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641. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Horace Vernet avait alors cinquante ans sonnés : il a retrouvé ses vingt ans. […] Il y a bien quelques regrets pour ceux qu’il quitte, mais il aura tant de bonheur à les retrouver ! […] Tâchons de parler d’autre chose… » Cette note humaine vibrante, qui lui est naturelle, nous la retrouvons encore. — Il part pour Constantinople, mais les Turcs ne sont pas son fait : Horace Vernet tient bon pour les Arabes, pour cette race fine et légère, il en devient même injuste pour Constantinople.

642. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

. — Ce dialogue où le comte obstiné dans son refus se fie imprudemment en son rang élevé et en l’éminence de ses services, et où don Arias lui parle avec fermeté et menace au nom de la toute-puissance royale qui veut être obéie, était bien d’accord avec le sujet et, à la fois, avec les sentiments et la disposition des spectateurs ; plusieurs y retrouvaient ce qu’ils avaient pu observer ou éprouver par eux-mêmes. […] » Le moule exact est retrouvé. […] Et aussi la partie humaine, éternelle, s’y retrouve : c’est l’amour.

643. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Elle essaye de décrire « le charme d’une prison » où l’on est délivré de tout soin importun, de toute distraction fâcheuse, « où l’on ne doit compte qu’à son propre cœur de l’emploi de tous les moments. » Elle trouve, pour exprimer ce sentiment particulier de quiétude, des paroles qui eussent fait honneur aux anciens sages : « Rendu à soi-même, à la vérité, sans avoir d’obstacles à vaincre, de combats à soutenir, on peut, sans blesser les droits ou les affections de qui que ce soit, abandonner son âme à sa propre rectitude, retrouver son indépendance morale au sein d’une apparente captivité, et l’exercer avec une plénitude que les rapports sociaux altèrent presque toujours. » Elle se plaît à revenir sur cette idée, si chère à sa passion, qu’elle est présentement dispensée de toute lutte, à l’endroit qui lui est le plus sensible, et qu’elle peut s’abandonner sans scrupule et sans danger à une effusion innocente. […] mais avez-vous donc oublié qu’à cette heure où Louis XVI avait péri, il n’y avait plus que deux ou trois habitants de ces ci-devant palais, des femmes comme vous, prisonnières comme vous, enfermées au Temple comme vous à Sainte-Pélagie, destinées à plus d’insultes, à plus d’outrages que vous n’en subîtes jamais ; — l’une surtout, une reine redevenue auguste par le courage et le malheur, une victime comme vous allez l’être, et que vous suivrez à trois semaines de distance sur le fatal échafaud ; celle même dont les pages secrètes retrouvées aujourd’hui viennent faire concurrence aux vôtres et avertir les cœurs généreux de ne rien maudire, de ne rien commettre d’inexpiable, et de réunir dans un même culte de justice et d’humanité tout ce qui a régné par la noblesse du sang, le charme de la bonté, par l’esprit, par le caractère, tout ce qui a lutté, combattu, souffert et grandi dans la souffrance, tout ce que le malheur a sacré ! […] Certes, tu n’es pas fait pour manquer d’aucune, ni de rien de ce qui appartient à une âme forte et supérieure : ne te laisse donc pas entraîner par l’excès même du courage vers le but où mènerait aussi le désespoir. » D’après tous ces passages, on voit que s’il y a quelque emphase, elle est rachetée aussitôt par bien des mérites, par des délicatesses infinies dépensées, et que la Romaine en Mme Roland n’a pas absolument la roideur du bas-relief ; elle est touchante, elle est Française encore, elle est femme, et c’est par l’ensemble de ces qualités réunies que les quatre Lettres retrouvées restent, toutes critiques faites, une acquisition hors de prix pour la littérature.

644. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Des Vénitiens l’ont trouvée dans leurs fouilles longtemps après la découverte du magnifique groupe dont la tête véritable n’avait jamais été retrouvée. […] Il n’y a pas de nuit où je ne retrouve mes petits enfants dans mes bras, sur mes genoux. […] Je soutiens donc que cet amour que tu retrouves si souvent dans les heures les plus tristes et les plus inattendues fait partie de toi-même, et que tu n’en revois alors que le miroir… Celui-là a été ardent.

645. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

non, c’est le nom d’une femme, D’une femme et de ses amours ; Antique faiblesse de l’âme, Que l’âme retrouve toujours122. […] La circonstance mystérieuse, et cependant naturelle, qui fait qu’Arthur retrouve Julie et son enfant, introduit le léger intérêt romanesque qui, avec la conversion, compose la seule action de ce livre où pourtant l’attrait ne cesse pas. […] C’est comme une tendresse infinie qui m’inonde de je ne sais quels sentiments pleins d’émotion qui se forment de tout ce qu’il y a de beau, de bon, de noble dans la créature déchue, mais pardonnée ; exilée du ciel, mais remise dans la voie qui le fait retrouver.

646. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Quelque hauts services que puissent penser avoir rendus à leur cause les anciens écrivains du Globe devenus députés, conseillers d’État et ministres, je suis persuadé qu’en y réfléchissant, quelques-uns au moins d’entre eux se représentent dans un regret tacite les autres services croissants qu’ils auraient pu rendre, avec non moins d’éclat, à une cause qui est celle de la société aussi : il leur suffisait d’oser durer sous leur première forme, de maintenir leur tribune philosophique et littéraire, en continuant, par quelques-unes de leurs plumes, d’y pratiquer leur mission de critique élevée et vigilante ; aux temps de calme, l’autorité se serait retrouvée. […] Au théâtre, les mêmes plaies se retrouveraient ; les mœurs ouvertement industrielles y tiennent une place plus évidente encore. […] C’est le cas surtout de retrouver le courage d’esprit et de savoir braver.

647. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Les érudits en retrouvent aujourd’hui et en embrassent des parties ; mais personne n’a plus dans la tête cet ensemble d’organisation. […] Le Clerc a fait comme ces curieux anatomistes qui retrouvent dans une classe d’animaux ou dans l’embryon la trace, jusque-là imperceptible, de ce qui plus tard dominera. […] Que n’y ai-je pas retrouvé dans le petit nombre d’années que j’en ai parcourues !

648. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

M. de Saint-Priest fait de saint Eloi, de ce fidèle Achate du héros mérovingien, un portrait très-aimable, très-parlant ; il lui retrouve quelque chose de la physionomie d’un Fénelon primitif. […] M. de Saint-Priest se sera dit qu’il y avait là un sujet tout neuf : retrouver les vieux titres de nos races monarchiques et ceux aussi de l’Église à ces époques. […] Cependant, si les vices qui ont déshonoré la Grèce s’y retrouvent dans toute leur laideur, ils ne s’y montrent plus dans leur audace ; ils ne sont plus attribués qu’à des êtres difformes ou ridicules, placés par l’esprit, le cœur et le sang, au dernier degré de l’échelle sociale.

649. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Cette règle morale qu’on ne craindrait pas de dire qu’il observa jusque dans le sentiment, nous la retrouvons nettement traduite dans son expression d’écrivain. […] On lut avec émotion, on connut pour la première fois dans son entière sincérité cet épisode unique, cette première Vendée restée la plus grande et la seule vraiment naïve ; on salua, on suivit avec enthousiasme et avec larmes ces jeunes et soudaines figures d’une Iliade toute voisine et retrouvée à deux pas dans les buissons et derrière les haies de notre France ; ces défis, ces stratagèmes primitifs, ces victoires antiques par des moyens simples ; puis ces malheurs, ce lamentable passage de la Loire, ce désastre du Mans, cette destruction errante d’une armée et de tout un peuple. […] Toutes les fois qu’il a dû prendre la parole dans des solennités publiques (et il l’a fait récemment en plusieurs occasions), on a retrouvé avec plaisir son esprit ingénieux et grave ; l’idée morale, la disposition religieuse, qu’il a témoignée de tout temps, semble même prévaloir en lui avec les années, et rien n’altère cette sorte d’autorité légitime qu’on accorde volontiers, en l’écoutant, à l’écrivain éclairé, à l’homme de goût et à l’homme de bien.

650. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Tout commencement est petit » Je dirai encore cette magnifique pensée qui, dans son anachronisme, ressemble à quelque post-scriptum retrouvé d’un traité de Platon ou à quelque sentence dorée de Pythagore : « La multitude aime la multitude ou la pluralité dans le gouvernement. […] Nous le suivons d’assez près dans les années suivantes par de charmantes lettres à Fontanes, son plus vieil ami, qu’il retrouvait, après la séparation de la Terreur, avec la vivacité d’une reconnaissance : « Je mêlerai volontiers mes pensées avec les vôtres, lorsque nous pourrons converser ; mais, pour vous rien écrire qui ait le sens commun, c’est à quoi vous ne devez aucunement vous attendre. […] « Une cour, un petit jardin dont la porte ouvre sur la campagne ; des voisins qu’on ne voit jamais, toute une ville à l’autre bord, des bateaux entre les deux rives, et un isolement commode ; tout cela est d’assez grand prix, mais aussi vous le payeriez : le site vaut mieux que le lieu. » Lorsque, revenu de sa proscription de Fructidor, Fontanes fut réinstallé en France, nous retrouvons M. 

651. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

On conçoit que, de l’œuvre de Marguerite, l’Heptaméron seul ait vraiment échappé à l’oubli : le xviie  siècle s’y retrouvait, mondain, dramatique et moral. […] Dans sa diffusion languissante et son abondance un peu sèche, on retrouve à la fois l’inculture esthétique du moyen âge et la facture lâche de l’amateur. […] Il y a dans Amadis une fantasmagorie d’héroïsme, des héros occis, des géants pourfendus, des chevaliers vaincus par deux et par trois à la fois, des hommes d’armes par huit ou dix, des soldats par milliers sur le champ de bataille, un seul preux, tantôt Amadis, et tantôt Galaor, ou un autre, pour toutes ces besognes : des enfants perdus et retrouvés, des époux ou des amants séparés, des amours foudroyants ou ineffablement profonds, des enchantements, des oracles, une géographie fabuleuse.

652. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Amours passionnées, sacrifices sublimes, mœurs et décors Aristocratiques, voilà les éléments essentiels du roman romanesque, et vous les retrouverez dans les délicieuses histoires de M.  […] Je retrouve, en maint endroit, le dramatique nerveux, rapide et saccadé qui donne tant de prix à la Petite Comtesse, à Julia de Trécœur et aux cinquante premières pages de Monsieur de Camors. Je retrouve ce style poli, souple, bien tenu, presque toujours précis, non pas coloré, mais fleuri, et cette allure qui me fait songer à un cheval de race, long, aux jambes fines, avec de subits frémissements à fleur de peau.

653. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Au moment où elle est amoindrie, abattue, les excès des vainqueurs, leur impatience, leur ardeur précipitée de négation et de destruction, les vieilles traditions enracinées dans une multitude d’esprits, la solidité d’une organisation qui d’âge en âge se resserre et se concentre, amènent un réveil religieux, et l’Église retrouve, au moment où ses adversaires s’y attendent le moins, un regain de faveur, de puissance et de popularité. […] Il n’est pas difficile de retrouver l’onction et parfois le patelinage ecclésiastique chez des hommes qui, élevés au séminaire et destinés à entrer dans les ordres, ont abandonné cette carrière. […] Il n’est pas difficile non plus de retrouver un fond de gravité et de sévérité protestantes chez des hommes, qui, vivant à Paris, dans un milieu sceptique, ont jonché leur route des débris de leur orthodoxie.

654. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

. — Bettina sait toutes ces choses des commencements mieux que Goethe lui-même ; c’est à elle qu’il aura recours dans la suite, quand il voudra les retrouver pour les enregistrer dans ses Mémoires, et elle aura raison de lui dire : « Quant à moi, qu’est-ce que ma vie, sinon un profond miroir de ta vie ?  […] En lisant ces lettres de Bettina, on fait comme elle, on se surprend à étudier Goethe dans sa mère, et on l’y retrouve plus grand, plus simple du moins et plus naturel, avant l’étiquette, et dans la haute sincérité de sa race. […] » Depuis la mort de la mère de Goethe, Bettina a plus de sujet de se plaindre ; car cette bonne mère connaissait son fils et expliquait à la jeune fille comme quoi l’émotion du poète se retrouvait dans ces quelques lignes légèrement tracées, et qui eussent paru peu de chose venant d’un autre : « Moi, je connais bien Wolfgang (Goethe), disait-elle ; il a écrit ceci le cœur plein d’émotion. » Mais, depuis que Bettina n’a plus cette clairvoyante interprète pour la rassurer, il lui arrive de douter quelquefois.

655. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Les dames y tiennent beaucoup de place ; les observations sérieuses s’y retrouvent sous le badinage. […] J’ai dit que M. de Broglie est un des esprits les plus originaux de ce temps-ci ; il l’est surtout dans la forme, dans la méthode et dans les moyens de démonstration qu’il emploie ; même quand il pense la même chose que tout le monde, quand il arrive aux mêmes conclusions, il y arrive ou s’y confirme par ses raisons à lui ; il a en tout ses raisons, vraies peut-être, subtiles quelquefois, ingénieuses toujours, et qui ne sont jamais du vulgaire : son aristocratie, s’il fallait en rechercher quelque trace en lui, se retrouverait par ce coin-là. […] On y retrouve l’homme qui sait si bien se passer de la faveur et qui dédaigne la popularité.

656. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

l’essentiel est qu’on le retrouve dans la physionomie de cette fille du roi et de Mme de Montespan. […] Aussi, dès qu’elle se retrouvait seule, elle jouissait avant tout de la solitude comme d’un délassement et d’un repos. […] Si vous voulez la laisser au monde, elle vous assure sans hypocrisie qu’elle retrouvera pour lui encore plus de temps qu’il ne lui en faut ; elle ne voit après tout que les cabales (elle appelait ainsi sa coterie familière, Mme de Dangeau, Mme d’O, etc.

657. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Sous cette impression intérieure, sous le rayon de cette ferveur retrouvée, le poète, agenouillé devant le tombeau de Racine (qui se trouve dans cette église), fait un vœu. […] La faiblesse tendre qui a besoin d’appui, la souffrance et le martyre d’un être délicat, se retrouvent mêlés à de l’espièglerie et à de la lutinerie gracieuse dans La Souris blanche ; c’est le plus joli conte de fées et le plus attendrissant ; c’est moins naïf que Perrault, mais aussi aimable, aussi léger, et cela ne se peut lire jusqu’à la fin sans une larme dans un sourire. […] Tel nous apparaît Moreau avant la politique, avant la misère extrême, avant l’aigreur ; tel il se retrouva sans doute à l’heure expirante et aux approches du grand moment qui élève les belles âmes et les pacifie.

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