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1846. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Il y en a de dates et de chiffres, bonnes pour les biographes qui discutent, et celles-là nous les laisserons dans la Notice ; mais il y en a d’autres qui tiennent à l’essence même de l’esprit très particulier de la marquise et qui s’adressent à tous les biographes qui sentent. […] Elle n’avait ni les engouements, ni les dégoûts, ni les besoins mendiants de société de cette femme d’un esprit qui tenait tête à Voltaire et qui périssait dans la solitude, tout en se croyant la fière philosophie de Diogène parce qu’elle avait donné à son fauteuil du coin du feu la forme étrange d’un tonneau.

1847. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

Si quelqu’un eût pu s’opposer à la publication de ces Lettres, — qui ne sont pas une Correspondance puisque les réponses n’y sont pas, — c’eût été tout au plus quelque parent de Benjamin Constant, pour peu qu’il eût tenu au genre de renommée qu’a laissée derrière lui l’auteur d’Adolphe… L’idée, en effet, qu’on a de Benjamin Constant, comparé pour l’esprit par ses contemporains à rien moins que Voltaire, se trouve légèrement entamée par ces lettres, qui nous le montrent tout à coup sous l’aspect étonnant d’un sentimental aussi niais que le premier amoureux venu ! L’espèce de fatuité qu’on attribuait à l’auteur d’Adolphe, qui, disait-on, avait dans ce roman écrit sa propre histoire et peint la fatigue d’une liaison qui justifiait le mot fameux des Liaisons dangereuses : « on s’ennuie de tout, mon ange », ne tient plus devant le ton de ces lettres écrites par le plus maltraité des hommes qui aiment, — par le plus patito des patiti qui aient jamais existé !

1848. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Au lieu d’une histoire qui se tienne, comme une fresque, dans une unité brillante ou profonde, nous aurons une histoire, morcelée en panneaux étroits, avec un semis de petits médaillons, grands comme le fond de la main, et uniformément petits, quoique déjà il y ait, parmi tous ces moines oubliés de l’histoire, parmi toute cette masse immense de violettes de sainteté humble qui trouvent, elles ! […] Il l’a détaillé et rapetissé, croyant, bien à tort, qu’en rapetissant et en détaillant un sujet, on le fait mieux voir et mieux tenir, et il n’a pas su éviter la monotonie, la monotonie qui vient parfois de la beauté et de la profondeur des choses, mais que cette misérable petite créature éphémère, qui s’appelle l’homme, ne peut pas longtemps supporter !

1849. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Il avait les facultés nécessaires à cette besogne ; il avait le degré qu’il faut de sagacité, d’érudition, d’enthousiasme et même de duperie, pour aller chercher des idées dans des livres profonds et obscurs comme des puits, où elles se tiennent peut-être pour se faire croire la Vérité, et pour les verser dans les esprits qui les ignorent, après les avoir fait passer par cette langue française, qui est la langue universelle de la clarté, comme par un crible lumineux ! […] et on est tenu à en faire, en philosophie.

1850. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

À part ses conséquences, — et ces conséquences, si elles étaient légitimes, feraient table rase de tout ce que le monde moderne tient pour vrai en philosophie et replaceraient la théologie à sa vraie place, c’est-à-dire à la tête de toutes les sciences, même naturelles, — à part ces conséquences à outrance, ne manqueront pas de dire certaines gens, le mémoire adressé par M. de M*** à l’Académie des sciences morales et politiques a encore une importance considérable. Quoique sous forme de polémique, c’est la meilleure histoire qu’il y ait à cette heure des phénomènes mystérieux qui tiennent en éveil le monde tout entier.

1851. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Les portraits dont l’éditeur tenait à l’orner, — le plastique, par Chassériau, gravé sur acier par Flameng, le littéraire, par M.  […] Et puisque nous tenons une épave de ce qu’elle a perdu, dans ce volume de poésies, publiées aujourd’hui, voyons si son naufrage, comme poète, est un si grand malheur à déplorer.

1852. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Le poète ne semble-t-il pas dire : « Tenez ! […] des patauderies du sublime auteur du Pianto et qui tiennent à la profonde ignorance de son métier, passerait toute créance.

1853. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Car c’est là surtout ce que nous sommes tenus à dire, nous qui n’avons pas charge de notice officielle sur le comte Alfred de Vigny et ses œuvres. […] Il y a dans ces Poèmes d’Alfred de Vigny, réunis sous ce nom général de : Destinées, des morceaux qui n’ont pas ce double caractère que je tiens surtout à signaler, et qui se rapprochent de la première manière de l’auteur, mais concentrée, mûrie, calmée ; d’une couleur moins vive, mais certainement d’un dessin plus fort : La Jeune Sauvage, La Maison du Berger, et surtout L’Esprit pur, poésie cornélienne, l’exegi monumentum du poète, dans laquelle, se mesurant à ses ancêtres, gens d’épée dont il raconte admirablement la vie de cour et d’armes : Dès qu’ils n’agissaient plus, se hâtant d’oublier : il se trouve plus grand de cela seul qu’il a mis sur son casque de gentilhomme : Une plume de fer qui n’est pas sans beauté !

1854. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Il peut me tenir dans sa main comme une balle et me lancer où il voudra… Comme le sacrifice est facile et comme vos enthousiasmes aussi rapides que vos découragements, sont loin de nous, incommensurablement loin, aussi loin que les plus lointaines étoiles le sont de notre planète ! […] Ailleurs, dans la vie du jeune Escande, nous lisions que privé de voir l’aumônier protestant, il aimait à entrer dans la petite église catholique de Courtemont, où, caché derrière un pilier, il se tenait dans le silence et le recueillement.

1855. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Ne devrait-elle plus attendre qu’une de ces époques déjà signalées dans le monde, où la science des choses matérielles avait détruit le sentiment de l’idéal, où la force et le travail tenaient enchaînées dans un vulgaire bien-être des millions d’intelligences éteintes à l’amour de la liberté civile et des arts ? […] On ne peut donc en douter : à cette race sans nom, et ce peuple multiple et mêlé qui s’étend si loin du nord au sud de l’Amérique, appartient déjà le meilleur des enthousiasmes patriotiques, celui qui tient à la liberté comme au sol, et qui a respiré l’amour des lois avec l’air natal.

1856. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Et ce manque absolu d’excès, cette infaillible exactitude qui se tenait toujours aux limites du vrai, du possible, de l’utile, c’est peut-être le point faible de ce grand et excellent homme : il fut trop paisiblement sage et sensé. […] Il savait que toutes les pièces du dogme se tenaient : aussi se montrait-il intraitable contre tous ceux qui en altéraient quelque partie. […] De plus, dans les sermons de Bossuet, les contemporains estimèrent surtout la logique et la science ; et ils ne s’aperçurent pas, lorsqu’il se tut, qu’il leur manquât quelque chose, parce qu’au même instant Bourdaloue vint tenir sa place, et réaliser d’autant mieux leur idéal qu’il ne le dépassait pas438. […] Il l’impose, il le tient pour incontesté ; il lui demande seulement la sanction de l’obligation morale : il fait appel à son autorité pour courber le cœur440. […] Cet ancien professeur de rhétorique avait une vraie foi, une émotion sincère, et de là une forte éloquence qui éclatait parfois : mais à l’ordinaire il ne pouvait se tenir d’amplifier sa matière, avec force hyperboles et grands mouvements.

1857. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Lorsque l’on passe de Delille ou même de Casimir Delavigne à Lamartine et Hugo, on sent d’abord une extrême différence, qui ne tient pas à la structure du vers : car elle subsiste dans les vers les plus classiques des Méditations ou des Feuilles d’automne. […] Par quel lien tenait-il l’âme du poète ? […] Puis il lâcha de loin en loin quelques pièces, qui formèrent avec trois ou quatre autres le recueil posthume des Destinées (1864) : en tout, une trentaine de poèmes, qui tiennent en un petit volume. […] Les Feuilles d’automne se terminent par une promesse de poésie satirique, que tient la première moitié des Chants du crépuscule (1835). […] Alors il tient l’inspiration qu’il lui faut pour soutenir son imagination et pour être par surcroît l’idole d’un peuple pendant trente ans.

1858. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Il admettrait sans doute quelques autres exceptions si on le pressait un peu, et cela nous suffirait, car ce ne sont pas les romans-feuilletons qui nous tiennent à cœur. […] Cette vie contemporaine qu’ils racontent, on sent qu’ils y tiennent par les entrailles ; ils frissonnent eux-mêmes de cette fièvre qu’ils décrivent. […] Sans doute leurs chapitres ne se suivent pas tout à fait au hasard : outre qu’ils se tiennent par l’unité du but, qui est la description de tel ou tel monde, on devine le plus souvent dans quelle intention délicate, pour quel effet de symétrie, de redoublement du d’opposition ils ont été disposés comme on les voit : leur désordre, est lui aussi, « un beau désordre ». […] Cette impression tient peut-être, en partie, à ce caprice de composition qui, comme nous l’avons vu, découpe un livre en tableaux presque toujours indépendants les uns des autres : les vides qui séparent les tableaux se répètent dans le processus des caractères. […] De l’esprit, MM. de Goncourt en ont tant qu’ils veulent, et parfois aussi tant qu’ils peuvent, du plus subtil, du plus tourmenté ; un esprit qui est souvent, à l’origine, un esprit de pénétration aiguë et rapide, un esprit d’analystes, mais qui est plus souvent encore un esprit de stylistes, une coquetterie de l’imagination en quête d’expressions rares, d’alliances de mots imprévues, d’enfilades de synonymes d’un relief croissant ; une coquetterie à qui la justesse ne suffit point, qui ne s’en tient pas au brillant, qui va d’elle-même au raffiné, au singulier, à l’extravagant, qui renchérit sans cesse sur ses trouvailles et qui s’excite à ce jeu.

1859. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il n’y a pas encore de mots pour les nuances, ce qui paraît moins tenir à la simplicité relative des esprits en ce temps-là, qu’à une répugnance d’instinct pour tout ce qui n’est pas l’expression précise et générale, soit d’un fait, soit d’un sentiment. […] L’habile député qui avait conduit l’arrangement avec Venise fut successivement de l’ambassade qui vint demander à Isaac l’Ange l’accomplissement des promesses de son fils, et qui somma ce jeune prince, que la bonne fortune avait rendu ingrat de tenir sa parole. […] Ces exemples prouvent que les langues tiennent au sol du pays par d’antique racines, et que, dès leurs premiers bégayements, elles sont déjà marquées de caractères immuables, qu’il n’est permis à aucun écrivain de méconnaître ni d’altérer. […] La plus sensible des différences entre Froissart et ses devanciers, c’est que ceux-ci s’en tiennent à ce qu’ils croient la vérité et que Froissart entre hardiment dans la vraisemblance C’était là une grande et fécondé nouveauté. […] Il reconnaît la main de Dieu dans cette chute si rapide de la maison de Bourgogne, et dans les emportements du dernier de ces grands vassaux qui depuis un siècle, tenaient en échec leur suzerain.

1860. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Ainsi chacun peut retrouver l’harmonie ici-bas, ou là-haut, et partout à la fois s’il y tient. […] Rien ne prouve qu’il y en ait dans la plupart des cas, ni qu’elle y soit essentielle, ni qu’elle y tienne place de cause, car d’une part l’obéissance peut simuler l’affection, et d’autre part il est possible aussi qu’elle la produise, dans le cas où les facteurs personnels et égoïstes sont, comme chez l’hypnotisé, annulés ou du moins amoindris, et réduits à l’impuissance. […] Mais la société tient à ce que nous sachions obéir, et elle agit en conséquence. […] Souvent on isole, sans que personne sache pourquoi, un des devoirs de l’individu, on le considère seul, on le tient pour absolument sacré, et on l’impose de son mieux, à tort et à travers, au nom de la morale éternelle. […] Quoi que nous fassions, nous ne pouvons éviter complètement La lettre sociale écrite avec le fer et pour garder même la part qu’il croit bien tenir et qu’il ne veut pas abandonner, l’instinct égoïste doit se défendre constamment.

1861. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Tiens ta parole, ô toi chef et modèle des hommes ! […] … Ne craignez…… (Il n’achève pas, et continue à se tenir caché.) […] Ma curiosité n’est pas moins vive que la tienne, je t’assure ; voyons, il faut nous éclaircir. […] » leur dit-il en langage vulgaire, « ne perdez pas de temps à mettre en sûreté les faibles animaux qui peuplent votre sainte retraite : tout annonce l’approche du roi Douchmanta (c’est lui-même), qui se livre au plaisir de la chasse. » Puis, reprenant le langage des vers, comme cela a lieu dans le drame toutes les fois que l’expression s’élève avec le sentiment ou avec la description : « Déjà », dit-il, « un tourbillon de poussière soulevé par les pieds des chevaux retombe sur vos vêtements d’écorce, tout humides encore et suspendus aux branches où ils achèvent de se sécher, semblables à ces nuées d’insectes qui, par un beau rayon de soleil, viennent s’abattre en foule sur les arbres de la forêt… « … Tenez-vous en garde surtout, ô pieuses ermites, contre cet éléphant sauvage chassé par la meute, qui répand l’effroi dans le cœur des vieillards, des femmes et des enfants ! […] « La distance des lieux où je voudrais être à la fois tient mon esprit divisé, comme sont divisées les eaux d’un fleuve par un rocher qui s’oppose à son cours. » XXI Le troisième acte s’ouvre par une scène courte, où l’on voit les amies de Sacountala cueillir des simples et composer des breuvages pour calmer la fièvre de Sacountala, malade, on ne sait de quel mal secret, dans sa cellule.

1862. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

La Colombiade est d’une Dame qui a plus d’une sorte de mérite, & qui tient une place distinguée parmi les Graces & les Muses. […] On trouve dans ces piéces des morceaux très-piquans ; mais ils ne tiennent pas assez au sujet, & lui sont quelquefois absolument étrangers. […] C’est un Drame mixte qui tient à la Comédie par le fond, & qui s’approche de l’opéra pour la forme. […] C’est un nouveau genre pastoral qui tient un peu du roman. […] Il nous tient lieu d’Esope, de Phédre & de Pilpai.

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