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835. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il avait, sur ce sujet fort scabreux, de singulières théories qu’il déduisait non moins singulièrement…. […] « Mon père jugeait alors son fils autrement que cet intime, et, ses théories aidant, il croyait à l’intelligence de ses enfants ; il se contenta donc de sourire à cette sortie, tint bon et passa outre. […] Les théories, les systèmes, les socialismes, n’étaient rien pour lui ; des expériences hasardées sur des millions d’hommes ignorants ou passionnés lui paraissaient des bêtises ou des crimes.

836. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Mais c’est ce point de vue même qui est décevant : un progrès irrécusable a banni cette aristocratique théorie et posé l’inviolabilité du droit des faibles de corps et d’esprit vis-à-vis des forts. […] La théorie libérale de l’indifférentisme est superficielle. […] Il n’y a que des pédants de collège, des esprits clairs et superficiels qui aient pu se laisser prendre à l’apparente évidence de la théorie représentative.

837. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Elle croit que toutes les compositions des grands maîtres sont traduisibles, que telle combinaison de sons correspond naturellement à telle image ou à telle idée, et, chose curieuse, en application de cette théorie, Liszt dans ses concerts inaugure l’usage de distribuer aux auditeurs des programmes où les différentes parties d’une symphonie ou d’un concerto sont, comme il disait, « expliquées en langue vulgaire ». […] Les théories dominantes d’une époque se reflètent dans ses arts plastiques comme dans sa littérature. […] Elles répondent aux théories doctrinaires, à toute cette littérature politique et historique qui s’épanouit en gros livres, en discours, brochures et innombrablables articles de journaux.

838. (1894) Textes critiques

. — Johannes Vockerat et Anna Mahr, Dieu l’un pour l’autre, selon une tant vieille théorie, au souffle des trains — chœur antique — dans les sabliers vides et du tictac lunaire horé de fugitifs ailerons, perdent tout appui séparés. […] Toute théorie étant fausse parce que théorie, n’en exposons pas — ou plus — de l’art de Filiger.

839. (1902) Le critique mort jeune

Emile Faguet ne fût pas tenté par la théorie politique. […] C’est de la théorie qui fait de l’intérêt le moteur universel qu’on veut parler ici. […] Faguet a exposé aussi complètement que possible une théorie qui a fort peu de points communs avec le Contrat social. […] Il faut, pour confirmer les théories mêmes de « l’Étape », que ces indignations et ces révoltes ne s’adressent qu’aux lois, à la « Physique politique » qui y sont expérimentalement démontrées, a M.  […] Charles Maurras a montré par l’histoire de George Sand et de Musset (les Amants de Venise) la théorie de l’amour romantique en action, avec les désastres qu’elle amène.)

840. (1910) Rousseau contre Molière

Si on accepte la théorie générale de Rousseau sur la comédie, il n’y a rien du tout à dire de Molière, ni pour ni contre, et la grande contradiction de Rousseau, la vraie, celle-ci, c’est d’avoir dressé un réquisitoire contre Molière après la théorie ci-dessus. […] Nulle part assurément, si ce n’est à la première scène du premier acte, où Arnolphe expose ses théories sur l’éducation des femmes et sur « les vertus d’ignorance que les femmes doivent avoir et doivent garder. […] — Je dirai de cette théorie, avec regret, que je la crois fausse, estimant que Rousseau est essentiellement partisan de la nature, mais que Molière ne l’est point. […] Voilà, à mon avis, la seule pièce où la théorie : Molière, c’est le préjugé vaincu et la nature intronisée en lieu et place de la convention, est, partiellement encore, mais, tout compte fait, assez largement, justifiée. […] Mais non, ambition, libertinage, débauche, sont dans le sens de la nature, et par conséquent Molière ne peut pas les avoir attaqués, car, s’il les avait attaqués, la théorie serait fausse, et il ne se peut qu’elle le soit.

841. (1924) Critiques et romanciers

Les deux théories étant justes, Lemaître n’a pas voulu renoncer à l’une d’elles. […] Laissons de côté la théologie et la philosophie ; celle-ci a mené Malebranche à une théorie des animaux-machines, déplorable. […] Du reste, ce n’est pas qu’il prétende illustrer là une théorie du genre de celle que Taine a formulée et qui, d’un être, fait le produit d’un temps et d’un milieu : non pas cette théorie, non pas une autre. Aucune théorie, certes. […] Et, sans doute, on y apercevra l’influence de la pensée littéraire qu’on nomme symboliste et à laquelle l’auteur était alors plus attaché qu’ensuite, je crois qu’ensuite les théories de littérature ou, plutôt, d’école l’ont importuné : les théories ne favorisent pas à merveille le plaisir de la littérature.

842. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Lorsque, quelques années après, Sismondi lut le fameux pamphlet doublé de théorie, la Monarchie selon la Charte, il en fut, très-frappé. […] Les Français, extrêmes en tout, défiants, soupçonneux, emportés dès qu’il s’agit de théories, vous jugent tout cela avec la furia francese.

843. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

La théorie qui y préside et qui n’est autre que celle de l’école du goût, de l’école d’Horace, de Despréaux et de Voltaire, s’appliquait avec une exacte convenance à des ouvrages qui ne sortaient point des cadres connus. […] Ici nous n’avons plus affaire à des théories absolues, étroites, toujours sur le qui-vive et la défensive : l’ancien goût est satisfait par de justes réserves, mais l’inspiration nouvelle reste libre : on semble lui faire appel et la désirer.

844. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

. — Quant à la théorie, le roturier en sait autant que les nobles, et il croit en savoir davantage ; car, ayant lu les mêmes livres et pénétré des mêmes principes, il ne s’arrête pas comme eux à mi-chemin sur la pente des conséquences, mais plonge en avant, tête baissée, jusqu’au fond de la doctrine, persuadé que sa logique est de la clairvoyance et qu’il a d’autant plus de lumières qu’il a moins de préjugés. — Considérez les jeunes gens qui ont vingt ans aux environs de 1780, nés dans une maison laborieuse, accoutumés à l’effort, capables de travailler douze heures par jour, un Barnave, un Carnot, un Roederer, un Merlin de Thionville, un Robespierre, race énergique qui sent sa force, qui juge ses rivaux, qui sait leur faiblesse, qui compare son application et son instruction à leur légèreté et à leur insuffisance, et qui, au moment où gronde en elle l’ambition de la jeunesse, se voit d’avance exclue de toutes les hautes places, reléguée à perpétuité dans les emplois subalternes, primée en toute carrière par des supérieurs en qui elle reconnaît à peine des égaux. […] Quoi de plus séduisant pour le Tiers   Non seulement cette théorie a la vogue, et c’est elle qu’il rencontre au moment décisif où ses regards, pour la première fois, se lèvent vers les idées générales ; mais de plus, contre l’inégalité sociale et contre l’arbitraire politique, elle lui fournit des armes, et des armes plus tranchantes qu’il n’en a besoin.

845. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

L’erreur sur ce point, d’une médiocre conséquence dans la théorie, pourrait être capitale dans la pratique. […] Je vois beaucoup de théories pour étendre les libertés du poète ; je n’en vois point, ou je n’en vois que d’imitées de notre littérature, pour le contenir et le régler.

846. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Par la théorie qu’en a donnée le plus habile d’entre eux, Montaigne, on peut apprécier tout ce que notre langue laissait à faire à ses successeurs. […] Aussi Montaigne appelle-t-il le latin et le grec au secours de l’écrivain : « Et que le gascon y arrive, ajoute-t-il, si le françois n’y peut aller. » C’est la théorie de Ronsard.

847. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Pour les grands auteurs dramatiques, on n’est pas d’aussi bonne composition ; on ne se rend pas après Corneille, Racine, Molière ; on a imaginé des théories qui permettent de faire mieux, ou tout au moins de tenter autre chose. […] La fable, du moins, aurait dû échapper aux théories.

848. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan a la pensée trop molle pour concevoir et construire un système, et comme il est d’usage de faire des théories avec les indigences de son esprit, pour les cacher, M.  […] Renan, qui le connaît, lui, et qui en fait une théorie, ne peut jamais être ni un grand peintre, ni un grand écrivain !

849. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

… Du reste, dans cette lettre où le comte de Camors juge son fils, tout en voulant en faire un homme, un prince de ce monde, il laisse apercevoir qu’il n’a pas grande confiance dans l’énergie de sa progéniture, — ce qui rend plus imprudente encore et plus sotte sa théorie sur l’honneur : « Vous déferez-vous — dit-il à son fils — de cette faiblesse de cœur que j’ai remarquée en vous, et qui vous vient sans doute du lait maternel ?  […] » et qui se tourne en hennissant vers Paris, l’abreuvoir de toutes les soifs de son âme, — ce vis-à-vis se serait enflammé des passions des deux personnages, nature et plus grands que nature, — car il faut faire, dans les romans, plus grand que nature, contrairement aux basses théories de la littérature d’à présent !

850. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Ce qui m’intéresserait aujourd’hui, ce serait de connaître leurs théories. […] En regardant, aux Champs-Élysées ou au Parc Monceau, ces théories de nourrices arrivées à Paris avec une chemise et une robe, à présent superbes, béates, tout enchâssées et ruchées de broderies, comment ne pas penser à ce contraste si dangereux, et au nombre des ménages pauvres qu’il a troublés et rompus à jamais ?

851. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Dès les premières pages de Valentine, je me hâte de le dire, ces théories laborieuses de la critique avaient fait place à d’autres pensées plus légères ; mes préventions chagrines ne tinrent pas ; le charme me saisit.

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