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246. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Nous sommes très-éloignés de vouloir lui supposer de pareilles vûes ; mais nous ne pouvons dissimuler que ce n'est pas en cherchant à prouver l'accord de la Philosophie avec la Religion, par soixante & treize Discours historiques & critiques, sur la Révélation, le Polytéisme, la Loi Mosaïque, les divers systêmes des anciens Philosophes, & sur d'autres sujets semblables, traités avant lui, que M. l'Abbé Yvon pourra se flatter d'arrêter les progrès de la Philosophie moderne, & de ramener aux principes religieux les esprits qui s'en sont écartés. […] C’est sur la foi de ceux qu’on suppose plus instruits, plus éclairés, qu’on se forme les différentes idées des choses ; celui qui croit savoir moins qu’un autre, quelque pénétrant qu’il soit d’ailleurs, s’en rapporte volontiers à des lumieres qu’il juge supérieures ; & c’est sur cette adhésion aux idées d’autrui, que se sont établies les différentes persuasions qui ont donné cours à tous les systêmes adoptés depuis le commencement du monde. […] Rien n’est donc si faussement supposé, que cette humiliation prétendue de la raison devant les Oracles de la Foi. […] Qu’on suppose une Société vraiment religieuse : quel genre de vices pourroient subsister dans son sein ?

247. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Ils supposèrent encore de la part de Mme de Monnier des plaisanteries à ce sujet. […] Supposez que vous êtes mon ami ; que vous ne pouvez vous absenter d’ici ; qu’il vous importe que j’aille à Metz à votre place, Balancerai-je ? […] Selon lui, son séjour dans ce pays du Jura ne doit pas être aussi court qu’on le suppose ; le dessein de son père n’est pas d’abréger cet exil ; et lui-même il en est venu à renoncer à toute carrière d’ambition : Depuis que j’ai été à même et en état d’observer, les temps-ont été si difficiles, les circonstances si fâcheuses, l’esprit du gouvernement si bizarre, son despotisme à la fois si odieux et si insensé, que je me suis accoutumé à regarder la vie privée comme la place d’honneur3. […] Ici le trop d’audace avait dépassé le but, et la scène, qui supposait le parfait sang-froid des deux acteurs, avait manqué.

248. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Supposez non plus du tout un Montaigne, mais un Étienne de La Boétie vivant en 89 et en 93, ou encore un Vauvenargues à cette double date, et vous aurez André Chénier. […] André Chénier, d’ailleurs, ne jugeait point Marie-Joseph et ses tragédies révolutionnaires avec la sévérité qu’on pourrait supposer d’après l’esprit modéré de l’ensemble de ses doctrines. […] Il suppose, il rédige une adresse de ce même roi à l’Assemblée, datée de juin 1792, et où il le fait parler avec autant de bon sens que de dignité. […] Il suppose à tous ceux qui pensent comme lui autant de courage qu’à lui : Que tous les citoyens dont les sentiments sont conformes à ceux que contient cet écrit (et il n’est pas douteux que ce ne soit la France presque entière) rompent enfin le silence.

249. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Le même don qui suscite en lui une vision originale et nouvelle le contraint à appliquer sans cesse cette vision unique : comme si le pouvoir d’innover, d’échapper à l’imitation des formes passées, supposait une force si excessive que, s’étant une fois manifestée chez un être, elle dût, par la suite, le dominer toujours. […] À se confier à cette méthode, il est apparu que la tare dont les personnages de Flaubert sont marqués suppose chez l’être humain et à l’état normal l’existence d’une faculté essentielle. […] Que l’on suppose Mme Bovary transportée en réalité dans le milieu qu’on lui voit rêver, qu’au lieu d’être la fille du père Rouault, le fermier des Aubrays, elle soit issue de parents aristocrates et millionnaires, qu’au lieu d’être l’épouse d’un officier de santé dans un petit village normand, elle soit la femme d’un grand seigneur, et vive dans une atmosphère de fêtes, de luxe et de galanterie et la voici, toujours la même prenant en aversion ces réalités voisines, méprisant ces joies, artificielles, dont la vanité fait le fond, ces passions libertines, auxquelles le cœur n’a point de part, harassée de ces plaisirs forcés et de la contrainte d’un perpétuel apparat, rêvant de quelque vie cachée au fond d’une province, et des joies simples d’une intimité heureuse. […] Ce qu’il faut donc constater en fin de compte, c’est qu’avec la philosophie et la science, c’est qu’avec l’universalité des modes de la connaissance, l’homme se conçoit propre à atterrir en des régions qui lui demeurent inaccessibles, à posséder un savoir qu’il ne conquiert jamais, qu’il se conçoit né pour des fins qui ne sont pas les siennes, qu’il y a un abîme entre sa destinée et la destination qu’il se suppose, qu’essentiellement, et dans son activité la plus haute, il se conçoit autre qu’il n’est.

250. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Il suppose en principe que les facultés d’un homme, comme les organes d’une plante, dépendent les unes des autres ; qu’elles sont mesurées et produites par une loi unique ; qu’il y a en nous une faculté-maîtresse dont l’action uniforme se communique différemment à nos différents rouages, et imprime à notre machine un système nécessaire de mouvements prévus. — Une fois qu’on a saisi la faculté maîtresse, dit-il ailleurs en parlant de Shakespeare, on voit l’homme se développer comme une fleur. […] Qu’on me permette un exemple bien disproportionné quant à la splendeur, mais non pas quant aux circonstances essentielles : supposez que de la grande Histoire de Mézeray on n’ait conservé que les premiers âges à demi fabuleux des Mérovingiens, et puis les règnes de Jean, de Charles V, de Charles VI, et, si l’on veut même, de Charles VII, les guerres des Anglais, et qu’on ait perdu tout le xvie  siècle, où Mézeray abonde et excelle, ces tableaux des guerres civiles religieuses, où il est le compilateur le plus nourri, le plus naïvement gaulois et le plus indépendant à la française, où il se montre le mieux informé et le plus sensé des narrateurs ; aura-t-on, je le demande, du talent de Mézeray et de sa nature d’esprit une idée entière, et surtout pourra-t-on pousser cette idée et la définition de cet esprit jusqu’à la rigueur d’une formule, jusqu’à en extraire le dernier mot ? […] Les autres qualités, les mérites plus politiques qui auraient pu se révéler à mesure qu’il aurait avancé dans son histoire (car il avait en lui, selon la remarque de Quintilien, bien des perfections diverses), ces mérites de spectateur et de peintre, capable pourtant de saisir les effets et les causes de grandeur ou de décadence, ne les lui supposons pas sans preuve, mais ne les lui dénions pas.

251. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Le caractère le plus remarquable de ce morceau tout sentimental et poétique et nullement dogmatique, c’est peut-être qu’il ne conclut pas, et qu’il laisse conjecturer tout ce qu’on voudra sur la pensée finale de l’auteur ; il laisse chacun rêver à son gré sur l’état d’âme définitif que cela suppose. […] Buffon, dans un admirable récit philosophique, a supposé le premier homme s’éveillant à la vie et rendant compte de ses premiers mouvements, de ses premières sensations, de ses premiers jugements. […] Desjobert (c’était le nom du jeune homme) parle de cette masse de livres à un libraire, et, trouvant quelques difficultés, il pense qu’il est plus simple de les supposer vendus et d’envoyer une somme ronde.

252. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Qui dit coalition, entend et suppose quelque chose contre et au dehors. […] Je le suppose jeune et débutant alors ; je ne suis pas embarrassé pour lui. […] d’exhaler de temps en temps ses idées, et ses vues dans de belles harangues de tribune ; car je le suppose aussi distingué comme orateur qu’il l’était comme professeur.

253. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

⁂ L’observation sur le vif suppose donc parfois certaines précautions et un préalable entraînement. […] ⁂ Jusqu’à présent, nous avons supposé les observateurs partant d’un diagnostic connu et consciemment choisi. […] Vous arriverez, par cette gymnastique intellectuelle, à donner à votre esprit une puissance de déduction inconnue à ceux qui restent servilement dans le sillon creusé par leurs maîtres, moins par respect pour ceux qui ont ouvert les portes de la science que par paresse ou insuffisance. » L’emploi véridique de ce procédé, en littérature, suppose donc un certain degré de nescience de la part de l’auteur.

254. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Quoique le génie n’attende pas des époques pour éclore, supposons cependant que, dans un siècle effrayé par tant de catastrophes, et dans le pays même théâtre de tant de discordes, il se rencontre un homme de génie, qui, s’élevant au milieu des orages, parvienne au gouvernement de sa patrie ; qu’ensuite, exilé par des citoyens ingrats, il soit réduit à traîner une vie errante, et à mendier les secours de quelques petits souverains : il est évident que les malheurs de son siècle et ses propres infortunes feront sur lui des impressions profondes, et le disposeront à des conceptions mélancoliques ou terribles. […] Il suppose que les ombres ont les sens plus exquis que nous ; et, au vingt-quatrième chant de l’Enfer, il dit que des yeux vivants ne peuvent pénétrer dans les profondeurs de l’abîme, comme les yeux d’un mort. Il suppose aussi, d’après les anciens, que les ombres parlent la bouche béante, parce que la parole leur sort toute formée du fond de la poitrine ; et il est reconnu lui-même pour un homme encore vivant, aux mouvements de ses lèvres.

255. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Or, dans cette journée que je suppose qu’on puisse aller passer au xvie  siècle avec son auteur préféré, je doute que Calvin, de nos jours, eût beaucoup de chalands. […] Je ne parle qu’avec quelque réserve ; car, en reconnaissant les parties sérieuses, il faut prendre garde de les supposer et de les créer comme l’ont fait tant de commentateurs, ce qui doit bien prêter à rire à Rabelais, s’il se soucie de nous chez les Ombres. […] Il a trouvé ainsi moyen de gâter par du système une Étude d’ailleurs estimable, qui suppose beaucoup de lecture et une connaissance assez intime de son sujet.

256. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Mais supposez que le récit soit partout sur le ton simple et de la vérité, représentez-vous nos amoureux en peine, à travers champs, dans cette marche de nuit, et cherchant depuis une heure ou deux leur invisible château. […] Janin a consacrée au Régent, et dans laquelle il suppose Henri IV apostrophant son petit-fils. […] Mais un ami, un homme amoureux des lettres, du fin style, un connaisseur sans faux scrupule, qui sait son Horace et son Apulée, a devant lui, je suppose, la masse de ces feuilletons que nous donne Janin depuis vingt ans comme l’arbre pousse ses feuilles.

257. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Je dirai la même chose de monsieur l’abbé Gravina, qui, pour avoir supposé que la melopée des pieces de théatre étoit un chant musical, et la saltation une danse à notre maniere, a fait dans son livre de la tragedie antique, une description du théatre des anciens, à laquelle on ne comprend rien. […] Il répond à cette question que ces deux tons sont propres à l’expression des passions emportées des hommes d’un grand courage, ou des heros qui font ordinairement les premiers rolles dans les tragedies, au lieu que les acteurs qui composent le choeur sont supposez être des hommes d’une condition ordinaire, et dont les passions ne doivent point avoir sur la scene le même caractere que celles des heros.

258. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 487

Le Deuil, Crispin Médecin, le Cocher supposé, sont restées au Théatre, & servent quelquefois à dédommager le Parterre de nos lugubres Pantomimes, tristes enfans de la Comédie larmoyante.

259. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article »

Sa Bibliotheque Françoise est le premier Ouvrage qui ait paru en ce genre ; il suppose beaucoup de travail, beaucoup de recherches, mais les inexactitudes en affoiblissent le mérite.

260. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article »

Il faut convenir, en même temps, que ces matériaux supposent des recherches si laborieuses, qu'on doit lui savoir gré de son travail.

261. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vernier, Valery (1828-18..?) »

Valery Vernier, Vingt ans tous les deux, serait assurément connue et célèbre si, par impossible, on la supposait transmise de l’antiquité et retrouvée à la fin de quelque manuscrit de l’Anthologie ; on y verrait une sorte de pendant et de contrepartie de l’Oaristys.

262. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article »

De plusieurs Ouvrages qu’il a faits, on n’estime aujourd’hui que son Histoire des Croisades contre les Albigeois : elle suppose de grandes recherches, de la critique, & sur-tout l’art de les fondre habilement dans le cours de la narration.

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