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1770. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Tout cela fait un poème très difficile à lire, très ennuyeux, en définitive, et que La Fontaine, semble-t-il, n’était pas forcé d’écrire. […] Toute feinte est sujet de scrupule à des saints, Et, quel que soit le but où tendent leurs desseins, Si la candeur n’y règne ainsi que l’innocence, Ce qu’ils font pour un bien leur semble être une offense. […] L’exemple, le conseil et le travail des mains Me pouvaient rendre utile à des troupes de saints… La réflexion à faire, semble-t-il, sur ce petit épisode, c’est que ce n’est donc pas par simple obéissance aux lois du genre que La Fontaine, dans ses fables, met toujours une moralité, car ici, quand il n’est pas forcé d’en mettre une, puisque ce n’est pas une fable qu’il écrit, même quand c’est un épisode d’un poème épique religieux, il y met une moralité. […] Népomucène Lemercier et d’autres ont fait des diatribes contre les romantiques qui semblent exactement calquées sur ce modèle. […] La scène est tout à fait originale et absolument de l’invention de La Fontaine, ce me semble ; je n’en vois d’analogue nulle part dans tout le théâtre, même du seizième siècle, ni dans tout le théâtre du commencement du dix-septième siècle.

1771. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Le malheureux qui raconte son histoire semble croire qu’elle n’est pas finie. […] Les douleurs de l’adultère sorties de l’adultère, tenant uniquement à ce fait, que les deux amants sont adultères, et se produisant pour emporter le bonheur qui semble préservé par tous les hasards de la vie, voilà le sujet digne d’un observateur profond dans lequel il fallait plonger, et, pour y plonger mieux, il fallait écarter tout ce qui énervait cette donnée terrible de l’adultère, se frappant lui-même et se retournant contre le bonheur qu’il avait donné. […] Il n’était nullement difficile d’en prendre la mesure avec sang-froid, et pour notre part nous la prîmes un des premiers… Ce n’était pas, en effet, un de ces talents qui semblent tomber du ciel, tant ils sont inattendus : nous en connaissions la famille… L’idée du livre, qui valait mieux que le livre, était heureuse, et pour le moment très-nouvelle. […] Le bourreau de l’adultère a écrit, en effet, sur la première page de son Daniel cette phrase de Chamfort, qui résume l’esprit du livre, mais qui ne lui en a pas donné : « Quand un homme et une femme ont l’un pour l’autre une passion violente, il me semble toujours que, quels que soient les obstacles qui les séparent, un mari, des parents, etc., les deux amantssontl’unàl’autredeparlanature, qu’ils s’appartiennent de droitdivin, malgré les lois et les conventions humaines », et jamais plus flagrante insolence ne fut portée par la main d’un bâtard enragé (et Chamfort était l’un et l’autre) à la face d’une société qui a mis le mariage plus haut, que ses institutions, puisqu’elle en a fait un sacrement. […] Assez intelligent, à ce qu’il semble, pour dépasser, comme les moins grands d’entre nous, les doctrines méprisées présentement du Contrat social, il n’est pas fait pour retourner tête basse à cette doctrine de marcassin et de glands tombés, qu’on appelle le naturalisme, pour appeler d’un nom propre des choses qui ne le sont pas.

1772. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Ce système semble plus raisonnable que celui qu’ont suivi Jules Scaliger et François Sanctius relativement à la langue latine : ils raisonnent d’après les principes d’Aristote, comme si les peuples qui trouvèrent les langues avaient dû préalablement aller aux écoles des philosophes. […] Tout ce que nous venons de dire semble prouver que, par une loi nécessaire de notre nature, le langage poétique a précédé celui de la prose. […] Ce qui prouve encore que les langues furent d’abord un chant, c’est ce que nous avons dit, qu’avant Gorgias et Cicéron, les prosateurs grecs et latins employaient des nombres poétiques ; au moyen âge, les pères de l’Église latine en firent autant, et leur prose semble faite pour être chantée. […] Telle est la forme des lois les plus anciennes, qu’elles semblent s’adresser à un seul homme ; d’un premier cas, elles s’étendaient à tous les autres, car les premiers peuples étaient incapables d’idées générales ; ils ne pouvaient les concevoir avant que les faits qui les appelaient se fussent présentés. […] Vico semble adopter une opinion très différente quelques pages plus loin.

1773. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Avant de se passionner pour les remèdes à l’aide desquels la religion nous guérit, il avait admiré la profonde connaissance qu’elle a de nos maladies ; avant d’y croire comme à la seule certitude, il lui avait semblé, selon ses paroles, qu’on ne pouvait avoir que de l’estime pour une religion qui connaît si bien tous nos défauts. […] Il semble qu’on devrait trouver dans une prière quelque abandon, quelque transport, une confiance qui ne pèse plus ses motifs, et que l’homme qui prie n’ait plus rien à rechercher sur l’existence et les attributs de l’être auquel s’adresse sa prière. […] Enfin, dans toutes ses pensées mélancoliques, dont quelques-unes semblent capricieuses, et dont aucune n’est indifférente, je reconnais le doute de notre temps, non ce doute des esprits médiocres qui n’est qu’impuissance de penser et de vouloir, mais celui qui est au fond des esprits les plus élevés et des caractères les plus fermes, après deux siècles qui ont vu tant de grandeurs et tant de chutes. […] Il semble respirer plus à l’aise dans les Provinciales ; et plus on a senti ce qu’il y a d’efforts violents, d’ardeurs trompées, de résistances, de combats, dans les Pensées, plus on trouve de douceur à voir le même homme prendre du plaisir à relever des ridicules, à railler gaiement des sophismes, et, par comparaison avec le relâchement de ses adversaires, à jouir noblement de cette innocence qui lui paraîtra corruption et orgueil dans les Pensées. […] Il semble avoir deux naturels qui s’excluent, et le second aussi pleinement que le premier.

1774. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Pour quiconque reporte sur les temps passés son expérience de ce qui a lieu de nos jours, cette diversité paraîtra toute naturelle ; il lui semblera au contraire surprenant qu’on l’ait oubliée au point de croire, en vertu sans doute de l’éloignement qui brouille tout et de certaines déclamations qu’on a prises au mot, qu’il ait existé autrefois des nations homogènes. […] Par suite d’une profonde révolution théologique et morale, l’Angleterre cesse peu à peu d’être le pays rapace, rogue et violent qu’elle semblait encore il y a cinquante ans. […] Nous avons cité au nombre des arguments qui nous semblent contraires aux théories de M.  […] Cette critique du déterminisme tainien n’est pas nouvelle ; elle remonte au moins à Sainte-Beuve, qui ne manqua pas d’émettre des réserves en 1864, lors sa recension de l’Histoire de la littérature anglaise : « vous avez tort, selon moi, de ne voir absolument, dans les délicatesses que vous admirez et que vous semblez si bien goûter, qu’un résultat et un produit des circonstances » (Pour la critique, éd. […] Hennequin, dans ces deux pages semble reprendre, contre le transformisme et l’évolutionnisme, la théorie spinoziste du « conatus » (voir aussi p. 113, « persister en son être »), à moins de souscrire à la célèbre définition de la vie proposée par Bichat dans ses Recherches physiologiques de 1800 : « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort ».

1775. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

La nature, disoit-il, semble lui avoir revelé tous ses secrets, du moins pour ce qui regarde les mœurs & les caractères des hommes. […] Il est supérieur par la méthode qui y regne à celui d’Horace ; & lorsqu’il imite ce Poëte, il semble moins copier ses pensées que les créer. […] Elle semble prendre plaisir à augmenter ses peines, en envisageant tous ceux qui jouissent des biens qu’elle n’a plus. […] Il semble que par ses Apologues, dit la Motte, il ait voulu rendre aux mœurs ce qu’il leur avoit ôté par ses contes. […] Il semble avoir franchi tout l’intervale du tems qui le sépare de la Fontaine pour marcher immédiatement après lui.

1776. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Cagliostro, à cette époque, n’avait guère que trente-deux ans : sa physionomie expressive et brillante colorait l’impudence sous des airs inspirés et sous les effusions de la philanthropie à la mode ; il semblait aller fouiller dans le cœur les secrets de chacun, et promettre en retour toutes les félicités et les merveilles. […] On ne peut s’empêcher de regretter ici que Ramond n’ait pas écrit ses mémoires ; qu’il n’ait pas, un jour ou l’autre, raconté, et s’il le fallait, confessé toute la vérité sur cet épisode intéressant et mystérieux de sa vie, Toute part faite à la déférence, à l’obéissance qu’il devait aux ordres du cardinal, on se demande quelle était en ceci cette autre part, fort peu aisée à déterminer, mais assez active, ce semble, qui lui était personnelle et propre. […] Il ne s’agit pour nous aujourd’hui que de le suivre dans un livre, et il me semble que ce n’est pas si pénible ni bien fatigant.

1777. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Je vous jure que je ne me connaissais pas moi-même, et me semblait, que j’étais encore en Piémont amoureux, comme j’avais été ; je ne me pus contenir de rire, me semblant que tout à coup Dieu m’avait donné tout un autre visage. […] Montluc ne se donne pas pour un historien, c’est un écrivain spécial de guerre ; il semble qu’il tienne à justifier ce mot de Henri IV lisant ses Commentaires, que c’est la Bible du soldat : « Je m’écris à moi-même, et veux instruire ceux qui viendront après moi : car n’être né que pour soi, c’est à dire en bon français être né une bête. » Il commence par établir une bonne police dans la ville ; il la divise en huit parties, dont chacune est sous la surveillance et les ordres d’un des huit magistrats nommés les « huit de la guerre » : dans chacune de ces sections, il fait faire un recensement exact des hommes jusqu’à soixante ans, des femmes jusqu’à cinquante, et des enfants depuis douze, afin qu’on voie quels sont ceux qui peuvent travailler aux choses de siège et à quoi ils sont propres ; dans le travail commun, les moindres ont leurs fonctions ; chaque art et métier, dans chaque quartier, nomme son capitaine, à qui tous ceux du même métier obéissent au premier ordre. […] Ce point de sa conduite a été critiqué dans le temps même, notamment par Brantôme, qui se fait en cela l’écho de plusieurs autres : il lui reproche d’avoir été plus cupide d’honneur que jaloux de l’intérêt général, et d’avoir plus songé à la singularité qu’à pourvoir à la sûreté de son monde ; car, en agissant ainsi, il semblait s’être mis à la merci du plus fort.

1778. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

c’est ce dont il fait le plus de cas : « Ce monde, pense-t-il, appartient à l’énergie. » Lui si moral, si tempéré, il semble même par moments tout près de vouloir cette énergie à tout prix, tant il est l’ennemi de la mollesse et de l’indifférence : « À mesure que je m’éloigne de la jeunesse, écrivait-il à M.  […] Gustave de Beaumont (3 mars 1853), semble graduellement se raffermir ; je recommence à travailler très activement, mais sans rien produire encore. […] [1re éd.] ce semble.

1779. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Veuillot, pour un tel acte accompli dans le secret de la conscience, n’a besoin d’aucun garant, et il a donné, ce me semble, assez de gages publics et fait assez de sacrifices à sa cause pour que personne ne mette en doute sa sincérité quand il dit : Je crois. […] Le Quirinal et le Vatican ne semblent alors être pour vous, en effet, que des positions plus commodes, du haut desquelles vous canonnez et balayez à plaisir le pauvre monde. […] Il devrait l’aimer, pensera-t-on, pour sa bile même et son fiel si coloré, pour cet excès précisément et cette rage de pinceau dans lesquels il semble vouloir l’imiter souvent.

1780. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Chacun appelait alors Dagobert le vieux général : il l’était de services et d’aspect ; il avait de longs cheveux blancs et semblait un vieillard très avancé en âge, au point qu’on lui a généralement donné soixante-quinze ans. […] L’homme du destin, et qui prodiguait si peu les témoignages personnels, semble même y avoir mis une intention, une délicatesse singulière. […] quand on sort de cette lecture, et qu’une larme involontaire due à toute émotion sublime mouille la paupière, que nos guerres de plume et nos zizanies littéraires nous semblent à bon droit petites, misérables ; qu’on les voudrait ennoblir ou plutôt effacer !

1781. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Mme de Sévigné, je l’ai dit plus d’une fois, semble s’être dédoublée dans ses deux enfants ; le chevalier léger, étourdi, ayant la grâce, et Mme de Grignan, intelligente, mais un peu froide, ayant pris pour elle la raison. […] Tant qu’on ne s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a pas répondu, ne fut-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces questions sembleraient le plus étrangères à la nature de ses écrits : — Que pensait-il en religion ? […] Tous les disciples ne sont pas nécessairement des copies et des contre-façons ; tous ne sont pas compromettants : il y en a, au contraire, qui rassurent et qui semblent faits tout exprès pour cautionner le maître.

1782. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Mais était-ce bien la place de ministre des finances qui lui convenait le mieux, comme semble l’indiquer une note trouvée dans les papiers de Mirabeau ? […] Son premier abord en général était très-froid ; il parlait très peu, il écoutait avec une grande attention ; sa physionomie, dont les traits étaient un peu gonflés, semblait annoncer de la mollesse, et une voix mâle et grave paraissait contraster avec cette physionomie. […] Une manière sentencieuse, une politesse froide, un air d’examen, voilà ce qui formait une défense autour de lui dans son rôle diplomatique. » Mais dans l’intérieur et l’intimité le masque tombait ou avait l’air de tomber tout à fait : il était alors charmant, familier, d’une grâce caressante, aux petits soins pour plaire, « se faisant amusant pour être amusé. » Son goût le plus vif semblait être celui de la conversation avec des esprits faits pour l’entendre, et il aimait à la prolonger jusque bien avant dans la nuit.

1783. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

M. de Sénancour, deux ou trois fois, sembla vouloir me donner des éclaircissements et m’indiquer des rectifications auxquelles il tenait ; mais il était de sa nature si timide, si discret et circonspect, que ses explications même disaient très-peu. […] Tout ce qui compose ce monde impénétrable semble peser sur nous. […] tout est muet : ce silence nous oppresse ; les nobles désirs et les grandes pensées nous semblent inutiles ; on ne voit que doute et impuissance, et on sent déjà qu’on va s’éteindre dans les ténèbres où ce qui est reste inexplicable, et ce qui doit être, inaccessible. 

1784. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Sa plume appuie le moins possible ; il semble sur des charbons ardents ; il y va comme un pied fin sur des pavés mouillés. […] Enfin, telle que nous l’avons aujourd’hui124, elle me semble la perfection même. […] Dans la première édition pourtant, l’arrangement était moins sévère ; les déviations pouvaient sembler plus fréquentes ; l’ensemble du livre portait moins uniquement le cachet distinctif de la Bretagne.

1785. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

. — En de pareils sujets, une théorie, surtout lorsqu’elle est fort éloignée des doctrines régnantes, ne devient claire que par des exemples ; je les ai donnés nombreux et détaillés ; que le lecteur prenne la peine de les peser un à un ; peut-être alors ce qu’au premier regard il trouvait obscur et paradoxal lui semblera clair ou même prouvé. […] Nous ne la touchons que du doigt ; mais il n’est pas défendu d’espérer qu’un jour nous pourrons étendre la main, et dès à présent, ce semble, nous pourrions l’étendre. — En effet, la loi découverte présuppose deux conditions. — En premier lieu, dans les derniers éléments mobiles, il faut qu’il y ait une autre force que celle de la masse multipliée par la vitesse, qui est une force en exercice ; car, autrement, cette force se dépenserait plus ou moins complètement dans les chocs, sans que sa diminution, plus ou moins grande, fût compensée par un accroissement égal de la force disponible. […] Le mouvement des doigts et du crayon est raide et semble automatique.

1786. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Il a pu sembler à des jugeurs rapides, à des magistrats, que sa vie ait compté des défaillances graves, parfois même criminelles. […] On voit la marque d’un dandysme spécial qui veut séparer cette édition populaire, « ce petit recueil qui peut suffire au public » des sérieuses éditions dont à peine un tome a paru, et qu’il semble que jamais nous n’aurons complètes. […] Il me semble pourtant que les sonnets antiques et épigraphiques sont les plus prestigieux, et que cette apparence correspond à quelque réelle qualité.

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