La vie, si on la connaissait, de ce prodigieux acrobate, qui a su se faire de sa mutilation une grâce de plus, et dont l’énergique volonté a remplacé, par un art inouï, le membre le plus nécessaire ù son art, doit être bien autrement attachante que l’histoire de la jambe cassée et pleurée du clown de M. de Goncourt ! […] Il a, enfin, faux ou vrai, la volonté d’un idéal.
La volonté — peut-être mal conduite et insuffisamment clairvoyante — n’a pu vaincre le destin. […] Je veux dire que le salut ne surgira pas de la volonté collective, puisque c’est précisément la volonté qui est la faculté la plus atteinte chez eux. […] Il devrait aussi posséder une volonté assez infrangible et un esprit assez délié pour le faire appliquer. […] Il n’est pas libre d’enfreindre les ordonnances médicales, à moins d’une volonté bien arrêtée de suicide. […] Il n’a pas assez d’intelligence ni de volonté pour cela.
Qu’on appelle si on veut mystification la part de volonté, d’attitude et de décor qu’il y a dans le catholicisme de Baudelaire ! […] Le péché n’est ni une faiblesse de l’intelligence, ni un instinct de la chair, mais un mal de la volonté. C’est la volonté mauvaise exactement contraire à cette volonté bonne qui fait, selon Kant, le tout de la moralité. […] Et le juste doit avoir remplacé sa volonté individuelle par la volonté de Dieu pour devenir un saint. […] Mais voici que la conclusion est : écrire le journal, « faire journal », que cette exhortation à la volonté, à l’acte libre, au choix, se résout dans la première des seize mille neuf cents pages et dans la perspective de leur suite.
Ainsi des mécanismes d’une complication extrême, assez subtils pour imiter l’intelligence, peuvent fonctionner d’eux-mêmes une fois construits, et par conséquent obéir d’ordinaire à la seule impulsion initiale de la volonté. […] La faculté de photographie mentale, dit un auteur 13, appartient plutôt à la subconscience qu’à la conscience ; elle obéit difficilement à l’appel de la volonté. […] La première, conquise par l’effort, reste sous la dépendance de notre volonté ; la seconde, toute spontanée, met autant de caprice à reproduire que de fidélité à conserver. […] Ces mécanismes sont reliés aux centres supérieurs de l’écorce par les prolongements cylindroaxiles des cellules pyramidales de la zone psycho-motrice ; c’est le long de ces voies que chemine l’impulsion de la volonté. […] Ils marquent la limite entre la volonté et l’automatisme.
L’art n’est-il pas la volonté de l’ordre, imposée au multiple hasard de la réalité ? […] Maurice Maeterlinck, avec ce livre de volonté souveraine, La Sagesse et la Destinée. […] Il dit encore : « Il est impossible d’imaginer une mauvaise volonté dans une volonté qui ne laisse autour d’elle aucun point qu’elle n’occupe tout entier. » Il nous accorde, en fin de compte, cette assurance. […] On n’est pas moins lyrique ; tandis que Flaubert était un lyrique, malgré sa volonté austère. […] Elle subit d’abord, avec toute sa volonté résolue, l’horreur de la dévastation.
On croit communément que l’homme peut produire des mouvements en conformité avec ses volontés. […] Pourquoi l’habitude, le caractère, le sentiment, la volonté même n’engendreraient-ils pas des uniformités mécaniques ? […] Celles-ci portent sur des phénomènes très éloignés de l’esprit et sensiblement isolables des manifestations de la volonté. […] Peut-on de même, en abordant l’étude de l’âme, annoncer qu’on ne s’occupera de rien de ce qui manifesterait une volonté libre ? […] C’est là, selon Condorcet, l’effet d’une loi naturelle indépendante de la volonté humaine.
Et n’est-ce pas d’une certaine volonté lucide, cruelle et sèche que M. […] Faguet, est un miracle de volonté. […] Que la volonté libre, capable de créer, soit une illusion ou soit une vérité, que l’état de tension nerveuse soit la volonté elle-même, ou qu’il l’accompagne, toujours est-il que, pratiquement, certain style nous apparaît, plus que certain autre, impliquer une volonté réfléchie, une réaction contre l’habitude. […] Le sensualiste pur qu’est M. de Gourmont niait tout à l’heure, très péremptoire, toute volonté. […] Son énergie balzacienne me rappelle la Volonté schopenhauerienne.
Pouvait-il cependant tout connaître par le fait et tout décider de sa seule et pleine volonté ? […] Son esprit était-il donc si fort au-dessous de sa volonté et de son caractère ? […] Louis XIV commence par rappeler ses bons offices constants et ceux de ses prédécesseurs envers les Provinces-Unies de la Hollande, et il raisonne, comme il aime à le faire, non-seulement à l’adresse et à l’intention de ses contemporains, mais en vue de l’avenir : « La postérité, dit-il, qui n’aura pas été témoin de tous ces événements, demandera quel a été le prix et la reconnaissance de tous ces bienfaits ; pour la satisfaire, je veux lui apprendre que, dans toutes les guerres que les rois mes prédécesseurs ou moi avons entreprises, depuis près d’un siècle, contre les puissances voisines, cette république ne nous a non-seulement pas secondés de troupes ni d’argent, et n’est pas sortie d’une simple et tiède neutralité, mais a toujours tâché de traverser, ou ouvertement ou sous main, nos progrès et nos avantages. » La Hollande n’est pas la seule ni la dernière république qui ait été ingrate envers la France pour prix des plus grands services reçus à leur berceau : ces sortes de gouvernements, où tant de passions et de volontés s’en mêlent, sont coutumiers du fait
Hugo, au siècle de Comte et de Darwin, le répète avec aisance : le mythe est la forme essentielle de son intelligence Sa volonté candide de penser ne laisse dans la nature aucun phénomène où il n’aperçoive la transcription sensible de quelque redoutable énigme ou d’une auguste vérité : toute sensation tend à devenir symbole, tout symbole à se développer en mythe. […] Tout s’équilibre, et l’on sent partout une volonté consciente qui a déterminé les relations et les proportions des parties880 . […] Dans cet étalage de choses répugnantes, dans cette volonté d’être et paraître « malsain », dans ce « caïnisme » et ce « satanisme », je sens beaucoup de « pose » et la contorsion d’un esprit sec qui force l’inspiration.
En général, la volonté se marque dans son style. […] Il n’eut aucune volonté. […] Tout cela dit, et tout hommage rendu au grand style du moderne César, à ce style où dominent dans une forme brève la pensée et la volonté (imperatoria brevitas), et où l’imagination se fait jour par éclairs, il me sera permis de ne pas le considérer tout à fait comme le style-modèle qui doive faire loi aujourd’hui.
Doué d’un esprit supérieur, d’un caractère et d’une volonté à l’unisson de son esprit, Frédéric s’est mis au militaire comme il s’est mis à bien d’autres choses, et il n’a pas tardé à y exceller, à en posséder, à en perfectionner dans sa main les instruments et les moyens, bien que ce ne fût peut-être pas d’abord chez lui la vocation d’un génie propre et qu’il n’y fût pas d’abord comme dans son élément. […] Chez Frédéric ; la volonté et le caractère dirigèrent en tout l’esprit. En général, on n’aperçoit dans aucune des qualités de Frédéric cette fraîcheur première qui est le signe brillant des dons singuliers de la nature et de Dieu : Tout, chez lui, semble la conquête de la volonté et de la réflexion agissant sur une capacité universelle ; qu’elles déterminent ici ou là, selon les nécessités diverses.
Elle répète avec Spinoza « que la volonté de Dieu est l’asile de l’ignorance ». […] L’ignorance, toquée de superbe, préfère à cette volonté l’asile des quatre vents et l’hôtel de la Belle-Étoile. […] Mme Stern n’est en réalité qu’une volontaire, toujours en révolte contre son organisme féminin, et la volonté n’a jamais mieux démontré qu’elle n’est pas le talent et qu’elle peut être l’impuissance… Savante, dit-on, du moins de pose savante ; allemande d’éducation intellectuelle ; hégélienne peut-être et, dans tous les cas, très digne de l’être, elle a trouvé que ce n’était pas encore assez de savoir l’allemand et elle s’est mise à apprendre le hollandais pour faire le livre que voici.
Des dunes du Nord aux Vosges, partout, leur imagination dresse les deux montagnes saintes, celle des Oliviers, qui est la montagne de la résignation où l’on dit : « Non ma volonté, mais la vôtre », et celle du Calvaire, qui est la montagne du sacrifice, où l’on dit : « Je remets mon esprit entre vos mains. » Pour les chrétiens, chaque jour de nos tranchées renouvelle la passion du Christ. […] Mon crucifix devant moi, je prie et j’attends la volonté du Bon Dieu. […] Prie donc bien pour que je sois à la hauteur et que je donne l’exemple ; et, ensuite, tu prieras pour que, si c’est la volonté de Dieu, nous puissions nous revoir et nous aimer longtemps encore… » Toutes ses lettres ont cet accent de foi ardente et raisonnée.
Sa force n’aura d’effets sociaux que si elle repose elle-même sur une sorte de consentement public, c’est-à-dire si les individus qu’elle prétend soumettre la même loi ont bien la volonté de vivre ensemble. […] Pierre le Grand a pu superposer une armée de fonctionnaires au peuple qu’il voulait transformer ; mais toute sa volonté n’était pas capable de suppléer aux circonstances sociales qui seules pouvaient donner, aux masses immenses disséminées dans cet immense territoire, une unité réelle. […] Suivant Spencer, un gouvernement centralisé interdirait les associations ouvertes, contractuelles, fondées sur les volontés, et non les corps fermés, naturels, fondés sur l’hérédité.
(Cette substance identique, c’est l’Idée de Platon, la Volonté de Schopenhauer.) […] C’est que la Musique, seule de tous les arts, n’est pas une image des représentations, autrement dit des objectivations de la Volonté ; elle est l’image même de la Volonté ; elle est en quelque sorte la métaphysique de tous les phénomènes physiques du monde, elle représente la chose en soi de chaque phénomène. […] « Le héros, énergique affirmation de la Volonté de vivre, dit-il, meurt sans que nous en éprouvions une douleur, parce que nous sentons qu’il n’est qu’une apparence et que la vie éternelle de la Volonté n’est pas détruite par sa disparition. […] Wagner au moins était entier ; Wagner était la corruption complète ; Wagner était le courage, la volonté, la conviction dans la corruption. […] De ces deux catégories d’ivresses, il sépare nettement l’état particulier de l’architecte : « Il n’est, dit-il, ni apollinien, ni dionysien ; chez lui, c’est le grand acte de volonté, la volonté qui déplace les montagnes, l’ivresse de la grande volonté qui a le désir de l’art.
De tout ce désordre se dégage pourtant une ligne ; le but suprême de l’historien est de reconnaître cette ligne, qui est le rythme de la volonté humaine. […] La raison d’État, qui s’impose avec une évidence aussi absolue, mène à l’héroïsme, qu’il ne faut pas confondre avec le tragique ; elle est aussi peu « dramatique » que la volonté de Dieu dans l’Abraham de Bèze. […] De cette forme trop étroite pour lui, son obstination a fait un corset d’acier, dans lequel il a sanglé les énergies de son époque, les nobles ambitions de son génie, si bien qu’aujourd’hui encore le héros cornélien, dans sa raideur héroïque, personnifie la Volonté du bien. […] De fait, ce poète, qui fut si bien Grec et Français, est encore si profondément universel que, de siècle en siècle, on retrouvera son œuvre sans une ride, dans l’éternelle beauté de la vérité. — Je fais un effort de volonté pour demeurer fidèle à mon programme, ne dire de Racine, comme des autres, que ce qui touche étroitement à mon sujet, et je constate un fait important : Racine ne fut pas compris de ses contemporains. […] Aux épopées de Victor Hugo, déjà mentionnées, s’ajoutent celles de Leconte de Lisle, de Coppée, de Richepin et aussi plusieurs poèmes petits ou grands de Sully Prudhomme qui disent l’ascension de la volonté humaine vers l’Idéal20.
Les tragiques grecs, fondant la plupart de leurs pièces sur l’action continuelle de la volonté des dieux, étaient dispensés d’un certain genre de vraisemblance, qui est la gradation des événements naturels ; ils produisaient de grands effets, sans les avoir amenés par des nuances progressives ; l’esprit étant toujours préparé à la crainte par la religion, à l’extraordinaire par la foi, les Grecs n’étaient point astreints aux plus grandes difficultés, de l’art dramatique ; ils ne dessinaient point les caractères avec cette vérité philosophique exigée dans les temps modernes. […] Sous l’empire d’un monarque tel que Louis XIV, sa volonté devait remplacer le sort, et l’on n’osait lui supposer des caprices ; mais dans un pays où le peuple domine, ce qui frappe le plus les esprits, ce sont les bouleversements qui s’opèrent dans les destinées ; c’est la chute rapide et terrible du faîte de la grandeur dans l’abîme de l’adversité.