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1031. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

On disait « monter dans le trône », comme on dit « monter dans la chaire. » Boileau, traduisant des vers d’Homère, dira encore : « Pluton sort de son trône… » Corneille n’a pas inventé la locution ; mais on ne peut la lui rendre et la rétablir sans la justifier. […] Desjardins, Napoléon, s’entretenant de Corneille et au sortir sans doute de quelque belle représentation dramatique, aurait dit : « Si Corneille eût vécu de nos jours, j’en eusse fait mon premier ministre. » Bien d’autres, avant notre auteur, sont allés redisant cette parole. […] Mais tout nous prouve que c’est bien pour son propre compte que Corneille a senti et grondé ces beaux vers ; la griffe et l’âme du lion y sortent de toutes parts.

1032. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

On contractait nécessairement, dans cette vie que j’ai décrite, un peu de violence ou de superbe intellectuelle, trop de confiance aux livres, à ce qui est écrit, trop d’assurance en la plume et en ce qui en sort. […] Lorsqu’il sortit de l’École, en 1851, de grands changements pourtant, et qui étaient devenus nécessaires, s’accomplissaient ; mais on était passé, selon l’usage, d’un excès à l’autre ; on entrait en pleine réaction. […] En un mot, il n’y avait qu’une âme au xviie  siècle pour faire la Princesse de Clèves : autrement il en serait sorti des quantités.

1033. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Jean-Bon se rendit à Lausanne pour étudier dans le séminaire qu’y avait fondé Antoine Court, père du célèbre Gébelin ; c’est de là que sont sortis tous les pasteurs protestants de France jusqu’au règne de Napoléon. […] On voit bien percer çà et là quelques-unes des idées radicales qui sortirent plus tard à la chaleur de la fournaise ; mais ce ne sont que de faibles indices et qui, à eux seuls, ne prouveraient rien. […] Le convoi était escorté par le contre-amiral Vanstabel31, trop faible pour lutter contre les croisières anglaises : il fut décidé que la flotte française sortirait de Brest commandée par Villaret-Joyeuse, irait au-devant du convoi attendu et combattrait au besoin les forces anglaises pour protéger son entrée.

1034. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

D’où l’homme, d’où la planète, d’où ce système solaire tout entier, qui est le nôtre, sort-il et vient-il, et comment les choses se sont-elles formées ? […] On en est sorti enfin : les cités commencent ; on invente la justice ; les premiers législateurs font parler les dieux. […] Le genre humain, depuis qu’il est sorti des forêts, n’a plus envie de loger en plein vent ni de dormir à la belle étoile : aucune demeure ne lui semble assez magnifique pour lui.

1035. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

. — Enfin il y eut, à la dernière heure du Directoire, les hommes qui en étaient las avec toute la France, qui avaient soif d’en sortir et qui entrèrent avec patriotisme dans la pensée et l’accomplissement du 18 brumaire : Rœderer, Volney, Cabanis… Je crois que je n’ai rien omis, que tous les moments essentiels de la Révolution sont représentés, et que chacun de ces principaux courants d’opinion vient, en effet, livrer à son tour au jugement de l’histoire des chefs de file en renom, des hommes sui generis qui ont le droit d’être jugés selon leurs convictions, selon leur formule, et eu égard aux graves et périlleuses circonstances où ils intervinrent. […] Le morose abbé de Mably, qui voyait tout en noir et ne pouvait surtout rien approuver dans un ministre, ne voulut jamais croire à l’heureuse solution de cette affaire qui avait eu, à l’origine, le caractère d’une machination, et il disait de son ton bourru à Malouet : « Monsieur, je me connais un peu mieux que vous en hommes et en ministres, attendu que je vous ai précédé dans le monde d’une quarantaine d’années ; je vous annonce donc nettement qu’avant deux ans vous êtes un homme perdu. » Malouet, loin de se perdre, sortit de là apprécié et prisé à sa vraie valeur. […] C’est au sort à nous bien placer ; Il y fait plus que la sagesse ; Le hasard du succès doit en calmer l’ivresse : Il pourrait même apprendre au sage à s’en passer.

1036. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Ils n’ont assez longtemps vécu, ni l’un ni l’autre, pour arriver, au sortir des plaisirs, à cette philosophie supérieure qui relève et console. […] — puis, revenu à terre et rentré dans la vie réelle, qu’il eût buriné en traits d’une empreinte ineffaçable ces grands qui l’écrasaient et croyaient l’honorer de leurs insolentes faveurs ; et, cela fait, l’heure de sortir arrivée, qu’il eût fini par son coup d’œil d’espoir vers l’avenir, et son forsan et hæc olim ? […] Je lis dans les notes d’un voyage d’Italie : « Vers le même temps où se retrouvaient à Pompéi toute une ville antique et tout l’art grec et romain qui en sortait graduellement, piquante coïncidence !

1037. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

L’animal est un corps organisé qui se nourrit, se reproduit, sent et se meut, et non ce quelque chose informe et trouble qui oscille entre des formes de vertébré, d’articulé ou de mollusque, et ne sort de son inachèvement que pour prendre la couleur, la grandeur, la structure d’un individu. […] Le lecteur a sans doute visité des galeries de tableaux rangés par écoles ; après deux heures de promenade parmi des peintures de Titien, de Tintoret, de Bonifazio et de Véronèse, si l’on sort et si l’on s’assied sur un banc, les yeux fermés, on a d’abord des souvenirs ; on revoit intérieurement telle rose et blonde figure demi-penchée, tel grand vieillard majestueusement drapé dans sa simarre de soie, des colliers de perles sur des bras nus, des cheveux roux crêpelés sur une nuque de neige, des colonnades de marbre veiné qui montent dans un ciel ouvert, çà et là une mine gaie de petite fille, un beau sourire de déesse, une ample rondeur d’épaule satinée, la pourpre d’une étoffe rouge sur un fond vert, bref cent résurrections partielles et désordonnées de l’expérience récente. […] Artifice admirable et spontané de notre nature : nous ne pouvons apercevoir ni maintenir isolées dans notre esprit les qualités générales, sortes de filons précieux qui constituent l’essence et font la classification des choses ; et cependant, pour sortir de la grosse expérience brute, pour saisir l’ordre et la structure intérieure du monde, il faut que nous les retirions de leur gangue et que nous les concevions à part. — Nous faisons un détour ; nous associons à chaque qualité abstraite et générale un petit événement particulier et complexe, un son, une figure facile à imaginer et à reproduire ; nous rendons l’association si exacte et si étroite que désormais la qualité ne puisse apparaître ou manquer dans les choses, sans que le nom apparaisse ou manque dans notre esprit, et réciproquement.

1038. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

À vrai dire, si l’on voulait relever toutes les traces de cette influence, il faudrait sortir de France, et parcourir toute l’Europe. […] Boileau ne sortit pas indemne de toutes ces polémiques : il en garda un fâcheux renom de pédant et de cuistre, qui mit son œuvre en défaveur ; et même aujourd’hui, après tant d’années, quand depuis si longtemps le combat a cessé, et qu’il ne reste plus même que le souvenir des anciens partis, nous ne sommes point encore revenus des préjugés créés contre lui par l’acharnement qu’on mit au temps du romantisme à rendre sa doctrine responsable des misérables productions de l’art pseudo-classique. […] Nul ne peut dire aujourd’hui ce qui sortira de ce mouvement : il n’y a rien pour ainsi dire dans les doctrines de la nouvelle école, autant qu’on peut les comprendre, qui ne soit un démenti donné au naturalisme, comme à l’Art poétique, à tous les préceptes tendant à l’expression d’un objet réel dans une forme fixe et finie.

1039. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Mirabeau Le comte de Mirabeau627  sortait d’une forte et fière race. […] Danton fait avec lui le plus parfait contraste : celui-ci sort grandi des plus récentes études sur la Révolution française. […] Vous avez noté l’image grandiose qui nous montre le trône : elle sort d’une imagination qui n’est plus celle du xviiie  siècle, ni formée à l’école de l’antiquité.

1040. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Il sort de tout cela une certaine science confuse, qu’on appelle la scolastique ; monstrueux amalgame de la philosophie qui veut imposer ses formules aux vérités de la foi, et de la religion qui veut prouver les vérités de la foi par l’unique procédé du raisonnement philosophique à cette époque, le syllogisme. […] Pour se convaincre soi-même, ou se persuader qu’on avait convaincu les autres, il suffisait de réunir deux de ces axiomes sous forme de prémisses, et d’en faire sortir, à titre de conclusion, le principe qu’on voulait établir. […] Tous les passages de dialectique qui sont médiocrement clairs dans le latin, s’obscurcissent encore dans la traduction mais une langue vive naît tout aussitôt pour exprimer tout de qui sort de sentiments vrais et durables de ce cœur désabusé.

1041. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Il y eut, effarée, écrasée, comme au sortir d’un sommeil amoindrisseur, une hésitation. […] Il n’est pas sorti des Confessions les mains vides et, sans nommer saint Augustin, il paraphrase en une page, qu’il réussit à rendre inepte, l’admirable « amabam amare ». […] [Léon Daudet] Les premiers livres de Léon Daudet étaient des chaos ardents d’où on s’attendait à voir sortir un jour quelque harmonieuse statue.

1042. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Nous sortons de la règle pour entrer dans l’exception dépravée. […] Il semble qu’une piqûre anatomique vous ait atteint au milieu de cette brillante autopsie ; on en sort l’esprit aigri et comme ulcéré par un fin poison. […] A peine est-il sorti, que le serpent qui la ronge, un instant engourdi, se redresse, la remord au cœur.

1043. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

L’auteur commence par rechercher historiquement les idées générales, universellement répandues dans l’Antiquité, de sacrifice, d’offrande, de désir et de besoin de communication avec un Dieu toujours présent, qui ont servi de préparation et d’acheminement au mystère ; mais, au milieu des digressions historiques et des distinctions dogmatiques fines ou profondes, il mêle à tout moment de belles et douces paroles qui sortent de l’âme et qui sont l’effusion d’une foi aimante. […] Et la palme, et le phare, et l’oiseau qui s’envole                    Au sein de Dieu ; Jonas, après trois jours, sortant de la baleine,                    Avec des chants, Comme on sort de ce monde après trois jours de peine                    Nommés le temps. […] Dans le sépulcre voisin, tout ce qui fut un corps humain n’est déjà plus, excepté une seule partie, qu’une espèce de nappe de poussière, un peu chiffonnée et déployée comme un petit suaire blanchâtre, d’où sort une tête.

1044. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Étienne amena la situation fausse d’où il n’est sorti (j’en demande pardon à tous ses défenseurs officiels) que moyennant quelque légère atteinte. […] Et encore (car ce contraste entre la conduite et les écrits est perpétuel et d’un effet sûr) : Vous y plaignez le sort des nègres de l’Afrique, Et vous ne pouvez pas garder un domestique. […] Par sa radiation injuste de l’Institut après les Cent-Jours, on fit de lui l’homme de l’opinion, et il profita avec art de ce revirement inattendu : « Il est des injustices si criantes, disait-il, qu’il y a une certaine douceur à les subir ; le public vous rend alors bien plus que l’autorité ne vous ôte. » Il est vraiment curieux de considérer ce fonds du vieux parti libéral à sa naissance, de voir quels en furent les premiers fondateurs, et d’où ils étaient sortis.

1045. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

C’est du sentiment universel et confus de cette haine, longtemps couvée et échauffée, que naquit un jour et sortit comme de terre le faux Démétrius. […] Les morts, après huit ans, sortent-ils du tombeau ? […] À voir par moments tous ces faux personnages sortir çà et là, on dirait quelque chose comme une épidémie.

1046. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Un peuple léger, frondeur, impatient, sans prévoyance de ce que peut produire une démarche inconsidérée ; un peuple passionné, toujours disposé à vivre dans le présent, et à ne pas tenir compte des circonstances antérieures qui ont pu influer sur la conduite des hommes soumis à son éloge ou à sa critique ; un peuple enfin qui, avec un sentiment très vif de la justice, peut être si souvent entraîné à l’injustice par la violence et la spontanéité de ses passions, ou même par l’ascendant de ses caprices ; qui, avec le tact le plus exquis de la mesure et des convenances, est trop souvent jeté hors de toute mesure et de toute convenance par je ne sais quel besoin de plaisanterie, je ne sais quel attrait de frivolité : un tel peuple devrait plus qu’aucun autre être contenu dans les voies de la décence et de la modération, car il est toujours près d’en sortir. […] Si nous parcourions toute la série d’idées que peut faite naître le sujet qui nous occupe, nous verrions que le duel, reste de nos anciennes mœurs, s’est conservé intact dans nos mœurs nouvelles, mais qu’il commence à sortir de la sphère des opinions ; que l’institution du jury, réclamée par nos opinions, et regardée avec raison comme le fondement de toutes nos garanties sociales et de nos libertés actuelles, n’est point entrée dans nos mœurs, puisque nous obéissons avec tant de répugnance à la loi qui nous impose le devoir de juger nos pairs, puisque les jugements rendus dans le sanctuaire de la justice, sous la responsabilité de la conscience des jurés, sont attaqués ouvertement, et discutés comme nous discutons tout ; nous verrions enfin que si nous n’étions pas soutenus par l’esprit de parti, nous nous acquitterions de nos fonctions d’électeurs avec une négligence que l’on prévoit déjà pour l’avenir. […] Ainsi nos rois nous ont donné notre religion, ou notre religion nous a donné nos rois ; ainsi la religion, la patrie, le roi, se confondent pour nous dans un sentiment commun ; ainsi le dogme de la légitimité n’est point pour nous une chose vague et obscure, il sort de toutes nos traditions, de tous nos sentiments nationaux, de toutes nos affections de famille ; il a crû, il s’est élevé sur le sol même de la patrie ; son ombrage s’est étendu de siècle en siècle sur les générations qui nous ont précédés, sur les tombeaux de tous nos ancêtres.

1047. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Si le père de Chasles, si peu soucieux des talents futurs de son fils, l’avait jeté aux Enfants-Trouvés comme Rousseau y jeta les siens, je ne doute pas que Philarète ne fût sorti des mains de la pauvre sœur de Saint-Vincent de Paul qui l’aurait ramassé et qui lui aurait appris son catéchisme, avec des rayons de plus dans la tête, avec ces rayons qui sont les plus beaux et qui lui ont toujours manqué ! […] Mais ses principes d’esthétique et de morale, ces principes qui ne font qu’un, et sans lesquels la Critique n’est plus que l’empirisme d’une personnalité plus ou moins supérieure, ne sont pas beaucoup plus distincts que ceux de Sainte-Beuve, et je doute qu’on en pût faire sortir un seul, appuyé et déterminé, de l’universalité de ses Œuvres complètes, où le talent le plus sincère et le plus animé n’est pas capable de combler cette lacune terrible dans les œuvres d’un critique : — le manque de principes et d’autorité. […] Questions ressassées, sans qu’on n’en ait jamais fait sortir — Chasles ni personne — une solution qui impose et fasse loi et silence autour d’elle.

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