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711. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Le style du poëme est large, abondant, et jaillit comme d’une source, en débordant quelquefois. […] André Chénier, pour les Iambes, lui avait fourni à la fois le rhythme et le style, la forme et le tou : ce qui ne veut pas dire que Barbier n’y eût pas apporté une grande verve et une ardeur sincère : il avait reçu en plein le coup de soleil de Juillet.

712. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Mignet, et chez lui très-remarquable, est celui d’un style bien moins facile et sonore qu’énergique, original, constamment fidèle à la pensée. […] Ce style, qu’au premier abord on serait tenté de juger trop soigné, n’est pourtant pas exempt d’incorrections ; mais il faut bien distinguer : les incorrections ici ne proviennent plus d’oubli ni de négligence, comme chez M. 

713. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Une sensibilité rêveuse et profonde est un des plus grands charmes de quelques ouvrages modernes ; et ce sont les femmes qui, ne connaissant de la vie que la faculté d’aimer, ont fait passer la douceur de leurs impressions dans le style de quelques écrivains. […] L’impression de ce genre de style pourrait se comparer à l’effet que produit la révélation d’un grand secret ; il vous semble aussi que beaucoup de pensées ont précédé la pensée qu’on vous exprime, que chaque idée se rapporte à des méditations profondes, et qu’un mot vous permet tout à coup de porter vos regards dans les régions immenses que le génie a parcourues.

714. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Il est vrai que le style d’Amyot est un des plus charmants styles du xvie  siècle, dans sa grâce un peu surabondante et son naturel aisé.

715. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

L’archaïsme et le latinisme s’effacent à la fois et se fondent dans l’aisance spontanée de la phrase française : si bien qu’à vrai dire les vestiges de la vieille langue passent à l’état de licences bizarres, et les formes latines tendent à devenir une question de style plutôt que de grammaire. Mais là, comme dans la poésie, le progrès n’est pas sans compensation : littérairement, je préfère le premier style de Calvin, si laborieux, mais si plein et si nerveux, à la facilité pâteuse qu’il a plus tard acquise.

716. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Il a ce style ferme, sain, robuste, qui plaît en France et porte l’idée ; mais, que diable ! […] Ce style, très certainement, Vallès en tirerait parti s’il le mettait au service de quelque chose de grand.

717. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Levallois, qui est un écrivain, a jeté le voile d’un style apaisé, réfléchi, doucement coloré, sur ces erreurs. Chose étonnante et qui me frappe, c’est la précision de ce style si doux, qui n’a ni une colère ni même une vivacité.

718. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

On y rencontre une foule d’écrivains qui, sans l’être dans l’acception pleine et absolue de ce grand mot, ont du style pourtant, — comme on y voit des artistes qui ont ce qu’on nomme, en terme du métier, « de la palette », — mais cela suffit-il pour l’Art d’un pays ou pour sa Littérature ? […] Louandre n’a été ni assez philosophe ni assez poète ; il a été de l’entre-deux, et c’est dommage… Car, s’il avait pris les choses seulement par le côté poétique, il aurait pu nous donner un livre où la science du chroniqueur et de l’antiquaire se serait mêlée à ce qui fait vivre les livres plus que la science elle-même : le style, la couleur, l’émotion !

719. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Au siècle de César et d’Auguste, plusieurs Romains célèbres ne goûtaient point du tout les ouvrages d’Isocrate, et sûrement Brutus était de ce nombre ; au siècle de Trajan, Plutarque le peignait comme un orateur faible et un citoyen inutile, qui passait sa vie à arranger des mots et compasser froidement des périodes ; au siècle de Louis XIV, Fénelon le traitait encore plus mal ; Isocrate, selon lui, n’est qu’un déclamateur oisif qui se tourmente pour des sons, avide de petites grâces et de faux ornements, plein de mollesse dans son style, sans philosophie et sans force dans ses idées. […] Un autre grand mérite de cet orateur, c’étaient des finesses et des grâces de style ; or, ces finesses et ces grâces tiennent ou à des idées ou à des liaisons d’idées qui nous échappent ; elles supposent l’art de choisir précisément le mot qui correspond à une sensation ou délicate, ou fine ; d’exprimer une nuance de sentiment bien distincte de la nuance qui la précède ou qui la suit ; d’indiquer par un mot un rapport, ou convenu, ou réel entre plusieurs objets ; de réveiller à la fois plusieurs idées qui se touchent.

720. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Mais l’œuvre de Quincey doit surtout son incomparable beauté au style magnifique qu’il y a employé. […] Il le met en garde contre « son goût pour l’extravagance dans les idées et le style ». […] Le style même rachète ce qu’il a d’un peu monotone par une allure générale douce et tranquille qui n’est pas sans charme. […] Aucune trace, dans le style ni dans les images, du délicieux poète des œuvres suivantes. […] Et c’est le grand défaut des écrivains italiens, que pas un d’entre eux ne possède un style. » M. d’Annunzio définit ensuite sa conception du style, et l’idée qu’il se fait du futur roman italien.

721. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Lazare et le riche vivaient différemment ; et aussi ils eurent des récompenses différentes. »  — Là-dessus il lâche tout un sermon en style nauséabond avec des intentions visibles. […] Et quel style ! […] Style, mètre, rime, langue, tout art a fini ; au-dessous de la vaine parade officielle il n’y a plus qu’un pêle-mêle de débris. […] Duns Scott, à trente et un ans, meurt, laissant, outre ses sermons et ses commentaires, douze volumes in-folio en petit caractère serré, en style de Hégel, sur le même sujet que Proclus. […] Les Récompenses de cour, la Couronne de laurier, l’Élégie sur la mort du duc de Northumberland, plusieurs sonnets, sont d’un style convenable et appartiennent à la poésie officielle.

722. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Rien de trouvé, rien d’imaginé, rien d’inventé dans ce style. […] Ce serait grand hasard qu’il en surnageât quelque débris dans ce cataclysme de faux art, de faux style, de fausse poésie. […] Si le faux règne en effet dans le style comme dans la conduite de certaines tragédies françaises, ce n’était pas aux vers qu’il fallait s’en prendre, mais aux versificateurs. […] Il rend plus solide et plus fin le tissu du style. […] Elle peut oser, hasarder, créer, inventer son style : elle en a le droit.

723. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Auprès de leur style littéraire, tout style est emphatique, lourd, inexact et forcé ; auprès de leurs types moraux, tout type est excessif, triste et malsain ; auprès de leurs cadres poétiques et oratoires, tout cadre qui ne leur a pas été emprunté est disproportionné, mal attaché, disloqué par l’œuvre qu’il contient. […] Ce vocabulaire technique a inséré quantité de ses mots dans la conversation courante et le style littéraire ; d’où il arrive qu’aujourd’hui nous parlons et nous pensons avec des termes pesants et difficiles à manier. […] Lire, à ce sujet, les écrits de Paul-Louis Courier, qui a formé son style sur le style grec. […] Dans François-le-Champi, dans les Maîtres sonneurs, dans la Mare au Diable, George Sand a retrouvé en grande partie la simplicité, le naturel, la belle logique du style grec. Cela fait un singulier contraste avec le style moderne qu’elle emploie lorsqu’elle parle en son propre nom ou fait parler des personnages cultivés.

724. (1895) Hommes et livres

Comme ce ne sont pas des artifices de style, mais des formes vivantes où se coule spontanément sa pensée ! […] Mais ailleurs, et souvent, quelle chaleur sérieuse, et, dans la familiarité naïve du style, quelle hauteur déjà et quelle noblesse ! […] Sans goût et sans style, Hardy est homme de théâtre ; il voit les choses en scène. […] L’explication d’Énée et de Didon est une maîtresse scène ; il n’y manque que le style, pour être un chef-d’œuvre. […] Ses fureurs font l’étonnement des chancelleries d’ancien régime, peu faites à ce style-là.

725. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Le style de ces exécutions est celui qui convient à Berlioz, non à Wagner : il est romantique. […] Allemand, il produit des œuvres allemandes d’invention, de style et de goût. […] Wagner, malgré son audace, puisse jamais arriver à une troisième transformation de ce beau style. » En somme, pas de critiques approfondies : le Ménestrel jugeait Tristan de cette façon expéditive : « l’histoire de Tristan et Isolde est d’un lamentable sans précédent. » Dans leurs brochures apologétiques de Wagner, Baudelaire et Champfleury ne parlaient guère de Tristan. […] Dujardin reprocha à Wilder de traduire Wagner dans le style des livrets d’opéras. […] La recherche de traduire le style wagnérien tout de rythmes et d’allitérations, conduit à des recherches stylistiques avancées.

726. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Faguet, critique, condamne le style de Rousseau et le style de Balzac, il convient peut-être de juger ce triple juge et d’indiquer quel français il écrit lui-même. […] Son style est bête comme un bourgeois. […] le pauvre style embarrassé qui fait des embarras. […] Sous les grâces indécises de son style on sent une pauvre âme flottante, mais avide de fixité belle et qui, si elle rencontrait dans le maître une lueur de divinité, dans le dogme un rayon d’amour, s’attacherait indéfectiblement au dogme et au maître, serait fidèle jusqu’au martyre, je dis jusqu’à la joie du martyre.

727. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Théophile Gautier, — qui était un peintre littéraire et qui s’appelait encore, par-dessus le marché, « un gaufreur », — Gustave Flaubert, dont Zola relève par la phrase comme un vassal de son suzerain, nous ont bien trop accoutumé à leur manière, à leur style d’une matérialité presque dense, à leur couleur bombante qui approche du relief, pour que nous soyons fort étonné et fort ravi des descriptions de M.  […] Il use d’un style dont il est impossible de ramasser une phrase, eût-on un crochet de chiffonnier pour la prendre, et une hotte aussi, pour l’y jeter ! […] Le dialogue fini, le romancier reprenait son récit et sa page, y versant son style et sa pensée. […] Zola n’a ni style ni pensée à verser. […] En a-t-il encore dans ce livre, ce livre sans entrailles, sans élévation, sans pensée et sans style que celui de l’affreuse canaille qui vit là-dedans ; car M. 

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