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1101. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Chacun souffre à son tour, l’un aujourd’hui, l’autre demain. » À ce moment, Oreste est pris d’un premier accès, et son âme entre en convulsions.

1102. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Sa plus grande crainte est qu’elle ne tombe dans le mal, car il sait, lui méchant, tout ce qu’on y souffre.

1103. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

On sait que les amputés souffrent dans les organes qu’ils ont perdus ; on sait que les lésions des centres nerveux se font sentir surtout aux extrémités.

1104. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Mais il n’en est pas de même d’une action mise en spectacle : c’est une autre sorte d’édifice, qui non seulement doit avoir une étendue beaucoup moindre que le premier, mais encore qui ne peut souffrir qu’une mesure déterminée, pour ne pas rebuter le spectateur, obligé de le parcourir sans repos et sans interruption.

1105. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Le Laocoon souffre, il ne grimace pas.

1106. (1761) Apologie de l’étude

Souffrez que l’Être suprême ne lève pour vous qu’un coin du voile.

1107. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Il souffrait impatiemment de ce charme qu’il ressentait et qui eût entortillé les plus forts.

1108. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Le mal dont nous souffrons est léger puisque, quelques jours suffiraient pour en parachever la guérison.

1109. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Aucune de nos périodes poétiques n’a compté plus de poètes purement verbaux, et qui l’ont su, et qui en ont souffert.

1110. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

On sait qu’à l’humanité de détail qui soulage dans le moment le malheureux qui souffre, il joignit cette humanité plus étendue qui prévoit les maux, rétablit l’ordre, substitue les grandes vues à la pitié, et sans le secours de cette sensibilité d’organes qui est aussi souvent une faiblesse qu’une vertu, sait faire un bien même éloigné, et s’attendrir sur des malheurs qu’elle ne voit pas.

1111. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Ce Waller, après avoir combattu et signalé son zèle pour Charles Ier, après avoir souffert, pour la cause des rois, la prison, l’exil, la perte d’une partie de ses biens, et sauvé à peine sa tête de l’échafaud, eut la bassesse de faire solliciter sa grâce auprès de son tyran, et la bassesse plus grande encore de louer publiquement son oppresseur et le bourreau de son maître : Milton, du moins, montra plus de courage ; lui qui avait servi Cromwell de son épée et de sa plume, après le rétablissement de Charles II, garda le silence, et resta pauvre et malheureux, sans flatter ni prier.

1112. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

C’est contre toute raison que Rodrigue va chez Chimène : d’accord ; c’est contre toute bienséance que Chimène souffre sa visite : j’en conviens ; mais l’un n’est pas capable d’écouter la raison ; il n’est pas au pouvoir de l’autre d’observer la bienséance : ils agissent tous deux comme ils doivent agir dans l’état où on les suppose. […] Plus rigoureux encore que Voltaire, La Harpe n’est pas seulement scandalisé de la lenteur des remords ; il se met, pour ainsi dire, en colère contre leur invraisemblance morale ; il ne peut souffrir que Cinna se convertisse, qu’il fasse succéder à son infernale démagogie des sentiments plus humains et plus honnêtes ; cette conversion lui paraît extravagante, parce qu’il n’en voit pas le motif. […] Cet insensé n’a pu souffrir l’autorité du meilleur des hommes ; il a immolé sa patrie à je ne sais quel principe de la philosophie grecque : aussi Brutus est-il l’idole des philosophes ; et Octave est un monstre, parce qu’il a vengé son père, et qu’il a outragé la philosophie en rétablissant l’ordre et les lois. […] Ne regarderait-on pas aujourd’hui Numa comme un sot, si, après avoir fait accroire aux Romains que sa constitution était l’ouvrage d’une divinité, il avait souffert que les beaux-esprits de son royaume révélassent au peuple que Numa était un fourbe, et la nymphe Égérie un conte pour rire ? […] Ces maximes généralement vraies souffrent de grandes exceptions : pleurer soi-même n’est pas toujours un sûr moyen d’attirer des larmes des yeux d’autrui ; souvent c’est inspirer du mépris pour une âme faible, vaincue par la fortune.

1113. (1902) La poésie nouvelle

De la haine s’y révèle, haine vraie d’esclave qui se débarrasse d’un joug dont il a longuement souffert. […] Riez, comme au printemps s’agitent les rameaux, Pleurez comme la bise ou le flot sur la grève, ‌ Goûtez tous les plaisirs et souffrez tous les maux ‌ Et dites : C’est beaucoup et c’est l’ombre d’un rêve.‌ […] Le paysage devient étrange et il se peuple, dirait-on, d’emblèmes extravagants ; le crépuscule semble souffrir, les nuages sont las de leurs voyages ; le vieux moulin qui laisse tomber ses bras a l’air de mourir. […] Et le remords survient, la peur aussi et la peur de la peur, — et voici qu’une angoisse inattendue apportera une nouvelle souffrance à cette âme qui n’est altérée que de souffrir et qui ne s’inquiète que d’épuiser trop vite toute la souffrance : elle va tressaillir de frissons instinctifs, d’autres sens vont lui naître, infiniment subtils, qui multiplieront sa puissance affective. […] D’abord y continuent les hallucinations des Soirs et des Débâcles, plus fantastiques peut-être : plaines sinistres où le vieux berger des ténèbres corne l’appel des brebis de la Mort, où soudain apparaissent, immenses, dressés sur le ciel magique, « Celui de l’horizon », l’écartelé de son désir qui s’épouvante de lui-même et cherche à travers rocs, à travers landes, la route vers d’autres existences et d’autres tortures, — « Celui de la fatigue », vêtu de siècles morts, inassouvi de lassitude, aïeul de ceux qui pensent, de ceux qui souffrent, et qui jette à l’éternité son cri farouche de misère et de malédiction, — « Celui du savoir », les yeux aigus d’avoir scruté, la science inquiétante des soirs, — « Celui du rien », roi des pourritures grandioses, ivre de formidable ironie et dont le rire éclate devant l’universel tombeau ; il proclame la fin de toutes choses dans l’anéantissement dernier des pourritures, souveraines, incessantes, infinies, au pays mou des morts… Ces effrayantes visions qui, par le luxe de leur couleur, par leur splendeur et leur déconcertante étrangeté, rappellent les Illuminations d’Arthur Rimbaud, cessent brusquement.

1114. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Voilà ce qu’aperçoit Carlyle ; l’homme est devant lui, ressuscité ; il perce jusque dans son intérieur, il le voit sentir, souffrir et vouloir, de la façon particulière et personnelle, absolument perdue et éteinte, dont il a senti, souffert et voulu. […] On ne peut souffrir un homme qui divague, se répète, revient sur les bizarreries et les exagérations qu’il a déjà osées, s’en fait un jargon, déclame, s’exclame, et prend à tâche, comme un mauvais comédien ampoulé, de nous faire mal aux nerfs. —  Enfin, quand ce genre d’esprit rencontre dans une âme orgueilleuse des habitudes de prêcheur triste, il produit les mauvaises manières. […] —  Voilà l’idée originelle qui a fait les puritains, et par eux la révolution d’Angleterre. « Le sentiment de la différence qu’il y a entre le bien et le mal avait rempli pour eux tout le temps et tout l’espace, et s’était incarné et exprimé pour eux par un ciel et un enfer. » Ils ont été frappés de l’idée du devoir ; ils se sont examinés à cette lumière, sans pitié et sans relâche ; ils ont conçu le modèle sublime de la vertu infaillible et accomplie ; ils s’en sont imbus ; ils ont englouti dans cette pensée absorbante toutes les préoccupations mondaines et toutes les inclinations sensibles ; ils ont pris en horreur jusqu’aux fautes imperceptibles qu’un honnête homme se pardonne ; ils ont exigé d’eux-mêmes la perfection absolue et continue, et ils se sont lancés dans la vie avec la fixe résolution de tout souffrir et de tout faire plutôt que d’en dévier d’un pas.

1115. (1896) Le livre des masques

Ils ne savent rien que souffrir, sourire, aimer ; quand ils veulent comprendre, l’effort de leur inquiétude devient de l’angoisse et leur révolte s’évanouit en sanglots. […] Et il attend l’apparition du divin : Alors des profondeurs et des ténèbres saintes Comme un jeune soleil sort des gouffres marins, Blanche, laissant couler des épaules aux reins Ses cheveux où nageaient de pâles hyacinthes, Une femme surgit… dont les yeux sont des abîmes de joie, d’amour et d’épouvante où l’on voit se réfléchir le monde entier des choses depuis l’herbe jusqu’à l’infini des mers ; et elle parle : Poète qui promènes parmi la vie ton étonnement et tes désirs et tes amours, tu te présentes ému par les seules joies charnelles et tu souffres, car ces joies, tu ne les sens vraiment que vaines, mais Si tu n’étreins que des chimères, si tu bois L’enivrement de vins illusoires, qu’importe ! […] Paul Adam a certainement souffert de cette crise de mépris : des lettrés mal informés ont cru longtemps que ses romans étaient pareils à tous les autres. […] Qu’elles essaient leurs grâces dans la perversité ou dans la candeur, les femmes réussiront mieux à vivre qu’à jouer leur comédie ; elles sont faites pour la vie, pour la chair, pour la matérialité, — et leurs rêves les plus romantiques, elles les réaliseraient avec joie si elles ne se trouvaient arrêtées par l’indifférence de l’homme dont les nerfs, plus sensibles, souffrent de vibrer dans le vide.

1116. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

jusques à quand souffrirai-je ?  […] Mais même dans le simple épisode, dans la simple représentation d’une mêlée d’hommes sur un petit espace déterminé, que de faussetés, que d’exagérations et quelle monotonie l’œil du spectateur a souvent à souffrir ! […] Je désire qu’un artiste soit lettré, mais je souffre quand je le vois cherchant à capter l’imagination par des ressources situées aux extrêmes limites, sinon même au-delà de son art. […] MM. les artistes, je parle des vrais artistes, de ceux-là qui pensent comme moi que tout ce qui n’est pas la perfection devrait se cacher, et que tout ce qui n’est pas sublime est inutile et coupable, de ceux-là qui savent qu’il y a une épouvantable profondeur dans la première idée venue, et que, parmi les manières innombrables de l’exprimer, il n’y en a tout au plus que deux ou trois d’excellentes (je suis moins sévère que La Bruyère) ; ces artistes-là, dis-je, toujours mécontents et non rassasiés, comme des âmes enfermées, ne prendront pas de travers certains badinages et certaines humeurs quinteuses dont ils souffrent aussi souvent que le critique.

1117. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

S’il a souffert, c’est qu’il aimait vraiment, tout volage et coureur d’aventures faciles qu’il était d’habitude. […] Car il ne souffre pas de ne plus distinguer ses affections propres de celles que communique l’artifice d’un auteur. […] Or, ce n’est sans doute pas la faim ni la misère qui irritait un Voltaire ou même un Rousseau, mais quand le paysan se révolte, c’est qu’il souffre matériellement, et s’il brûla cette fois tant de châteaux, c’est qu’il souffrait depuis des siècles. […] Elle souffre plus injustement qu’Anna, fille d’un prince, comblée par la fortune, presque uniquement victime de sa frivolité et de son manque d’intelligence ou de décision. […] Ses romans mêmes en ont souffert, et l’Étape ou un Drame dans le monde ne valent à mon gré ni Crime d’amour, ni cette Physiologie de l’amour moderne, si spirituelle et si aiguë, où M. 

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