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823. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

ce docteur qui tranche ignore tout ou fait semblant ; il paraît ne pas savoir que depuis 1800, depuis cette ère de renouvellement et de reconstruction sociale universelle, il y a eu quantité d’institutions ou d’administrations publiques à l’occasion desquelles on dit : « depuis la création. » On dit d’un ancien préfet, d’un ancien administrateur des Droits réunis, d’un ancien membre de l’Institut : « Il était préfet dès la création, — il appartenait à l’Institut dès la création, — il était dans la partie depuis la création, etc.

824. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Cela, je le sais, ne rentre pas, pour le moment, dans nos données et nos visées politiques ou sociales.

825. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Il est remarquable, par exemple, qu’aucun historien, que Tacite lui-même ne nous dise pas par quels moyens, par quelle opinion, par quel ressort social les plus atroces et les plus stupides empereurs gouvernaient Rome sans rencontrer aucun obstacle, même pendant leur absence : Tibère de l’île de Caprée, Caligula du fond de la Bretagne, etc.

826. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

L’ordre social, qui placerait un tel criminel sur le trône du monde, ne l’apaiserait pas envers les hommes ses esclaves ; rien de restreint dans des bornes fixes, fut-ce le plus haut point de prospérité, ne peut convenir à ces êtres furieux, qui détestent les hommes comme des témoins de leur vie.

827. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Cette cause générale doit être une cause sociale.

828. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Bonne satire de l’humanité en général ; puis vient la satire de la société, de l’homme civilisé qui n’a fait, par les conventions sociales, que multiplier les sujets de discorde.

829. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Même dissolues, il fallait qu’elles fussent hypocrites, — qu’elles rendissent ce dernier hommage à la vertu qu’elles n’avaient pas, sous peine d’être chassées immédiatement, par l’opinion, de tout honnête milieu social.

830. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Tout autant que les individualistes, enfants trouvés ou perdus de Jean-Jacques Rousseau, auxquels il fait justement la guerre, Dupont-White n’a pas même l’air de se douter que l’État réel, dont il change les définitions aux pages viii, xiii xix, xx de sa préface, enfermé dans le cadre des mœurs, tient essentiellement dans cette double réserve de la famille et de l’ordre toujours retrouvée à la marée basse de toute révolution, et que peuvent toujours sortir de là, à la voix du législateur et du pouvoir, ramassé par le premier caporal venu, l’organisme social et la vie !

831. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

La grande idée de la science économique fut réalisée dès l’origine, savoir : qu’il faut que les pères, par leur travail et leur industrie, laissent à leurs fils un patrimoine où ils trouvent une subsistance facile, commode et sûre, quand même ils n’auraient plus aucun rapport avec les étrangers, quand même toutes les ressources de l’état social viendraient à leur manquer, quand même il n’y aurait plus de cités ; de sorte qu’en supposant les dernières calamités les familles subsistent, comme origine de nouvelles nations.

832. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Certes, le Poète pense ; c’est de lui, dans les temps nouveaux, que se répandent les augustes conceptions du progrès social ; non pas, entendons-nous bien, dans les minuties du détail quotidien, ni dans la médiocrité des luttes politiques, mais dans l’universalité de l’idéal. […] C’est pourquoi, plus haut, j’ai confronté, des deux côtés d’un cahos, la grande époque sociale et la grande époque poétique. […] Tout le mouvement social et guerrier, produit suprême de tant de siècles, va, sous la fin des illusions sociales et des conquêtes guerrières, sous l’accablement de la lente et opaque réaction, se retourner, se résorber en idées et en poèmes. […] De sorte que, déjà, dans l’œuvre d’Alphonse de Lamartine, poète gentilhomme qui deviendra tribun, s’affirme la correspondance (dans le sens swedenborgien’ de ce mot) de notre révolution sociale avec notre révolution littéraire, ou, pour parler plus précisément, la transposition de celle-là en celle-ci. […] Ce que je disais tout à l’heure de 1830, pendant de 1789, de la révolution littéraire, faite de tous nos instincts poétiques comme la révolution politique fut faite de tous nos besoins sociaux, s’applique surtout à lui, ou, pour mieux dire, ne s’applique qu’à lui seul.

833. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Tout art est social par essence. […] Le dramaturge est prisonnier des contingences du théâtre et de la société ; le caractère de son art est essentiellement social. […] L’art dramatique est un art d’échange ; l’art dramatique est un art social. […] Toujours social et toujours populaire dans un accord préétabli entre l’ouvrage et le public sur certaines « valeurs » morales qu’aucun auteur ne se serait jamais permis de mettre sens dessus dessous. […] Mais l’acteur, lui, n’est pas fictif ; c’est un homme comme tous les autres ; il insère la vie dans la convention : dans d’autres conditions économiques et sociales, il aurait pu être mendiant ou roi.

834. (1927) Des romantiques à nous

Elle est activée par les mouvements sociaux qu’engendrent les revendications, les défaites, les avances, les reculs des diverses classes sociales, Entre les conceptions opposées que l’on peut se faire sur les souverains problèmes humains, sur les fondements premiers de la religion, du gouvernement, des mœurs, de l’ordre social, de la civilisation elle-même, tantôt l’une, tantôt l’autre l’emporte en prestige et en influence et exerce sur la conscience des nouvelles générations le plus d’ascendant. […] Si les femmes qui sont femmes lui paraissaient affectées, dans la partie la plus en vue de l’élite sociale de nos jours, de certaines dispositions intellectuelles délétères, on s’apercevrait que leur cas n’était pas à ses yeux aussi détestable ni aussi désespéré que celui de leurs congénères masculins. […] L’invasion du matérialisme dans les institutions sociales et politiques et dans les relations des peuples est la suprême calamité des temps modernes. […] Ce fut seulement vers la fin de ce siècle, grâce à la liberté de la librairie, que le protestantisme avait fait naître en Hollande et en Angleterre, qu’elle leva franchement la tête, acquit une puissance extraordinaire de propagande, entraîna une grande partie de l’élite intellectuelle, devint un grand fait social. […] C’est ce qu’elle a fait, depuis les origines de la civilisation, chaque fois qu’elle s’est trouvée devant la tâche de digérer, si j’ose ainsi dire, et d’élucider un nouvel apport confus d’expériences physiques ou sociales.

835. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Cette croyance pure, morale, antique, existait ; c’était la vieille religion du Christ, ouvrage de Dieu suivant les uns, ouvrage des hommes suivant les autres, mais, suivant tous, œuvre profonde d’un réformateur sublime ; réformateur commenté pendant dix-huit siècles par les conciles, vastes assemblées des esprits éminents de chaque époque, occupées à discuter, sous le titre d’hérésies, tous les systèmes de philosophie, adoptant successivement sur chacun des grands problèmes de la destinée de l’homme les opinions les plus plausibles, les plus sociales, les adoptant, pour ainsi dire, à la majorité du genre humain ; arrivant enfin à produire ce corps de doctrine invariable, souvent attaqué, toujours triomphant, qu’on appelle unité catholique, et au pied duquel sont venus se soumettre les plus beaux génies ! […] Les coutumes sociales et religieuses de l’ancien temps, odieuses en 1789, parce qu’elles étaient alors dans toute leur force, et que de plus elles étaient quelquefois oppressives, maintenant que le dix-huitième siècle, changé vers sa fin en un torrent impétueux, les avait emportées dans son cours dévastateur, revenaient au souvenir d’une génération agitée, et touchaient son cœur disposé aux émotions par quinze ans de spectacles tragiques. […] Lorsqu’elle avait, au contraire, voulu une égalité barbare et chimérique, l’absence de toute hiérarchie sociale, la présence continuelle et tumultueuse de la multitude dans le gouvernement, la république dans une monarchie de douze siècles, l’abolition de tout culte, elle avait été folle et coupable, et elle devait venir faire, en présence de l’univers, la confession de ses égarements.

836. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

C’était là aussi que se formaient entre ces jeunes gens de diverses conditions sociales ces liaisons de l’adolescence qui devenaient ensuite à Rome les amitiés, les patronages, les clientèles de l’âge mûr. […] Le souvenir de son propre esclavage même et de sa condition d’affranchi lui faisait sentir plus qu’à un autre la passion de la supériorité sociale. […] L’Inde, la Grèce et Rome leur reconnaissaient un rang social, inférieur aux femmes chastes légitimement mariées et mères de famille (matrones), mais supérieur aux femmes de débauche perdues dans la fange de la population des faubourgs.

837. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

L’unité sociale, dont les Chansons de geste étaient le témoignage éloquent, se brise ; et la hiérarchie féodale s’immobilise un moment dans ses cadres. […] Le Roman de la Rose. — On en saisit mieux le rapport avec les genres qui les ont précédées, et entre elles. — En observant qu’elles sont toutes, ou à peu près, du même temps, on s’aperçoit que l’« allégorie » caractérise toute une « époque » de la littérature du Moyen Âge ; — et on est conduit à chercher les raisons de ce goût pour l’allégorie. — Il s’en trouve de sociales, comme le danger qu’on pouvait courir à « satiriser » ouvertement un plus puissant que soi ; — mais il y en a surtout de littéraires, qui se tirent — du peu d’étendue de l’observation « directe » de la réalité au Moyen Âge ; — du peu d’aptitude de la langue à exprimer les idées générales sans l’intermédiaire d’une personnification matérielle ; — et de la tendance des « beaux esprits » de tout temps à parler un langage qui ne soit pas entendu de tout le monde. […] Le Roman de Jean de Meung ; — et que le poète n’a vu lui-même dans cette partie de son œuvre qu’une saillie de jeunesse ; — dont la signification n’est ainsi que plus caractéristique. — En respectant la fiction et le cadre de Guillaume de Lorris, Jean de Meung y introduit des intentions marquées de « satire sociale » et de « philosophie naturelle » ; — dont les premières le rapprochent des auteurs des « branches » additionnelles du Roman de Renart ; — avec lesquels il a encore de commun la violence de son langage, — et la licence de ses discours. — Ses intentions de « philosophie naturelle » semblent lui être plus personnelles ; — quoique d’ailleurs on puisse les rapprocher de la philosophie, très inconsciente, à la vérité, des auteurs de nos fabliaux.

838. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Vers février 1795, Sieyès, qui pensait à reprendre avec un de ses amis, Duhamel, le Journal de l’instruction sociale conçu deux années auparavant en tiers avec Condorcet, avait demandé à Roederer sa collaboration pour l’économie politique, et celui-ci avait promis. […] Il avait peut-être, sur ce point de mécanique sociale, des idées un peu subtiles et compliquées ; mais en fait, dans ces jours décisifs, il se montra à l’œuvre un grand praticien de l’opinion et un tacticien consommé.

839. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Honneur à ces types modestes, laborieux et solides, à ces hommes de devoir, de vertu, d’abnégation, à ces chevilles ouvrières de toute bonne et forte organisation sociale, sergents dans l’armée, contremaîtres dans l’industrie, sur qui pèsent et roulent le labeur et la peine de chaque jour, et qui, dans des relations de chaque heure avec l’élément populaire individuel, font respecter en eux l’autorité dont ils occupent le moindre grade, mais dont certes ils ne remplissent pas le moins courageux office ! […] La science sociale y travaille encore.

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