Le premier moment de reprise a été celui même de la renaissance de la société, sous le Consulat et aux premières années de l’Empire. […] Les femmes du xvie siècle, ai-je dit, ont été trop mises de côté dans les dernières études qu’on a faites sur les origines de la société polie : Rœderer les a sacrifiées à son idole, qui était l’hôtel Rambouillet. […] Ses moindres mots sont entrés dans la circulation de la société et dans les richesses d’esprit de la France.
Nous avons noté, dans la société du temps, des indices d’exaltation passionnelle, et de dépression mélancolique ; nous y avons vu se faire la liaison des images du monde extérieur et des dispositions intimes de l’âme. […] Il se pose entre les deux partis, se contentant d’affirmer, après Staël et avec Villemain, que la littérature est l’expression de la société. […] Il a fait les Proscrits (1802), le Peintre de Salzbourg (1803), dans le genre allemand sentimental, les Essais d’un jeune barde (1804), l’Histoire des Sociétés secrètes de l’armée (1815), où il invente un colonel qui est à Napoléon ce que d’Artagnan est à Mazarin, des nouvelles et romans, de Jean Sbogar (1818) à Trilby (1822), Bertram ou le Château de Saint-Ablebrand, tragédie imitée de l’anglais (1821), etc.
Il a gardé, dans la société contemporaine, quelque chose de la fière allure de ces aventuriers d’autrefois qui, vivant dans des sociétés moins munies de police et de gendarmes, payaient de beaucoup de courage le droit de faire à leur guise et de n’être point jugés tout haut. […] Puis il songe que, si dans un ou plusieurs siècles, la forme actuelle de la société se trouve radicalement changée, à cette distance tous les révoltés d’aujourd’hui, pêle-mêle, passeront pour des précurseurs et sembleront avoir travaillé pour l’avènement de la justice… Décidément le rôle de révolutionnaire artiste comporte des plaisirs si distingués qu’on est presque excusable d’y sacrifier un peu de sa conscience.
Victor Hugo mêle à la véhémence des colères politiques une pitié ardente pour tous ceux qui souffrent, depuis les parias de la société humaine jusqu’à l’araignée, à l’ortie, au crapaud, ces parias du règne animal et végétal. […] On cherchera la conception que l’auteur se faisait du monde extérieur, de la société humaine, de la vie, de l’art, de l’ensemble des choses. […] Lisez encore ces romans où l’auteur nous transporte dans une société qui n’a jamais existé, comme a fait Voltaire en nous décrivant le merveilleux pays d’Eldorado, ou comme font de nos jours les frères Rosny en nous introduisant dans les profondeurs de la terre7, dans la région des cavernes mystérieuses, des pâturages blancs, des grandes chauves-souris aux ailes de neige.
Puis-je me dispenser, dans un ouvrage qui a pour objet l’histoire de la société d’élite, de faire remarquer dans ces lettres de madame de Sévigné, des 28 juin et 3 juillet, la conformité des principes d’honnêteté dont elle et ses amies étaient animées, avec tes principes religieux de Bossuet. […] « Il est certain que l’ami (le roi) et Quanto (madame de Montespan) sont véritablement séparés ; mais la douleur de la demoiselle (madame de Montespan) est fréquente et même jusqu’aux larmes, de voir à quel point l’ami s’en passe bien, Il ne pleurait que sa liberté et ce lieu de sûreté contre la dame du château. » Il ne pleurait, pendant la séparation, que la liberté qu’il trouvait dans la maison de la maîtresse, et un lieu où il pouvait échappera l’ennui que lui causait la société de la reine.) […] Il a retrouvé cette société qui lui plaît (les amis de madame de Montespan).
Si donc, en célébrant les grands hommes, vous voulez être mis au rang des orateurs, il faut avoir parcouru une surface étendue de connaissances ; il faut avoir étudié et dans les livres et dans votre propre pensée, quelles sont les fonctions d’un général, d’un législateur, d’un ministre, d’un prince ; quelles sont les qualités qui constituent ou un grand philosophe ou un grand poète ; quels sont les intérêts et la situation politique des peuples ; le caractère ou les lumières des siècles ; l’état des arts, des sciences, des lois, du gouvernement ; leur objet et leurs principes ; les révolutions qu’ils ont éprouvées dans chaque pays ; les pas qui ont été faits dans chaque carrière ; les idées ou opposées ou semblables de plusieurs grands hommes ; ce qui n’est que système, et ce qui a été confirmé par l’expérience et le succès ; enfin tout ce qui manque à la perfection de ces grands objets, qui embrassent le plan et le système universel de la société. […] La flatterie, dans tous les siècles, l’a bannie des cours ; la mollesse de nos mœurs la bannit de nos sociétés ; l’effroi la repousse de nos cœurs quand elle y veut descendre. […] Juger de tout, apprécier la vie, peser la crainte et l’espérance, voir et l’intérêt des hommes, et l’intérêt des sociétés, s’instruire par les siècles et instruire le sien, distribuer sur la terre et la gloire et la honte, et faire ce partage comme Dieu et la conscience le feraient, voilà sa fonction.
Mais à quel signe M. de Vigny veut-il que la société reconnaisse le vrai poète et le distingue de ce qui n’en est que l’ombre ou la parodie ? […] La société n’a déjà que trop de tendance à empiéter sur l’activité individuelle. […] Il leur rendra, je crois, un meilleur service qu’en leur créant des droits imaginaires sur la société, sans donner à la société un moyen actif et sérieux d’exercer ses prétendus devoirs envers ces natures divines. […] Il poursuit dans la société un double travail de philosophie et d’harmonie universelle. […] Si vous faites de la nature encore une autre humanité, il n’y a plus de nature et je retrouve dans les bois l’ennuyeuse société que je voulais fuir.
L’apaisement s’est fait dans les mœurs, Henri IV règne, et la société française, après tant d’agitations, semble avoir enfin atteint cet équilibre qu’elle cherchait. […] Leur société, qui reposait sur l’esclavage et sur le patriotisme local comme sur ses deux assises, ne se serait jamais élargie d’elle-même jusqu’à devenir la Jérusalem universelle des prophètes. […] Certes, il est utile de prêcher la solidarité sociale, et — dans ce petit cachot de l’univers où nous sommes logés — il est beau d’avoir fait de la misère de l’homme le fondement et le lieu de la société. […] « Pas de société sans mœurs, et pas de mœurs sans religion. » N’est-ce pas M. […] Le caractère d’une société tient toujours quelque chose de tous ceux qui la constituent, et personne de nous n’est tout à fait irresponsable des vices de ses contemporains.
Faire des métaphores naturelles, empruntées au milieu où nous vivons habituellement (milieu qui va s’élargissant tous les jours pour l’homme des sociétés modernes), ce n’est pas sortir du simple. […] Dans l’être vivant, au contraire, chaque organe est formé d’autres organes qui, comme dit Leibniz, s’enveloppent les uns les autres et vont à l’infini. » Chaque être vivant est une société de vivants. […] La métaphore est un procédé de sympathie par lequel nous entrons en société et en communication de sentiment avec des choses qui paraissaient d’abord insensibles et mortes. […] Le style n’est pas seulement « l’homme », il est la société d’une époque, il est la nation et le siècle vus à travers une individualité. Or, les sociétés modernes sont soumises à une loi de complication progressive qui se retrouve dans toutes les manifestations sociales, y compris l’art.
Mais enfin la géographie elle-même comporte une physiologie de l’homme en société, considéré dans ses rapports avec la terre. […] Mais pour l’un cette société est une Athènes, pour l’autre une Lacédémone. […] L’œuvre d’art se forme et se développe comme un individu, ou mieux comme une société vivante. Et elle se défend, se légitime par ces jugements et ces arrêts comme une société par ses magistrats et ses jurisconsultes. […] Même une société, qui est une réalité spirituelle, comporte une manière de corps.
Connaissez-vous aussi bien que Prévost la lie élégante de la société cosmopolite ? […] : 1º Les imaginatifs, à la façon de Cazotte ou de Coster, ou les fantaisistes, comme Bret Hart, — et vous ne songez pas à relever de leur genre, non plus que de celui des sentimentaux moutonneux ; 2º Les érotiques, de Beroalde de Verville à Crébillon ; mais ceux-là ont une connaissance du vice et de la volupté, aussi une verve ou une grâce en leur parler, — dont les passages mêmes où vos fillettes, à table, enfourchent les cuisses de leurs voisins, ne donnent qu’une maigre illusion ; 3º Les réalistes, la lignée de Le Sage, ceux qui nous documentent sur un temps et sur une société ; et pour cela il faut une acuité de vision, une audace de dire, une pénétration psychologique, que je suis confus de ne pas vous reconnaître.
À considérer de ce point de vue de pur intellectualisme l’un des exemples invoqués au cours de cette étude, on jugera plus équitablement cette croyance absurde à une vie prolongée dans le tombeau à laquelle s’étaient attachées les premières sociétés aryennes et en vue de laquelle les Grecs et les Romains modelèrent leurs institutions. […] C’est que les instincts naturels, — sentiment de la famille, amour de la liberté individuelle, attachement aux biens immédiats et à la vie présente, — formes de l’égoïsme élémentaire, représentants d’une réalité antérieure à la genèse des sociétés humaines et contemporaine des premiers stades de la biologie, c’est que ces instincts réagissent maintenant contre la contrainte que leur imposa la croyance.
Au contraire, il faut au dernier de la dernière classe de la société un excellent médecin ; il ne peut être trompé qu’une fois et il paie son erreur de sa vie. […] Un inconvénient des grandes facultés de médecine dans les capitales, et surtout pour les principaux personnages de la société, c’est l’assujettissement du médecin à une certaine pratique ou routine de faculté, sous peine de risquer sa réputation et sa fortune ; s’il s’en écarte et que le succès ne réponde pas à son attente, il est perdu ; s’il réussit, que lui en revientil ?
Nous ne croyons plus que le fils d’un Turenne ou d’un Luxembourg soit nécessairement — de sang — un héros, au lieu d’un crevé, comme on dit, qu’il peut très bien être, dans cette société morte. […] … Et s’il n’y avait que les enfants, ivres du mérite de leur père, qui crussent le continuer, on pardonnerait cette illusion à la jeunesse et à l’admiration filiale ; mais la société tout entière daube là-dedans, avec une incomparable naïveté !!
Car, pour comprendre le Moyen Âge, cette gestation laborieuse et profonde d’une société qui a fini par s’organiser dans la plus merveilleuse harmonie, il faut avoir de deux choses l’une ou la raison du grand historien qui voit l’entre-deux et le dessous des faits, qui en perçoit les causes et les détermine, ou la sensibilité du grand poète qui, par le sentiment et une transposition sublime de son être dans le passé, arrive à l’intuition complète du temps qui n’est plus. […] II L’histoire des premiers ducs de Normandie est, en effet et avant tout, un récit dramatique, mouvementé, pittoresque, comme toutes les histoires où les peuples neufs apparaissent, et, hordes encore, s’essaient à devenir société.
Rochefort est un Chamfort jeune, qui n’a pas encore l’âge d’être un misanthrope amer, empoisonné, brisé et bronzé, et blessé, et jetant son sang à poignées à la tête d’une société haïe ; mais qui le deviendra, pour peu qu’il vive. […] — mais éphémères, sur les grimaces les plus extérieures d’une société qui s’en sera allée où s’en vont les vieilles lunes et toutes les grimaces, pas plus tard que demain matin.
Tous deux également célèbres, et tous deux jouissant de la gloire l’un de l’autre, ils goûtaient ensemble dans le commerce de l’amitié et des lettres, ce bonheur si pur que ne donnent ni les dignités, ni la gloire, et qu’on trouve encore moins dans ce commerce d’amour-propre et de caresses, d’affection apparente et d’indifférence réelle, qu’on a nommé si faussement du nom de société, commerce trompeur qui peut satisfaire les âmes vaines, qui amuse les âmes indifférentes et légères, mais repousse les âmes sensibles, et qui sépare et isole les hommes, bien plus encore qu’il ne paraît les unir. […] Il arrive dans les ouvrages ce qu’on voit en société : le désir éternel de plaire rapetisse l’âme et lui ôte le sentiment et l’énergie des grandes choses.