Anoblissement des pères par les actes héroïques ou vertueux des enfants, dans les générations les plus reculées : spiritualisme profond dans ce législateur qui personnifie la solidarité de race, la responsabilité paternelle, le rémunérateur filial dans l’unité morale de la famille, continuité de l’être moral descendant et remontant du père à Dieu, du père aux fils, des fils aux pères, et qui rend la vertu aussi héréditaire de bas en haut que de haut en bas ! […] Rousseau, dès qu’il n’a plus besoin de tutelle physique, adhère par justice et reconnaissance au sein qui l’a nourri, à la main qui le protège dans sa faiblesse, et leur rend ce culte filial, image du culte que tout être émané doit à tout être dont il émane. […] Parce que la société politique ne se compose pas seulement de corps qui produisent, qui consomment, qui vivent et qui meurent ensevelis dans le sillon qui les a nourris ; mais parce que la société morale se compose avant tout d’une âme immortelle dont la destinée immortelle est de rendre gloire à son Créateur en se perfectionnant et en se sanctifiant éternellement devant lui. […] La solitude rendit son esprit indépendant, effet ordinaire et naturel d’une méditation solitaire.
Son cousin Armand de Chateaubriand, fusillé en 1809 comme agent royaliste, et qu’il n’a pu sauver646, le rend plus irréconciliable à l’empire ; quand l’Académie l’a élu, il écrit un discours que Napoléon ne consent pas à laisser prononcer. […] Il tourne les dieux des sauvages américains en machines poétiques, et il les rend insipides comme la vieille mythologie elle-même. […] Ici nous tenons un grand peintre : dans ses tableaux, les cadres ou les prolongements sentimentaux se décollent d’eux-mêmes ; il ne reste que la nature fortement saisie, fidèlement rendue en sa beauté originale et locale. […] Le sublime de la forêt américaine, la grâce nette des montagnes grecques, la grandeur du cirque romain, le tohu-bohu bariolé du campement oriental, les ciels bas et brumeux de la Germanie et les riants soleils d’Italie, les architectures exquises et les vierges solitudes, toutes les formes que la nature et l’homme ont offertes à ses yeux, il a tout su voir et tout su rendre.
Et la plus tendre et consolante justice ne lui est pas refusée, car, chassé de la vie et forcé de se réfugier hors de la vie, il goûte la mort la plus délicieuse dans les bras de la vierge qu’il aime, et qui, non attendue, vient le surprendre et s’enfermer avec lui dans l’air de sa chambre close, qu’un subtil poison a rendu enivrant et meurtrier. […] Catulle Mendès lui-même a su rendre visibles, par la magie des mots, dans son beau poème d’Hespérus. […] C’est en effet, au mois de mai 1895, que Mendès publia son premier compte rendu dramatique : un compte rendu qui fut un compte réglé à je ne sais plus quelle opérette dont la célébrité égalait la niaiserie, en vingt lignes qui riaient comme des folles, faisaient des blagues comme des rapins et montraient leurs derrières comme des femmes mariées.
Tout prend à ses yeux un sens et une valeur, en vue du but important qu’il se propose, lequel rend sérieuses les choses les plus frivoles qui de près ou de loin s’y rattachent. […] Car pour la philosophie, il y a toujours avantage à reprendre les choses ab integro, et après tout le philosophe peut toujours dire : Omnia mecum porto ; au lieu que les plus beaux génies du monde ne sauraient me rendre les documents que ces collections renferment sur les littératures syriaque et arabe, deux faces très secondaires sans doute, mais enfin deux faces de l’esprit humain. […] N’est-ce pas l’érudition qui a ouvert devant nous ces mondes de l’Orient, dont la connaissance a rendu possible la science comparée des développements de l’esprit humain ? […] avec quel bonheur je t’entendrais, si la mort n’avait fermé l’une de mes oreilles (Barlaam) et si l’éloignement ne rendait l’autre impuissante (Sergius) !
Omission faite de coups d’œil sur le faste extraordinaire mais inachevé aujourd’hui de la figuration plastique, dont se détache, au moins, dans sa perfection de rendu, la Danse seule capable, par son écriture sommaire, de traduire le fugace et le soudain jusqu’à l’Idée (pareille vision comprend tout, absolument tout te Spectacle futur,) cet esthéticien, s’il envisage l’apport de la Musique au Théâtre fait pour en mobiliser la splendeur, ne songe pas longtemps à part soi. […] alors viennent expirer comme aux pieds de cette incarnation, non sans qu’un lien certain les apparente ainsi à son humanité, ces raréfactions et ces sommités naturelles que la Musique rend, arrière prolongement vibratoire de tout ainsi que la Vie. […] Et c’est peut-être à Wagner que je dois cet amour dangereux du Beau qui vous rend homme de lettres et vous prépare les cruelles déceptions et tant de recherches vaines… Des œuvres de la dernière période, je ne connaissais pas grand chose : à Berlin, en 1878, sous la direction suprême de l’éternel M. […] Paul Lindau, qui avait eu l’étonnant courage de se rendre à Bayreuth et d’expliquer par lettres à ses combourgeois comment il n’y comprenait rien.
Je ne crois pas que nulle part, en Allemagne même, la musique de Wagner soit rendue avec une telle virtuosité. […] C’était l’hommage le plus brillant que l’on pût rendre à la mémoire de l’illustre écrivain. […] Dans les paroles de cette scène, qui sont d’un vague admirable, il voit l’énoncé précis d’un système philosophique ; dans la musique, qui est une révélation inondant de lumière la vie de ces âmes, il voit « une page unique » mais « qui rend tout simplement les mouvements extérieurs des amants et leurs amoureux transport. »[NdA] 4. […] En effet, Nerval ne serait arrivé que le 31 Août à Weimar et aurait été aidé par Liszt et la princesse Sayn-Wittgenstein pour écrire les comptes rendus.
« Le critérium subjectif de la vérité est l’impensabilité (unthinkableness) de sa négative, en d’autres termes la réduction à : A est A. » « La conscience n’est infaillible que quand elle est réduite aux propositions identiques. « Là et là seulement, il n’y a point de faillibilité. » Comme il y a place pour l’erreur partout où la proposition n’est pas identique, et comme une probabilité variable en degrés est tout ce que nous pouvons atteindre dans la plupart de nos conclusions, il est facile d’étendre le principe logique qui détermine l’infaillibilité aux degrés variables de probabilité, et par suite de rendre l’erreur impossible. […] Des gens qui raisonnent à priori considèrent le type vertébré comme la forme nécessaire qui rend le vertébré possible. […] Peut-être quelques philosophes des écoles adverses trouveront-ils qu’il tire un peu trop à lui ces vieux textes que leur élasticité rend commodes. […] Spurzheim et Georges Combe les ont rendues un peu plus acceptables ; mais aucun n’a eu la plus faible conception de ce que doit être l’analyse psychologique de ses moyens, de ses conditions et des problèmes qu’elle a à résoudre.
Montesquieu avait dit : « Les anciennes mœurs, un certain usage de la pauvreté rendaient à Rome les fortunes à peu près égales ; mais à Carthage des particuliers avaient les richesses des rois. » Que ces traits simples et forts parlent bien autrement à l’imagination ! […] Un grain de mil, un peu de poésie, et sans le moindre regret nous irons rendre au lapidaire carthaginois tous les diamants de Salammbô. […] Le caractère de Mâtho, fort simple il est vrai, fait honneur au peintre ; l’éblouissement du Libyen en présence de Salammbô, ce choc soudain qui ébranle tout son être, cette passion tour à tour violente et timide, ces pleurs, ces rugissements, ce désordre farouche qui le livre comme un enfant aux conseils de Spendius, tout cela est étudié avec soin et rendu en traits énergiques. […] Cette belle idée, que l’auteur aurait pu rendre plus sensible que jamais, il n’y en a point trace dans son œuvre.
Cet élément dynamique, qui, selon nous, existe jusque dans les représentations les plus abstraites et contribue à faire de toute idée une idée-force, est aussi ce qui rend le souvenir possible. […] Se souvenir, c’est avoir senti et pouvoir sentir de nouveau : tout le mécanisme extérieur n’est que le moyen de rendre possibles et la sensation, et la renaissance de la sensation, et la reconnaissance de la sensation. […] Non, car toutes les conditions physiques de la sensation ne nous rendent pas raison de la sensation, par exemple de ce que nous éprouvons en sentant une brûlure, en voyant une couleur, en entendant un son. […] Si révolution semble étendre d’un côté la sphère de l’inconscience, c’est pour pouvoir étendre d’un autre côté celle de la conscience même : les chefs-d’œuvre de son subtil mécanisme ont pour effet de rendre possible une sensibilité plus subtile encore.
Revenons au maître, à Molière, et pardonnez-moi ces dissertations par lesquelles je tâche de réunir les diverses parties de ce travail que je voudrais rendre utiles aux écrivains à venir, afin de compenser le peu de renommée que j’en espère pour moi-même. […] Quelques lecteurs croient « néanmoins le payer avec usure s’ils disent magistralement qu’ils ont lu son livre, et qu’il y a de l’esprit ; mais il leur renvoie tous ces éloges qu’il n’a pas cherchés par son travail et par ses veilles ; il porte plus haut ses projets ; il agit pour une fin plus relevée ; il demande aux hommes un plus grand et un plus rare succès que les louanges et même que les récompenses, qui est de les rendre meilleurs. » Ce sont là des pages admirables et tout à fait dignes que le critique honnête homme les ait sans cesse sous les yeux. Elles l’encouragent, elles le consolent, elles lui présentent le tableau idéal d’une perfection qui rendrait la critique même l’égale des choses inventées, par la raison que dit encore La Bruyère : « Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. […] C’est l’origine de toutes les occupations tumultuaires des hommes et de tout ce a qu’on appelle divertissement ou passe-temps, dans lesquels on n’a, en effet, pour but, que d’éviter, en perdant cette partie de la vie, l’amertume qui accompagne l’attention que l’on ferait de soi-même. — Pauvre âme qui ne trouve rien en elle qui la contente, qui n’y voit rien qui ne l’afflige, quand elle y pense, il suffit, pour la rendre misérable, de l’obliger de se voir et d’être avec soi.
Ce qu’il aurait fallu et ce qu’il eût mieux fait que personne s’il l’avait soupçonné, c’était de nous révéler le génie-femme qui palpitait au fond de Virgile, de nous en donner l’anatomie, et par là de nous expliquer et de nous rendre tangible ce phénomène de la beauté d’un poète qui ne ressemble pas à Homère, qui est différent, mais aussi beau. […] L’auteur de l’Étude sur Virgile aurait du coup, et pour la dernière fois, effacé et rendu désormais impossibles toutes ces comparaisons du plus au moins, éternisées entre Virgile et Homère. […] Ils font rendre sans pitié au nom qu’ils exploitent tout ce qu’il peut rendre.
Monselet, et qui, éprise, ou plutôt grise du xviiie siècle, baguenaude éternellement avec lui, la main indécente, les yeux troubles, n’est pas, malgré son air niais, aussi innocente qu’on pourrait le croire, mais de toutes les Écoles historiques dangereuses, — rendons-lui cette justice, — c’est la plus innocente. […] En d’autres termes, si l’on conçoit sans peine que les ennemis de la vieille monarchie puissent rétrospectivement s’intéresser à ce roi, suicide de sa race, qui l’a frappée en sa personne, à cette fête de Sardanapale incendiaire qui a dévoré ses convives, à ce souper de soixante ans qu’on appelle le règne de Louis XV et qui semblait rendre après lui tout règne de ses descendants impossible, conçoit-on aussi facilement que les hommes, vassaux fidèles du passé, qui ont reconnu que ce n’était pas le passé seul, mais l’avenir pour eux, qui périssait dans un tel désastre ; puissent en parler autrement que pour le déplorer et le maudire ? […] Et voilà comment, pour la première fois, la philosophie du Mondain : Il n’est jamais de mal en bonne compagnie, s’est introduite dans l’histoire sous une plume que le catholicisme de l’auteur (car l’auteur a toujours respecté le catholicisme dans ses ouvrages) aurait dû rendre plus sévère. […] IX En effet, il faut réhabiliter Mme Du Barry de la tête aux pieds, avec une autorité souveraine, — faire resplendir ce qu’elle fut, c’est-à-dire le contraire de ce que croient les hommes et de ce que dit l’histoire, — préciser avec une rigueur qui rende toute contestation impossible l’action qu’elle eut, si elle en eut jamais de profitable à la monarchie, ou ne pas s’en mêler du tout et la laisser oubliée, — si tant est qu’on puisse l’oublier — dans ce tas de chiffons souillés qui finissent par devenir sanglants et qui furent le dix-huitième siècle.
… Du reste, dans cette lettre où le comte de Camors juge son fils, tout en voulant en faire un homme, un prince de ce monde, il laisse apercevoir qu’il n’a pas grande confiance dans l’énergie de sa progéniture, — ce qui rend plus imprudente encore et plus sotte sa théorie sur l’honneur : « Vous déferez-vous — dit-il à son fils — de cette faiblesse de cœur que j’ai remarquée en vous, et qui vous vient sans doute du lait maternel ? […] Dans le roman de Feuillet, il n’y a pas la moindre invention, la moindre combinaison, le moindre détail original, le moindre rendu supérieur, la moindre volonté révélée par un effort quelconque de donner de l’accent à cette vulgarité d’un mariage dans le monde, — dans ce monde à la hauteur sociale duquel Octave Feuillet s’est placé. […] X Ainsi, mesquinerie de mœurs, mesquinerie de passion, mesquinerie de sujet, mesquinerie d’enseignement moral, — car l’enseignement moral de ce roman c’est d’apprendre aux femmes à rendre des lettres d’amour compromettantes sans trop de façons, — c’est là ce roman mesquin par tous les côtés à la fois, et dont le grêle talent de Feuillet ne peut pas draper la mesquinerie. […] La marquise de Talyas, furieuse de voir sa triste marionnette d’amant aller d’elle, qu’il aimait tout à l’heure, à la femme qu’il n’aimait pas, sans transition, sans hésitation, sans la conscience du plus petit reproche, — la marquise de Talyas, outrée d’une si odieuse, d’une si froide, d’une si infâme infidélité, est, par vengeance, sur le point d’avouer son coupable amour à son mari, et de lui livrer les lettres qui la déshonorent et qui lui feront tuer son amant, après qu’elle-même se sera tuée, — la marquise de Talyas, ce monstre athée, corrompu, silencieux, beau et énigmatique comme la Joconde, se métamorphose tout à coup, foudroyée par la vue du sang qu’elle a versé, et rend les lettres, qui devaient tout perdre, à la fiancée de son amant : « C’est mon cadeau de noces », lui dit-elle.
Des insectes pacifiques portent souvent des organes de combat ; leurs moyens d’attaque ne les rendent nullement agressifs. […] L’action est toujours bête ; cela ne la rend pas méprisable. […] L’absence de chemins rend l’homme de la campagne prisonnier d’un coin de terre. […] Par la même occasion, prends, rends, couds, mouds, deviendraient prens, rens, cous, mous. […] Quelque forme que l’on donne à poids, on ne rendra pas plus claire sa parenté avec peser.
Il sait rendre avec des mots et des tours latins exquis sa mélancolie toute moderne et sa pensée toute personnelle.
Ces deux Ouvrages, qui, malgré leurs défauts, n’ont pas laissé d’avoir du débit, viennent d’être réimprimés avec des corrections & des suppressions qui en rendent la lecture plus supportable.
Cet Auteur, que nous avions comparé à l’Abbé Cotin, dans les précédentes éditions de notre Ouvrage, & qui, comme l’Abbé Cotin, a composé des Epigrammes, des Madrigaux, des Odes, des Elégies, des Sonnets, des Lettres, des Complimens, & des Sermons, ne s’est point offensé de la comparaison ; il s’en trouve même honoré dans des observations qu’il nous a adressées, & qu’il auroit dû ne pas rendre publiques, s’il craint le ridicule.