Le libre examen, qui n’épargne pas même les religions et les dieux, ne saurait être interdit à regard des poètes. […] Ainsi M. de Vigny lui-même, cette noble nature qui n’eut d’autre visée que de rester une et fidèle à son premier mot une fois proféré, — ainsi, pareil en cela à plus d’un, il vit se voiler en lui ses religions, s’éclipser et s’éteindre ses soleils, et il fut réduit comme un autre à dire non et jamais, après avoir dit oui et toujours. […] Il aurait volontiers senti par l’imagination, et aussi par aristocratie de nature, comme Joseph de Maistre, et il n’avait pas même au fond la religion de Voltaire ; il n’avait le plus souvent, en présence de l’univers et de la nature, que le regard silencieux de Lucrèce, avec l’agonie et le dédain de plus. […] 3° Philosophe et penseur, se rattachant à quelques égards aux écoles du progrès et de l’avenir, à la religion de l’esprit, il repoussait, par une sorte de contradiction au moins apparente, les voies et moyens de ce progrès moderne et plusieurs des résultats ; il s’en prenait aux débats publics, aux discussions éclatantes, à ces chemins de fer qui créent ou qui centuplent les communications humaines et les échanges de la pensée, au développement accéléré et aux conquêtes de la démocratie. […] La Sauvage, qui exprime le contraste de la vie errante primitive avec la colonisation la plus civilisée, est mieux conçue et contrastée : c’est l’éloge de la famille anglaise, du confort anglais, de la religion biblique anglicane.
L’orateur, le poète, le moraliste, le philosophe s’appuient sur ce livre, et tout ce que nous pouvons dire de plus fort à sa gloire, ajoutent-ils, c’est que, après l’invasion des superstitions indiennes, tartares ou thibétaines en Chine, si l’idolâtrie, qui est la religion des empereurs et du peuple, n’est pas devenue la religion du gouvernement, c’est ce livre de Confucius qui l’a empêché, et si notre religion chrétienne, disent-ils enfin, n’a jamais été attaquée par les savants lettrés du conseil impérial, c’est qu’on a craint de condamner, dans la morale du christianisme, ce qu’on loue et ce qu’on vénère dans le livre de Confucius. » Il commence par des maximes de sagesse que nous traduisons ici du latin, dans lequel les jésuites ont traduit, il y a un siècle, ces passages : « C’est le Tien, Dieu, le Ciel, trois noms signifiant le même grand Être, qui a donné aux hommes l’intelligence du vrai et l’amour du bien, ou la rectitude instinctive de l’esprit et de la conscience, pour qu’ils ne puissent pas dévier impunément de la raison…… En créant les hommes, Dieu leur a donné une règle intérieure droite et inflexible, qu’on appelle conscience : c’est la nature morale ; en Dieu elle est divine, dans l’homme elle est naturelle… « Le Tien (Dieu) pénètre et comprend toutes choses ; il n’a point d’oreilles, et il entend tout ; il n’a point d’yeux, et il voit tout, aussi bien dans le gouvernement de l’empire que dans la vie privée du peuple. […] la religion recevra des hommes les temps qu’ils doivent au Tien (Dieu). » Les cinquante-huit chapitres du livre de Confucius sont partout pleins de ces maximes de religion rationnelle et de ces règles de gouvernement par la conscience. […] L’ouvrage destiné à faciliter au peuple tout entier la connaissance de la religion, des lois, des motifs des lois, de la politique, des sciences, des arts, des métiers, de l’agriculture, du commerce, de l’industrie, est divisé en quatre cent cinquante livres.
Une tradition veut que le premier vers de l’Iliade soit un vers d’Orphée, ce qui, doublant Homère d’Orphée, augmentait en Grèce la religion d’Homère. […] Les religions y perdent et la science y gagne. […] Les religions, ayant besoin de ce livre, ont pris le parti de le vénérer ; mais, pour n’être pas jeté à la voirie, il fallait qu’il fût mis sur l’autel. […] La civilisation, n’est plus qu’une masse, la science est matière, la religion a pris des flancs, la féodalité digère, la royauté est obèse ; qu’est-ce que Henri VIII ? […] Quoi de plus sage que toutes les religions ?
Or, c’est devant cet auditoire contenu à peine par Louis XIV que Massillon avait à prêcher ses Avents et ses Carêmes, et qu’il abordait à certains jours ces vastes sujets : Des doutes sur la Religion ; — De la vérité d’un avenir. […] Non, mes frères, s’écrie hardiment Massillon, ce ne sont pas ici des incrédules, ce sont des hommes lâches qui n’ont pas la force de prendre un parti ; qui ne savent que vivre voluptueusement, sans règle, sans morale, souvent sans bienséance, et qui, sans être impies, vivent pourtant sans religion, parce que la religion demande de la suite, de la raison, de l’élévation, de la fermeté, de grands sentiments, et qu’ils en sont incapables.
La religion, qui lui attire des critiques, est le seul appui solide pour le soutenir ; quand il la prendra par le fond, sans scrupule sur les minuties, elle le comblera de consolation et de gloire. […] Ce que Fénelon écrit en cette année 1708 au duc de Bourgogne, il ne cessera de le répéter et de le lui faire arriver par le canal du duc de Chevreuse durant les années suivantes ; il est affecté dans sa religion de chrétien éclairé, dans sa tendresse de père nourricier et de maître, dans son patriotisme de citoyen, de voir un prince qui devrait être si cher à tous les bons Français, et dont il sait les vertus essentielles, devenu l’objet d’un dénigrement et d’un déchaînement si général. […] En inculquant cette maxime au duc de Bourgogne et en la lui gravant au cœur, il ne croyait d’ailleurs pas faire acte de réforme positive, et encore moins de philosophie ou de démocratie, comme nous dirions ; il ne faisait que remonter à la religion de saint Louis.
Je sais que la religion et la justice sont les colonnes et fondements de ce royaume, qui se conserve de justice et de piété ; et quand elles ne seraient, je les y voudrais établir, mais pied à pied, comme je ferai en toutes choses. […] Il fut de ceux que le roi convoqua pour leur faire part de la résolution qu’il avait prise depuis quelques jours de se faire instruire, et finalement de son dessein d’embrasser la religion catholique. […] Jung, dans tout son travail, a été évidemment sous la préoccupation de ce dur procès que continuent de faire à Henri IV les descendants de ceux dont il a quitté la religion.
Et cependant il s’exerce en bien des genres qu’on pourrait dire noblement tempérés, dans l’épître, le poème moral, et il y a fait preuve de sens et de talent : ainsi dans une des pièces qui lui attirèrent le plus d’inimitiés, dans son Discours des misères de ce temps, adressé à la reine Catherine de Médicis à l’occasion des troubles et des premiers massacres de religion dont le signal fut donné en 1560, il disait, après avoir dépeint l’espèce de fureur soudaine qui s’était emparée des esprits : Mais vous, reine très sage, en voyant ce discord Pouvez, en commandant, les mettre tous d’accord Imitant le pasteur qui voyant les armées De ses mouches à miel, fièrement animées Pour soutenir leurs rois, au combat se ruer. […] La religion de Ronsard d’ailleurs, en cet âge de fanatisme, paraît avoir été celle d’un homme sage. […] [NdA] M. de Falloux dans son Histoire de saint Pie V, a rendu cette circonstance en des termes assez singuliers : « Pie V, dit-il, ne dédaigna pas non plus d’adresser des encouragements aux hommes lettrés qui prenaient un rang honorable dans la mêlée des intelligences, Ronsard ayant armé les muses au secours de la religion, le pape l’en remercia hautement par un bref. » M. de Falloux est certainement un homme poli : on vient de voir ce que c’était que cette mêlée des intelligences.
De beaux passages du poème de la Religion, que l’on sait par cœur dès l’enfance, y répondent bien. […] Les vers de Racine, au contraire, et son poème de la Grâce, si longtemps retardé, et son poème de la Religion, qui ne parut qu’en 1742, devaient être revêtus de toutes les formalités et approbations d’usage, et cela demanda des années. […] Mais enfin, il est honorable à ce chantre de la Religion, purement raisonneur et sans invention, à ce traducteur en vers des Pensées de Pascal, de s’être enquis des autres poèmes religieux construits par de vraiment grands architectes et poètes dans les littératures étrangères, et d’avoir essayé d’y mordre.
Elles peuvent être erronées, mais les erreurs reçues depuis longtemps sont plus respectables que celles que nous voudrions y substituer ; car ce n’est pas la vérité qu’on trouve quand on a abattu le système de religion généralement adopté, puisque cette vérité, si elle n’est pas révélée, se cache dans des ténèbres impénétrables à l’esprit humain. […] La piété est une des affections de l’âme les plus douces et les plus nécessaires à son repos ; on doit en avoir dans toutes les religions… » Sismondi se le tint pour dit ; il revint à la prudence et rentra une partie de ses arguments. […] Chassez la religion par la porte, elle rentre par la fenêtre.
Il n’y a plus d’éloquence religieuse après Massillon, du moins dans l’église catholique : car lorsque Rousseau parle sur la Providence et la conscience, sur la religion et sur la morale, nous avons reconnu dans sa parole une inspiration protestante ; notre grand orateur philosophique est un prêcheur de Genève. […] L’éloquence de Robespierre est une prédication, un long enseignement de vertu, un catéchisme verbeux de religion civile, où la théologie édifiante s’entremêle d’aigres diatribes contre les méchants et les impies. […] Il s’acharna à fonder une religion d’État, à formuler en un credo légal le déisme de Jean-Jacques.
Le banal et superficiel déchirement de l’époque : la lutte pour rire entre un faible rationalisme appris et une faible foi apprise, enfant scrofuleux et vieillarde mourante ; entre un pessimisme qui est peut-être la vérité et une religion qui est peut-être le bonheur, qui, dans tous les cas (Bourget en est certain comme Brunetière) est aujourd’hui la meilleure savonnette à vilains. […] Ses opuscules font partie d’une collection, qui porte deux étiquettes : Science et religion et, au-dessous, Études pour le temps présent. […] Mais son métier de catholique le force bien souvent à condamner, ou presque, au nom de la religion romaine.
Pline appartient à cette classe d’esprits élevés et éclairés, tels que l’ancienne civilisation en possédait un assez grand nombre avant le christianisme, qui ne séparent point l’idée de Dieu de celle de l’univers, qui ne croient pas qu’elle en soit distincte, et qui, dans le détail de la vie et l’usage de la société, condescendent d’ailleurs aux idées reçues et aux préjugés utiles : « Il est bon, dans la société, de croire que les dieux prennent soin des choses humaines… La religion, répète-t-il en plus d’un endroit, est la base de la vie. » Mais ce n’est qu’une religion toute politique comme l’entendaient les Romains. […] la religion de la nature, eux, ils n’ont nullement senti et daigné saisir cet esprit général circulant et respirant dans Pline.
en religion alors, en théologie, ce fut un peu de même ; il y eut une génération animée de zèle, qui essaya, non pas de renouveler ce qui, de soi, doit être immuable, mais de rajeunir les formes de l’enseignement et de la démonstration, de les approprier à l’état présent des esprits, de combattre certaines routines, certaines habitudes devenues rigides ou étroites, et de rendre le principe catholique respectable à ceux même qui le combattaient : « Pour agir sur le siècle, se dirent de bonne heure ces jeunes lévites, il faut l’avoir compris. » Des noms, j’en pourrais citer quelques-uns qui, avec des nuances et des différences que l’on sait dans le monde ecclésiastique, avaient alors cela de commun, de représenter la tête du jeune clergé intelligent et studieux : M. […] Le jeune comte Albert de La Ferronnays avait épousé une jeune personne russe, Mlle d’Alopaeus, de la religion luthérienne, et il désirait vivement l’amener à la foi. […] Cousin, la religion par l’organe de M. de Montalembert, la poésie par la bouche de M. de Lamartine, ne me démentiraient pas3.
Mais, nulle part peut-être, on ne surprend ce procédé d’imposture dans des conditions plus favorables que celles où se produisit en Russie le faux Démétrius : il y avait la distance des lieux, la difficulté des communications, la crédulité superstitieuse des peuples, le prestige du nom, cette alliance et cette connivence secrète établie à l’avance au cœur de tous les mécontents ; ce n’était réellement pas tromper leur religion que de dire : Me voilà ! […] Revêtu d’une robe de moine, comme un malade désespéré, il reçut les sacrements, et, selon l’usage du temps, prit un nom de religion. […] Tite-Live, dans sa belle et large manière qui est la vraie voie romaine en histoire, commence volontiers par invoquer les dieux et les déesses, sentant qu’il y a une sorte de religion dans ce qu’il entreprend.
Ce Sonnet n’est pas sans défaut, il est vrai ; mais sa célébrité résistera toujours à la critique, comme le repentir qui l’a produit sera un monument ineffaçable du triomphe de la Religion sur la Philosophie.
On trouve dans le Recueil de l’Académie dont il est Membre, onze ou douze Mémoires qui completent un Traité historique de la Religion des anciens Perses.
Mesengui est un Ecrivain estimable par l’esprit de Religion & de piété qui animent ses Ouvrages, d’ailleurs écrits avec autant de correction que d’aménité.