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1147. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Il rapporte avec justice l’idée générale du poème à cet incomparable fragment de la philosophie, de la raison et de l’éloquence antique dans Cicéron, intitulé le Songe de Scipion. […] Lorsque Dante parcourt les cercles du paradis, écoutant le bruit harmonieux des astres et cherchant des yeux au fond de l’espace la terre imperceptible ; lorsqu’il apprend de son bisaïeul, Caccia-Guida, sa mission périlleuse et son exil, on reconnaît le récit du Songe de Scipion. Au moment de commencer sa carrière de gloire, le héros est ravi en songe en un lieu élevé du ciel, où son aïeul l’Africain, lui découvrant les honneurs, les périls et les devoirs qui l’attendent, le prépare à cette destinée par le spectacle de l’économie divine qui soutient l’univers, police les sociétés et dispose souverainement des hommes.

1148. (1926) L’esprit contre la raison

D’ailleurs, si nul ne peut même songer à en vouloir aux beaux animaux de sang assez riche, de chair assez confusément opulente pour opposer une tête et un corps en toute spontanéité victorieux des pièges sentimentaux et des méchancetés de l’intelligence, quel moyen d’accepter les calembredaines et syllogismes truqués des anémiques, sots et pédants qui, à grand fracas, se réclament de civilisationl, parlent avec ostentation de vie morale et, en fait, se contentent d’user de principes à double fond pour composer un bonheur dont la source n’a point jailli de ce morceau d’eux-mêmes où il eût été, sinon héroïque, du moins décent qu’ils tentassent de la faire sourdre. […] Que l’individu agisse en vue d’un bonheur grossier, qu’il se fasse de la science, de la raison autant de remparts d’égoïsme, que peut-il contre une simple, une toute petite phrase de poète: Terre arable du songe ! […] Avec ce poète, Saint-John Perse, revenu des pays du Soleil levantx , des hommes dévoués à l’esprit et qui ne veulent plus des hochets anecdotiques avec quoi on a tenté de les amuser, répètent : Aux ides pures du matin que savons-nous du songe, notre aînesse ?

1149. (1899) Arabesques pp. 1-223

La nuit, il exhale un murmure de songe et les étoiles semblent se suspendre à ses branches comme des fruits radieux. […] Eh bien, rejette le songe affreux qui ravage ton âme. […] Les bassins songent sous un vert manteau de lentilles. […] Je songe : tel mon cœur, ivre d’espace, où coule Le sang quotidien d’un rêve massacré. […] Le travail aisé et joyeux, sans que personne songe à détourner, pour soi seul, une part des produits obtenus par tous, sera le fait de la civilisation future.

1150. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Je ne sais si son auteur est ce qu’on appelle un homme de talent, je n’y veux seulement pas songer, mais ce qui m’a frappé avant tout, c’est l’accent de sincérité qui sonne à chaque mot de son livre. […] Cette illusion étant insensée, elle est possible chez un moribond dont l’âme flottante n’est plus capable de lâcheté ni d’héroïsme, et ne distingue plus le songe de la réalité. […] Mais ce ne sont là que des taches, et personne ne songe plus à discuter le maître quand il reprend sa voix naturelle et dit dans un fragment du magnifique morceau intitulé : En marchant le matin. […] … Vous songez sans doute à votre prochain concert ? […] — Les Grecs, a dit Goetheb dans un mot célèbre, ont fait le plus beau songe de la vie. — Ce songe je l’ai refait avec eux. » Ces mots qui terminent la préface du beau livre que M. 

1151. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

songez-y, je vous en prie ! […] Sainte-Beuve l’a-t-il, oui ou non, envoyé à Vinet ou même a-t-il songé à l’envoyer ? […] Le critiquer, je n’y ai guère songé ; nous verrons plus tard. […] Mais, encore une fois, je ne suis pas encore au moment d’y songer. […] Plus tard, les affranchis dans Rome ne songèrent, comme vous, qu’à leur pécule.

1152. (1923) Au service de la déesse

Vous n’y songez pas ! […] Virgile est citadin, quand il songe avec envie à la félicité des laboureurs. […] Songez-y, afin de ne pas interpréter à contresens le roman de Bouvard et Pécuchet. […] Jamais vous ne vous en apercevriez, si les témoignages des Goncourt et de leurs amis ne vous avertissaient d’y songer. […] Le jeune homme songe, et ses paroles sont des actes qui se préparent : « La totale puissance des hommes, il me la faut.

1153. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Je ferai même plus, Monsieur, en vous offrant une chose à laquelle vous n’aviez, je suppose bien, nullement songé : c’est de faire graver mon portrait pour le placer en tête de ce volume. […] Je ne pourrais vous dire au juste à quoi se dissipe le temps à Paris, mon cher Monsieur, à peine suis-je habillé et frisé (un étranger doit se faire exactement friser à Paris), à peine ai-je déjeuné et écrit mes dépenses de la veille, qu’il est déjà si tard, qu’après une heure, passée je ne sais à quoi, sur les boulevards, il devient temps de songer au dîner. […] Le secrétaire, enthousiasmé du succès de son œuvre, ne trahit pas, il est vrai, le secret qui avait présidé à l’enfantement du livre, mais il songea qu’il valait mieux clouer son nom au front de ses œuvres, que de les voir retentir sous celui d’un autre, fût-ce une princesse. […] Planche n’avait d’abord songé qu’à devenir apothicaire ; mais la fin de ses études classiques, qui furent excellentes, changea le cours de ses idées, et il se mit à faire de la critique, d’abord obscurément, aujourd’hui avec éclat. […] Non, je n’ai pas songé à m’ériger en critique de la littérature française.

1154. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Je souffre donc au dedans de moi, sans même songer à mes amis (à ses amis de France), de la seule pensée que les Français n’auront leurs propres lois, une liberté, un gouvernement à eux, que sous le bon plaisir des étrangers ; ou que leur défaite est un anéantissement total, qui les laisse, à la merci de leurs ennemis, quelque généreux qu’ils soient. […] Cette ressemblance seule est trop frappante pour ne pas rendre inutiles tous les autres déguisements. » — C’est là un admirable morceau de critique et le jugement définitif sur Adolphe que Sismondi a écrit sans y songer.

1155. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Coëffeteau. » Et il montre que ce prélat, bon prédicateur en son temps et l’une des plumes les mieux taillées qui fussent alors, aurait mieux fait de songer à être exact aux choses d’importance que de s’attacher à des scrupules si excessifs de mots : cela lui eût épargné quelques bévues, comme lorsqu’en son Florus il fait de la ville de Corfinium un capitaine Corfinius qui n’a jamais existé. […] Que l’Académie veuille y songer : la démocratie des mots, comme toute démocratie en France, aime assez à être conduite et dirigée.

1156. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ? […] 19. » Les Poésies de François Ier, fort louées de son vivant, rentrèrent dans l’obscurité après lui ; elles y restèrent, et personne alors ne songea à les publier.

1157. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

L’impression primitive a été accompagnée d’un degré d’attention extraordinaire, soit parce qu’elle était horrible ou délicieuse, soit parce qu’elle était tout à fait nouvelle, surprenante et hors de proportion avec le train courant de notre vie ; c’est ce que nous exprimons en disant que nous avons été très fortement frappés ; nous étions absorbés ; nous ne pouvions songer à autre chose ; nos autres sensations étaient effacées ; toute la journée suivante, nous avons été poursuivis par l’image consécutive ; elle nous obsédait, nous ne pouvions la chasser ; toutes les distractions étaient faibles contre elle. […] Pareillement quand je songe à une personne que je connais, ma mémoire oscille entre vingt expressions différentes ; le sourire, le sérieux, le chagrin, le visage penché d’un côté ou d’un autre ; ces différentes expressions se font obstacle ; mon souvenir est bien plus net lorsque je n’en ai vu qu’une pendant une minute, lorsque, par exemple, j’ai regardé une photographie ou un tableau.

1158. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Le lendemain, en s’éveillant, elle songea à ce jeune homme inconnu, si longtemps indifférent et glacé, qui semblait maintenant faire attention à elle, et il ne lui sembla pas le moins du monde que cette attention lui fût agréable. […] « Elle ne lui demandait pas, elle n’y songeait pas même, par où il était entré et comment il avait pénétré dans le jardin.

1159. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Je ne doute pas que vous ne le sentiez vous-même et que vous n’ayez jamais songé à l’imprimer sans lui avoir enlevé tout le venin d’une publication pareille. […] Vous n’aurez plus qu’en songe Ces baisers sur le front, ces doigts dans vos cheveux, Ce nid sur deux genoux où votre cou se plonge, Ce cœur contre vos cœurs, et ces yeux dans vos yeux.

1160. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Mais pour nous garder de ces fantaisies, il suffira de songer que Racine donnait une parfaite satisfaction à Boileau, par l’usage qu’il faisait de l’histoire. […] Dès qu’un jeune homme, au sortir du collège, se fait imprimer, c’est pour donner une direction à l’humanité : on ne songe plus à l’amuser, et il y paraît.

1161. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Il songea donc à s’assurer une protection plus haute, et il se mit à couvert derrière la chaire même de Saint-Pierre. […] Il parle quelque part des gens qui, de son temps, notaient des offenses à Dieu et au roi dans ses follastries joyeuses, et qui « interprètent, dit-il, ce que, à poine (sous peine) de mille foys mourir, si autant possible estoyt ne vouldroys avoir pensé comme qui · pain interprète pierre ; poisson, serpent ; oeuf, scorpion. » Nul doute que Rabelais n’ait eu en vue les hommes et les abus de son temps, et que, s’il a songé à son amusement, ses contemporains n’en aient fait les frais mais qu’il y a loin de là à faire la guerre à outrance à son siècle, comme l’a dit je ne sais lequel de ses Œdipe !

1162. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Malherbe voulut l’unité de langue dans un pays qui avait conquis l’unité politique ; plus conséquent que Ronsard, il ne songeait pas à conserver la féodalité dans le langage, quand il se félicitait de la voir disparaître dans l’État. […] Ses belles odes, d’admirables stances, auxquelles songeait Boileau en écrivant ce vers si expressif : Les stances avec grâce apprirent à tomber ; certaines paraphrases des Psaumes, ne sont pas seulement des modèles de poésie ; ce sont en quelque sorte des institutions de langage.

1163. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Il couvre les marges d’un Platon de notes, de réflexions, de maximes de sagesse, faisant d’avance des provisions pour ses fables, auxquelles il ne songeait guère. […] Il songe plus à jouir de ce qu’il aime qu’à se fâcher contre ce qu’il n’aime pas.

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