douloureuse pleure au pied du tombeau de son père, la hache de son meurtre enfoncée au cœur. […] Vois cette toile tissée par les mains, et les figures de lions qui y sont brodées. » — La sœur embrasse avec de tendres transports ce frère retrouvé, le seul amour qui survive aux pertes affreuses de son âme, toute autre affection en elle étant morte ou dénaturée. — « Ô douce lumière de mes yeux, toi qui as quatre parts dans mon cœur ! […] Pourquoi contenir mon cœur qui bouillonne ? […] Le vieux Phœnix envoyé avec Ulysse, par Agamemnon, pour fléchir le héros rentré sous sa tente, lui rappelle comment il jouait avec lui dans son enfance, lorsqu’il était l’hôte de Pélée — « Et je l’aimais dans mon cœur, autant que ton père, ô Achille semblable aux Dieux !

1207. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Les Italiennes qu’il a tant aimées, les Lombardes dont il était fou, ne regardent pas plus dans leur cœur, avec leurs longs regards indolents et amoureusement tranquilles, que lui ne regarde dans le sien. […] D’autres ont la grâce, d’autres ont l’ampleur, d’autres encore ont l’abondance ; Stendhal, lui, a la force, c’est-à-dire, après tout, la chose la plus rare qu’il y ait, dans ce temps de cerveaux et de cœurs ramollis. […] Stendhal, un jour, aux environs de la Bérésina, se présenta devant son chef, Daru, l’intendant général, rasé et habillé avec la recherche qu’il aurait eue à Paris : « Vous êtes un homme de cœur », lui dit Daru, frappé d’un détail qui aurait frappé aussi Napoléon, car il révélait l’homme tout entier qu’était Stendhal, et, en effet, à part la petite terreur d’être dupe, rapportée des salons et que lui a reprochée si spirituellement Sainte-Beuve, il garda toujours inaltérables, dans toutes les positions et dans tous les dangers, sa bonne humeur et son sang-froid. […] Au moins Goethe avait été chrétien ; il avait été l’auteur du Faust et de l’Egmont, et, quand le Christianisme a passé par un génie, c’est comme l’amour quand il a passé par un cœur : il en reste toujours quelque chose.

1208. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Elle faisait bien plus, elle désarmait les femmes, ces amies armées dont on a dit : qu’elles s’aiment avec un pistolet toujours chargé sur le cœur. […] Ainsi elle fut aimée de cette ardente Madame de Staël, qui lui écrivait : « J’embrasse avec respect votre charmant visage », mais elle le fut jusque des femmes dont les maris l’adoraient (malgré elle, à la vérité), et qui n’avaient pas un inépuisable cœur à verser surtout comme Madame de Staël. […] Et défait, elle n’était pas seulement l’Ange qui console des souffrances du cœur et des malheurs réels, c’était aussi la sœur de charité des amours-propres. […] Madame Récamier aimantait aussi de la sienne celle de ses soldats, — de ces cœurs qui servaient sous elle !

1209. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Les Italiennes, qu’il a tant aimées, les Lombardes, dont il était fou, ne regardent pas plus dans leur cœur, avec leurs longs regards indolents et amoureusement tranquilles, que lui ne regarda dans le sien. […] D’autres ont la grâce, d’autres ont l’ampleur, d’autres encore ont l’abondance : Stendhal, lui, a la force, c’est-à-dire, après tout, la chose la plus rare qu’il y ait dans ce temps de cerveaux et de cœurs ramollis. […] « Vous êtes un homme de cœur », lui dit M.  […] Au moins, Gœthe avait été chrétien ; il avait été l’auteur du Faust et du D’Egmont, et, quand le christianisme a passé par un génie, c’est comme l’amour quand il a à passer par un cœur : il en reste toujours quelque chose.

1210. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Nous le voulions actif, généreux, fertile en initiatives de progrès, entretenant la confiance par son mouvement, ayant un cœur, non pas tel qu’un bourgeois peureux, bonhomme égoïste et cupide ; mais fidèle à son origine et à sa fin ; tout au vrai peuple, en France et ailleurs ; sans arrière-pensée, sans système honteux de replâtrage. […] Nous fûmes vifs, parce que chaque minute était précieuse, parce que, la méfiance une lois revenue, la dissolution morale une lois rentrée au cœur de l’État, il nous semblait que les difficultés devenaient presque insurmontables dans les conditions sociales où l’on était encore. […] Un tel dogme achevait de nous révéler à nous-mêmes notre pensée, et répondait à la prédisposition de notre intelligence, à tous les désirs de notre cœur.

1211. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Ainsi ont fait constamment en tout temps, en tout pays, les orateurs, les hommes d’État, les avocats, tous ceux qui ont eu à cœur de démontrer quelque chose ou de persuader quelqu’un. […] Sa mère, dont le nom fait battre tout son cœur, dont l’image emplit son cerveau, qui est présente dans tous ses souvenirs et dans toutes ses espérances, lui a recommandé, dans des termes qu’il sait par cœur, dans une lettre écrite sur certain papier, qu’il a dans sa poche, et dont son esprit aperçoit sans cesse la dimension, la forme et la couleur, de ne pas dire ni à tel et tel, qu’elle nomme, ni à personne, qu’elle lui a envoyé cinq louis d’or, qu’il a tenus entre ses doigts et qu’il a fait rouler un peu vite : tout cela forme un ensemble unique et compact d’idées et d’images.

1212. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Je ne saurais dire si c’est parce qu’il avait quitté le roman biographique pour le roman-drame que l’auteur de Bel-Ami a, dans ces derniers temps, paru s’attendrir, ou si c’est au contraire parce que l’expérience et les années l’avaient attendri, qu’il s’est intéressé davantage aux drames de la passion et qu’il a jugé qu’une seule crise dans une existence humaine pouvait faire le sujet de tout un livre : mais le fait est que son cœur, on le dirait, s’est amolli et que la source des larmes a commencé d’y jaillir. […] M. de Maupassant, plusieurs fois de suite, a accompli avec sérénité ce tour de force de marquer, dans chacun des innombrables incidents de la journée la plus unie, les progrès lents de la passion et de la douleur dévoratrices au cœur d’Olivier et d’Anne. […] Il regarde si bien que je ne puis douter de la vérité de son livre (lequel porte en lui-même le témoignage de cette vérité) ; et il raconte si bien que, l’ayant lu voilà trois semaines, j’ai encore le cœur serré en y songeant.

1213. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

On en sçavoit par cœur des scènes entières. […] Vaincre son amour eût été un défaut capital dans l’art tragique, qui consiste principalement dans les combats du cœur ». […] de son indétermination au christianisme, du partage de son cœur entre le dieu des chrétiens & le sultan.

1214. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

. — Votre cœur s’est épris d’un marchand enrichi par de nombreux voyages ? […] — De mon cœur. » Et, se recueillant : « Mon petit cœur, je ne vous ai jamais fait de peine ; maintenant répondez-moi : Faut-il que ce religieux s’en aille ou qu’il reste ?  […] Après tout, qu’ai-je à faire des conseils de mon cœur ? […] Sur quoi, le mari, pressé, a soulagé son cœur auprès d’une femme de chambre. […] Il a cherché et trouvé pâture à son cœur.

1215. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Il est resté Thébain de cœur. […] Il y insistera au contraire de tout son cœur. […] J’aurai bientôt son cœur, et j’ai déjà le trône. […] Il y a chez lui un seul vice de cœur, penchant naturel peut-être et hypertrophié. […] Grand cœur, il songe à vivre inutile, loin de ses semblables à qui il se devrait tout.

1216. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Courteline, Georges (1858-1929) »

Il y a là un entremêlement de vers et de prose du plus haut comique, un chœur de déménageurs qui réapparaît comme un chœur antique, disant du ton le plus noble les choses qui le sont le moins : LE CŒUR DES DÉMÉNAGEURS Le temps passe, que rien ne saurait prolonger. […] Guignol. — Tiens, c’est vrai ; on commence à avoir sommeil ; allons-nous coucher » combien elle est supérieure par sa modernité, sa finesse, son appropriation au code et à l’âme des propriétaires du jour, surtout par cette invention qui, pas plus que les Déménageurs, n’est dans Guignol, cette divine Hortense, enceinte de neuf mois, autour de laquelle pivote l’action, et qui est ainsi saluée à son entrée : LE CŒUR DES DÉMÉNAGEURS Ciel, quel spectacle !

1217. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

Quand je compte mes ans, Titon n’est pas plus vieux ; Je vois déjà pour moi s’ouvrir le sombre Empire ; Toutefois votre cœur de mon ame soupire, Vous en faites la triste & vous plaignez des Cieux. […] On sait encore par cœur plusieurs couplets de ses Chansons.

1218. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

D’autant plus dangereux, qu’il est moins redouté, Une feinte douceur cache sa cruauté ; Le perside amollit les plus fermes courages, Du Temple de la Gloire assiége les passages, Et soufflant dans le sein une coupable ardeur, Des grandes actions obscurcit la splendeur ; Il dort entre les bras d’une oisive mollesse ; Les Remords dévorans, la Douleur vengeresse, Implacables Enfans des lâches Voluptés, Cherchent à s’emparer des cœurs qu’il a domptés. […] C’est le cœur qui contre eux doit livrer des combats : L’homme porte par-tout ces monstres dans lui-même : Il faut, pour les dompter, une vertu suprême, C’est-là l’unique gloire ; un Prince généreux Doit, par de tels combats, rendre son Peuple heureux.

1219. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 309-314

Que deviendra l'espoir de la Nation, lorsque ses enfans, livrés de bonne heure à l'incrédulité & la licence, abjureront, du moins dans leur cœur, la foi & les vertus de leurs peres, & qu'ils n'auront désormais, pour la servir, d'autre motif & d'autre aiguillon, qu'un intérêt bassement personnel, aussi éloigné du Citoyen que du Héros, &c. » ? […] Vous gémissez pathétiquement & pleurez à bon droit sur l'abomination de la désolation qu'annonce la Philosophie moderne & diabolique, en versant, comme elle fait, le poison de l'indépendance & de l'irréligion dans le cœur de nos jeunes gens.

1220. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IV. Le Père. — Priam. »

Et cependant lorsqu’il apprend que vous vivez, il se réjouit dans son cœur ; chaque jour il espère revoir son fils de retour de Troie. […] Priam doit se faire une grande violence pour parler ainsi au meurtrier d’Hector : il y a une profonde connaissance du cœur humain dans tout cela.

1221. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre III. Suite du précédent. — Seconde cause : les anciens ont épuisé tous les genres d’histoire, hors le genre chrétien. »

Sans s’appesantir, et sans rien perdre de l’élégance attique, il jeta des regards pieux sur le cœur humain, et devint le père de l’histoire morale. […] Les causes des événements qu’Hérodote avait cherchées chez les Dieux, Thucydide, dans les constitutions politiques, Xénophon, dans la morale, Tite-Live, dans ces diverses causes réunies, Tacite les vit dans la méchanceté du cœur humain.

1222. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 47, quels vers sont les plus propres à être mis en musique » pp. 479-483

Mon coeur auroit encore sa premiere innocence s’il n’avoit jamais eu d’amour. […] Mais les premiers renferment les sentimens naturels d’un coeur agité d’une nouvelle passion.

1223. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

quel cœur bien épris n’a envié ta bienheureuse damnation ? […] Je lui souhaite, de tout mon cœur, le succès qu’elle mérite à tant d’égards. […] Le cœur qu’il croyait mort se réveille ; il se reprend à aimer, à espérer, à chercher le bonheur. […] Conserver jusqu’à la vieillesse un cœur jeune est, diton, chose difficile et presque ridicule. […] » Le cœur se serre au récit de ces avortements continuels.

1224. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Même il n’a gardé nulle tendresse de cœur pour la religion où il a été élevé. […] Il lit une à une dans son propre cœur les émotions par où il a dû passer. […] Elles ont vécu, non pas seulement par le cœur, mais aussi par l’intelligence. […] La jalousie entre dans son cœur. […] En vérité ils n’ont pas de haine au cœur.

1225. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Encore ses émotions les plus vives lui sont-elles venues non de ses idées, mais du fond même de son cœur. […] Il paraît avoir eu pour cette dame une sincère amitié ; mais son cœur appartenait tout entier à une autre. […] Aux lettres de remerciement les plus banales, il répondait avec une effusion de tout son cœur. […] Il le haïssait de tout son cœur, depuis vingt ans, mêlant cette haine à toutes ses pensées. […] Et sous cette forme toute classique, on sent battre un cœur de femme frémissant de passion.

1226. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Le Cœur d’Hialmar, morceau d’une sauvagerie scandinave, où le héros mourant sur le champ de bataille invite le corbeau à lui prendre dans la poitrine son cœur rouge et fumant pour le porter à la blanche fille d’Ymer, semble dicté par une Walkyrie ! […] En résumé, c’est une intelligence assez forte pour n’être pas dupe de son cœur. […] La jeunesse des écoles le savait par cœur. […] Il a trouvé un cœur d’une droiture inflexible. […] Ses convictions, car il en a, c’est au cœur de son fils qu’il les a déposées.

1227. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Tantôt, une crise de sensibilité a bouleversé un cœur qui se soulage en se confessant, à travers des événements et des personnages imaginés à sa ressemblance. […] Il ajoutait : « Les personnages n’ont point pris véritablement naissance dans son imagination et dans son cœur. […] Le plus pieux des hommages que l’on puisse rendre à un si grand homme, n’est-ce pas d’essayer de l’imiter, sinon dans son génie, — ce n’est pas possible, — mais dans ce qui fut le fond même de son être, le cœur de son cœur : l’amour du travail, de la pensée, de la famille et de la patrie. […] En la montrant vivante et souveraine dans son propre esprit et son propre cœur. […] Leur « humble piété », c’est sa propre formule, lui prend aussitôt le cœur.

1228. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Votre cœur y a fixé votre vie ; votre esprit y a suivi votre cœur. » Hein ! […] L’air qu’on y respire est un baume aux blessures qu’on rapporte d’ailleurs, un infaillible antidote aux poisons du cœur et de l’esprit. […] Rappelons-nous ce qui suivit la délicieuse et sublime fête de la Fédération de 1790, et soyons les gardiens vigilants de nos propres cœurs. […] Grenier a su ne pas retirer tout à fait de son cœur vieillissant le poignard cruel et délicieux. […] Les jeunes femmes sentent que son cœur est tout à elles et l’en récompensent en lui parlant de leur propre cœur… … Hélas !

1229. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

À quoi bon vanner des souvenirs du cœur à tous ces vents de carrefour qui se prostituent à la curiosité parisienne ? […] Cela ne veut pas dire assurément qu’Offenbach ne saurait faire vibrer, au besoin, la note qui va au cœur. […] Il a la grâce, il a la force, il a le cœur, il a le style. […] Enfin arrive la situation touchante où, désobéissant à l’ordre homicide de l’intendant du mari de Geneviève, un serviteur sauve l’infortunée. « Brave cœur !  […] — à cette analyse savante du cœur féminin, qui fut toute l’originalité, tout l’esprit et même tout le théâtre de Marivaux.

1230. (1929) Amiel ou la part du rêve

Acceptons d’un cœur léger la nécessité de ne parler ici que du second. […] que de cœurs étouffés, déchirés, navrés par elle ! […] La froideur de Paris à l’égard d’Amiel date de loin, vient du cœur. […] Les femmes savent qu’elles trouvent toujours en lui un ami attentif, éloquent dans l’intimité, pénétrant dans l’analyse de leur cœur. […] Je vous appartiens corps et âme, cœur et volonté.

1231. (1922) Gustave Flaubert

le cœur, ce pauvre cœur, ce charmant cœur avec ses éternelles grâces, est toujours là, même chez les plus hautes… Je voudrais faire de toi quelque chose de tout à fait à part, ni ami ni maîtresse, cela est trop restreint, trop exclusif, on n’aime pas assez son ami, on est trop bête avec sa maîtresse. […] Le cœur n’y est pas. […] Mais le cœur, la verve, la sève ; d’où partir et où aller ? […] » Il lui montre son cœur. […] Voilà une génération qui paraît en avoir eu fort gros sur le cœur. « Ô France !

1232. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Il est d’autres pièces au contraire qui sont acquises à l’histoire, à la langue française, comme aussi à la philosophie du cœur humain. […] je suis comme atterré de la solitude qui m’entoure ; je suis effrayé de ne tenir à rien, moi qui ai tant gémi de tenir à quelque chose… » Ainsi allait ce triste cœur mobile, ainsi va le pauvre cœur humain. […] Je le désire de tout mon cœur. […] Toujours je ne sais quel tour de plaisanterie qui peut faire douter les cœurs un peu sceptiques. […] Gaullieur, l’original écrit sur une carte (un valet de cœur), et dûment signé.

1233. (1932) Le clavecin de Diderot

L’Église, refuge des cœurs qu’on a sortis de leurs poitrines originelles, des cœurs dont on ne sait que faire, des cœurs perdus, cette idée, bien emberlificotée de mots et motifs à soutaches et soubretaches, on sait qu’elle a servi d’axe à l’une des phrases les plus ronflantes de Barbey d’Aurevilly. […] J’oubliai, d’un coup, les notes, le doigté, le morceau que je savais par cœur. […] L’atout, hélas, n’était point cœur. Le cœur (à quand la psychanalyse des jeux ?) […] Une tempête dans l’encrier : s’envole la torture de leurs cœurs et cervelles.

1234. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Il s’entend mieux à ébranler notre intelligence qu’à toucher notre cœur. […] Il est plus facile de donner son cœur à un ami que de lui donner sa main. […] Il n’a pas voulu raisonner avec son esprit, là où son cœur lui révélait la vérité. […] Enfin, le cœur content, l’âme remplie de saintes pensées, il sortit de son extase. […] Tant de paix convient mal à mon cœur anxieux.

1235. (1923) Nouvelles études et autres figures

Comme elle est difficile à déraciner de nos cœurs ! […] Dieu m’a créée pour toi et a gravé ton nom dans mon cœur. […] Elle lui retira un cœur qui avait paru se donner. […] — l’atmosphère de l’automne nous enveloppe et nous prend le cœur et les sens. […] Et voilà des tas d’étrangers au cœur de la place.

1236. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Puis, touchant avec son art délié la fibre du cœur, elle indiqua légèrement qu’il y avait eu lieu peut-être à des sentiments émus, que du moins elle aurait pu craindre, si cela s’était prolongé, un commencement de roman pour un cœur poétique, car sa nièce, alors toute jeune, était près d’elle. […] Je m’éloignai rapidement, le cœur plein d’une émotion difficile à décrire. […] Les choses n’en étaient pas tout à fait là encore à ce moment du voyage en Allemagne, mais déjà la paix et l’harmonie régnaient dans les cœurs. […] Votre cœur est le même pour moi, mais les circonstances sont changées. […] Voilà la vérité. » Ampère, comme tous les caractères excessifs et les cœurs errants, eut ensuite des regrets, des remords sous forme nerveuse.

1237. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Cet amour de la justice devient une passion quand il s’agit de la liberté politique ; c’est là le point sensible, et quand on la touche, on touche l’écrivain au cœur. […] Le lecteur sentira, à la fureur de l’invective, quel excès de rancune le gouvernement des Stuarts a laissé dans le cœur d’un patriote, d’un whig, d’un protestant et d’un Anglais : Alors vinrent ces jours dont on ne se souviendra jamais sans rougir, jours de servitude sans fidélité, de sensualité sans amour, de talents imperceptibles et de vices gigantesques, le paradis des cœurs froids et des esprits étroits, l’âge d’or des lâches, des bigots et des esclaves. […] Pope n’avait point un cœur comme eux1369. […] Ils demeurent volontiers dans une région moyenne parmi des tirades et des arguments d’avocat, avec une connaissance telle quelle du cœur humain, et un nombre raisonnable d’amplifications sur l’utile et le juste. […] Il fait taire les objections de sa conscience, et endurcit son cœur contre les spectacles les plus émouvants, en se répétant à lui-même que ses intentions sont pures, que son objet est noble, et qu’il fait un petit mal pour un grand bien.

1238. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVI » pp. 301-305

c’est très-grave ; tout est perdu, tout est fini dans un pays où les renégats sont protégés par les femmes ; car il n’y a au monde que les femmes qui puissent encore maintenir dans le cœur des hommes, éprouvé par toutes les tentations de l’égoïsme, cette sublime démence qu’on appelle le courage, cette divine niaiserie qu’on nomme la loyauté. […] Victor Hugo : et si l’on voyait dans une tribune réservée les personnes de la famille royale, on se disait qu’au cœur de l’assemblée était madame Sand.

1239. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet. (suite et fin.) »

En revanche, le duc de Bourgogne a trouvé auprès de l’historien au cœur populaire la grâce qu’il pouvait espérer. […] On ne sait vraiment comment concilier ces folâtreries d’imagination avec tant de généreux accents, avec des cris de cœur si profonds et si sérieusement sympathiques.

1240. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Cet orgueil, d'après le Moraliste, se cache avec tant de subtilité dans notre cœur, y conserve un empire si absolu sur tous ses mouvemens, qu'il n'est pas possible que toutes nos actions ne soient un effet de ce vice plus ou moins caché, & qu'elles ne se rapportent toutes à lui. […] On peut le regarder comme un Juge plein d'adresse & de sagacité, plus occupé à trouver des coupables, qu'à se servir de ses lumieres pour analyser les chefs d'accusation ; ou comme un censeur sévere qui interprete tout en mal, en ne s'attachant qu'aux dehors, qui sont bien du ressort de la police, mais non de la morale, qui doit pénétrer plus avant dans le cœur.

1241. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Noirot »

Comme tous les hommes qui ont le génie pratique de l’enseignement, comme ces admirables natures de maîtres, mêlées de prêtres, qui préparent eux-mêmes, de leurs saintes mains paternelles, la tête et le cœur destinés à recevoir la vérité, l’abbé Noirot se soucie peu d’écrire et n’écrit point. […] D’examen en examen et de négation en négation, ils en sont arrivés plus bas que le scepticisme, et ils ont précipité les peuples plus bas que leurs cœurs… Ingrate envers la science suprême d’où elle est sortie dans le monde chrétien, il n’y a plus que la théologie, méprisée par elle, qui puisse la tirer de l’abîme de nihilisme au fond duquel elle gît hébétée.

1242. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Et pour ne point troubler la paix de leur cœur, les hommes, malaisément, renoncent à leurs erreurs. « Eh ! […] Le ver du doute n’a donc point rongé son cœur au printemps de l’adolescence. […] Ils naquirent et grandirent avec le goût de la couleur ; la passion de l’infini, de l’immense et du majestueux s’était développée dans leur cœur, au détriment de l’harmonie. […] Et elle se calmait pourtant, elle ne pouvait pas ne pas espérer, tellement son cœur était gonflé de l’éternelle espérance. […] Serge n’emporte-t-il pas dans son cœur l’éternel regret de celle qui fut sienne, comme en rêve, en dehors de sa vie de chasteté et de prière ?

1243. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Bien que l’art puisse donner, dans une certaine mesure, un caractère de généralité à tout ce qu’il touche, il y a dans l’aveu public des angoisses du cœur et de ses voluptés non moins amères, une vanité et une profanation gratuites. […] Le cœur est dur si l’esprit est tendre. […] On répond : Les grandes pensées viennent du cœur, la vraie poésie est un cri du cœur, le génie réside tout entier dans l’émotion cordiale ressentie et communiquée. […] Ils puisent leur génie dans leur cœur, et s’ils daignent sacrifier au rhythme et à la rime, ils ne dissimulent point le mépris que ces petites nécessités leur inspirent, en composant, d’inspiration, des vers d’autant plus sublimes qu’ils sont plus mauvais. […] Rien de plus inévitable ; car, si nous admettons volontiers en France, pour articles de foi, et sans trop nous inquiéter de ce qu’ils signifient, certains apophtegmes, décisifs en raison même de leur banalité, tels que : la poésie est un cri du cœur, le génie réside tout entier dans le cœur ; nous oublions plus volontiers encore que l’usage professionnel et immodéré des larmes offense la pudeur des sentiments les plus sacrés.

1244. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

disait le poëte ; et c’est un souhait qui s’élève cent fois au fond de notre cœur. […] Arrêtez à la surface de l’œil une image, que l’impression n’en passe ni à l’esprit ni au cœur, et elle n’aura plus rien de beau. […] Le bel éloge de l’espèce humaine que ce jugement impartial du cœur en faveur de l’innocence ! […] Un discours prononcé n’est plus qu’une longue suite de sons et de sensations primitivement excitées ; le cœur et les oreilles sont en jeu, l’esprit n’y est plus. […] Ce sont ces idées accessoires nécessairement liées à la nuit et aux ténèbres qui empêchent de porter la terreur dans le cœur d’une jeune fille qui s’achemine vers le bosquet obscur où elle est attendue ; son cœur palpite, elle s’arrête, la frayeur se joint au trouble de sa passion, elle succombe, ses genoux se dérobent sous elle ; elle est trop heureuse de rencontrer les bras de son amant, pour la recevoir et la soutenir, et ses premiers mots sont : est-ce vous ?

1245. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

La seconde de ces qualités, c’est la cordialité, c’est-à-dire cette ouverture de cœur qui ne sait pas contenir la haine, et qui laisse évaporer la colère après le combat, comme la fumée après le feu sur le champ de bataille. […] Thiers, on le voit, applaudit lui-même de l’esprit et du cœur à cet heureux attentat du 18 brumaire. […] Du reste, la malheureuse passion de la jalousie n’avait point encore altéré la pureté de son cœur et corrompu son patriotisme. […] C’était une femme d’un cœur très faible. […] Pitt est une des rares préventions d’esprit et une des rares injustices de cœur de M. 

1246. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Mais lisez maintenant cette immortelle apostrophe, et vous comprendrez sous les paroles ce que les paroles cachaient, comme le poignard d’Aristogiton, sous les derniers replis du cœur du consul ! […] Au surplus, son cœur irrité ne méditait que la vengeance ; et moi, je ne m’occuperai de mes ennemis qu’autant que la république me le permettra. […] « Toutefois j’ai plus à cœur de trouver les moyens de m’acquitter envers vous que de chercher de quelle manière je punirai l’injustice et la cruauté de mes ennemis. […] Que font les hommes de cœur ? […] Je parle des grands cœurs.

1247. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Une audience par année suffirait à consacrer et à maintenir le lien d’honneur qui flatterait et attacherait les amours-propres bien placés et toujours voisins du cœur. […] On nous apprend à aimer le beau, l’agréable, à avoir de la gentillesse en vers latins, en compositions latines et françaises, à priser avant tout le style, le talent, l’esprit frappé en médailles, en beaux mots, ou jaillissant en traits vifs, la passion s’épanchant du cœur en accents brûlants ou se retraçant en de nobles peintures ; et l’on veut qu’au sortir de ce régime excitant, après des succès flatteurs pour l’amour-propre et qui nous ont mis en vue entre tous nos condisciples, après nous être longtemps nourris de la fleur des choses, nous allions, du jour au lendemain, renoncer à ces charmants exercices et nous confiner à des titres de Code, à des dossiers, à des discussions d’intérêt ou d’affaires, ou nous livrer à de longues études anatomiques, à l’autopsie cadavérique ou à l’autopsie physiologique (comme l’appelle l’illustre Claude Bernard) ! […] Un cœur éminent (Enfantin), qui vient de s’éteindre, y avait songé ; d’autres depuis y ont songé encore.

1248. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Dès qu’on est à l’abri du remord, on ignore ces repentirs du cœur ou de l’esprit qui s’accusent du hasard même, et jugent de la résolution par ses effets. […] Le cœur est aussi borné que l’esprit ; par la dévotion proprement dite, ce genre d’exaltation a divers caractères. […] Enfin, les affections du cœur qui sont inséparables du vrai, sont nécessairement dénaturées par les erreurs, de quelque genre qu’elles soient ; l’esprit ne se fausse pas seul, et quoiqu’il reste de bons mouvements qu’il ne peut pas détruire, ce qui dans le sentiment appartient à la réflexion est absolument égaré par toutes les exagérations, et plus particulièrement encore par celle de la dévotion ; elle isole en soi-même, et soumet jusqu’à la bonté à de certains principes qui en restreignent beaucoup l’application.

1249. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

En effet, si, après une révolution politique qui a frappé la société dans toutes ses sommités et dans toutes ses racines, qui a touché à toutes les gloires et à toutes les infamies, qui a tout désuni et tout mêlé, au point d’avoir dressé l’échafaud à l’abri de la tente, et mis la hache sous la garde du glaive ; après une commotion effrayante qui n’a rien laissé dans le cœur des hommes qu’elle n’ait remué, rien dans l’ordre des choses qu’elle n’ait déplacé ; si, disons-nous, après un si prodigieux événement, nul changement n’apparaissait dans l’esprit et dans le caractère d’un peuple, n’est-ce pas alors qu’il faudrait s’étonner, et d’un étonnement sans bornes ? […] Aussi les philosophes parvinrent-ils, en moins d’un siècle, à chasser des cœurs une religion qui n’était pas dans les esprits. […] Il doit les ramener à tous les grands principes d’ordre, de morale et d’honneur ; et, pour que sa puissance leur soit douce, il faut que toutes les fibres du cœur humain vibrent sous ses doigts comme les cordes d’une lyre.

1250. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Les autres écrits de Nicole ne valent pas celui-ci ; il offre beaucoup de vérités communes exprimées longuement ; quoiqu’on y sente un philosophe qui connoît le cœur humain ; un philosophe qui est toujours chrétien. […] Il y a beaucoup à profiter dans ce livre pour le cœur & pour l’esprit. […] Le vrai y est exposé avec cette aimable liberté qui sied si bien dans les ouvrages, où l’esprit ne fait que suivre les sentimens du cœur.

1251. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Faussé et couvert de la poussière des années, l’instrument, soumis à la main qui veut en interroger la puissance, ne se trouvera plus comme il y était autrefois en ces pages suraiguës alors, qui retentirent dans les cœurs et qui souvent les déchirèrent. […] Sybarite littéraire, élevé littérairement, il n’avait, pour résister aux dures épreuves des révolutions, dans la tête et dans le cœur que de la littérature. […] C’est que Camille Desmoulins, qui ne fut jamais homme… que de lettres, n’avait pas, au fond, d’autre sensibilité que la sensibilité littéraire, cette espèce de sensibilité qui fait le mal avec une phrase pathétique et spontanée au lieu de le faire avec la froide préméditation du cœur… Mais qu’importe !

1252. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

Les journaux qui expriment ces espérances, et qui s’efforcent de les fomenter et de les grandir dans les esprits et dans les cœurs, n’en parleront pas. […] Et il l’a écrite stoïquement, sans se soucier que ce qui tomberait de sa plume ce seraient les gouttes du sang de son cœur. […] Il les a vues et montrées, sans aucune défaillance de regard ou de cœur.

1253. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Ayant ensuite joint ses deux vieilles mains, et levant les yeux vers le ciel : Seigneur, dit-il, je te rends grâces de tout mon cœur ; j’accepte avec joie le présent que tu me fais ; qu’il soit le bienvenu ! […] Cependant mon père m’écrivait des lettres à me fendre le cœur ; il me priait de retourner auprès de lui, et me recommandait surtout de ne pas négliger de jouer de la flûte, talent qu’il m’avait donné avec tant de peine. […] « Cependant l’heure du repas approchait, chacun était pourvu de sa corneille, et je n’en avais point ; ce qui me tenait à cœur, c’était de me faire accompagner dans cette brillante société par quelque corneille qui ne me déshonorât point à ses yeux. […] et mettez-le dans cette caverne souterraine où l’on fit mourir de faim le prédicateur Fojano 13 ; peut-être cette prison lui fera-t-elle sortir la joie du cœur ! […] Je célébrai la fête du jour avec Dieu, et je remplissais mon cœur de foi et d’espérance.

1254. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Cet être, nommez-le, si vous voulez, l’ange : c’est le pressentiment qui fait battre le plus vite le cœur humain, c’est le découragement qui nous prend à contempler les espaces infinis du ciel, c’est la forme la plus haute que puisse revêtir à notre regard l’idée de Dieu. […] Il est dominé par des lois si sévères, si vitales aussi, que l’artiste les subit sans rien abdiquer de son indépendance, — car elles sont intransgressibles à ce point qu’elles ont choisi pour pages où s’inscrire le cœur et le cerveau mêmes de l’artiste. […] je t’ai bien compris, sauvage voyageur, Et ton dernier regard m’est allé jusqu’au cœur ! […] Il s’installe dans le cœur et dans l’esprit de Faust et de là comme un témoin, comme un conseiller, comme un juge, il surveille la vie de sa victime. […] — Le salut est dans la main du Poète, cette main qui seule compte les pulsations et charme les douleurs du cœur universel, — pourvu qu’elle tombe franchement et demeure pour toujours dans la main du Savant.

1255. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

La fortune leur a été prodigue, et leur cœur était aussi haut que leur fortune. […] Elle se reproche les tristesses involontaires qui, au fond de son cœur, murmurent contre l’arrêt de la déesse. […] Il a aimé de tout son cœur la vérité vraie, et l’a cherchée de toutes ses forces. […] Il n’agit pas de cœur et de volonté, il n’a pas de confiance. […] Pareillement il y avait en lui deux personnages dans les affaires de cœur.

1256. (1905) Propos littéraires. Troisième série

comme la mer gronde vers le ciel, et trouve de l’écho en toi, mon cœur ! […] Les effusions du cœur ne sont plus de cet âge-là. […] Il l’aimait de cœur. […] Mon enfant, dit-il à peu près, je le veux de tout mon cœur. […] Car ainsi le cœur. » Les choses finissent par s’ébruiter.

1257. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

On a cru me perdre en prouvant que j’avais fait des vers jusqu’à trente-deux ans (ailleurs, il semble dire trente-cinq) : on ne m’a fait qu’honneur, et je voudrais de tout mon cœur en avoir encore le talent comme j’en ai conservé le goût ; mais je suis plus heureux de lire les vôtres que je ne l’ai été d’en faire. […] Bernis, par conscience même et par sentiment de son peu de force, reculait et retardait : ses mœurs étaient celles de son âge et de son temps ; son cœur et son esprit n’avaient rien d’irréligieux : la perspective d’un évêché, qu’on lui laissait entrevoir moyennant des sacrifices extérieurs, était plus faite pour l’effrayer que pour le tenter : Non, tu connais trop ma droiture : Coupable par fragilité, Mais ennemi de l’imposture, Je ne joins pas l’impiété Aux faiblesses de la nature. […] Le digne fondateur a sur ce sujet de belles et nobles paroles qui décèlent, sous cette monarchie de Louis XV, un cœur de citoyen ; j’en veux citer quelques-unes, ne fût-ce que pour moraliser ce sujet de Bernis, dont les débuts sont un peu amollissants : Ce que vous me dites, monsieur, écrit Duverney à Bernis, de l’opinion de l’étranger sur cet établissement n’est guère propre à modérer mon impatience ; j’en ai toujours beaucoup dans les choses qui contribuent à la gloire de notre maître et au bien de la nation… Les objections ne m’ont jamais rebuté. […] Bernis est digne de cet entretien généreux auquel l’amitié le convie ; il encourage son ami, il le réconforte avec une chaleur affectueuse : « Je voudrais pouvoir rassembler tous les bons cœurs pour vous les donner. » Il voudrait être à même de le défendre contre les injustices et les dégoûts qui le viennent abreuver : « Plût à Dieu que je fusse à portée de rendre témoignage à la vérité ! […] Bernis n’avait aucune rancune de ce genre contre le grand Frédéric, et son cœur d’honnête homme était plus haut placé.

1258. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Les nombreuses anecdotes que chacun sait par cœur sur Malherbe, et dont plus d’une fait sourire, ne doivent point détourner un moment la critique du trait original et significatif qui est à respecter en lui : il eut le caractère et l’autorité, ce qui fait le chef de secte et le chef d’école. […] Ces ressouvenirs de la vie gastronomique, qui sont bien à leur place dans la bouche du citadin fraîchement converti et bientôt relaps, feraient tache dans un tableau simplement puisé au cœur de la vie rustique. […] Pour un homme qui ne savait pas le latin et qui n’avait jamais pu, dit-on, apprendre à réciter par cœur même son Confíteor, on conviendra que c’est assez bien imiter et surpasser son poète. […] Chapelain, sans le vouloir, lui perçait le cœur lorsqu’il lui écrivait dans le premier âge d’or de l’institution (août 1634) : Quand il n’y aurait autre avantage qu’une fois la semaine on se voie avec ses amis en un réduit plein d’honneur, je ne croirais pas que ce fût une chose de petite consolation et d’utilité médiocre. […] Maynard, en sondant cette fois dans son propre cœur, a su y trouver des accents de vrai poète et d’une élévation inaccoutumée :         La Cour méprise ton encens :         Ton rival monte, et tu descends, Et dans le cabinet le favori te joue.

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