Si elles ont revêtu pour vous une expression quelconque, si elles vous ont fait sentir ou penser, alors parlez. […] La goutte d’eau ne se sent pas couler, quoiqu’elle reflète successivement tous les objets de ses rives : c’est qu’elle ne garde l’image d’aucun. […] Il sentait, mais il amplifia, jusqu’à paraître parfois ne plus sentir. […] La plupart du temps, poètes et romanciers s’en tiendront à la vie, puissante sans doute, mais sourde, mais latente, que tous plus ou moins nous sentons dans les choses. […] L’art de l’écrivain consiste à faire penser ou à faire sentir moralement pour faire voir.
Combien qui n’ont jamais senti de grands mouvemens d’ambition ni de vengeance ! […] Au lieu de la naïveté du coeur, on n’y sent que le travail d’un esprit qui fait parade de sa souplesse. […] Le poëte travaille dans un certain ordre ; et le spectateur sent dans un autre. […] Quelquefois un homme d’un bon sens ordinaire sent tout-à-coup au théatre ce qui est échapé dans le cabinet à la réflexion des connoisseurs. […] On est échauffé, il est vrai ; on désire de produire de pareilles beautés, et quand on a vos talens, monsieur, on s’en sent capable.
Il sent tout le prodige qu’il y a à ce qu’ils soient tels et non pas autres. […] Si je tressaille, ce n’est que de sentir mon attente avec perfection comblée. […] Pourtant on sent encore l’essor qu’il refrène. […] À se sentir tellement ingénieux, il goûte en même temps un ravissement et une souffrance. […] À chaque petit instant de ma vie, j’ai pu sentir en moi la totalité de mon bien.
J’ai senti tout ce que vous sentez, mon cher Baptistin, et c’est là, selon moi, le vice fondamental de cette étrange, morbide, sublime composition. […] L’évêque regrettait presque d’être venu, et pourtant il se sentait vaguement, fortement ébranlé. […] Il faut être juste, Victor Hugo le sent, le dit, et restreint aux prêtres sa condamnation radicale du luxe. […] Enfin Victor Hugo a senti le vide d’un livre où le prolétaire lit, où le démagogue pense, où l’ouvrier songe. […] Qui n’a pas senti que le plus inépuisable et le plus lamentable des sujets est une de ces misères ?
De même que le développement d’un thème se distingue de celui-ci par un plus enchevêtré fouillis de notes, l’on sent en Raskolnikoff un trop rapide et sursautant et sinueux flux de pensée, au lieu de la stupéfaction première et de la peur seconde qui devraient le lanciner monotonement. […] Natacha au départ de son amant, Nelly au sortir d’un bouge, le prince Valkowski en ses rages contenues, Marmeladoff, Sonia, la sœur de Raskolnikoff, dans des crises cependant pour elles suprêmes, sentent jaillir en eux des pampres et des fusées de pensées, trépident et divaguent avec abondance et un désintéressement de fous. […] Il hait et écarte les beaux diseurs, les intelligents, les habiles, les hommes bien élevés qui pensent et sentent selon les formulaires et laissant à d’autres la peinture de l’être social, il descend à tout ce qui est resté de franc et de brut dans la lie des villes ou des caractères. Son peuple, ce sont les déclassés, les prostituées, les criminels, les ivrognes, les aigrefins, ou encore les simples créatures cordiales et ces impudentes canailles qui sentent parfois le besoin de mettre à l’air leur turpitude. […] Lui et les autres, si libres et perdus de leurs actes, sentent tous le besoin de se confesser à quelqu’un d’aimant en d’explicites aveux.
Se sentir vivre, c’est avoir la perception obscure de tous ces mouvements vitaux ; jouir ou souffrir, c’est se sentir vivre plus ou vivre moins. Plus la décomposition est intense avec une recomposition également intense, plus le mouvement vital est précipité et plus nous sentons. […] Se sentir vivre, jouir, c’est se sentir continuellement forcé de sortir de l’état présent, qui doit être par conséquent une douleur toujours renaissante. » Schopenhauer n’a pas eu à faire de grands efforts d’invention pour imaginer sa théorie sur le caractère négatif du plaisir, qui, selon lui, ne serait senti qu’indirectement par l’intermédiaire de la douleur, et sur le caractère positif de la peine, seule sentie directement en elle-même. « L’effort vital » toujours « pénible », dont parlait Kant, est devenu chez Schopenhauer le « vouloir vivre », dont le perpétuel travail est un perpétuel échec et une perpétuelle souffrance. […] Le plaisir est alors senti directement comme tel, non indirectement par une douleur qu’il remplacerait : la vue jouit sans avoir souffert. […] Est-il nécessaire d’aller chercher dans les douleurs passées un point de comparaison pour sentir la volupté présente ?
Frappée dans ses proches, victime d’une union mal assortie, elle aimait peu la vie ; mortellement atteinte, elle la sentait fuir, et elle avait hâte de la donner. […] On sent chez lui un effort souvent heureux, mais de l’effort. […] » La Bruyère, avant lui, avait senti cette même difficulté et se l’était avouée aussi en commençant : « Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent. » M. […] C’est dans le fond des esprits que sont les littératures. » Aussi, lui qui sent si bien les anciens, l’Antiquité de Rome, de la Grèce, et celle de Louis XIV, il ne nous demande pas l’impossible ; il nous dira de la sentir, mais non point d’y retourner. […] Les seconds, délicats surtout, et qui sentent leur idée supérieure à leur exécution, leur intelligence plus grande encore que leur talent, même quand celui-ci est très réel.
En lui on sent au contraire que l’esprit ne s’est fixé à l’état de pensée et de maxime, que faute d’avoir pu se déployer et sortir en action. […] Le christianisme, qui ne considère l’homme actuel qu’à titre de créature déchue, ne craint pas d’insister sur les vices de la nature, à qui il veut faire sentir le besoin d’un remède et d’une restauration surnaturelle. […] Il sait, il sent, pour les avoir éprouvées, les misères de l’homme, et il échappe plus d’une fois à sa noble lèvre des mots trempés d’amertume. […] Quand il traite de la grandeur d’âme, comme on sent l’homme qui en a le modèle en lui et qui en possède la noble réalité ! […] Involontairement et si l’on n’y prend garde, quand on juge l’humanité, on se laisse influencer par l’arrière-pensée du rang qu’on y tiendrait soi-même ; on est porté à l’élever ou à la rabaisser selon qu’on se sent au-dedans plus ou moins de vertu, plus ou moins de portée et d’essor.
Tout cela sent le Goth et l’Hérule de grand esprit, mais dont le poli n’est encore qu’à la surface, et dont plus d’un coin même n’est pas poli du tout. […] Mais peut-on s’étonner que Frédéric n’ait pas senti Werther ? […] Il sentait à ravir la gaieté de cette imagination brillante. […] Tout cela est aussi bien senti que justement exprimé. […] Le roi aussi se fait plus souvent sentir.
Il avait senti, il n’avait pas pensé. […] « Je sentis quelque chose qui me fit de l’effet. […] Je les regardai en respirant un air qui sentait frais et bon. […] … Vous sentez bien, mon enfant, que c’était un devoir. […] Cela prouve-t-il contre une existence que l’on sent universellement ?
Elle sentait l’art et la nature comme on ne les sent qu’en Italie ; mais ce sentiment, commencé à l’italienne, se traduisait, se terminait trop souvent en vapeurs et en brouillards, non sans avoir passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. […] Mais n’avez-vous pas senti dans ce simple récit de la mère tout l’orgueil de Latone : C’est un fils des dieux ? […] Ce que sentait cette mère alors, toute l’Allemagne depuis l’a senti pour Goethe : Goethe, c’est la patrie allemande. […] Je crois que j’étendis les mains vers lui ; je me sentais défaillir. […] Du premier jour qu’elle le vit à Vienne, en mai 1810, Bettina ressentit ce qu’elle avait senti pour Goethe : elle oublia l’univers.
Dans l’embrassement, c’est la vie de l’espèce entière dont nous cherchons à sentir la vibration puissante et que nous tentons de faire passer en nous. […] Dans le sentiment du beau, le sujet sentant a donc une part non moins importante que l’objet senti. […] Nous avons aussi le plaisir, corrélatif de sentir et de critiquer ses défaillances. […] Néanmoins l’habileté de main se fait toujours plus ou moins sentir en toute œuvre d’art ; dans les œuvres de décadence, elle devient presque le seul mérite. […] Le docteur Hammond a lui-même observé un hypocondriaque dont la peau répandait l’odeur de violette, un choréique exhalant l’odeur du pain une hystérique qui sentait l’ananas pendant ses crises, une autre qui sentait l’iris.
Ce fut son talent qui fit sa vie ; et cette vie toujours calme, aisée, honorée, et qui monta sans luttes et sans obstacles jusqu’à cette dignité de rang qui est la dernière caresse de la fortune à ceux qui pourraient s’en passer, puisqu’ils ne vivent que pour les jouissances de l’esprit, a plus d’un rapport avec l’existence d’un homme heureux aussi parmi les poètes, mais qui, à son déclin, sentit dans le fond de son cœur le souci cruel de la confiance trahie et sur son front la sueur de sang du travail forcé. […] Il peint pour peindre et pour faire sentir à la manière allemande. […] Tous ceux qui aiment et lisent la poésie en Europe, lisent et sentent Burns et trouvent des saveurs singulièrement toniques dans le houblon de sa poésie. […] On sent tout de suite, en l’ouvrant, à la nouveauté de la couleur, à l’exactitude de certains détails de costumes et de mœurs, et presque à l’air qu’on y respire, que cette traduction doit être fidèle autant que peut l’être cette chose impossible : une traduction en vers ! […] Versificateur exercé, il a peut-être moins souffert qu’un autre de ces liens terribles de la langue qu’il a voulu parler, mais il les a sentis, et, quoi qu’il ait fait, il en porte la marque encore.
Béranger depuis des années ne chantait plus, mais la France, en le perdant, a senti à quel point il lui était toujours cher et présent, et combien l’âme de ses chants faisait partie de son âme, à elle, de son génie immortel, comme race et comme peuple. L’empereur, en se chargeant de la célébration de ses funérailles et en voulant y présider, en quelque sorte, par la pensée, a montré qu’ici comme en toute chose il sentait comme la France. […] Béranger avait naturellement l’âme patriotique, cela ne se donne pas ; il sentait de certaines douleurs, de certaines joies comme bien des gens d’esprit, qui l’ont applaudi pourtant, ne les ont jamais senties, et comme le peuple directement les sent : de là cette intime et longue communauté entre le peuple et lui, quoiqu’il eût dans le talent de ces finesses dont les œuvres populaires peuvent, à la rigueur, se passer.
Le livre est dédié à Hubert Crackanthorpe et à Charles Lacoste ; « À toi, Crackanthorpe, déjà célèbre en ton pays, et qui a senti passer en toi le souffle de l’amour et de la pitié humaine (sic). […] Cela se sent et ne s’exprime guère, non plus qu’on expliquerait aisément en quoi M. […] La nature est pour lui ce qu’il sent de la nature. […] Dans la salle à manger où sentent bon les fruits. […] Ta mère douce coud dans le salle à manger Où sentent bon les fruits, près de te fiancée.
L’animal qui sent la dent de son ennemi n’a besoin d’aucune subtilité métaphysique pour imaginer un autre animal mordant. […] La différence est la chose du monde qui nous est le plus familière, puisque nous n’avons une conscience distincte que des différences ; nous sommes donc habitués à concevoir ou le contraire de ce que nous sentons, ou quelque chose de différent. […] La seule unité est l’appétit sourd de vivre, qui subsiste sous cet amas incohérent et qui se sent vaguement lui-même. […] Selon Riehl, on s’en souvient, toute sensation étant le discernement d’une différence entre l’état actuel senti et un autre état non senti ou inconscient, la sensation se trouve toujours en rapport avec du non-senti, et c’est ce non-senti qui devient « le réel » au-delà de la sensation. — Nous avons déjà répondu qu’on ne peut pas établir un rapport entre un terme donné à la conscience et un autre qui ne l’est pas. […] Ce n’est pas le non-senti et l’inconscient que nous objectivons sous forme de réel au-delà du senti, c’est au contraire le senti et le conscient que nous continuons au-delà du non-voulu, du forcé, surtout si ce forcé est douloureux.
Victor Cousin, et se disposa à poursuivre les études philosophiques vers lesquelles il se sentait appelé. […] Il se laisse et il se sent vivre. […] Il était là, tombé à ses pieds avec grâce, et elle ne se sentit pas la force de l’obliger à s’éloigner. […] que sentirait-il ? […] En rentrant dans sa maison, il se sent plus à l’aise, il sent plus vivement par le contraste ; il chérit son étroit horizon où il est à l’abri de ce qui le gêne, où son esprit n’est pas vaguement égaré par une trop vaste perspective.