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1863. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

La petite portion du peuple qui médite, qui réfléchit, qui pense, qui prend pour unique mesure de son estime le vrai, le bon, l’utile, pour trancher le mot, les philosophes dédaignent les fictions, la poésie, l’harmonie, l’antiquité. […] C’est de l’imitation de nature, soit exagérée, soit embellie, que sortiront le beau et le vrai, le maniéré et le faux ; parce qu’alors l’artiste est abandonné à sa propre imagination : il reste sans aucun modèle précis.

1864. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

La philosophie est l’amour sincère et la recherche acharnée de la vérité, et Cousin, le professeur, l’homme à effet, le théâtral, qui a trouvé sa véritable voie en devenant, après 1830, un homme politique, n’a pas et n’a jamais eu l’indépendance vis-à-vis des autres et de lui-même, la force d’impersonnalité et l’amour désintéressé du vrai qui constituent le philosophe. […] C’est ainsi que tous les arts et même la musique font arabesque autour du livre majestueux qu’ils ornent et qu’ils parachèvent… Il n’y a certainement rien de supérieur à l’encyclopédisme de cette publication, mais ce n’est pas là, pour nous, le plus grand mérite de l’ouvrage, qui est mieux que complet par les renseignements puisqu’il est vrai par l’aperçu… La vérité, qui est toujours le but de l’Histoire, est, dans l’histoire de Jeanne d’Arc, plus difficile à atteindre que dans une histoire moins sublime et moins merveilleuse… L’histoire de Jeanne d’Arc est plus qu’humaine.

1865. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

La jurisprudence divine et l’héroïque propres aux âges de barbarie, s’attachent au certain ; la jurisprudence humaine qui caractérise les âges civilisés, ne se règle que sur le vrai. Tout ceci découle de la définition du certain et du vrai que nous avons donnée (axiomes 9 et 10).

1866. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

IV Je ne voulus pas prendre la plume et analyser la perte que la littérature classique venait de faire en lui, dans le premier moment de ma douleur : je craignais que le cœur en moi ne faussât le jugement ou n’exagérât l’éloge ; je voulais rester vrai pour être juste. […] La fédération des puissances italiques, avec des institutions représentatives, était le mot vrai de la situation dans la Péninsule ; il n’a pas été prononcé à temps. […] Puisqu’il se consacrait au servile et aride labeur de la traduction, la vraie Grèce, la Grèce originale et classique, n’avait-elle rien à lui offrir de plus précieux que Nonnos ? […] La politique de la Restauration, entre autres, est une justice sévèrement rendue à la haute pensée de Louis XVIII, le vrai roi de la liberté moderne, compatible avec la démocratie, vraie pensée du temps. […] Cet illustre Polonais, par exemple, si grand amateur de chevaux, qui s’est montré en Syrie il y a deux ans, n’a nullement les qualités propres à l’Arabie ; il est vrai qu’il y a à peine pénétré.

1867. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Il est vrai qu’il ajoute ce correctif précieux, oublié ou dédaigné par Chateaubriand : “Mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer. […] Mais ce n’est pas ainsi que Shakespeare, Corneille, Racine, Voltaire, Goethe, Schiller lui-même, — ont introduit ou renouvelé l’art théâtral dans leur pays. — Un pensum dialogué en vers toscans, voilà le vrai nom que l’Italie laissera à son prétentieux poète dramatique, jusqu’à ce qu’on n’en parle plus, quand l’Italie aura son théâtre sérieux, après la fédération nationale des Italiens modernes ? […] En contemplant Fabre, dont les traits spirituels, quoique vulgaires, rappelaient si fidèlement ceux de son amie, je me suis demandé souvent si la maternité n’était pas involontairement le vrai mot de ce mystère. […] Voilà mon jugement : le vrai coupable de cette inconvenance fut le républicain Alfieri, conseiller et compagnon de cette reine, et vivant de l’inconvenance commise sous ses auspices par la royauté. […] Ce tombeau ne garde à la postérité que deux ombres : l’ombre d’une femme faible et charmante, à laquelle on pardonne pour ses malheurs et pour son sexe ; Et l’ombre d’un mauvais poète tragique, enflé d’orgueil et vide de vraie grandeur d’âme comme de vrai talent, et qui n’eut du génie tragique que la manie, Et du poète que la déclamation !

1868. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Est-il donc vrai, Faust, que je te vois ? […] « On ne saurait nier, dira-t-on peut-être, que cette doctrine ne soit avilissante ; mais néanmoins, si elle est vraie, faut-il la repousser et s’aveugler à dessein ? […] « Les écrivains sans enthousiasme ne connaissent, de la carrière littéraire, que les critiques, les jalousies, tout ce qui doit menacer la tranquillité, quand on se mêle aux passions des hommes ; ces attaques et ces injustices font quelquefois du mal ; mais la vraie, l’intime jouissance du talent, peut-elle en être altérée ? […] Ce livre, publié après sa mort, eut sa récompense dans l’engouement du jour, cette contrefaçon courte et fausse de la vraie gloire. […] C’est là la vraie gloire de madame de Staël.

1869. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Il est vrai que cela devint assez vite une fiction. […] Il diminuait, il est vrai, sa victoire en avouant que personne à Rome ne le prit au sérieux et qu’on rit beaucoup au Vatican de l’uomo antediluviano : c’était lui que l’entourage du pape appelait ainsi. […] L’erreur littéraire paraît à ces pieux maîtres la plus dangereuse des erreurs, et c’est justement pour cela qu’ils excellent dans la vraie manière d’écrire. […] Vrai Diogène, il voyait le creux d’une foule de conventions qui étaient des articles de foi pour mon excellent directeur. […] Pour lui, l’essentiel était le véritable esprit chrétien, inséparable de la vraie philosophie.

1870. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

L’étonnante Revue ne se contente pas de chercher à wagnériser les musiciens français, qui voudrait aussi wagnériser la langue française, parce que, dit-elle, dans l’état actuel de cette pauvre langue, il est impossible de raconter « une vie d’âme entière », la Revue vous indiquera le moyen de passer vos vacances mieux qu’au bord de la mer, dans une vraie mer d’incomparables délices. […] L’ironie qui préside à toute manifestation de la vie humaine a voulu que le lieu de dévotion des vrais fanatiques de Wagner devint ainsi une sorte d’étape dans un voyage hygiénique à quelque ville de bains allemande. […] Il ne croyait pas dire aussi vrai quand il avouait « avoir oublié toute théorie en composant Tristan et Iseult et n’avoir senti que ce jour-là combien son essor créateur brisait les barrières de son système écrit. » Il faut le bien préciser : cette discussion est purement musicale et ne tend à prouver autre chose, sinon que, pour rendre l’amour en musique, il convient de s’en tenir aux « lieux communs de morale lubrique « dont parle Boileau. […] Et me voici arrivé au sommet du Nébo, d’où l’œil découvre la vraie terre promise du « motif de réminiscence » : le domaine de l’Opéra. […] Quel dommage de ne pouvoir m’attarder à analyser le rôle du thème insinuant d’Eglantine (son « Schmeichel » ou « Kose-Motiv » comme dirait M. de Wolzogen) et ensuite du sublime thème aérien, en sourdine, qui caractérise le fantôme errant d’Emma, ces accents d’un monde surnaturel les plus « vrais » qu’il nous ait été donné d’entendre depuis Don Giovanni83 .

1871. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

J e n’ai jamais été touché, Monsieur, des éloges donnés aux Trois Siecles, qu’autant que j’ai pu y reconnoître les applaudissemens de l’honnêteté, de la raison, ou l’expression du zele pour les vrais principes. […] Il est vrai que je n’ai pu m’empêcher de marquer quelque étonnement sur l’admiration excessive de l’Auteur de la Nouvelle Héloïse * pour cet Ecrivain : il est vrai encore que les réflexions que cet enthousiasme m’a fournies, ne tournent pas à l’avantage de M. […] … Non, Monsieur, je le dirai encore, je ne croirai jamais que votre Lettre soit l'expression de vos vrais sentimens ; vous sentez trop que la foiblesse ne conduit jamais à cette paix, dont vous paroissez si jaloux, encore moins quand on lui sacrifie des Amis, qui vous respectent & vous aiment véritablement, pour d'autres prétendus Amis, qui n'ont que l'odieux mérite de se faire craindre. […] J’ose joindre à cet hommage, Madame, celui d’un Ouvrage que je viens de mettre au jour, & que les Hommes zélés pour les vrais principes ont honoré de leur suffrage & accueilli avec applaudissement. […] Il annonce un Esprit aussi zélé pour les vrais principes du goût, que pour ceux de la Morale & de la Religion.

1872. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

C’est là probablement la vraie cause de sa perte pour la postérité. […] C’est un peu beaucoup ; mais il est vrai que M.  […] N’est-il pas vrai, mon père ?” […] Celui-ci désignait par une image originale et vraie l’engourdissement trop fréquent du génie de l’auteur vieilli de Cinna. […] Mais ses personnages, toujours spirituels, sont rarement vrais ; et c’est plus souvent lui qui parle que le tuteur de Rosine et l’amant de Susanne.

1873. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

C’est vrai, j’ai conspiré contre mon maître et je l’ai tué. […] La science, c’est-à-dire la vraie philosophie, était fondée. […] Il rêvait une société capable d’accepter le vrai en cherchant le beau, et de vivre en harmonie avec les lois éternelles. […] Une vraie rose endormie. […] Le vrai monde surnaturel est en nous.

1874. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

elle est toute vuide, vrai Dieu ! […] Son style est ampoulé, cela est vrai ; mais ainsi le voulait le goût de l’époque. […] Il est vrai que les premières étaient misérables et que maintenant elles sont excellentes ; mais bah ! […] Il se vantait, en outre, de gagner de l’argent, et c’était vrai. […] Il est vrai, ajoutait-il, que les juifs n’avaient pour ennemis, ni jésuites, ni bigots.

1875. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

« — Si cela est vrai, ce n’est que justice. […] C’est une étude aussi vraie que triste d’un monde qui, pour être peu étendu, n’en existe pas moins. […] « La Chloé du roman grec ne fut jamais une vraie bergère, et son Daphnis ne fut jamais un vrai chevrier ; pourtant ils nous plaisent encore. […] là, vrai, ce n’est pas trop tôt !”  […] Le premier était celui d’une ardente sympathie pour nos soldats engagés dans la lutte, pour ces pauvres soldats, la vraie France, le vrai peuple, obéissant aux plus nobles mobiles, l’honneur, le devoir, en opposition à la populace, dont l’envie et les mauvais instincts étaient déchaînés par une poignée d’ambitieux.

1876. (1924) Critiques et romanciers

Quand il est dans le vrai, j’attends qu’il en sorte. […] Sa peinture des villages en est moins vraie ; Balzac le lui eût reproché. […] Mais l’anecdote n’est pas vraie. […] bien, ce qui n’est pas vrai des fourmis, ne le refusez point aux corbeaux. […] » C’est une histoire vraie, que M. 

1877. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Roederer, poussé par son goût pour la vérité nue et la réalité, a mieux fait pourtant : il a copié aussi des scènes qu’il avait sous les yeux, de vraies conversations de son temps, toutes naturelles, toutes vives. […] lasalle. — Quand ma voiture s’est, arrêtée, la femme s’y est présentée ; elle m’a dit : « Est-il vrai que le général Lasalle a été tué ?  […] De toutes les scènes historiques qui se font simples et familières avec art, et qu’ont tant recherchées les vrais romantiques de notre âge, il n’en est certes point qui équivaille à celle-ci, prise sur le fait comme elle est et saisie au vol, ni qui rende mieux témoignage de la physionomie militaire de l’époque et des hommes : c’est là du naïf et du piquant en nature.

1878. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Ce n’était pas même un de ces familiers comme un Brossette ou un Boswell, devant lesquels on cause sans se gêner de toutes sortes d’opinions et d’affaires, sans compter que Bossuet n’était pas un homme de lettres, parlant ainsi à tout propos de ce qui l’occupait, et qu’il avait la discrétion grave du vrai docteur et du prélat. […] — Puis quand il avait fini, et comme pour se mettre à l’abri de l’applaudissement, il rentrait aussitôt chez lui et s’y tenait caché, « rendant gloire à Dieu lui-même de ses dons et de ses miséricordes, sans dire seulement le moindre mot, ni de son action ni du succès quelle avait eu ; et la remarque qu’on fait à ce propos, ajoute Le Dieu, est un caractère vrai et certain, car il en usait de même dans toutes les autres occasions. » Il ne se considérait que comme un organe et un canal de la parole, heureux s’il en profitait tout le premier et aussi bien que les autres, mais ne devant surtout point s’en enorgueillir ! […] La vraie critique, à son égard, ramène à cette conclusion, à cette consécration, et, après plus d’un circuit et d’un long tour, elle aboutit au même point que l’admiration la moins méditée. — Je n’ai rendu aujourd’hui que l’impression générale que laisse la lecture des mémoires de l’abbé Le Dieu ; il me reste à parler de son journal, qui donne une impression moins nette, moins agréable, mais qui en définitive ne permet pas de tirer un jugement différent, C’est ce qu’il n’est pas inutile de montrer.

1879. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Cela est vrai surtout de l’enseignement supérieur. […] Doué non pas simplement d’une extrême ardeur personnelle de connaître et de savoir, mais de l’amour dû vrai et de « cette grande curiosité » qui porte avec elle son idée dominante, et qui se règle aussi sur le besoin actuel et précis de l’œuvre humaine à chaque époque, il s’est dit de bonne heure que ce qu’il désirait le plus de savoir, d’autres le désiraient également ; et il s’est assigné, pour rendez-vous et pour terme éloigné, mais certain, au milieu même de la variété et de la dispersion apparente de ses travaux, l’Histoire des origines du christianisme. […] La gloire n’est, pas un vain mot, et nous autres critiques et historiens, nous rendons, en un sens un vrai jugement de Dieu.

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