Il lui restait en propre l’art avec lequel il avait su fondre ces éléments divers, en conservant la verve la plus franche, le trait le plus net et le style le plus vif qu’on eût jusqu’alors admirés sur la scène française. […] Fabio, en passant, salue et embrasse Lelio, en lui disant qu’il ne peut rester avec lui. […] Lorsque tous les deux l’ont assuré que Virginia est venue ouvrir la porte à Fabio qui est entré et qui est resté trois heures avec elle et en est sorti après, conduit par elle-même, Flaminio leur dit qu’ils en ont menti tous les deux, qu’il a passé la nuit tout entière en conversation avec Virginia, qui est venue lui parlera la fenêtre grillée à côté de la grande porte de la maison ; qu’elle ne l’a pas quitté un moment, toujours déclamant contre Fabio qui la déshonore si indignement. […] Mais elle causera moins de surprise, si on la compare aux images les plus authentiques qui nous restent, par exemple, au portrait gravé, d’après Pierre Mignard, par J.
L’esprit français n’était pas resté inactif ; il prenait tous les jours de l’étendue et de la vigueur ; il avait déjà des pensées égales à celles que contiennent les monuments du passé, une langue assez formée pour exprimer celles qui étaient le plus à sa portée. […] Marguerite et Marot ne sont pas des écrivains de génie ; ils perfectionnent l’esprit français dans le cercle un peu étroit où il est resté enfermé pendant le moyen âge, plutôt qu’ils n’ajoutent à ses idées et n’agrandissent son horizon. […] Mais cette protection ne sentit jamais l’opposition : Marguerite put jouer le noble rôle de protectrice des lettres, sans donner d’ombrage à son frère, n’excitant pas la résistance, mais aidant ou consolant la fuite, Elle trouva dans sa bonté ingénieuse et éclairée le moyen de rester le plus fidèle sujet de François Ier, tout en favorisant ce qu’il suspectait, et en protégeant ce qu’il opprimait32. […] Marot avait fait la guerre avec le duc d’Alençon en homme qui ne restait pas parmi les bagages.
Restée seule avec sa soeur Julie, Philiberte lui raconte comme quoi elle vient de se découvrir un attrait, un charme, la possibilité d’être aimée ; puis les paroles du chevalier reviennent à sa mémoire, et elle s’étonne de rougir si tard de cette impudence. […] Certes, les neveux ont eu, de tout temps, au théâtre, d’étranges privautés avec leurs oncles, à la condition cependant qu’ils restent dans le vague et dans le lieu commun de cette parenté vouée à toutes les irrévérences et à tous les camouflets de la comédie. […] Restent Julie, une bonne enfant, rien de plus, et M. le comte d’Ollivon, le type le plus fin et le mieux réussi, selon moi, de la comédie. […] Frantz a invité toute la gentilhommerie du voisinage à la fête de ses fiançailles ; le soir vient, la nuit s’écoule, et les salons restent vides, et les valets promènent ironiquement leurs plateaux d’argent sous les plafonds étoilés, offrant du punch aux chaises et des sorbets aux fauteuils.
Turgot, c’est Condorcet plus idéal et plus original, c’est Condorcet resté moral et innocent. […] La Révolution ne le porta point d’abord à l’Assemblée constituante, et il resta sur le second plan, en se contentant d’écrire et de publier ses idées sur tous les sujets à l’ordre du jour. […] Ainsi, l’on voit à la veille d’une bataille les poltrons, les traîtres ou les demi-traîtres prendre la fuite, et ceux qui restent ne s’en trouvent que plus forts. […] Condorcet restera, quoi qu’on fasse, le plus manifeste exemple de ce que peuvent engendrer de funeste un coin d’esprit faux et d’esprit de système opiniâtrement logé au sein des plus vastes connaissances et de ce qu’on appelle lumières, un germe de fanatisme et de malignité développé au cœur d’une nature primitivement bienveillante, l’application indiscrète et outrée des méthodes mathématiques transportées dans les sciences sociales et morales, l’abus de l’analyse et une crédulité, une superstition abstraite, d’un genre tout nouveau chez ceux même qui se proclament le plus affranchis de toute illusion et de toute croyance.
Allez passer l’après-dînée avec les petits de Lesdiguières, le marquis de Villeroi, le comte de Guiche, Louvigny : vous vous accoutumerez de bonne heure à la complaisance, et il vous en restera toute la vie un air de civilité qui vous fera aimer de tout le monde. […] » L’abbé de Choisy, jeune, auprès de sa mère, avait bien des fois été l’objet d’un pareil propos, et cette situation lui était restée en idée comme la plus ravissante et la plus désirable. […] Sa première vie ne l’a point dépravé autant qu’il semble qu’elle aurait dû faire il devient évident qu’il y a eu dans son fait plus de frivolité que de débauche ; il est resté très naturel, très capable de bonnes impressions ; il suffit qu’il soit entouré de bons exemples : il les imite et les réfléchit. […] Puisque nous sommes en un jour de récréation, ne nous montrons pas trop sévère ; Choisy a des titres à l’indulgence : il fut plus frivole et léger que corrompu : il resta naturel au milieu de ses bizarreries les plus étranges ; il eut, à un certain jour, des sentiments sincères de piété qu’il tâcha de nourrir ; il fit tout, dans ses trente dernières années, pour devenir sérieux et grave, il ne put jamais s’empêcher d’être amusant et aimable.
C’est une Genlis, en un mot, de la date de Louis XIII, pleine de force et de vertu, et restée vierge et vieille fille jusqu’à quatre-vingt-quatorze ans. […] Elle s’est à demi peinte dans le personnage de Sapho, au tome Xe du Grand Cyrus, et ce nom de Sapho lui est resté. […] Il y en a pourtant qui s’en sont plaintes… Une de celles qui s’en plaignirent était l’une des femmes les plus spirituelles du temps, et qui disait le plus de ces bons mots qui emportent la pièce et qui sont restés. […] Le premier sujet désigné par Balzac même était De la louange et de la gloire : Mlle de Scudéry le traita et obtint le prix, au grand applaudissement de tout ce qui restait de vieux académiciens du temps de Richelieu.
La famille du comte de Maistre s’est décidée à publier un grand nombre de ses Lettres avec quelques Opuscules restés en portefeuille. […] Ces scènes à mourir de rire qui s’étaient passées entre Mme de Staël et lui, M. de Maistre les appelait, aussi ses Soirées helvétiques, et il est dommage qu’il n’en soit rien resté. […] Un sentiment profond d’amitié le ramène vers ceux qu’il a autrefois connus et qui lui sont restés au fond du cœur. […] Après 1815, quand la maison de Savoie est rétablie dans son antique héritage, M. de Maistre, à la veille de rentrer dans sa patrie, mais lésé lui-même dans sa fortune et à peu près ruiné dans son patrimoine, ne forme plus que le vœu du patriarche ; il nous laisse voir l’unique fond de son désir au milieu de cet ébranlement de l’Europe, où le volcan ne se ferme d’un côté que pour se rouvrir d’un autre : « Ma famille, mes amis et mes livres suffisent aux jours qui me restent, et je les terminerais gaiement si cette famille ne me donnait pas d’affreux soucis pour l’avenir. » Faisant allusion à cette vivacité qu’il portait volontiers en tout, et dont il ne prétend pas s’excuser : Cependant, écrivait-il à un ami, si j’avais le plaisir de vivre quelque temps avec vous sous le même toit, vous ne seriez pas peu surpris de reconnaître en moi le roi des paresseux, ennemi de toute affaire, ami du cabinet, de la chaise longue, et doux même jusqu’à la faiblesse inclusivement !
Ce qui lui restait de Bachaumont après cela, et des habitudes de sa première éducation, n’était que pour la culture et la politesse de l’esprit. […] Mais, trente ans environ après sa fondation, lorsqu’une jeune et hardie littérature se fut produite sous Louis XIV, que les Boileau et les Racine, les Molière et les La Fontaine eurent véritablement régénéré les lettres françaises et la poésie, l’Académie se trouva un peu arriérée et surannée, et elle resta telle, plus ou moins, durant les trente-cinq dernières années du siècle. […] Boileau et La Fontaine attendirent longtemps avant d’être de l’Académie ; et, lors même qu’ils en furent, il y restait beaucoup de gens de l’ancien goût, et il s’en glissait déjà quelques-uns d’un goût nouveau, lequel n’était pas le plus pur. […] Mais ce fut bien pis quand le manuscrit de ses Réflexions sur les femmes, ouvrage plus hardi et qui était de nature à provoquer les railleurs, fut tombé aux mains d’un libraire et commença à circuler dans le public ; elle racheta vite toute l’édition ou ce qui en restait, mais sans pouvoir empêcher qu’on ne la réimprimât à l’étranger.
« Il est bon, avait-il dit, de ne pas donner trop de vêtements à sa pensée ; il faut, pour ainsi dire, voyager dans les langues, et, après avoir savouré le goût des plus célèbres, se renfermer dans la sienne. » Rivarol ne s’y renferma que pour l’approfondir, et, dès ce temps, il conçut le projet d’un Dictionnaire de la langue française, qu’il caressa toujours en secret à travers toutes les distractions du monde et de la politique, auquel il revint avec plus de suite dans l’exil, et dont le Discours préliminaire est resté son titre le plus recommandable aux yeux des lecteurs attentifs. […] Il montre les gens d’esprit, les gens riches trouvant la noblesse insupportable, et si insupportable que la plupart finissaient par l’acheter : « Mais alors commençait pour eux un nouveau genre de supplice, ils étaient des anoblis, des gens nobles, mais ils n’étaient pas gentilshommes… Les rois de France guérissent leurs sujets de la roture à peu près comme des écrouelles, à condition qu’il en restera des traces. » Cette cause morale, la vanité, qui fut si puissante alors dans la haine irréconciliable et l’insurrection de la bourgeoisie excitée par les demi-philosophes, est démêlée et exposée par Rivarol avec une vraie supériorité. […] L’honneur de Rivarol, selon moi, est, dans quelque ordre d’idées qu’il pénètre, d’y rester toujours ce qu’il est essentiellement, un écrivain précis, brillant, animé, prompt aux métaphores. […] Mais le côté social du Rivarol de la fin est trop resté dans l’ombre : il m’était très bien indiqué en peu de mots dans l’article de M.
Il tenait du duc d’Orléans, futur régent, du marquis de La Fare, de Chaulieu et des habitués du Temple, du grand prieur de Vendôme chez qui, plus tard, Voltaire jeune le rencontrera au passage : il lui suffisait, en tout état de cause, de rester digne de ce qu’il appelait la société des honnêtes gens, mais ce mot commençait à devenir bien vague ; et Saint-Simon, plus sévère et qui pressait de plus près les choses, disait de lui : « C’était un cadet de fort bonne maison, avec beaucoup de talents pour la guerre, et beaucoup d’esprit fort orné de lecture, bien disant, éloquent, avec du tour et de la grâce, fort gueux, fort dépensier, extrêmement débauché (je supprime encore quelques autres qualifications) et fort pillard. » Ce qui s’entrevoit très bien dans le peu qu’on sait du rôle du chevalier de Bonneval dans ces guerres d’Italie, c’est qu’il n’était pas seulement né soldat, mais général : il avait des inspirations sur le terrain, des plans de campagne sous la tente, de ces manières de voir qui tirent un homme du pair, et le prince Eugène dans les rangs opposés l’avait remarqué avec estime. […] Sa conduite à la journée de Peterwaradin est restée mémorable. À la tête de quelques hommes de son régiment, entouré d’un corps nombreux de janissaires, il résista une heure entière, et abattu d’un coup de lance, dix soldats qui lui restaient l’emportèrent vers l’armée victorieuse. […] Il y resta six mois seulement, après lesquels il put revenir à Constantinople.
Les lois existaient : il n’y a eu de renversé que le pouvoir qui, ayant fait de bonnes lois, restait placé au-dessus d’elles. […] Il se décida donc à rester écrivain, à prendre la rédaction en chef du National, et il fit son article de déclaration le 30 août 1830. […] Non seulement Le National ne voit point d’opposition à faire, « mais il croit que le mieux est de s’intéresser à cette administration si entravée sur son terrain couvert de débris, de la conseiller, de la pousser avec bienveillance, de la soutenir au besoin contre de ridicules inimitiés. » Le National restera donc à la fois favorable au ministère et indépendant : c’est là sa ligne, et c’est le vœu bien sincère alors, on peut le croire, de celui qui écrit. […] » L’avocat resta court.
Les chroniqueurs et les historiens, jusqu’au commencement de ce siècle, jugeant les faits à première vue et les expliquant par une doctrine superficielle mais relativement juste, en étaient venus à concentrer tout l’intérêt et le mérite de chaque entreprise dans les individus, rois, ministres, généraux dont le nom lui était resté attaché. […] Dans chacun de ces couples, les deux éléments sont importants, nécessaires absolument tous deux à accomplissement ; ils sont unis et indissolubles en vertu d’un lien qui va du premier au second et qui constitue l’énergie même de ce couple dont les éléments séparés resteraient impuissants, dont le premier seul a une existence autonome mais inactive. […] Que ce soit bien la pratique des plaisirs artistiques qu’il faille accuse de ces défaillances et non l’opulence, l’exemple de la défense de Carthage contre Rome le montre, et celui de l’Angleterre, qui, malgré une extrême richesse, est restée vivace, parce que sans doute les plaisirs esthétiques n’y sont, n’y étaient naguère, le partage que d’un très petit nombre. […] Les nations restent en lutte guerrière, le peuple le plus lettré pourra infliger moins de maux aux autres qu’un peuple sans arts.
Excepté deux ou trois d’entre eux, devenus proverbes dans le dédain, espèces de chouettes clouées qui restent pour l’exemple, on ne connaît pas tous ces malheureux noms-là. […] Point ; ces êtres sont restés obscurs. […] On lui ôterait sa famille, son pays, son spectre, et toute l’aventure d’Elseneur, que, même à l’état de type inoccupé, il resterait étrangement terrible. […] Ce désespoir suprême lui est épargné de rester derrière elle parmi les vivants, pauvre ombre, tâtant la place de son cœur vidé et cherchant son âme emportée par ce doux être qui est parti.
Charlemagne, né dans un temps où lire, écrire et balbutier de mauvais latin n’était pas un mérite commun, fonda notre pauvre université ; il la fonda gothique, elle est restée gothique telle qu’il l’a fondée ; et malgré ses vices monstrueux, contre lesquels les hommes instruits de ces deux derniers siècles n’ont cessé de réclamer et qui subsistent toujours, on lui doit la naissance de tout ce qui s’est fait de bon depuis son origine jusqu’à présent. […] Le temps des serfs n’est plus et la jurisprudence féodale est restée. […] Celle qui, d’une utilité un peu moins générale, conviendra au nombre de ceux qui me resteront. […] On n’est ni vain de ses petites lumières, ni décidé dans ses jugements, ni dogmatique, ni sceptique à l’aventure, quand on se doute de tout ce qui resterait à savoir pour affirmer ou nier, pour approuver ou contredire.
Et on restait, malgré des travaux importants de littérature et d’histoire qui auraient dû changer ou du moins faire réfléchir l’opinion prévenue, on restait sous cette absurde idée de bégueulisme à propos du talent le moins bégueule qui ait jamais existé, à propos de l’esprit le plus correct, c’est la vérité, mais le plus aimable, le plus doué de cet agrément que les agréables ou les formidables de la littérature contemporaine ont osé lui refuser… pendant trente ans ! […] L’ingénieux donc, et l’ingénieux poussé jusqu’au génie, l’ingénieux dans l’analyse critique qui veut rester aimable sans être jamais fausse, voilà le trait caractéristique de M. […] Il sera resté longtemps chargé jusqu’à la gueule de ce secret plein d’horreur, de ce dévorant secret, et il n’aura pas éclaté !
Est-ce dans l’individualité restée inconnue ou dans les impressions des hommes qui en parlent ? […] Ils ressemblent à ces corps foudroyés, restés debout, mais qui, poignée de cendres, croulent et se dispersent sous le premier doigt qui les touche. […] Il est resté trop longtemps assis à l’ombre sérieuse de l’Histoire pour n’avoir pas le respect de ceux qui savent, quand il s’agit de la religion de l’Histoire même, puisqu’elle est une révélation. […] Moderne, délicat, il ne trempa que l’extrémité de son pinceau dans le cuvier de couleur barbare ou de couleur mystique et légendaire qui aurait pu lui servir de palette, s’il avait été le peintre géant qu’il fallait, et par cela seul qu’il ne voulut pas être barbare, comme n’aurait pas manqué de l’être tout grand artiste qui aurait eu à peindre un sujet barbare comme le sien, il resta de fait au-dessous, comme effet d’impression, de tous ces moines qui avaient moins de goût que lui, mais qui avaient plus d’énergie, et dont son histoire, pour ceux qui savent les lire, ne remplacera pas les chroniques et le mauvais latin, si sublime dans son incorrecte grandeur !
Nous n’apercevons de la chose que son ébauche ; celle-ci lance un appel au souvenir de la chose complète ; et le souvenir complet, dont notre esprit n’avait pas conscience, qui nous restait en tout cas intérieur comme une simple pensée, profite de l’occasion pour s’élancer dehors. […] Il ne faut pas croire que les souvenirs logés au fond de la mémoire y restent inertes et indifférents. […] Vous connaissez l’observation d’Alfred Maury 10 : elle est restée classique, et, quoi qu’on en ait dit dans ces derniers temps, je la tiens pour vraisemblable, car j’ai trouvé des récits analogues dans la littérature du rêve. […] Resterait à chercher pourquoi le rêve préféré tel ou tel souvenir à d’autres, également capables de se poser sur les sensations actuelles.