Ce général, qui avait la force du corps singulière du roi son père, avec la douceur de son esprit et la même valeur, possédait de plus grands talents pour la guerre. » Cette douceur d’esprit qui étonne un peu d’abord, nous la retrouverons nous-même et nous la vérifierons. […] Aussi n’est-ce pas l’affaire de tous les hommes ; mais c’est un malheur pour les gens à talent et à génie de ne pouvoir persuader la vérité aux ministres, aux généraux, aux princes même ; car partout on suit la routine, et c’est un défaut pour un homme de passer pour un inventeur, qu’il faut qu’un particulier cache avec soin s’il est sage, parce que l’on s’aliène les esprits ; et il n’est permis qu’à un souverain d’être créateur d’un nouveau système. » Et c’est bien là une des raisons pour lesquelles il aurait tant aimé à être un souverain. […] Burty me fait remarquer qu’il s’agit probablement de la mécanique genre de talent que possédait en effet le maréchal de Saxe.
La mise en train des premières campagnes, les tâtonnements et les inexpériences, une opinion motivée sur la valeur de ces premiers généraux improvisés de la République, la mesure exacte et proportionnée de ces hommes tour à tour exaltés ou dépréciés, le compte rendu clair et intelligible de leur marche, de leurs essais, de leurs fautes et de leurs bévues, comme aussi de leurs éclairs de perspicacité stratégique et de talent, toutes ces parties sont rendues dans une narration bien distribuée et lumineuse, sans que le côté militaire devienne jamais trop technique, sans que la considération politique et morale des choses soit oubliée ; car ce tacticien éclairé est le premier à reconnaître que « la guerre est un drame passionné et non une science exacte 60. » Rien de tranché d’ailleurs ni d’absolu dans la pensée ni dans l’expression : la modération et un esprit d’équité président. […] Selon l’opinion de Jomini, quoique Napoléon, à partir de 1806, eût commis de grandes fautes militaires, « sa chute néanmoins avait été plutôt le résultat de ses fautes politiques et de ses erreurs comme homme d’État. » En passant condamnation sur le cadre, disons vite que dans un genre faux Jomini a montré un talent véritable, même parfois un talent d’écrivain.
XIV M. de Fontanes était un littérateur d’un talent réel et hardi. […] Il faut être très-grand pour proclamer la grandeur d’un rival ; il reconnut tout de suite, dans l’Essai sur les Révolutions, le germe d’un talent informe, mais magistral. […] Allez au-devant de lui, vous serez plus vrai et surtout vous serez plus fort ; la Providence vous a doué des magnificences du talent ; consacrez-les aux larmes et aux dieux de la patrie ; soyez le grand prêtre du passé ; le monde vous attend et l’esprit nouveau se tournera vers vous comme le pieux regret qui embrasse passionnément une ombre.
Chargé de tant d’affaires, il trouva toujours le temps de se colleter avec Pierre et Paul, grands ou petits, bons ou mauvais, gens à talent ou sans talent, qui avaient eu le malheur de choquer sa vanité ou d’éveiller sa jalousie. […] Rousseau réservait jalousement son indépendance, alors qu’il avait à se faire pardonner son talent.
Anatole France est une des « résultantes » les plus riches de tout le travail intellectuel de ce siècle, et que les plus récentes curiosités et les sentiments les plus rares d’un âge de science et d’inquiète sympathie sont entrés dans la composition de son talent littéraire. […] Puis il eut, comme Jean Servien, comme beaucoup d’écrivains et d’artistes dans notre société démocratique où si souvent le talent monte d’en bas, une jeunesse pauvre, dure, avec des amours absurdes, des désirs démesurés, des aspirations furieuses vers une vie brillante et noble, des déceptions, des amertumes. […] tout cela dans des impressions d’enfance C’est ainsi, et il n’y a rien là de surprenant, que le talent de l’écrivain, car il n’est pas de meilleur sujet pour un observateur qui est un poète, ni pour un poète qui est un philosophe, ni pour un philosophe qui est un père.
L’esprit est le genre qui a sous lui plusieurs especes, le génie, le bon sens, le discernement, la justesse, le talent, le goût. […] Si la chose est extremement particuliere, il se nomme talent ; s’il a plus de rapport à un certain plaisir délicat des gens du monde, il se nomme goût ; si la chose particuliere est unique chez un peuple, le talent se nomme esprit, comme l’art de la guerre & l’Agriculture chez les Romains, la Chasse chez les sauvages, &c.
André Chénier, témoin des mêmes actes, et jugeant Condorcet dans la mêlée comme un transfuge de sa cause, de la cause des honnêtes gens, s’écriait : C…, homme né pour la gloire et le bien de son pays, s’il avait su respecter ses anciens écrits et su rougir devant sa propre conscience ; homme dont il serait absurde d’écrire le nom parmi cet amas de noms infâmes, si les vices et les bassesses de l’âme ne l’avaient redescendu au niveau ou même au-dessous de ces misérables, puisque ses talents et ses vastes études le rendaient capable de courir une meilleure carrière ; qu’il n’avait pas eu besoin, comme eux, de chercher la célébrité d’Érostrate, et qu’il pouvait, lui, parvenir aux honneurs et à la fortune, dans tous les temps où il n’aurait fallu pour cela renoncer ni à la justice, ni à l’humanité, ni à la pudeur. […] De talent véritable, au sens littéraire du mot, n’en demandez point à Condorcet dans tous les écrits sortis de sa plume pendant la Révolution. […] Son vrai talent d’écrivain doit encore se chercher en arrière, dans ses éloges académiques ; depuis lors il n’a jamais eu qu’un style de plus en plus gris.
Basset prêche sur le vaisseau et lui fait l’effet d’un Bourdaloue : Il y a un peu de miracle à son affaire, dit Choisy ; et, à mesure qu’il approche du lieu de sa mission, Dieu lui fait de nouvelles grâces et lui donne de nouveaux talents. […] Le talent de Choisy consistait à introduire en tout sujet une facilité familière et une rapidité qui gagnait et entraînait le lecteur. […] Il mène et conduit les narrations les plus sérieuses avec le même dégagé qu’il ferait Peau d’âne : c’est un talent.
Suit alors l’énumération de ses talents, vers, prose, chansons improvisées : Elle exprime même si délicatement les sentiments les plus difficiles à exprimer, et elle sait si bien faire l’anatomie d’un cœur amoureux, s’il est permis de parler ainsi, qu’elle en sait décrire exactement toutes les jalousies, toutes les inquiétudes, toutes les impatiences, toutes les joies, tous les dégoûts, tous les murmures, tous les désespoirs, toutes les espérances, toutes les révoltes, et tous ces sentiments tumultueux qui ne sont jamais bien connus que de ceux qui les sentent ou qui les ont sentis. […] » Pour bien comprendre le succès de Mlle de Scudéry et la direction qu’elle donna à son talent, il faut se représenter la haute société de Paris telle qu’elle était avant l’établissement de Louis XIV. […] Ce qui est remarquable et réellement distingué dans les romans de Mlle de Scudéry, ce sont les conversations qui s’y tiennent, et pour lesquelles elle avait un talent singulier, une vraie vocation.
Il faut avouer que ses compliments sont à peu près dans ce goût : « Autrefois, je ne vous connaissais pas, je ne vous lisais pas, je ne rencontrais que des gens qui me disaient du mal de vos romans… Maintenant tout est changé… alors je vous lis, je vous lis avec un grand plaisir… et vous trouve vraiment beaucoup de talent… Mais au fait, on dit que vous avez aussi publié des livres d’histoire très curieux… moi je n’y croyais pas, quand j’ai commencé à lire vos romans… je les ai trouvés si bien, que ça me mettait en défiance contre vos autres livres… Je me disais : ils sont trop romanciers pour être des historiens… » * * * — Voltaire n’a que l’esprit, tout l’esprit d’une vieille femme du xviiie siècle ; mais jamais de son esprit ne jaillit une pensée, ayant la moindre parenté avec une pensée de Pascal, avec une pensée de Bacon, avec n’importe quelle pensée d’une grande cervelle philosophique. […] La singulière conception, chez un homme de talent, de très grand talent !
Et vous voilà tiré de Loutherbourg à qui certes on ne saurait refuser un grand talent. […] Quand on éveille la jalousie par un grand talent, il ne faut pas prêter le flanc du côté des mœurs. […] Encore une fois, Loutherbourg a un talent prodigieux ; il a beaucoup vu la nature, mais ce n’est pas chez elle, c’est en visite chez Berghem, Wouwermans et Vernet.
Si on n’avait pensé qu’à jouir ou à faire jouir du talent de M. […] Il l’a perdue en effet, non d’un coup et à jamais, de même que cette belle et célèbre chanteuse qui, un soir, dans tout l’éclat de son talent, perdit soudainement sa voix, comme si on lui eût enlevé avec la main l’appareil par lequel on chante, et qui, depuis, ne la retrouva plus, même en la cherchant avec frénésie dans le fond de son pauvre gosier au désespoir ! […] Sainte-Beuve a-t-il perdu ce don d’originalité inestimable qu’il avait à vingt ans, c’est-à-dire, à l’âge où l’on n’a guères, même avec du talent et de l’avenir, que la folie de l’imitation, quand on n’en a pas la niaiserie ?
Courtoisie à part, il y a dans ces vers, malgré le talent, un grave défaut, qui est celui de la grossièreté. […] On a dit que Clément Marot avait connu Louise Labé et loué son talent poétique. […] D’honnêtes attraits, un talent aimable et facile, suffisaient sans doute à ces hommes savants et enjoués. […] Il dit qu’il n’avait de vrai talent que pour la satire et que c’était surtout La Harpe qui l’inspirait. […] Il n’était pas très fort, mais il eut, à son heure, un commencement de talent neuf.
Il contient des détails très curieux ; mais je ne puis partager entièrement ses opinions sur le prétendu amour de Robert, et surtout sur l’influence qu’il aurait exercée sur son talent et sur ses ouvrages.
Mais c’était une coquetterie provençale et une modestie de son talent.
Sainte-Beuve Il est curieux de voir comme M. de Chateaubriand, dès qu’il écrit en vers, devient un talent pacifique et doux.
Victor Hugo … Paul Meurice, un esprit lumineux et fier, un des plus nobles hommes de notre temps… De nos jours, l’écrivain doit être au besoin un combattant ; malheur au talent à travers lequel on ne voit pas une conscience !