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693. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Michel Chevalier le rédigea presque seul pendant plus d’un an (1830-1832), on serait frappé de tout ce qu’il contient de vues grandioses qui se sont réalisées depuis ces trente dernières années ; et, dans cette sorte de prédication ou de prophétie positiviste à laquelle il vaquait chaque matin, non pas sans inspirateur, mais sans collaborateur, et d’une verve incessante, la partie dès aujourd’hui conquise paraîtrait plus considérable, j’en suis certain, que celle qui n’a pas abouti. […] Je ne nie pas que, sur certaines questions d’intérêt et d’utilité commune, où chacun peut être informé et renseigné, la voix de tous, dans nos siècles instruits et adoucis, n’ait sa part de raison et même de sagesse ; par la force même des choses et par le seul cours des saisons, les idées mûrissent. […] Toutes seules, et comme la critique, qui est leur droit et leur fort, elles excellent à avertir et à empêcher, encore plus qu’à entreprendre. […] « J’aime qu’on me fasse venir de haut », disait une grande dame (la duchesse Charles de Damas) à propos des théories spiritualistes surnaturelles de M. de Bonald, qu’elle croyait justifier par ce seul mot. […] Ils aimeraient mieux ne faire qu’une seule étape en progrès réel que d’en faire deux d’une seule enjambée, si c’était contre leur principe.

694. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Je crois voir encore (et de ceux qui ont eu l’honneur de la voir une seule fois, quel est celui qui peut l’avoir oubliée ?) […] Et d’abord ce philosophe, cet investigateur des grands problèmes vit seul, sans famille, sans enfants, dans une chambre ou deux, à un étage supérieur où les bruits de la rue n’arrivent pas ; il habite assez près des toits, comme le philosophe de La Bruyère. […] Il sait que le cœur humain est un labyrinthe ainsi fait, et avec un écho si bien ménagé, qu’une seule et même voix peut se faire à elle-même la demande et la réponse. […] Voici ma seule réclamation. […] J’admets comme un droit naturel et universel la liberté de la pensée ; mais, parce qu’elle est essentiellement libre, elle n’est pas indifféremment vraie, et ceux-là seuls qui pensent comme moi sont, pour moi, dans la vérité et appartiennent à la même société intellectuelle, c’est-à-dire à la même Église que moi.

695. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Dans la période où nous nous trouvons, nous n’avons pas encore conquis la connaissance des vérités politiques et morales ; mais presque tous les partis, même les plus opposés, reconnaissent le raisonnement pour base de leurs discussions, et l’utilité publique comme le seul droit et le seul but des institutions sociales. […] Considérons donc quelle sera cette carrière, seul avenir qui soutienne encore la pensée prête à s’abîmer dans la douloureuse contemplation du passé. […] Locke et Condillac ont beaucoup moins d’imagination que Platon ; mais ils sont entrés dans la route de la démonstration géométrique ; et cette méthode présente seule des progrès réguliers et sans bornes. […] L’on a eu tort de blâmer nos publicistes, lorsqu’ils ont voulu appliquer le calcul à la politique ; l’on a eu tort de leur reprocher d’avoir tenté de généraliser les causes : mais on a souvent eu raison de les accuser de n’avoir pas assez observé les faits qui peuvent seuls conduire à la découverte des causes. […] Si vous laissez échapper une seule circonstance, votre résultat sera faux, comme la plus légère erreur de chiffre rend impossible la solution d’un problème.

696. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Nous y fûmes, raconte-t-il, par un soir d’octobre de 1883, et nous eûmes la chance de le trouver seul. […] Je l’ai revu seul et j’ai pu m’en faire une idée inexprimable. […] Édouard Dujardin nous le rappelle qui inscrit pour épigraphe en tête de ses Hantises (1886) : « Seule vit notre âme » et qui cite pour référence cette pensée de Gourmont : La seule excuse qu’un homme ait d’écrire, c’est de s’écrire lui-même, de dévoiler aux autres la sorte de monde qui se mire en son miroir individuel. […] Est-ce par la seule magie de sa parole qui provoquait chez ses auditeurs « une sorte de griserie intellectuelle » ? […] Il se met alors à rêver d’une poésie éducatrice des foules, par le théâtre, mais dont la danse et la pantomime constitueraient les seuls moyens d’expression.

697. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Enfin, M. de Laborde vient en dernier lieu, il met comme la dernière main à cette œuvre de réhabilitation ; bien loin de se laisser arrêter un seul instant à ce charme contraire du cardinal de Retz, il n’en tient nul compte, et il semble avoir passé lui-même, avec entrain et verve, sous le charme de Mazarin. […] Ce seul coup de chapeau, par lequel il arrêta et charma ainsi les deux armées, lui aurait bien mérité, disait-on, le chapeau de cardinal. […] Anne d’Autriche allait être régente : mais le serait-elle seule et toute-puissante comme elle le voulait, ou ne le serait-elle que moyennant un Conseil comme le voulait le roi ? […] Il n’avait pas l’âme royale, ce seul mot en dit assez. […] Entre Richelieu et Louis XIV, peut-être fallait-il un tel homme pour donner quelque répit et détendre les courages ; mais un seul jour de plus eût été trop, et il ne fallut pas moins ensuite qu’un roi qui sût être si roi, pour relever la royauté de cette sujétion à un ministre si absolu et si peu royal.

698. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

J’ai ouï dire que ce fut assez tard que Philarète Chasles reçut le baptême ; mais le baptême n’efface que le péché originel dans l’homme, il ne remplace pas l’éducation chrétienne qui fait les seuls forts dans l’ordre moral comme les seuls voyants dans l’ordre intellectuel. […] De toutes les choses qu’on a dites sur Philarète Chasles depuis qu’il est mort, c’est la seule qui n’ait pas été dite. […] Mais ses principes d’esthétique et de morale, ces principes qui ne font qu’un, et sans lesquels la Critique n’est plus que l’empirisme d’une personnalité plus ou moins supérieure, ne sont pas beaucoup plus distincts que ceux de Sainte-Beuve, et je doute qu’on en pût faire sortir un seul, appuyé et déterminé, de l’universalité de ses Œuvres complètes, où le talent le plus sincère et le plus animé n’est pas capable de combler cette lacune terrible dans les œuvres d’un critique : — le manque de principes et d’autorité. […] Volupté est le seul livre de Sainte-Beuve, et il est mauvais. […] C’est bien encore un caméléon, mais c’est un caméléon d’une seule teinte.

699. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Mais chaque cénacle, qui d’abord fut d’une douzaine de personnes, ne tarde pas à être réduit à un seul membre, chacun des autres ayant fondé un cénacle voisin que bientôt il compose à lui tout seul. […] Vous voyez que, seule, la musique du rythme impressionne l’oreille. […] où pris-tu l’âme d’être seul au monde ? Seul ! […] Le Symbolisme seul, qu’on affecte assez généralement, aujourd’hui, de dédaigner, pourrait donner à toutes les tendances, à toutes les individualités le jeu nécessaire à leur expression, leur développement, à la seule condition de s’entendre (mais ?

700. (1922) Gustave Flaubert

Sa seule influence n’y aurait d’ailleurs pas suffi. […] Il semble que son infortune conjugale soit vraiment sa seule raison d’être et arrive seule à lui donner quelque figure. […] Est-il un seul sentiment qu’il ne condamne ? […] Mathô et Hamilcar ne vivent pas par eux seuls. […] Et Rosanette est la seule femme de qui Frédéric ait un enfant, la seule qu’on voie faite exactement et harmonieusement pour lui.

701. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Car ce n’est pas la nature toute seule et sans secours qui sortira de cet abîme. […] La conscience parlait seule, et son inquiétude était devenue une terreur. […] » Ils sondent anxieusement les mouvements involontaires de leur cœur qui seul peut répondre et la révélation intérieure qui seule les rend certains de leur pardon ou de leur perte. […] Seule la grâce justifie. […] Celui que tout le monde a flatté, toi seule tu l’as jeté hors du monde et méprisé.

702. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Seules les sciences spéciales nous apprendront s’il y a dans la nature des genres et des espèces. […] En définitive, la conscience est le seul sentiment de l’être dont nous disposions. […] Dans la gravitation, par exemple, force mécanique, la masse et la distance interviennent seules. […] L’idéal de la classification est la réduction du divers à un seul principe. […] Ceux-ci s’efforcent de construire toute la psychologie avec les seules idées.

703. (1929) Amiel ou la part du rêve

Le Genevois est seul. […] Ce qui est original a seul une raison suffisante de vivre. […] C’est le seul mariage qu’il connaîtra. […] Amiel reste seul, prend ses repas à la brasserie. […] » Elle sait qu’elle n’est pas la seule.

704. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Seules les choses vulgaires perdent à ce qu’on les explique. […] Seules les régions supérieures leur sont interdites. Je doute que l’on puisse citer un seul poète, vraiment poète, qui ait été dépourvu de sensibilité, un seul vers vraiment poétique d’où l’émotion soit absente. […] Au point de vue de la poésie, seule la qualité esthétique des sentiments importe. […] Sa beauté propre, perceptible aux seuls initiés, ne se remarque qu’après coup.

705. (1925) Comment on devient écrivain

Ce qu’on raconte en deux volumes peut très bien se dire en un seul. […] Il vivait riche, seul, sans parler à personne, sans fréquenter personne. […] Mais, encore une fois, l’exactitude seule ne donne pas la vie, et la couleur seule n’est que la moitié de la vérité. […] J’étais seul avec mon amant et nous étions sans défiance. […] Nous étions seuls et sans aucun soupçon.

706. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Ce qui le caractérise homme profondément original, c’est son bon sens ; il en fait preuve à chaque ligne dans ces feuilles naïves qu’il écrivait au jour le jour, pour son usage propre ou tout au plus pour celui de sa famille ; l’un des premiers apôtres du sens commun, il le proclame entre toutes les qualités la seule essentielle et suffisante à un ministre. […] Dans ces premiers temps où l’esprit de discussion se relevait des coups portés par la police de Louis XIV, le fils de son inexorable lieutenant, du destructeur de Port-Royal et de l’adversaire des parlements, ne fut pas le seul à ressentir de sages besoins de réforme et à désirer y satisfaire. […] Les membres se dispersèrent avec douleur ; beaucoup d’esprits furent découragés, beaucoup de projets demeurèrent imparfaits ; seul peut-être, le bon abbé de Saint-Pierre s’obstina à espérer toujours et à se faire persécuter encore. […] Les différents articles qui les composent, et dont l’analyse ne saurait embrasser la variété, n’ont entre eux de commun que le mérite littéraire, le seul que je puisse apprécier d’une vue générale : apprécier le mérite littéraire d’un livre, quel qu’il soit, c’est d’ordinaire donner l’exacte mesure de sa valeur réelle.

707. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IX »

Quand le mot est entré par la parole seule (ce qui est rare maintenant), on transcrira le son tel qu’il est perçu. Si le mot est venu par l’écriture seule, il faut le réformer et l’écrire comme le prononcerait un paysan ou un ouvrier tout à fait étranger à l’anglais ou à telle autre langue. […] La naturalisation limite à un seul les pouvoirs divers et souvent nombreux d’un mot. Smart, qui veut dire en anglais, selon les cas, alerte, souple, habile, fin, actif, intrigant, roué, élégant, etc. a perdu en français, du moment qu’on a voulu l’y introduire, toutes ces valeurs, pour en gagner une seule, vague et très certainement passagère.

708. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

Puisque nous voulons la soumettre à une étude aussi objective qu’il est possible, il semble que nous devrions, pour la définir, laisser parler « les faits » : de la confrontation des principes qui dirigent les différentes sociétés égalitaires son essence devrait, en quelque sorte, jaillir toute seule. — Mais à quels signes reconnaîtrons-nous ces sociétés égalitaires si nous n’avons établi, au préalable, ce qui est pour nous l’égalité ? […] Centres d’action et de passion, mesures de toutes valeurs et valeurs elles-mêmes absolues, nous posons les personnes humaines comme seules véritables causes et fins : à elles seules, par suite, les notions de devoir et de droit nous paraissent pouvoir s’appliquer, C’est pourquoi nous déclarons que les choses sont « utilisables », et les personnes « respectables » : la notion de à valeur des choses n’entraîne que celles de nos prétentions et de nos pouvoirs sur elles ; la notion de la valeur des personnes entraîne celles de nos devoirs envers elles. […] Ces hommes, dont elles affirment la valeur, ne sont-ils pas, par définition, non seulement les plus complexes de tous les objets — par suite aussi ceux qui, tout en appartenant à un même genre, sont susceptibles de différer le plus les uns des autres — mais encore les seuls sujets qui, ayant la pleine conscience d’eux-mêmes, sont capables de poser les unes en face des autres leurs individualités ?

709. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Tacite seul devait être le dernier des Romains. […] Un mâle égoïsme fut sa seule loi. […] Telles furent les jeunes étrangères dans la société desquelles Horace chercha à vingt-cinq ans la liberté, la célébrité, l’amour, seuls devoirs et seules vertus d’Épicure. […] Quant au vin, il le chantait, mais il ne le buvait pas depuis longtemps ; l’eau limpide de la source, rafraîchie par la neige du mont Lucrétile, était sa seule boisson. […] L’amour seul n’avait pas lassé ses sens ni son âme.

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