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921. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Il est probable qu’un artifice de bien dire m’induisit à cette assertion, car, à la vérité, il me semble avoir toujours admiré Lamartine autant que Baudelaire, je n’ose pas ajouter davantage. […] Comme notre grand Molière avait raison quand il a dit : Ce style figuré dont on fait vanité Sort du bon caractère et de la vérité. […] De quelle vérité ? Le désordre apparent, la démence éclatante l’emphase passionnée sont la vérité même de la poésie lyrique. […] À la vérité, ce n’est pas un beau vers.

922. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Mais si, dans cet orgueil de la vie, il en est un qui, par désœuvrement ou par fatigue des plaisirs, ouvre le livre dédaigné, quelle n’est pas sa surprise, en se retrouvant parmi ces animaux auxquels il s’était intéressé enfant, de reconnaître par sa propre réflexion, non plus sur la parole du maître ou du père, la ressemblance de leurs aventures avec la vie, et la vérité des leçons que le fabuliste en a tirées ! […] Tout nous y plaît : la morale qui se confond avec notre propre expérience, en sorte que lire le fabuliste c’est ruminer ; l’art, dont nous sommes touchés jusqu’à la fin de notre vie, comme d’une vérité supérieure et immortelle ; les mœurs et les caractères des animaux, auxquels nous prenons le même plaisir qu’étant enfants, soit ressouvenir des imperfections des hommes, soit par cette ressemblance justement remarquée entre les goûts de la vieillesse et ceux de l’enfance. […] Partisan de la révocation de l’édit de Nantes, comme Racine et Boileau, par une erreur commune aux meilleurs Français de ce temps-là, il disait du roi : Il veut vaincre l’erreur   : cet ouvrage s’avance   ; Il est fait   ; et le fruit de ses succès divers Est que la vérité règne en toute la France, Et la France en tout l’univers75 . […] Les deux premiers y cherchaient plus spécialement la vérité dramatique ; Boileau s’y attachait aux traits satiriques, et, dans la morale, à la partie des défenses et des inhibitions plutôt qu’à la partie qui console, ou tout simplement qui instruit sans rien prescrire. […] Il n’y recherche pas la vérité pour s’en servir, mais pour le plaisir qu’il y prend.

923. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

L’autre, qui est le don de choisir parmi les pensées justes celles qui le sont pour les esprits les plus exquis ; de saisir des vérités qui échappent à la foule et de se rendre personnelles celles qui lui appartiennent ; d’être subtil sans raffiner ; de dire du nouveau et d’être vrai ; de sentir plus délicatement que tout le monde ce que tout le monde sent ; d’avoir un naturel à soi, que les autres reconnaissent par le leur ; cet esprit, qui est celui des personnes cultivées dans notre pays, Mme de Sévigné en a plus que sa part, elle le personnifie. […] Son chagrin naturel s’aigrit à la vue de ces ruines faites par la même main qui avait relevé la France ; et si, à force de voir le mal, il lui arriva de l’exagérer ou de le supposer quelquefois, n’était-il pas plus près de la vérité que ceux qui ne voulaient voir que le bien ? […] Il avait l’humeur trop indépendante, il aimait trop la vérité comme un avantage et un droit sur les autres, il croyait trop en chrétien à la liberté humaine pour être propre à la politique. […] Un critique qui, après cette première impression de vérité et de vie, voudrait faire des réserves au nom du goût, trouverait à noter dans ces portraits plus d’une infraction aux règles de l’art et plus d’un effet illégitime. […] Leur feu n’est point cette ardeur fébrile du cerveau qui précipite les pensées, c’est l’émotion qui croît à mesure que la vérité se découvre.

924. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Mais il faudrait au moins qu’un commerce intime s’établit entre ces fonctions diverses, que les travaux de l’érudit ne demeurassent plus ensevelis dans la masse des collections savantes, où ils sont comme s’ils n’étaient pas, et que le philosophe, d’un autre côté, ne s’obstinât plus à chercher au-dedans de lui-même les vérités vitales dont les sciences du dehors sont si riches pour celui qui les explore avec intelligence et critique. […] Entraîné vers l’antiquité par ce besoin nécessaire qui porte toutes les nations néo-latines vers leurs origines intellectuelles, il n’a pu la connaître dans sa vérité, faute de l’instrument nécessaire 73. […] L’humanité arrivera à percevoir la vraie physionomie des choses, c’est-à-dire à la vérité dans tous les ordres. […] Mais il n’en est pas ainsi dans les sciences morales, où les principes ne sont que des à-peu-près, des expressions imparfaites, posant plus ou moins, mais jamais à plein sur la vérité. […] Et toutes les fois qu’on se voit mené par la logique à des conséquences extrêmes, il ne faut pas s’en effrayer ; car les faits aperçus finement sont ici le seul critérium de vérité.

925. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

M. de Meaux y suit par-tout l’ordre des tems ; il prend la réforme dès son origine, & il en fait connoître les auteurs avec autant de vérité que d’éloquence. […] Hermant, Curé du Diocèse de Bayeux, a donné à la vérité une Histoire des Conciles en 4. vol. […] L’emportement & le fiel n’ont jamais annoncé la vérité ; & il y en a beaucoup dans l’original & dans la copie. […] Il y a plus de vérité dans ce que les Protestans ont écrit sur Alexandre VI. […] Il n’y faut chercher ni l’analyse exacte des meilleurs ouvrages, ni l’exposition fidéle du dogme & de la discipline, ni une critique fine & impartiale, ni cet amour éclairé de la vérité, ni ce jugement exquis, ni cette candeur aimable, ni cette noble simplicité de style qui distinguent M.

926. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

À la vérité, surtout quand il s’agit d’un Bossuet, l’homme d’action peut admettre, en quelque sorte, chez lui, à certains moments, l’artiste et faire de très belles œuvres d’art ; mais il n’en est pas moins vrai que la plupart de ses écrits seront des actes. […] Il fait parler les animaux, les arbres, les pierres… » Nous avons le témoignage presque aussi dur de Louis Racine, dont il faut bien cependant tenir compte, puisque Louis Racine a vu lui-même La Fontaine, oui, mais très peu, car il était enfant quand La Fontaine est mort, mais enfin voici ce qu’il nous dit touchant La Fontaine, et certainement il y a quelque vérité, quelque précision historique dans son propos, parce qu’il a tenu la chose de son père : « Autant il était aimable par la douceur de caractère, autant il l’était peu par les agréments de la société. […] Il était l’objet des railleries de ses meilleurs amis. » Ceci est bien dur, nous suffoque un peu, mais il y a là certainement une âme de vérité, comme dit Spencer, car vous voyez que c’est de son père et de ses sœurs surtout que Louis Racine tient ses renseignements. […] Il fallut enfin retourner à l’hôtellerie, et le lendemain nous nous écartâmes de la Loire… » Voilà qui est très significatif, et je n’ai pas besoin de dire que l’accent de la vérité est dans cette prose et dans ces vers. […] Je vous ferai remarquer que toute cette fable les Animaux malades de la peste, c’est, non pas la glorification de l’âne, car le pauvre animal y joue encore un rôle un peu sot ; il est trop candide, il est trop innocent ; l’innocence consiste souvent à se trouver coupable, et c’est précisément le cas de notre pauvre animal ; mais c’est la vérité que la sympathie du lecteur se porte tout entière sur ce pauvre animal opprimé.

927. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

II Et comme elle est, la Philosophie, incapable de découvrir la vérité absolue, les philosophes sont tenus, pour être quelque chose, d’être au moins des originalités spirituelles. […] Renan, — que la rébellion ne pourra pas même exister. » Puis, il ajoute, dans un autre endroit : « Je fais parfois un mauvais rêve » (pourquoi mauvais, puisque ce rêve est pour lui un pressentiment du progrès et de la vérité ?) […] On est un héros dès qu’on est très brave… Il y a les héros et les saints du Démon comme il y a les héros et les saints de Dieu, dans ce monde où le mystérieux Surnaturel tient tête, avec une invincible opiniâtreté, aux efforts de ceux qui ne veulent admettre que les vérités à démontrer et qui tombent directement sous la coupe rigoureuse de la raison. L’écrivain de la Vie de Jésus n’a ni l’enthousiasme passionné de l’erreur, ni la haine implacable de la vérité, ni l’adoration païenne de l’homme par l’homme, devenu le seul Dieu qui puisse exister. […] Et, d’ailleurs, il vaut mieux qu’il en soit ainsi, pour le compte même de la vérité.

928. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

— La vérité. […] Avant cela, les caractères se prononçant en des actes sans intérêt marqué, n’attachaient la curiosité que par la correction du dessin et par la vérité des couleurs. […] Leur langage cesserait de ressembler à la vérité. […] que de vérité ! […] On trahit la vérité quand on s’écarte de cette maxime, et le bruit des applaudissements ne couvre pas la faute.

929. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Aucune vraisemblance, aucune vérité, aucune conformité à la poésie, à la nature des lieux, des temps et des choses. […] Il ne sera ni le poète sévère de la raison, ni celui de la vérité, ni celui de la religion ; mais il sera le poète de l’enchantement. […] Or c’est un autre principe de toute vérité, qu’il faut travailler sur un fond antique, ou, si l’on choisit une histoire moderne, qu’il faut chanter sa nation. […] Il faut peut-être chercher la raison de cette omission dans la nature de son talent, qui avait plus d’enchantement que de vérité, et plus d’éclat que de tendresse. […] « Tancrède poursuit sa victoire ; et, la menace à la bouche, il la pousse, il la presse ; elle tombe : mais dans le moment un rayon céleste l’éclaire ; la vérité descend dans son cœur, et d’une infidèle en fait une chrétienne.

930. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Il soutint que le caractère de toute vérité était d’être pratique, et que la moindre découverte en ce genre valait mieux pour lui et pour l’État que les plus beaux songes. […] Aristote, semblable au mathématicien dont il parle, ne reconnaît d’autre agrément que la vérité. […] Mais il n’estimait la poésie que comme le plus beau vêtement de la vérité dans le sentiment. […] La terre tourne, mais les vérités ne changent pas de place. […] Allez jusqu’à l’âme des hommes, vous y trouverez la conscience ; allez jusqu’à la conscience, vous y trouverez la vérité ; tout sophiste est un menteur, parce que tout sophiste est un flatteur.

931. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Les grands hommes ont deux sortes de dénigrements systématiques à combattre à la fin de leur carrière : premièrement, les ennemis de la vérité qu’ils portent en eux et qui, en les tuant par la raillerie, espèrent tuer la vérité elle-même ; secondement, la jalousie et l’envie de leurs rivaux, supérieurs ou médiocres, qui, en les ravalant, espèrent les rabaisser ou les subordonner à leur orgueil. […] Je vous l’ai dit déjà souvent, mais je veux que vous le sachiez bien et je vous le répète. » Ces paroles me rendirent heureux, car je sentais qu’elles renfermaient beaucoup de vérité. […] Mais à la vérité, pour reconnaître et honorer un grand caractère, il faut en être un soi-même. […] Si on devait décider l’authenticité d’un écrit biblique par la question : Ce qui nous est transmis, est-il absolument la vérité ? […] …………………………………………………… Chacun est du climat de son intelligence, Je suis concitoyen de tout homme qui pense, La vérité c’est mon pays.

932. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Il n’est pas nécessaire que la vérité se trouve exactement dans tous les mots, pourvu qu’elle soit dans la pensée et dans la phrase. […] Et ainsi l’on craint que, la justesse surprenante des images emportant pour lui la vérité du fond, ce positiviste si défiant ne se soit laissé quelquefois tromper par les mots. […] On ne découvre des vérités neuves que par de grands partis pris qui entraînent tout autant d’erreurs. […] Les vérités restent. […] Seulement, c’est là une vérité que nous avons assez vue, et des vérités un peu différentes sont en train de nous attirer davantage.

933. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Une vérité présentée à la pointe des baïonnettes n’est plus une vérité : c’est un outrage. […] Ces vérités conventionnelles, ces sophismes, ces mensonges du moment, périssent avec les passions qui les fomentent. […] La critique historique, vraie, arrive avec le temps ; elle souffle sur toutes ces vérités de convention, inventées par les factions régnantes à leur usage, et elle plaint le grand poète qui leur a prêté un jour son génie. […] La vérité même ne devient française qu’à la condition d’avoir le sourire sur la bouche. […] Voilà la vérité sur l’éducation du poète.

934. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Eschyle, qui vint ensuite, fit beaucoup mieux ; il s’attacha à donner de la noblesse à la Tragédie, & à y mettre de la vérité. […] Ses portraits sont tracés avec la plus exacte vérité : mais comme c’est le visage réel de l’homme, & jamais la charge de ce visage qu’il montre, il ne fait point éclater le rire. […] Ils ont vraiment fait illusion à la postérité, ainsi que l’a dit un Ecrivain moderne, qui ayant joui comme eux de l’amitié des Grands, n’a pas aussi ouvertement sacrifié la vérité à la reconnoissance. […] in-12, est fidéle à la vérité dans le texte, savante & instructive dans les notes ; mais elle manque de grace. […] Des vérités sublimes y sont développées avec art, avec méthode, avec élégance.

935. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Si Féval doutait encore de la vérité de tout ce que nous lui avons dit sur cette espèce de roman auquel nous désirerions l’arracher, nous la lui prouverions par lui-même. […] On ne se révolte pas contre la sienne, et comme il nous fait aimer la puissance, il nous fera peut-être aimer un jour la vérité. […] Je ne connais pas, en effet, de livre plus vrai, et où la vérité, qui n’est ordinairement que nue, soit plus séduisante. […] Les gens de la Libre Pensée pouvaient nous railler et nous dire : « Vous avez pour vous la vérité ; vous pouvez vous passer du reste. » Eh bien, messieurs, nous ne nous en passerons pas ! […] C’est là ce qui, pour nous, en fait la vérité, l’originalité, la beauté, la hardiesse.

936. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Il a déjà le sentiment de bien des vérités, il n’en a pas encore la science. […] La philosophie doit appuyer ses théories sur la certitude des faits ; la philologie emprunter à la philosophie ses théories pour élever les faits au caractère de vérités universelles éternelles. […] Ces trois vérités philosophiques répondent à autant de faits historiques : institution universelle des religions, des mariages et des sépultures. […] — Dans le discours de 1700, Dieu, juge de la grande cité, prononce cette sentence dans la forme des lois romaines : L’homme naîtra pour la vérité et pour la vertu, c’est-à-dire pour moi ; la raison commandera, les passions obéiront. […] Il y consacra une partie de ses nuits pendant deux ans « et s’efforça d’y concilier le respect dû aux princes avec celui que réclame la vérité ».

937. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Les usages de toutes les langues déposent unaniment cette vérité. […] L’analyse des phrases suivantes achevera d’établir cette vérité. […] Robert Etienne à la vérité a rapporté à l’indicatif le prétendu futur du subjonctif ; mais il n’a pas osé en dépouiller entierement celui-ci, il l’y répete en mêmes termes. […] Si elle est vivante, la mobilité perpétuelle de l’usage empêche qu’on ne puisse l’assigner d’une maniere fixe ; ses oracles n’ont qu’une vérité momentanée. […] A la vérité l’usage de notre orthographe place ce caractere à la fin de ces mots ; mais la prononciation renverse l’ordre, & nous disons, ha, hé, ho.

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