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628. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Point de secrets qu’elles ne se communiquassent, de confidences qu’elles ne se fissent.

629. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

L’artiste peut se vanter de posséder le secret de faire d’une couleur qui est d’elle-même si douce que la nature qui a réservé le bleu pour les cieux, en a tissu le manteau de la terre au printemps, d’en faire, dis-je, une couleur à aveugler si elle était dans nos campagnes aussi forte que dans son tableau.

630. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Il a volé à la nature son secret : tout ce qu’elle produit, il peut le répéter.

631. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

Mais les autres corrections qui transforment, allument, précipitent, celles-là sont leur secret, et on aura beau les constater sur leur manuscrit, on ne les enseignera pas.

632. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Il n’analyse pas, ne creuse point, ne cherche pas les raisons secrètes et les germes obscurs. […] Et voilà le secret ordinaire des peintres de la nature, même des plus grands. […] charmes secrets et ineffables d’une âme jouissant d’elle-même, c’est au sein des déserts d’Amérique que je vous ai goûtés à longs traits ! […] Cette faculté de saisir l’âme obscure des choses est son secret propre. […] Ce secret suprême, si bien connu de La Fontaine, Victor Hugo ne l’as pas ignoré.

633. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Il applique dans ses sonnets le secret de son art dernier à reconstruire sans les nommer, à suggérer des coupes de verre, des éventails. […] Le secret d’ennuyer est celui de tout dire. […] Se reconnut-il dans l’ironie du Conte cruel que Villiers — sans songer à lui d’ailleurs — intitule le Secret de l’Ancienne Musique ? […] Ce que tu nommes l’univers n’est que le résultat de cette feintise dont tu contiens le secret. […] Mais la rime riche et significative ne fait que souligner par un trait d’archet final ce qu’en effet les poètes et les prosateurs ont pratiqué comme un des secrets de leur art.

634. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

On eût dit que ce mot ravivait en lui des plaies secrètes. […] s’écrie-t-il, furieux d’avoir laissé violer les plus secrets tiroirs de son âme. […] … Le secret de la passion et de la force tenace que vous daignez admirer en moi, le savez-vous ? […] Avait-il des chagrins secrets ? […] … Transformations secrètes de la matière, quel alchimiste, jamais, éclairera vos mystères !

635. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Cette règle, c’est qu’au théâtre le poète doit toujours nous mettre dans son secret. […] Malheureusement pour lui, j’ai deviné son secret. […] C’est leur secret. […] Mais il a écrit à son vieux Claude qu’il voulait, en arrivant, lui parler dans le plus grand secret, à l’insu de son père et de sa sœur. […] Sa sœur le presse de questions et lui arrache son secret.

636. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Cela n’empêche pas qu’il n’y ait dans les secrets de Raphaël bien des choses qui ne s’apprennent pas, et qui ne soient au-dessus de l’art. […] « Ai-je droit de tirer de cette nuit profonde « Ces grands événements, secrets d’un autre monde ? […] Lisons Homère et Hésiode dans cet esprit allégorique, et peu de leurs fables nous refuseront le secret de leurs emblèmes. […] Apollon commande à l’oubli de s’emparer de son âme, et d’en effacer la trace des secrets de l’avenir. […] Nomogène, leur mère, fut la grande déesse de J’équilibre, et Syngénie fut celle des affinités secrètes.

637. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Il en est à peu près de lui comme de lord Bacon, qui, tout en renversant les fausses méthodes philosophiques, est plein de secrets merveilleux. […] Puis, le secret une fois découvert, les deux amants n’ont pas l’ombre d’une réticence et d’une réserve ; parole prononcée, cœur engagé, amour avoué, existence livrée. […] Que de secrets il découvrit dans les misérables auberges d’Espagne durant les nuits sans repos où les tribus d’insectes indiscrets lui défendaient de fermer l’œil ! […] Et cette vie de grands chemins ne lui avait pas seulement livré quelques-uns des secrets les plus curieux du monde social, elle lui avait révélé encore quelques-uns des secrets les plus précieux de l’art et de la poésie. […] Comment l’ordre y régnerait-il lorsqu’il n’est composé que d’habitants dont la révolte avouée ou secrète contre les lois morales-a été l’unique ambition : conspirateurs contre la vérité, affiliés aux sociétés secrètes du vice et de la corruption, rebelles au bien et à l’ordre moral ?

638. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Ce qui est plein d’un puissant intérêt secret dans un vieil auteur, c’est ce qui est insupportable. […] Voltaire raisonne ainsi : Henriette a proposé un sujet qui lui plaisait parce qu’il lui rappelait ses propres histoires de cœur les plus secrètes. […] Dans le temps, Gourd a écrit une lettre secrète à Germaine, lettre qui n’est que très honorable pour tous deux, mais qui peut être interprétée comme une preuve d’une intrigue entre elle et lui. […] Il n’explique rien du tout sur la lettre, parce qu’il y a là un secret entre Germaine et lui, que Germaine lui a défendu de révéler. […] Pour soi-même et pour se disculper, dans ce cas-là, on doit parler, et il n’y a secret qui tienne, et vous verrez plus tard de quelle importance il est, ce secret ; mais surtout pour un ami malade et que l’on peut tuer de désespoir, dans un cas pareil on doit parler.

639. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Celui qui d’un œil attentif observe la nature, la suit pas à pas, perce les replis du cœur humain, en démêle avec adresse les passions diverses, distingue habilement leurs nuances & leur caractère, découvre le jeu de leurs ressorts les plus secrets, arrache le masque au vice, saisit les ridicules, quelque imperceptibles qu’ils soient, & sait tirer d’un fonds aussi riche de quoi nous faire rire à nos dépens sans nous en appercevoir, est véritablement l’homme de génie, le créateur de l’Art, & Molière le fut. […]   Au milieu des triomphes des Corneille, des Racine & des Molière, le Bel-esprit, mécontent de ne jouer depuis long-temps qu’un rôle subalterne, s’admirant dans ses productions frivoles, jaloux d’étaler son clinquant & son faux-savoir, trouva le secret enfin d’entrer en lice pour la première fois ; & pour qu’on doutât moins de ses talens, il voulut se signaler, en disputant aux Anciens leur supériorité sur les Modernes. […] Hérodote, Xénophon, Thucydide, César, Tite-Live & Tacite forment tour-à-tour son style, lui montrent la route difficile & dangereuse de la vérité, dont il ne doit jamais s’écarter, lui apprennent à tenir le fil nécessaire pour ne pas s’égarer dans le labyrinthe de l’Histoire, & lui découvrent en même temps le secret d’attacher, d’instruire & de plaire. […] Tel est encore aujourd’hui, le caractère distinctif des ouvrages du Pline de la France(*), ce Savant illustre, ce génie vraiment créateur, l’honneur & la gloire de son siècle, ce Philosophe profond, cet Historien éloquent & sublime de la Nature, auquel elle semble avoir pris plaisir à révéler ses secrets les plus cachés. […] Avouons-le : les Dramatistes & les Chimistes de nos jours se ressemblent assez(*) par le secret qu’ils ont trouvé de détruire sans retour, les uns, les plus belles & les plus précieuses productions du génie ; les autres, celles de la nature, sans qu’on puisse retirer la moindre utilité de leurs découvertes.

640. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Cette parole intérieure, silencieuse, secrète, que nous entendons seuls, est surtout évidente quand nous lisons : lire, en effet, c’est traduire l’écriture en parole, et lire tout bas, c’est la traduire en parole intérieure ; or, en général, on lit tout bas. […] Tantôt nous nous remémorons ainsi ce que nous avons auparavant lu ou entendu ; tantôt et plus souvent, notre pensée, futile ou profonde, est nouvelle, et le langage secret qui la suit fidèlement dans ses détours est nouveau comme elle. […] VI, § 8], mais, en fait, constant, l’audition d’une voix secrète qui formule sans cesse en paroles nos conceptions et nos jugements ; comme d’ailleurs la plupart de nos sentiments et de nos volontés deviennent, en se faisant sentir à la conscience, des objets de la pensée, il est peu de faits, parmi ceux que nous croyons nôtres, qui iraient leurs correspondants dans la série des mots intérieurs ; les plus habituels, les plus faibles, les plus obscurs, font seuls exception ; la conscience est souvent plus riche que la parole2 ; mais la parole s’efforce toujours à l’exprimer ; dans cet effort, elle ne se repose jamais, et, si elle n’exprime pas tout, elle exprime toujours. […] Un siècle plus tard, Rivarol, dans son mémoire sur l’Universalité de la langue française, nomme et décrit sommairement la parole intérieure : « L’idée simple a d’abord nécessité le signe, et bientôt le signe a fécondé l’idée ; chaque mot a fixé la sienne, et telle est leur association, que, si la parole est une pensée qui se manifeste, il faut que la pensée soit une parole intérieure et cachée ; l’homme qui parle est donc l’homme qui pense tout haut… Que dans la retraite et dans le silence le plus absolu un homme entre en méditation sur les sujets les plus dégagés de la matière, il entendra toujours nu fond de sa poitrine une voix secrète qui nommera les objets à mesure qu’ils passeront en revue. […] » La phrase citée par Egger clôt la troisième objection initiale : « La prière doit être présentée à Dieu dans le secret, dit le Seigneur (Mt 6,6) : ‘Lorsque tu pries, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père dans le secret.’

641. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

XVII Voilà évidemment la pensée secrète qui aura inspiré l’expédition du Mexique, expédition qui a paru une témérité sans compensation, et derrière laquelle j’ai seul en France pressenti une utilité générale. […] Je veillais avec une sorte d’extase secrète sur le développement qui suivait le moment de leur naissance : les uns étaient éclos les yeux ouverts ; les autres ne les ouvraient que plusieurs jours après avoir brisé leur enveloppe. […] Mon enthousiasme me soutenait toujours ; et vingt années d’investigations et d’observations accrurent encore cette flamme secrète qui m’animait. […] J’entreprenais seul de longs et périlleux voyages ; je battais les bois, je m’égarais dans les solitudes séculaires ; les rives de nos lacs immenses, nos vastes prairies et les plages de l’Atlantique me voyaient sans cesse errant dans leurs plus secrets asiles.

642. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

C’est le secret du ciel. […] La nature cherche à savoir les secrets et à entendre des nouvelles ; elle aime à se produire au dehors et à s’assurer de beaucoup de choses par le témoignage des sens ; elle désire d’être connue et de faire des choses qui puissent lui attirer des louanges et de l’admiration : mais la grâce ne se soucie point d’apprendre des choses nouvelles ou curieuses, parce que tout cela vient de la corruption du vieil homme ; n’y ayant rien de nouveau ni de durable sur la terre ; elle enseigne donc à réprimer les sens, à éviter la vaine complaisance et l’ostentation, à cacher avec humilité tout ce qui pourrait être loué et admiré, et à rechercher en toutes choses et dans toutes les sciences l’utilité qui en peut revenir, ainsi que l’honneur et la gloire de Dieu ; elle ne veut point qu’on parle avantageusement d’elle ni de ce qui la touche ; mais elle souhaite que Dieu soit béni dans tous ses dons, comme celui qui les répand tous par pure charité. […] Heureux ceux qui pénètrent les mystères que le cœur recèle, et qui, par des exercices de chaque jour, tâchent de se préparer de plus en plus à comprendre les secrets du ciel ! […] Il y en a qui ne marchent pas devant moi avec un cœur sincère ; mais, guidés par une certaine curiosité présomptueuse, ils veulent découvrir mes secrets et pénétrer les profondeurs de Dieu, tandis qu’ils négligent de s’occuper d’eux-mêmes et de leur salut.

643. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

La nature humaine, plus forte au fond que tous les systèmes religieux, sait trouver des secrets pour reprendre sa revanche. […] Telle était aussi la belle et poétique manière de Platon ; tel est le secret du charme inimitable que l’usage demi-croyant, demi-sceptique des mythes populaires donne à sa philosophie. […] De là ce mépris de la vie humaine (de la sienne comme de celle des autres) qui fait tout le secret de l’héroïsme du barbare. […] Le bon sens a tous les droits quand il s’agit d’établir les bases de la morale et de la psycho-logie ; parce qu’il ne s’agit là que de constater ce qui est de la nature humaine, laquelle doit être cherchée dans son expression la plus générale, et par conséquent la plus vulgaire ; mais le bon sens n’est que lourd et maladroit, quand il veut résoudre seul les problèmes où il faut deviner plutôt que voir, saisir mille nuances presque imperceptibles, poursuivre des analogies secrètes et cachées.

644. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Il cherche Dieu dans la nature comme le grand et éternel secret des mondes ; il croit, il adore, il prie. […] Or, pour que l’homme de bien se portât de lui-même à ce devoir difficile, il fallait qu’il eût en lui une secrète conviction de l’utilité de ce dévouement à sa famille terrestre ; il fallait qu’il crût vaguement à la possibilité de servir, d’améliorer, de perfectionner le sort commun. […] Il fallait donc que l’homme eût cet instinct de l’utilité et de la sainteté de son sacrifice : seulement quelques-uns croient se sacrifier à un perfectionnement et à un bonheur indéfinis sur la terre, quelques autres croient se sacrifier à un perfectionnement relatif, local et temporaire ici-bas ; c’est là le secret de cet instinct qui nous travaille pour l’amélioration de notre espèce, instinct illusoire chez les uns, réel chez les autres, méritoire chez tous. […] « Or, sais-tu ce que c’est que ce divin secret dont la connaissance te conduira à l’immortalité ?

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