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1712. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Sur les champs de bataille de l’Europe, vingt ans durant, il s’était fait un mélange de races comme on n’en avait point vu se brasser depuis des siècles, et une espèce de communauté européenne s’était en quelque sorte cimentée dans le sang. […] Quelques grands vers de Leconte de Lisle : Le vent respectueux, parmi leurs tresses sombres, Sur leur nuque de marbre errait en frémissant, Tandis que les parois des rocs couleur de sang, Comme de grands miroirs suspendus dans les ombres, De la pourpre du soir baignaient leur dos puissant, … quelques pages de Flaubert, — le Comice agricole d’Yonville-l’Abbaye, dans Madame Bovary, la description de la forêt de Fontainebleau dans L’Éducation sentimentale ; — quelques pages de Taine ou de Renan, entre lesquelles on n’aurait que l’embarras du choix, nous ont rendu la sensation du « définitif » et de l’« achevé ».

1713. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

(C’est pour cela qu’aujourd’hui le moment serait favorable pour parler de Shakespeare en toute tranquillité et sang froid.) […] Corneille est éperonné jusqu’au sang, comme dira plus tard Sainte-Beuve de Victor Hugo. […] … Puisque tu vois l’honneur dans le sang des batailles, Que tu strangulas l’art avec un ceinturon, Puisque ton cœur s’émeut et puisque tu tressailles Aux accents du clairon ; Il faut rompre, morbleu !

1714. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

, Et j’ai de vos vertus vu fleurir l’espérance ; Mes regards observaient en vous des qualités Où je reconnaissais le sang dont vous sortez ; J’y découvrais un fonds d’esprit et de lumière ; Je vous trouvais bien fait, l’air grand et l’âme fière ; Votre cœur, votre adresse, éclataient chaque jour : Mais je m’inquiétais de ne voir point d’amour, Et puisque les langueurs d’une plaie invincible Nous montrent que votre âme à ses traits est sensible, Je triomphe, et mon cœur, d’allégresse rempli, Vous regarde à présent comme un prince accompli. […] Comptez encore que s’il vous naît un fils, ce que j’espère, il se peut qu’il soit d’un sang à couvrir de gloire votre nom, déjà agréable, par sa bravoure son esprit et son mérite. […] Au premier, c’est presque Chérubin ; c’est Chérubin à vingt ans ; c’est le conquérant, c’est le jeune homme qui est jeté dans le libertinage allègre et joyeux en même temps que par la chaleur du sang, par la volonté de puissance, par l’ambition de conquêtes.

1715. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

N’y qu’au milieu de l’Afrique, A qui le chaud qui la pique Noircit mesme jusqu’au sang, Parmi des visages sombres, Où les corps passent pour ombres, Il s’en trouvast un si blanc ?

1716. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

« Écoutez, continua-t-il en baissant encore la voix, tandis que tout son sang affluait à son cœur ; il faut que je vous parle… d’une affaire grave… mais pas ici.

1717. (1902) Propos littéraires. Première série

On la voyait pâlir comme d’effroi, rougir comme de colère ; puis, pour un instant, toute rose, elle semblait une vierge dont le beau sang colore les chairs de marbre. […] Mais peu à peu, inconsciemment, parce que la vie a ses droits, parce qu’il a ses droits le sang jeune et pur qui roule dans ses veines, la jeune femme sent que sa résolution fléchit et fond en quelque sorte dans son cœur, et s’étonne de la voir ainsi défaillir, et se reproche de ne pouvoir la retenir et la fixer, mais enfin s’en détache et s’en dessaisit de jour en jour. […] je leur servirai un beau crime stendhalien, du sang, de la volupté et de la mort, et ça fera le compte.

1718. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Dans l’une des deux armées est un jeune guerrier très brave de sa personne, mais qui, au moment de verser le sang de ses parents, de ses amis (car les deux armées sont composées d’amis et de parents), sent son courage l’abandonner. […] Que mille cœurs qui battaient tout à l’heure cessent de battre, c’est un fait bien triste ; mais qu’une goutte de sang innocent soit versée, c’est plus qu’un fait pénible, c’est un mal et un mal horrible. […] En face étaient des adversaires que les lettrés de Byzance appelaient des barbares, mais qui ne l’étaient pas du tout ; car ils avaient aussi leurs idées, ils les chérissaient, et ils étaient prêts à mourir pour elles ; ils cherchaient à faire des conquêtes à leurs idées au prix de leur sang, et ils en ont fait parce qu’ils méritaient d’en faire.

1719. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Toute une lettre (la CXLIe), voluptueuse de sang froid, avec ses grâces maniérées, semble être écrite par un vieillard. […] A qui fera-t-on croire que Dioclétien ait fait couler le sang des chrétiens ? […] Que des hommes qui ne sont ni jansénistes ni jésuites aient fait couler le sang de leurs adversaires, n’est-il pas vrai que cela ne s’est jamais vu ?

1720. (1802) Études sur Molière pp. -355

Il y a, dans cette rapsodie, moins de personnalités que dans celle de Devisé ; une ironie moins froide, mais sans comique, est l’âme de tout l’ouvrage ; un bel esprit y prétend que la pièce où se trouve cet hémistiche : … Le petit chat est mort, « ne peut être qu’une tragédie, puisqu’il y a du sang répandu ».

1721. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Un soldat, au milieu de la mêlée, n’a pas immédiatement conscience d’une blessure qu’il vient de recevoir ; il ne s’en aperçoit que lorsque le sang qui coule attire son attention. […] Si l’expérience échoue, elle sera courte, mais laissera pendant assez longtemps l’art dans une très grande confusion ; si elle réussit, elle renouvellera le théâtre, en agrandissant en quelque sorte la superficie dramatique ; et l’art, bien qu’abaissé en dignité puisque son idéal sera moins élevé, entrera cependant dans une période de fécondité extraordinaire, car tous les sujets traités depuis deux mille ans, et quelques-uns à satiété, reprendront une vie nouvelle par suite de cette transfusion de sang moderne.

1722. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Mais Molière, qui craignait qu’une mesure sévère ne fît qu’irriter les esprits et n’amenât de nouveaux désordres, se rendit au lieu de la réunion, et dit aux gardes assemblés « que ce n’était point pour eux, ni pour les autres personnes qui composaient la maison du Roi qu’il avait demandé à Sa Majesté un ordre pour les empêcher d’entrer à la comédie ; que la troupe serait toujours ravie de les recevoir quand ils voudraient l’honorer de leur présence ; mais qu’il y avait un nombre infini de malheureux qui tous les jours, abusant de leur nom et de leur bandoulière, venaient remplir le parterre et ôter injustement à la troupe le gain qu’elle devait faire ; qu’il ne croyait pas que des gentilshommes qui avaient l’honneur de servir le Roi dussent favoriser ces misérables contre eux ; que d’entrer à la comédie sans payer n’était point une prérogative que des personnes de leur caractère dussent si fort ambitionner, jusqu’à répandre du sang pour se la conserver ; qu’il fallait laisser ce petit avantage aux auteurs et aux personnes qui, n’ayant pas le moyen de dépenser quinze sols, ne voyaient le spectacle que par charité, s’il m’est permis, dit-il, de parler de la sorte ». […] Mais quelle foi ajouter aux conseils imbéciles de gens qui se refusaient encore à croire à la circulation du sang, et voyaient dans une goutte d’or potable le remède de tous les maux ?

1723. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

C’est l’histoire de ces familles dont le sang s’appauvrit, et qui donnent vite pour nourrice à leurs nouveau-nés la paysanne la plus joufflue qu’ils peuvent trouver.

1724. (1929) La société des grands esprits

C’était l’avis de Voltaire, que partagera tout critique de sang froid. […] Il déteste la violence et l’effusion du sang.

1725. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Pareillement on peut concevoir que, malgré la bonne volonté de nos démocraties, quelques individus de la race des princes aient survécu à la destruction, conservant dans un coin ignoré du monde les qualités spéciales de leur race : princes par l’authentique filiation de leurs pères, ou bien parce que l’éblouissant prestige d’un nom féodal, aux premières années enfantines, a versé dans leurs veines le sang très désiré, et les a sacrés, mieux que n’eussent fait les générations, d’un sceau de noblesse princière. […] Mais, s’il n’y réussit pas, si l’influence du sang est trop forte en lui, les attributs princiers de son âme s’accentueront sans cesse davantage, au contact de la différence ambiante.

1726. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Plusieurs historiens modernes ont attribué quelques avantages à ces invasions de races franchement barbares à travers les races latines corrompues ; ils en ont déduit des théories de renouvellement et comme de rajeunissement social moyennant cette espèce de brusque infusion d’un sang vierge dans un corps usé.

1727. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Mais ce que nous ne craindrons pas d’affirmer, c’est qu’il avait lu Voltaire et Montesquieu, si même il ne s’inspirait d’eux, le jeune bachelier qui s’exprimait en ces termes dans un Discours daté de 1750 : « On voit s’établir des sociétés, se former des nations qui tour à tour dominent d’autres nations, ou leur obéissent…… L’intérêt, l’ambition, la vaine gloire, changent perpétuellement la scène du monde et inondent la terre de sang, mais au milieu de leurs ravages, l’esprit humain s’éclaire, les mœurs s’adoucissent, les nations isolées se rapprochent les unes des autres, le commerce et la politique réunissent enfin toutes les parties du globe, et la masse totale du genre humain, par des alternatives de calme et d’agitation, de biens et de maux, marche toujours, quoique à pas lents, vers une perfection plus grande » [Cf. 

1728. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

La demoiselle, c’est moi ; le monsieur, c’est D… Le baron est grand, blond, gros, plein de sang.

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