Il ne fallait pas qu’elle pût recommencer, entre l’oratoire et la tombe, les martyres cachés de Marie Leczinska et de l’Espagnole Marie-Thérèse, et c’est pour cela qu’on l’avait faite belle, et charmante, et pieuse, et bonne, et surtout Française, c’est-à-dire légère comme on l’était alors ; car il fallait être légère dans cette malheureuse nation, éperdue d’élégance, pour faire accepter toutes les vertus ! […] Il fallait les battre avec leurs propres armes, ces coquines charmantes et amusantes, qui avaient ôté cette ceinture, par trop serrée, de l’étiquette, à ces sultans lassés qu’elle blessait… Il fallait que la vertu, chez soi, fût aussi aimable que le vice, sans cesser d’être la vertu ; et ce jeu difficile et dangereux, que seule une femme pure et trempée dans le Styx de sa propre innocence pouvait se résoudre à jouer, elle le joua hardiment, presque héroïquement, et elle perdit… Dieu ne voulut pas que la fille de Marie-Thérèse épargnât à la France et à la maison de Bourbon le châtiment qu’elle méritait pour avoir subi des Pompadour.
Il ne fallait pas qu’elle pût recommencer, entre l’oratoire et la tombe, les martyrs cachés de Marie Leczinska et de l’Espagnole Marie-Thérèse, et c’est pour cela qu’on l’avait faite belle, et charmante, et pieuse, et bonne, et surtout Française, c’est-à-dire légère comme on l’était alors, car il fallait être légère dans cette malheureuse nation, éperdue d’élégance, pour faire accepter toutes les vertus ! […] Il fallait les battre avec leurs propres armes, ces coquines charmantes et amusantes, qui avaient ôté cette ceinture, par trop serrée de l’étiquette, à ces sultans lassés qu’elle blessait… Il fallait que la vertu, chez soi, fût aussi aimable que le vice, sans cesser d’être la vertu ; et ce jeu difficile et dangereux, que seule une femme pure et trempée dans le Styx de sa propre innocence pouvait se résoudre à jouer, elle le joua hardiment, presque héroïquement, et elle perdit… Dieu ne voulut pas que la fille de Marie-Thérèse épargnât à la France et à la maison de Bourbon le châtiment qu’elle méritait pour avoir subi des Pompadour.
On ne rabaissait pas les talents ou les vertus, jusqu’à ne les payer qu’avec de l’or. […] Il prit en eux le courage d’un moment pour de la vertu ; et les précipitant dans une guerre au-dessus de leurs forces, il détruisit le dernier rempart d’Athènes, le respect qu’inspirait un grand nom. […] Les guerriers de la Grèce, après avoir lu ou entendu de pareils discours, devaient être plus enflammés que dans les pays où le soldat mercenaire, méprisé et payé, combat sans vertu, meurt sans gloire, essuie le dédain pendant sa vie, et l’oubli après sa mort.
Faut-il dès lors s’étonner que la santé et la vertu, ces dons qui peuvent seuls adoucir l’amer breuvage que présente la vie à chacun de nous, se trouvent plus en abondance et soient moins menacées dans les champs et dans les bois ? […] quoiqu’il soit donné à bien peu maintenant de te goûter inaltérée et pure, ou, te goûtant, de jouir longtemps de tes dons, trop infirme ou trop imprudent qu’on est pour pouvoir préserver tes douceurs sans mélange de toutes gouttes amères que la négligence ou la brusquerie de nature laisse tomber dans ta coupe de cristal ; tu es la nourrice de la vertu ; c’est dans tes bras qu’elle sourit, paraissant, comme elle l’est en réalité, née dans les cieux et destinée à y remonter de nouveau. […] Quelques-uns de ceux même qui ont eu l’idée d’introduire chez nous des images de la poésie familière et domestique, et qui y ont réussi à certain degré, n’en ont pas eu assez la vertu pratique et l’habitude dans la teneur de la vie ; ils en ont bientôt altéré le doux parfum en y mêlant des ingrédients étrangers et adultères, et l’on a trop mérité ce qu’un grand évêque (Bossuet) a dit : « On en voit qui passent leur vie à tourner un vers, à arrondir une période ; en un mot, à rendre agréables des choses non seulement inutiles, mais encore dangereuses, comme à chanter un amour feint ou véritable, et à remplir l’univers des folies de leur jeunesse égarée. […] Viens lui parler de devoir, de convenance, lui dire combien la vérité morale est aimable, combien le sens moral infaillible… Ne t’épargne pas sur ce sujet… Déploie toutes tes facultés de déclamation et d’emphase à la louange de la vertu… Pousse ta prose éloquente jusqu’à surpasser l’éclat de la poésie… Il y manque toujours une toute petite parole à voix basse, que Celui-là seul peut prononcer de qui le verbe atteint d’un coup son plein effet, et qui dit aux choses qui ne sont pas d’être, et elles sont à l’instant. […] Il a de plus une indélicatesse naturelle ou acquise qui viole souvent cette première vertu protectrice du foyer, la pudeur.
Ici, d’ailleurs, M. de Ryons agit en bon diable, il voit clair dans cette âme troublée, il sait que la jeune femme n’a pas cessé d’aimer son mari, et, par curiosité plus que par vertu, il entreprend de réconcilier le ménage. […] Elle a fondé un orphelinat pour les jeunes filles pauvres ou en péril de vertu. […] Sa vertu est un sacerdoce qu’elle exerce sacramentellement. […] Son fils Camille, médecin de vingt-quatre ans, reflète toutes les vertus de sa mère : enthousiaste et soumis, rangé et passionné à la fois. […] Ses vertus sont trop au complet, on voudrait les dépareiller.
En présence de ces grandes et touchantes infortunes, Pétion ne semble occupé que d’une chose, du respect de sa propre vertu, du dessein qu’il suppose à tout le monde de la surprendre et de la corrompre, du soin qu’il a de la préserver et de la faire valoir. […] Ils crurent très politique de se mettre sous l’abri d’un homme qui était connu pour l’ennemi de toute intrigue, et l’ami des bonnes mœurs et de la vertu. Mœurs et vertu à part, ce témoignage a du prix. […] Combien d’esprit dans les individus, combien de courage dans la masse ; mais combien peu de caractère réel, de force calme, et surtout de véritable vertu ! […] Le voilà immortel dans la mémoire des hommes ; il y est fixé à jamais dans l’attitude de la jeunesse, du talent, de la vertu retrouvée à travers les erreurs et les épreuves, et du sacrifice suprême, enviable, qui épure et rachète tout.
Ninon fut des premières à s’émanciper comme femme, à professer qu’il n’y a au fond qu’une seule morale pour les hommes et pour les femmes ; qu’en réduisant, comme on le fait dans le monde, toutes les vertus du sexe à une seule, on le déprécie, et qu’on lui fait tort et injure ; qu’on semble l’exclure en masse de l’exercice de la probité, cette vertu plus mâle et plus générale, et qui les comprend toutes ; que cette probité est compatible chez une femme avec l’infraction même de ce qu’on est convenu d’appeler uniquement la vertu. « La vertu des femmes est la plus belle invention des hommes », ce mot singulier, qui est d’une muse spirituelle de notre temps, semble volé à Ninon. […] Vous mêlez même les vertus à tous vos charmes, et, au moment qu’un amant vous découvre sa passion, un ami peut vous confier son secret.
Une autre poésie s’était élevée, depuis plus d’un siècle, puissance bien assortie aux troubles des états libres, n’épargnant ni le vice ni la vertu, et promenant de Paros à Corinthe son fouet injurieux. C’était, nous l’avons dit, cette satire effrénée d’Archiloque, ce dithyrambe de la haine, qui souvent portait une sorte d’enthousiasme dans les passions mauvaises, l’orgueil, la convoitise, l’envie ; pouvoir odieux, mais plus faible que la liberté, le talent et la vertu réunis. […] Panégyriste des rois de Sicile près desquels se retira plus tard le poëte Eschyle, Pindare ne les loua que de leurs vertus, et au profit du commun salut de la Grèce, dont ces rois défendaient aussi la cause contre d’autres barbares alliés de la Perse. […] L’orgueil cependant s’est élevé contre sa louange, lui faisant obstacle sans justice, et voulant par des bouches insensées avoir parlé, et attacher ainsi quelque tare secrète aux vertus des bons. […] et contre quels hommes nous avais-tu menés combattre, des hommes qui luttent ensemble, non pour des richesses, mais pour la vertu !
Il est vrai que le sens du milieu a d’intimes connexions avec les deux extrêmes, et il ne se sépare du sens moral que par une si légère différence, qu’Aristote n’a pas hésité à ranger parmi les vertus quelques-unes de ses délicates opérations. […] L’émotion esthétique se ramenant en grande partie à la contagion nerveuse, on comprend que les puissants génies littéraires s’attachent volontiers à vice représenter le plutôt que la vertu. […] Même lorsque la vertu est prise comme objet de drame ou de roman, c’est l’élément passionnel de la vertu, c’est la passion de la pitié, du dévouement, etc., qui d’habitude fournit à l’écrivain ses sujets préférés. Malheureusement, la passion de la vertu ne peut offrir à l’art qu’un domaine relativement restreint : elle n’est pour l’écrivain qu’une passion comme les autres, et perdue, pour ainsi dire, au milieu de toutes les autres. […] La vertu tend donc plutôt à engendrer les émotions douces, moins rapidement contagieuses que les autres.
Cette république, fondée sur l’industrie, et non sur les armes, prospérait, malgré ses dissensions intestines, par la seule vertu de la liberté. […] Puis, après ces douze ou vingt transfigurations accomplies, qui tantôt les rapprochaient de Dieu par leurs vertus, tantôt les en éloignaient par leurs fautes, en même temps que ces vertus ou ces fautes les rapprochaient aussi ou les séparaient davantage l’une de l’autre, je les réunissais enfin dans l’unité de l’amour mutuel et de l’amour divin, à la source de vie, de sainteté et de félicité d’où tout émane et où tout remonte par sa gravitation naturelle vers le souverain bien et le souverain beau, l’Être parfait, l’Être des êtres, Dieu. […] La deuxième partie a pour sujet le passage du vice à la vertu, qu’il nomme Purgatoire, pour montrer la transmutation de l’âme qui se purge de ses fautes dans le temps, car le temps est le milieu dans lequel toute transmutation s’opère. La troisième et dernière partie est celle où il envisage les hommes parfaits ; et il l’appelle Paradis, pour exprimer la hauteur de leurs vertus et la grandeur de leur félicité, deux conditions hors desquelles on ne saurait reconnaître le souverain bien. […] Je crois voir l’originalité souveraine dans cette force d’un grand esprit qui soumet ses idées, les fait obéir, et en obtient tout ce qu’elles peuvent, en sorte que le dernier secret du génie comme de la vertu serait encore de se rendre maître de soi.
Ce n’est ni l’accent ému et pieux de David, ni l’accent révélateur d’Orphée, ni l’accent héroïque d’Alcée, ni l’accent majestueux de Pindare ; il n’avait de foi bien profonde ni dans la divinité, ni dans la vertu, ni dans la patrie, ni dans la liberté. […] Cette indifférence fondamentale sur les dieux, sur les vertus stoïques, sur les formes politiques, fait partie de son charme ; il est léger comme un cœur vide de fortes convictions ; il joue autour des fibres les plus molles du cœur, il ne les brise jamais. […] Le jeune tribun des légions vaincues, amnistié par Octave, dépense largement son loisir et le peu de fortune que les confiscations lui ont laissée du patrimoine paternel ; il abandonne toutes les pensées de liberté, de vertu, de stoïcisme qu’il avait puisées dans les entretiens de Caton et de Brutus. Sa vie est le commentaire de ces paroles découragées de Brutus mourant : Vertu, tu n’es qu’un nom ! […] Certes il y avait de la vertu et de l’héroïsme civique dans l’homme qui les sentait avec un tel accent !
Son véritable crime ne fut pas d’avoir préféré le mal au bien dans ce commentaire sur les entreprises des princes : son crime fut son indifférence apparente, sa neutralité extérieurement impassible entre le crime et la vertu. […] Cette pensée ne fut ni d’un héros de vertu ni d’un monstre de vices ; elle fut tout simplement la pensée d’un commentateur. […] N’oublions pas cependant que, dans ce temps barbare encore du moyen âge italien, la politique n’était pas une moralité de but et une légitimité des moyens ; la politique n’était qu’une science, et Machiavel voulait surtout se montrer capable : ce n’est que plus tard que la politique, sous la plume de Fénelon, devint une vertu ; sous Bossuet même elle n’était qu’une sainte violence. […] Non, c’est leur conseiller de ne pas espérer leur récompense en ce monde, mais c’est leur montrer d’autant plus la sublimité de la vertu qu’en restant vertueux on consent sciemment à être victime de son innocence. […] Quant à Machiavel, il ne fut point coupable de cette inconséquence de tant de grandes âmes italiennes ; il ne conseille ni ne conspire jamais l’asservissement de sa patrie à des maîtres étrangers ; en cela, seul entre tous, son patriotisme au moins lui servit de vertu.
Plus religieuse que lui, souvent elle rallume dans son cœur une faible étincelle de vertu qui allait s’éteindre ; elle le sauve ainsi à son insu, et attire sur sa tête les faveurs de Brahma. […] La petite fourmi protège ses œufs et ne les brise pas : et toi, être doué du sentiment de la vertu et de la justice, tu ne protégerais pas, tu ne chérirais pas cet être faible auquel tu as donné la vie ? […] Puisse le ciel t’accorder un fils doué de toutes les vertus, un fils digne de régner un jour sur le monde entier ! […] Jeune fille, puisse votre vertu prospérer ! […] — Ou plutôt, ce fruit accompli de toutes les vertus, qui en sera jamais l’heureux possesseur ?
Mais de quelques écueils que fût semée la carriere du Barreau à Athènes & à Rome, tous n’y échouerent pas, & quelques-uns montrerent des vertus. […] La vertu solide est toujours modeste & sincére. […] S’il nourrit les fidéles du pain de la parole de Dieu, il les remplit de la bonne odeur de ses vertus. […] Ce genre d’ouvrage n’étoit, avant eux, que l’art d’arranger de beaux mensonges pour relever les fausses vertus des Grands, & souvent l’abus de la grandeur même. […] Dans ses Oraisons funèbres, il loue dans les Grands les monumens qu’ils ont laissés de leur vertu ; il regne dans quelques-unes une noblesse d’expression égale à la grandeur du sujet.
C’est à ces sortes de caractères que l’exemple du sort de Werther est utile ; c’est un livre qui rappelle à la vertu la nécessité de la raison57. […] Le caractère d’Abbadona, subissant les destinées d’un coupable en conservant l’amour de la vertu, unissant les facultés d’un ange avec les souffrances de l’enfer, est une idée tout à fait neuve. […] Les hommes éclairés de l’Allemagne ont, pour la plupart, un amour de la vertu, du beau dans tous les genres, qui donne à leurs écrits un grand caractère. […] Mais quelle serait l’utilité des lumières pour le bonheur des nations, si ces lumières ne portaient avec elles que la destruction, si elles ne développaient jamais aucun principe de vie, et ne donnaient point à l’âme de nouveaux sentiments, de nouvelles vertus à l’appui d’antiques devoirs ?
Au reste, lorsqu’il s’agit de ces particularités intimes et secrètes sur lesquelles il est si aisé d’avoir maint propos et si difficile d’acquérir une certitude, je crois qu’il est bon de rappeler le mot si sensé que disait un jour Mme de Lassay (fille naturelle d’un Condé) à son mari qu’elle entendait discuter à fond et trancher sur la vertu de Mme de Maintenon : elle le regarda avec étonnement et lui dit, d’un sang-froid admirable : « Comment faites-vous, monsieur, pour être si sûr de ces choses-là ? » Ce mot, qui est piquant, adressé par une femme à son mari qui se prétend sûr d’une vertu controversée, n’est pas moins vrai dans tous les sens, et peut s’adresser également à ceux qui se croient si sûrs de ces fautes d’autrui dont personne jamais n’est témoin44. […] Il n’en fut point ainsi : cette âme de Louis XVI échappait et se dérobait à son rôle de roi par ses vertus mêmes ; sa nature, toute composée de piété et d’humanité, tendait perpétuellement au sacrifice, et de faiblesse en faiblesse il ne devait plus retrouver de grandeur qu’en devenant un martyr. […] L’adversité lui rendit des vertus ; l’élévation du cœur et la dignité du caractère se dessinèrent avec d’autant plus d’éclat qu’elles n’étaient point portées par un esprit tout à fait à la hauteur des circonstances.
Lorsque les célèbres romans de Grandisson pénétrèrent en France, grâce à l’adaptation de Prévost (Mémoires pour servir à l’histoire de la vertu, extrait du journal d’une jeune dame, traduit de l’anglais), ils obtinrent en très peu de temps auprès du public français un succès étourdissant. […] De là sortirent : Paméla en France ou la vertu mieux éprouvée, comédie de Boissy ; Anne Bell et Clary ou le retour à la vertu récompensé, par Baculard d’Arnaud ; Lettres de Juliette Catesby par Mme Riccoboni ; sans compter bien d’autres Lettres de Milady Linsay et de Mémoires de Clarence Wildonne par des inconnus. […] Le tome I : le Vice suprême est en opposition parfaite avec le tome XIV et dernier : la Vertu suprême, et l’on note encore : VIII, l’Androgyne, IX, le Gynandre, X, le Panthée, XIII, Finis Latinorum.