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1079. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

L’Académie française, où il n’y a pas de sections, bien que l’on pût à la rigueur en concevoir (sections de langue et de grammaire, de poésie dramatique, de poésie lyrique, d’histoire, d’éloquence proprement dite, de roman, de critique littéraire, j’y reviendrai tout à l’heure), l’Académie française, loin de voir un inconvénient dans le hasard et la mêlée des candidatures, tient à honneur d’être affranchie de tout examen préalable et de tout ordre prévu et réglé en matière d’élection ; elle estime que les qualités générales qui constituent le littérateur distingué, en quelque genre que ce soit, et l’homme de goût, sont suffisamment appréciées et senties par chacun de ses membres, et que prétendre faire plus, vouloir tracer des divisions et des compartiments, ce serait apporter en cette matière délicate une rigueur dont elle n’est point susceptible, et qui en froisserait et en fausserait la finesse. […] Roman, nouvelles, etc., (ce genre si moderne, si varié, et auquel l’Académie a jusqu’ici accordé si peu de place).

1080. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Considérez notre littérature depuis le Moyen-Age, rappelez-vous l’esprit et la licence des fabliaux, l’audace satirique et cynique du Roman de Renart, du Roman de la Rose dans sa seconde partie, la poésie si mêlée de cet enfant des ruisseaux de Paris, Villon, la farce friponne de Patelin, les gausseries de Louis XI, les saletés splendides de Rabelais, les aveux effrontément naïfs de Régnier ; écoutez dans le déshabillé Henri IV, ce roi si français (et vous aurez bientôt un Journal de médecin domestique, qui vous le rendra tout entier, ce diable à quatre, dans son libertinage habituel) ; lisez La Fontaine dans une moitié de son œuvre ; à tout cela je dis qu’il a fallu pour pendant et contrepoids, pour former au complet la langue, le génie et la littérature que nous savons, l’héroïsme trop tôt perdu de certains grands poëmes chevaleresques, Villehardouin, le premier historien épique, la veine et l’orgueil du sang français qui court et se transmet en vaillants récits de Roland à Du Guesclin, la grandeur de cœur qui a inspiré le Combat des Trente ; il a fallu bien plus tard que Malherbe contrebalançât par la noblesse et la fierté de ses odes sa propre gaudriole à lui-même et le grivois de ses propos journaliers, que Corneille nous apprît la magnanimité romaine et l’emphase espagnole et les naturalisât dans son siècle, que Bossuet nous donnât dans son œuvre épiscopale majestueuse, et pourtant si française, la contrepartie de La Fontaine ; et si nous descendons le fleuve au siècle suivant, le même parallélisme, le même antagonisme nécessaire s’y dessine dans toute la longueur de son cours : nous opposons, nous avons besoin d’opposer à Chaulieu Montesquieu, à Piron Buffon, à Voltaire Jean-Jacques ; si nous osions fouiller jusque dans la Terreur, nous aurions en face de Camille Desmoulins, qui badine et gambade jusque sous la lanterne et sous le couteau, Saint-Just, lui, qui ne rit jamais ; nous avons contre Béranger Lamartine et Royer-Collard, deux contre un ; et croyez que ce n’est pas trop, à tout instant, de tous ces contrepoids pour corriger en France et pour tempérer l’esprit gaulois dont tout le monde est si aisément complice ; sans quoi nous verserions, nous abonderions dans un seul sens, nous nous abandonnerions à cœur-joie, nous nous gaudirions ; nous serions, selon les temps et les moments, selon les degrés et les qualités des esprits (car il y a des degrés), nous serions tour à tour — et ne l’avons-nous pas été en effet ?

1081. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Des cours publics, des romans même avaient favorisé et fomenté cette exaltation assez vague des intelligences. […] Déjà la vogue des derniers romans les plus fameux a été dépassée.

1082. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Quand je dis que cette langue romane des xie et xiie  siècles est sortie du latin vulgaire et populaire graduellement altéré, j’ai peur de me faire des querelles ; car, d’après les modernes historiens philologues, les transformations du latin vulgaire ne seraient point, à proprement parler, des altérations : ce seraient plutôt des développements, des métamorphoses, des états successifs soumis à des lois naturelles, et qui devinrent décidément progressifs à partir d’un certain moment : il en naquit comme par voie de végétation, vers le xe  siècle, une langue heureuse, assez riche déjà, bien formée, toute une flore vivante que ceux qui l’ont vue poindre, éclore et s’épanouir, sont presque tentés de préférer à la langue plus savante et plus forte, mais plus compliquée et moins naïve, des âges suivants. […] Et, par exemple, si je veux définir la manière de tel historien moderne qui, à force de dramatiser l’histoire, l’a énervée ; qui, en peignant les hommes de la Révolution, les a décrits dans un détail minutieux et impossible, comme Balzac fait pour ses héros de roman ; si, parlant de cet historien, je dis : « L… (Lamartine), dans son Histoire de la Révolution et dans les scènes qu’il y retrace, ne se contente pas d’exciter les sentiments de pitié ou d’indignation, il ébranle les nerfs ; il ne se contente pas d’émouvoir, il veut émotionner » ; — eh bien !

1083. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Sans doute, aux cœurs surtout tendres et discrets, les Méditations, et les premières, restaient les plus chères toujours : on en aimait le délicieux et imprévu mystère, l’élévation inaccoutumée et facile, la plainte si nouvelle et si douce, le roman à demi voilé auquel on avait foi, et que chaque imagination sensible ne manquait pas de clore. […] Conçoit-on que, dans une pièce de vers inspirée par un tableau de la Charité, la femme soit décrite avec des traits et des mots qui semblent réservés aux alcôves de nos romans modernes ?

1084. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

M. de Balzac est né depuis, en effet, malgré les cinquante romans qu’il avait publiés d’abord ; nous voudrions ne pas ajouter qu’il a déjà eu le temps de mourir, malgré les cinquante autres qu’il s’apprête à publier encore. […] Aux purs chefs-d’œuvre du roman, auxquels, lorsqu’on y réussit à ce point, nul genre (il est bon de le maintenir) ne saurait être dit supérieur, il s’est mêlé des essais plus ambitieux dans des sphères moins définies, de ces recherches qu’une pensée ardente et immortelle n’a pas le droit non plus ni le pouvoir de s’interdire.

1085. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Mais, dès 1684, nous avons de lui un admirable Discours en vers, qu’il lut le jour de sa réception à l’Académie française, et dans lequel, s’adressant à sa bienfaitrice, il lui expose avec candeur l’état de son âme : Des solides plaisirs je n’ai suivi que l’ombre, J’ai toujours abusé du plus cher de nos biens : Les pensers amusants, les vagues entretiens, Vains enfants du loisir, délices chimériques, Les romans et le jeu, peste des républiques, Par qui sont dévoyés les esprits les plus droits, Ridicule fureur qui se moque des lois, Cent autres passions des sages condamnées, Ont pris comme à l’envi la fleur de mes années. […] Et puis une simplicité d’exagération s’y mêle : les romans et le jeu qui ont égaré le pécheur sont la peste des républiques, une fureur qui se moque des lois.

1086. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Les écrivains qui se sont senti le don de l’observation morale ont émigré en masse vers le roman et le théâtre, pour mettre en action et en drame leur expérience. […] Arvède Barine931, par une création synthétique que dirige un remarquable sens psychologique, rend de pâles figures historiques aussi vivantes, aussi réelles que des personnages de roman.

1087. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

C’est le Faux-Semblant du Roman de la Rose, qui n’a fait que changer de nom. […] Les mœurs locales défrayent tous les genres, depuis les romans qui en mêlent la peinture satirique à leurs fictions, jusqu’aux petits poèmes qui ne sont que des anecdotes de la vie contemporaine.

1088. (1886) De la littérature comparée

Elle ne songe point à les proscrire, elle est autre chose qu’eux, voilà tout ; et plus tard, quand le siècle sera passé, quand il faudra qu’elle compulse et analyse l’énorme production littéraire de notre temps, elle les acceptera pour la guider dans ses triages, et quelquefois comme des documents aussi significatifs que tel roman, tel poème ou telle comédie. […] C’est Rousseau qui célèbre à nouveau l’amour passionné et détrône la galanterie ; ce sont les ardentes leçons de Herder qui arrachent la jeunesse allemande à l’imitation inféconde de notre littérature ; c’est Goethe auquel cet admirable chef-d’œuvre, la cathédrale de Strasbourg, révèle l’art gothique ; c’est Chateaubriand qui découvre dans le christianisme autre chose qu’un ensemble de dogmes : une source vive de poésie ; c’est la mélancolie de Lamartine qui chasse le libertinage de Parny ; ce sont les romans de Walter Scott qu’on imite partout et qui ressuscitent tout un monde oublié.

1089. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Si la petite lectrice naïve de romans se dit : « Quel beau caractère doit être ce monsieur Octave Feuillet » et est un peu amoureuse de M.  […] Chez les petites filles, c’est une menace qu’un jour elles ne lisent des romans ; et vous ne vous trompez pas beaucoup sur ce point ; elles ne liront guère autre chose.

1090. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Les drames et les romans devinrent des manuels de science ; on représenta, par des personnages, des moments de l’humanité, des époques de l’histoire, des réformes de politique, des thèses de législation pénale, « des questions d’organisation politique et sociale. » Nul poète ne daigna être simplement poète. […] Par contre-coup, les théories furent des romans, des odes, des prières, ou des extases.

1091. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Un savant qui passe pour orientaliste vous écrira, par exemple : « Le jour de nôtre arrivée… nous causammes… » Un autre, des plus experts dans la langue française romane, dans notre vieille langue du Moyen Âge, vous dénoncera dans un événement d’hier un fait « grâve ».

1092. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Certains faiseurs de romans et de comédies de nos jours ont dépensé la moitié de leur invention à décrire des mobiliers ou à établir une mise en scène.

1093. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moréas, Jean (1856-1910) »

Il reste Ériphyle, mince recueil fait d’un poème et de quatre « sylves », le tout dans le goût de la Renaissance et destine à être le cahier d’exemples où les jeunes « Romans » aiguillonnés aussi par les invectives un peu intempérantes de M. 

1094. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Éphémérides poétiques, 1870-1890 » pp. 181-188

Francis Pittié : Le Roman de la vingtième année.

1095. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 169-178

Ceux qui ont lu ce Roman ordurier, pourroient-ils jamais le placer parmi les Productions légeres, quand même la monotonie, le verbiage, & sur-tout l’obscénité, qui y regnent, ne l’excluroient pas du nombre des Ouvrages frivoles qui peuvent amuser quelquefois les honnêtes gens ?

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