Arrivé en Égypte, à Alexandrie, il voit tout, il note tout, et l’homme de sens ne se sépare. […] je ne vois que des maisons de bois et des espèces de grosses tourtes entourées plus ou moins de chandelles qu’on appelle mosquées et minarets, mais rien de ce pittoresque, rien de cette originalité de cette belle Syrie, rien de cette brutalité de l’homme qui donne du charme et fait ressortir les œuvres de la civilisation ; tout est rond, tout est mou, c’est le sérail de la pensée ; enfin je me sens énervé, et il ne faudrait pas longtemps pour que mes idées prissent du ventre comme tous les vilains Turcs que je rencontre dans les rues. » Et dans un mouvement lyrique relevé de jurons militaires, il se met tout d’un coup à les apostropher, à les traiter comme à une descente de barrière on traiterait des Turcs de mardi gras ; c’est tout un feu d’artifice d’injures qui se couronne par un bouquet en faveur des Arabes : « Chers Arabes, votre pou, votre puce (quoique souvent incommode), valent mieux que les parfums de vos indignes ennemis ! […] … Plus je reviens sur les émotions qu’elle m’a fait éprouver, plus elles prennent de force, et je me sens tout jeune. » Si la verve et l’enthousiasme, si le mouvement naturel de poésie, si le coup de soleil de l’imagination n’est pas là sensible, je ne sais plus où les trouver.
La Grèce même, en ce sens, est dépassée ; on est reporté jusqu’à l’Inde et à ses mystères. […] Deux ou trois scènes, qui ont le tort de parler trop complaisamment aux sens, ont masqué la pensée philosophique de ce livre qui est fait pour déconcerter plus d’un lecteur vulgaire. […] C’est la perfection dans la grâce. — Quand je me remets à feuilleter et à parcourir en tous sens, comme je viens de le faire, ce recueil de vers de Gautier, qui mériterait à lui seul une étude à part, je m’étonne encore une fois qu’un tel poète n’ait pas encore reçu de tous, à ce titre, son entière louange et son renom.
Que ce monde renferme de bonheur quand on possède en soi le sens le plus humble et le plus grand tout ensemble, l’admiration ! […] C’est le sens de ce que tu ne pouvais t’expliquer alors. […] Et je ne sens pas toujours les anges qui me soutiennent.
La quantité de notions plus précises qu’on a pu acquérir depuis par la publication de papiers originaux, le jour qui s’est fait sur bien des événements controversés, toutes ces révélations, comme on dit, sont plus que compensées, selon moi, par la fausseté et l’énormité de certains systèmes et sophismes historiques qui ont plus ou moins prévalu, qui pèsent désormais sur l’esprit des générations nouvelles et y font nuage à leur tour, — qui font empêchement et obstacle dans un autre sens à une vue nette de la vérité. […] En toute rencontre, il s’est montré l’adversaire déclaré et convaincu du despotisme maritime qu’exerçait alors l’Angleterre, et si ses vœux qui percent à travers ses récits sont en général pour une liberté raisonnable et pour la stabilité de l’Europe, ils ne sont pas moins vifs et constants pour ce qu’il appelle « l’équilibre maritime et le libre parcours des mers. » En ce sens, la politique de Jomini a pu être qualifiée antianglaise. […] Mon cadre est tracé, il faut le remplir, et je compte les minutes que la Parque me laisse ; à chaque instant je sens ses ciseaux chatouiller le fil65, et il n’est guère possible, après avoir glissé deux ou trois fois entre ses serres, que je l’évite au prochain tour.
Voici le sens des vers de Dorât, qui sont, du reste, ingénieux, et qui me font l’effet d’un bon centon. […] Pour moi, quand je relis aujourd’hui ce petit livre de l’Illustration de Du Bellay, qui nous fait assister à un moment décisif et critique pour la langue et la littérature françaises, je sens le besoin de me bien représenter les circonstances parfaitement claires et définies où il parut et que notre érudition bien récente sur les anciennes sources françaises, sur les regrettables épopées du haut moyen âge, ne saurait, du jour au lendemain, changer et retourner. […] La poétique de Du Bellay peut être considérée, en ce sens, comme une machine un peu mécanique et artificielle, animée pourtant d’un beau feu et panachée d’une belle flamme : elle aida puissamment à déblayer le terrain, à faire le champ net et à remettre la langue et la littérature dans une large voie classique, régulière, dans une direction qui, en définitive, n’a pas si mal abouti.
Et pourtant les âmes tendres, élevées, croyant à l’exil de la vie et à la réalité de l’invisible, n’avaient pas disparu : la religion, sous ses formes rétrécies, en abritait encore beaucoup ; la philosophie dominante en détournait quelques-unes, sans les opprimer entièrement ; mais toutes manquaient d’organe général et harmonieux, d’interprète à leurs vœux et à leurs soupirs, de poëte selon le sens animé du mot. […] Son royalisme pourtant se conciliait déjà avec des idées libérales et constitutionnelles : il avait même composé une brochure politique dans ce sens, qui ne fut pas publiée, faute de libraire. […] et à la moindre émotion, quel ébranlement redoublé de lames puissantes et douces, gigantesques, mais belles ; et surtout, et toujours, l’infini dans tous les sens, profundum, altiudo !
On se lasse, et si l’on aime véritablement les lettres, si une instruction solide n’a cessé de s’accroître et de se raffiner au milieu et au moyen même des épreuves, on est en mesure alors d’aborder ce que j’appelle, en un sens très-général, la critique, c’est-à-dire quelque branche de l’histoire littéraire ou de l’appréciation des œuvres. […] Dès le lendemain, je crois m’en être ouvert en ce sens avec le plus illustre des chefs d’alors. […] Ce n’est pas au nom de la gloire et de la renommée qu’il convient de s’adresser aux critiques, à ceux qui, vraiment dignes de ce nom, voient les choses littéraires avec sang-froid, étendue, et par tous les sens.
S’il y avait eu des journaux dans ce sens moderne qui nous flatte, au moment où se préparait la rupture entre César et Pompée, on aurait vu Curion soudoyer, courtiser des rédacteurs, César envoyer des articles tout faits : il y aurait eu escarmouche de plume avant Pharsale. […] Il y a en ce sens une carte du pays à faire, qui, à l’exemple de ces bonnes cartes géographiques, marquerait la hauteur relative et le degré de relèvement des monts par rapport à ce terrain intermédiaire et continu. […] La vie humaine, il y a longtemps qu’on l’a dit, ressemble à la guerre : chacun n’a qu’à tenir son rang avec honneur et qu’à faire sa fonction, comme si la mort n’était pas là dans tous les sens, qui sillonne.
M. le comte de Saint-Priest vient d’entrer de la sorte avec nouveauté dans une carrière qui, depuis quelques années, avait été parcourue et illustrée en divers sens. […] Les documents se présentaient plus nombreux, plus complets, et éclairés par un sens historique tout neuf, par une comparaison très-attentive. […] Il pousse plus d’un bout de texte en un sens auquel on n’avait pas songé, et il lui fait rendre de subtiles nuances ; il a des impatiences et des éclairs d’interprétations qu’après tout, en ces matières humaines si complexes, un esprit supérieur a peine à s’interdire, et que le talent se plaît à exprimer.
C’est un beau moment pour le critique comme pour le poëte que celui où l’un et l’autre peuvent, chacun dans un juste sens, s’écrier avec cet ancien : Je l’ai trouvé ! […] Je ne sais si toute cette théorie, mi-partie poétique et mi-partie critique, est fort claire ; mais je la crois fort vraie, et tant que les biographes des grands poëtes ne l’auront pas présente à l’esprit, ils feront des livres utiles, exacts, estimables sans doute, mais non des œuvres de haute critique et d’art ; ils rassembleront des anecdotes, détermineront des dates, exposeront des querelles littéraires : ce sera l’affaire du lecteur d’en faire jaillir le sens et d’y souffler la vie ; ils seront des chroniqueurs, non des statuaires ; ils tiendront les registres du temple, et ne seront pas les prêtres du dieu. […] Il nous parle lui-même d’un malheur qui a rompu le cours de leurs affections ; mais le mauvais succès ne l’aigrit pas contre sa belle inhumaine, comme il l’appelle : Je me trouve toujours en état de l’aimer ; Je me sens tout ému quand je l’entends nommer ; . . . . . . . . . . . . . .
L’élite des connaisseurs n’existe plus, en ce sens que chacun de ceux qui la formeraient est isolé et ne sait où trouver l’oreille de son semblable pour y jeter son mot. […] « Elle ne se le chante pas toujours avec des vers ou des paroles mesurées, mais avec des expressions et des images où il y a un certain sens, un certain sentiment, une certaine forme et une certaine couleur qui ont une certaine harmonie l’une avec l’autre et chacune en soi. » Par l’attitude de sa pensée, il me fait l’effet d’une colonne antique, solitaire, jetée dans le moderne, et qui n’a jamais eu son temple. […] Je le sens, quand je songe surtout que votre malheur peut, à chaque instant, devenir le mien.
Si elle n’a pas l’éternité du métal, elle n’en a pas non plus le poids ; l’esprit et les sens du vulgaire la supportent avec moins d’effort. […] Fénelon, après en avoir discuté et fait modifier les termes dans un sens qui excluait toute application de la censure à la personne de madame Guyon, signa l’exposé des principes purement théologiques de cette déclaration. […] Ma plus rude croix est de ne plus vous voir, mais je vous porte sans cesse devant Dieu dans une présence plus intime que celle des sens.
Ce petit Pradon logé au bout d’un vers dont les sonorités s’étalent largement, ce grotesque Cotin entraîné dans le mouvement enthousiaste d’un vers d’hymne, voilà ce qui hausse le simple sens de Despréaux jusqu’à la poésie. […] Il n’a même pas l’intuition du inonde intérieur : le sens des réalités invisibles lui manque. […] Au lieu de faire de courtes pièces sans titre, au lieu de proposer chacun à part comme valant par soi ces petits cuadros (comme disait Chénier), où dans des proportions très réduites étaient ramassés des types et des aspects de la vie commune, il s’ingénie à en faire les pièces d’un tout, les épisodes d’un récit, les scènes d’une comédie, les arguments d’un discours : lui qui n’eut de sa vie ni le sens de l’action, ni le don du dialogue, ni le souffle oratoire.
Il a tâtonné d’abord, s’étant formé dans un temps où nul ne songeait à diriger l’œuvre dramatique vers cette fin : il a poussé sa fantaisie dans tous les sens : vers l’extravagance galante avec Mélite, vers l’imbroglio romanesque avec Clitandre, vers la rhétorique raffinée avec Médée, vers la bouffonnerie copieuse avec l’Illusion comique. […] La mécanique et le style Si la psychologie de Corneille n’est pas dramatique, cela n’empêche point que peu de gens aient eu à un plus haut degré le sens du théâtre : car il a admirablement masqué, ou mieux, admirablement utilisé sa psychologie. […] Il y a là une puissance singulière de sens dramatique, pour tirer une tragédie, vraie, forte, émouvante celle-là et théâtrale, d’une légende épique terminée en fait-divers atroce.
C’est bien l’amour, l’amour des sens, ne vous déplaise, la « Vénus à sa proie attachée ». […] Il enseigne à Jeanne, comme un simple Bellac, « le sens divin des choses ». […] Octave Feuillet résume comme il suit : Développer à toute leur puissance les dons physiques et intellectuels qu’il tenait du hasard, faire de lui-même le type accompli d’un civilisé de son temps, charmer les femmes et dominer les hommes, se donner toutes les joies de l’esprit, des sens et du pouvoir, dompter tous les sentiments naturels comme des instincts de servage, dédaigner toutes les croyances vulgaires comme des chimères ou des hypocrisies, ne rien aimer, ne rien craindre et ne rien respecter que l’honneur : tels furent, en résumé, les devoirs qu’il se reconnut et les droits qu’il s’arrogea.
Quand Louis s’en retournait, en 1672, désespéré, mais non rebuté, les désirs des sens étaient repoussés, le besoin, l’espérance de plaire commençaient à se faire sentir ; le prince, jeune et ardent, était désespéré ; le prince, aimable et charmé, n’était pas rebuté, ou ne se rebutait pas. […] C’est l’homme de la cour qui a le plus de sens et qui donne le moins dans les pièges… » Vers le milieu de l’année 1685, le roi épousa madame de Maintenon, un peu plus de deux ans après la mort de Marie-Thérèse. […] Et ce que j’ai dit bien des fois, elle lui fait connaître un pays tout nouveau, je veux dire le commerce de l’amitié et de la conversation sans chicane et sans contrainte ; il en paraît charmé. » Certes, elle devait être d’un grand charme cette amitié qui, dans madame de Maintenon, était de l’amour retenu par la raison, la justice, l’honneur, la bienséance ; cette amitié, où les sens entraient pour quelque chose, mais soumis à de plus hautes et plus puissantes sympathies, celles de l’âme et de l’intelligence, à de plus nobles besoins, ceux de la considération et du respect de soi-même ; cette amitié passionnée que l’honneur forçait à résister au plus doux penchant, qui ne souffrait pas moins de sa résistance que l’ami à qui elle était opposée ; cette tendresse qui avait autant besoin d’être consolée de ses refus que celui qui les essuyait et dont la souffrance parvenait à obtenir des encouragements de l’amant voluptueux et contrarié.
Un rayon de beauté circule comme un sourire sur sa civilisation rajeunie, une ligne d’élégance la parcourt et l’assouplit en tous sens. […] Seul, parmi ses contemporains, il paraît avoir retenu le sens naturaliste des vieux mythes : l’Aryen reparaît en lui sous l’Hellène. […] La plupart n’ont laissé que des strophes éparses, des phrases inachevées ou insignifiantes qui rappellent ces sons confus dénués de mémoire et presque de sens, que les Ombres échangent au bord du Le thé.