Diderot, encyclopédie vivante, est le précurseur à la fois du drame romantique et de la théorie de l’évolution. […] Il a été scientifique par l’obligation où il s’est mis de travailler sur le modèle vivant, de peindre d’après nature, de choisir ses sujets dans le monde contemporain ; il a prétendu même recourir non seulement à l’observation, mais à l’expérience ; il s’est intitulé roman expérimental. […] Mais, sans compter que les vivants ne sauraient être condamnés à copier et recopier sans cesse les tableaux de leurs devanciers, est-il bien sûr que ce roman de l’humanité commençante vaille la réalité, telle que la préhistoire la démêle peu à peu dans l’obscurité d’un passé aux trois quarts effacé ? […] La nature, c’est le grand Tout vivant dont nous faisons nous-mêmes partie ; un tout organisé, harmonieux, obéissant à des lois auxquelles nous sommes soumis comme ce qui nous environne.
Que l’hiver, lutteur au tronc fier, vivant squelette, Montrant ses poings de bronze aux souffles furieux Tordant ses coudes noirs, il soit le sombre athlète D’un pugilat mystérieux. […] Un autre, vivant dans les bois, dit au poète qui le plaint : … Allez en plaindre une autre. […] Toute cette foule, partagée en classes diverses, agit, vit et meurt d’une façon rectiligne, répète les mêmes actes et les mêmes paroles, fait les mêmes gestes et porte les mêmes mines du berceau au cercueil, sans que le poète se soucie de mettre au nombre de leurs composants un grain de la complexité, des contradictions et de l’instabilité que montrent tous les êtres vivants. […] Hugo s’en tient aux mots ; de là, l’air de famille de ses créatures similaires, et leur psychologie écourtée, qui se borne à assigner à chaque type les tendances convenables et conventionnelles, à rendre les vieillards vénérables elles mères tendres, les traîtres fourbes et les amantes éprises, sans nuance, sans complications et sans individualité, sans rien de ces contradictions abruptes et de ces hésitations frémissantes que présente tout être vivant.
Le public, tantôt respectueux, tantôt enthousiaste, tantôt anéanti, écouta, acclama et contempla le colossal chef-d’œuvre où l’échevèlement de la fantaisie apparaît dans les profondeurs les plus sévères de la philosophie, où la nature est aussi humaine que l’homme, la mort aussi vivante que la vie.
Cette fausse conception, que toutes les choses vivant d’une vie consciente prennent d’elles-mêmes, doit être tenue pour la loi même de toute vie phénoménale.
Si, au sortir de quelque naturel et vivant ouvrage de cette époque, aussitôt après les Mémoires du cardinal de Retz par exemple, on lit du Pellisson, on comprendra bien ce que je veux dire. […] Les lettres patentes de 1635, et le projet qui avait précédé, exprimaient en termes très nets le but des études et l’objet des travaux de l’Académie ; l’espoir « que notre langue, plus parfaite déjà que pas une des autres vivantes, pourrait bien enfin succéder à la latine, comme la latine à la grecque, si on prenait plus de soin qu’on n’avait fait jusques ici de l’élocution, qui n’était pas à la vérité toute l’éloquence, mais qui en faisait une fort bonne et fort considérable partie » ; que, pour cet effet, il fallait en établir des règles certaines ; premièrement établir un usage certain des mots, régler les termes et les phrases par un ample Dictionnaire et une Grammaire exacte qui lui donneraient une partie des ornements qui lui manquaient, et qu’ensuite elle pourrait acquérir le reste par une Rhétorique et une Poétique que l’on composerait pour servir de règle à ceux qui voudraient écrire en vers et en prose : que, de cette sorte, on rendrait le langage français non seulement élégant, mais capable de traiter tous les arts et toutes les sciences, à commencer par le plus noble des arts, qui est l’éloquence, etc., etc. […] Je me figure en imagination Richelieu vivant, toujours présent : il aurait demandé à l’Académie son avis sur Phèdre par exemple, sur Athalie, au lendemain même des premières représentations de ces pièces fameuses, et dans le vif des discussions qu’elles excitèrent ; il l’aurait demandé et voulu avoir sur tout ce qui aurait fait bruit dans les lettres, et qui aurait soulevé en divers sens les jugements du public.
Les grands comiques, Molière, Rabelais, Aristophane, ont su, par un art suprême de composition, enfermer leur moquerie hardie et puissante dans des cadres immortels : les chansonniers, les vaudevillistes les plus aimables ont tout dépensé de leur vivant et ne laissent presque rien après eux. […] Mais il arrive le plus souvent aujourd’hui que les noms des morts célèbres ne sont qu’un prétexte à l’amour-propre et à la jactance des vivants. […] Il avait de la causticité tant qu’il vécut avec ses égaux : plus tard, en élargissant son cercle de société, en s’élevant au-dessus de sa sphère et en vivant avec les grands, il s’appliqua à se guérir de cette disposition au sarcasme, et il chercha dans sa plaisanterie à ne mordre sur personne en particulier, il avait de la finesse, et sentait le besoin de plaire.
C’est que, s’il y a des mots secs, comme les termes philosophiques et les chiffres, il y en a de vivants comme les vibrations d’un violon ou les tons d’une peinture. Bien plus, à l’origine, ils sont tous vivants, et, pour ainsi dire, chargés de sensations, comme un jeune bourgeon gorgé de sève ; ce n’est qu’au terme de leur croissance, et après de longues transformations, qu’ils se flétrissent, se roidissent et finissent par devenir des morceaux de bois mort. […] Voilà la grande phrase oratoire, la période parfaite, et son cortège de propositions incidentes, enfermées les unes dans les autres, dont toutes les parties se tiennent comme les membres d’un corps vivant, et qui se porte d’un seul mouvement avec toute cette masse pour frapper un coup décisif.
Tous les deux crurent que ce qu’ils avaient tant aimé ne pouvait être insensible à leur souvenir ; ils ne purent concevoir que ces absents si regrettés, toujours vivants dans leurs pensées, eussent entièrement cessé d’être ; qu’ils ne se réuniraient jamais à cette autre moitié d’eux-mêmes. […] Chênedollé, poëte loyal et royaliste constant ; madame de Vintimille, captive sous la République, et dont la sœur, captive aussi, avait été chantée avant de mourir par André Chénier, suprême honneur rendu à la victime encore vivante, formaient ce cénacle. […] Mais les vivants qui entendaient, dans son intarissable entretien, la harpe frémir, en étaient charmés.
XVI Ces deux harpes dont les cordes rendent des sons différents selon l’âge de leurs fibres, mais aussi mélodieux à travers le réseau blanc qu’à travers le réseau blond de ces cordes vivantes ; ces deux harpes ne sont-elles pas l’image puérile, mais exacte, des deux poésies appropriées aux deux âges de l’homme ? […] Seulement, au lieu de chanter pour moi-même ou pour les hommes, je chanterais pour lui ; mes hymnes ne contiendraient que le nom éternel et infini, et mes vers, au lieu d’être des retours sur moi-même, des plaintes ou des délires personnels, seraient une note sacrée de ce cantique incessant et universel que toute créature doit chanter, du cœur ou de la voix, en naissant, en vivant, en passant, en mourant devant son Créateur. […] Fénelon Fénelon naquit d’une famille noble et militaire du Périgord vivant tantôt dans les camps, tantôt dans le fond de cette province.
La forme du livre est un peu confuse, mais vivante, avec son style éclatant parfois de verve rabelaisienne, souvent illuminé de grâce poétique, abondant même en chaude et vigoureuse éloquence. […] Il faisait provision d’énergie morale dans Épictète et dans la Bible, vivant ses livres avant de les faire. […] Il imite souvent : soyez sûr que s’il imite, c’est qu’il a reconnu dans la nature l’objet que son modèle lui offrait, et que son imitation, tout spontanément, rectifiera le modèle littéraire sur la réalité vivante.
Elle ne passera dans l’Esprit des Lois que mutilée, rétrécie, presque faussée : car Montesquieu, supprimant à peu près les intermédiaires réels et vivants, l’homme, son âme, son corps, relie les lois humaines aux causes naturelles par un rapport direct et en quelque sorte artificiel ; il ne s’attache qu’à présenter abstraitement le tableau des dépendances réciproques et des variations simultanées qu’il a constatées entre les climats et les institutions. […] Montesquieu, qui se souvient parfois des causes physiques, semble ignorer absolument que la matière sur laquelle travaillent les législateurs, l’humanité vivante, contient en puissance une infinité d’énergie, qu’elle n’est pas seulement le champ de bataille que la loi dispute à la nature, qu’elle peut trancher à chaque instant le différend par ses forces, ses tendances intérieures, et qu’enfin c’est elle, et elle seule, qui fait la loi puissante ou inefficace. […] Aussi le néglige-t-il tout à fait par la suite, et rien ne donne plus à son ouvrage le caractère d’un système abstrait, qu’aucune réalité vivante ne soutient.
Tous les collégiens français apprenaient l’histoire dans ses manuels si clairs, si vivants, et qui firent une petite révolution dans la librairie scolaire. […] Les deux préfaces sont devenues deux ouvrages. » Historien d’incroyable labeur, de composition vaste et harmonieuse, d’exposition colorée et vivante, M. […] Il croyait que les vivants sont comptables, devant la génération qui les suit, de tout l’actif de l’héritage des morts.
On n’avait qu’à en appliquer les articles à tout le monde, aux morts comme aux vivants, aux étrangers comme aux gens du pays. […] L’harmonie entre le dedans et le dehors, entre les choses à exprimer et la façon de les exprimer, entre la conception et l’exécution, cette harmonie qui est seule capable de produire ce que Taine a appelé « la convergence des effets », telle est, à mon avis, la qualité essentielle qui fait d’une œuvre littéraire un tout organique et vivant et qui en constitue la supériorité plastique. […] Si nous voulons condenser dans une dernière et brève formule les principes auxquels nous a conduits une patiente analyse, nous dirons : Sensations, sentiments, idées, tendances, aspirations idéales sont le fond vivant de toute œuvre littéraire.
Une guerre qui heurte deux peuples l’un contre l’autre les rapproche dans ce corps à corps ; elle leur apprend à se mieux connaître ; les prisonniers deviennent entre eux un lien vivant ; le séjour des armées sur territoire ennemi amène des contacts journaliers et prolongés ; les négociations entamées en vue de la paix donnent lieu à des congrès où l’on discute autrement qu’à coups de canon. […] Presque en même temps, le xvie siècle, si vivant, si tumultueux, si riche d’héroïsme et de crimes, bénéficie d’une semblable résurrection ; la vogue qu’il obtient s’étend jusqu’aux années qui touchent au règne personnel de Louis XIV. […] Aussi, curieux effet de cette lenteur dans la propagation des idées, la France, en 1870, aimait et croyait encore vivante la grande Allemagne de Kant et de Gœthe.
Personne, au théâtre, ne possède à un degré aussi vif le don de dessiner, en quelques lignes, des portraits vivants et frappants sous lesquels chacun place un nom. […] Mais, avant tout, elle est vraie, et il y a plus d’émotion au théâtre pour une petite pécheresse vulgaire et vivante que pour mille héroïnes, sans tache, qui n’ont jamais existé. […] L’amour le plus fort doublé du caractère le plus énergique suffirait à peine à porter le poids d’une femme déchue aggravé par un enfant, témoin vivant de sa faute.
Ceux qui ont servi sous le général Friant, questionnés sur ses mérites et qualités, nous ont donné de lui une idée que le colonel Michel, un d’entre eux, a résumée heureusement dans ce vivant portrait : Le général Friant, par son bon naturel, son excellent cœur, ses sentiments généreux, l’humanité qui le dominait, aimait ses soldats, les soignait comme ses propres enfants, vivant de leur vie, se mêlant avec eux, tout en conservant sa dignité ; il en était chéri et estimé au point que pas un d’eux n’eût balancé à sacrifier sa vie pour sauver celui qu’ils appelaient : Notre bon, notre brave père. — (Tombant mortellement blessé près de lui à la Moskowa, un voltigeur lui disait : « Mon général, voilà quatorze ans que je suis sous vos ordres ; votre main, et je meurs content
Mais outre cette critique réfléchie et lente des Warton, des Ginguené, des Fauriel, qui s’assied dans une silencieuse bibliothèque, en présence de quelques bustes à demi obscurs, il en est une autre plus alerte, plus mêlée au bruit du jour et à la question vivante, plus armée en quelque sorte à la légère et donnant le signal aux esprits contemporains. […] Il est donc à errer dans ce monde, à interroger tous les vents, toutes les étoiles, à se pencher du haut des cimes, à redemander le mot de la création au mugissement des grands fleuves ou des forêts échevelées ; il croit la nature meilleure pour cela que l’homme, et il trouve au monstrueux Océan une harmonie qui lui semble comme une lyre au prix de la voix des générations vivantes.