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779. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Faust existait avant lui, mais à l’état d’embryon que le génie moderne n’avait pas encore regardé. Aussitôt que Goethe le regarde et le féconde de ce regard, l’embryon devient géant, et l’amour, la philosophie, la poésie, réunis en un seul faisceau, illuminent, enchantent, déifient le monde. […] — Et, à bien regarder, est-ce qu’il n’en est pas ainsi de toutes les œuvres extraordinaires ? […] Depuis longtemps nous sommes habitués à ne regarder que vers l’ouest ; c’est de là que nous attendons tous les dangers. […] Alors il sent ses ailes pousser dans toute leur envergure, et il monte dans le drame à une hauteur de l’éther où jamais homme, ni antique, ni moderne, n’avait osé regarder.

780. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

On a toujours regardé ce vieil Auteur comme le père & même comme le Dieu de la Poésie. […] Ces deux ouvrages ont fait regarder Homere comme la Divinité du Parnasse ; mais il s’est trouvé dans le siècle dernier & dans le nôtre plusieurs infidéles qui ont voulu renverser ses Autels. […] Thespis est regardé comme l’Inventeur de la Tragedie. […] “C’est d’après eux, dit un homme d’esprit, qu’on regarde comme le modèle des bons Princes, un homme à qui les crimes les plus atroces n’ont jamais rien coûté. […] Qui daignera le lire, ni seulement le regarder dans le monde, sous peine de sa malédiction.”

781. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Regardons alors un second physicien placé en S′. […] À y regarder de près, on verra qu’il n’en est rien. […] Regardons de plus près. […] Mais cette simultanéité de trois événements paraît incurvée en passé-présent-avenir quand elle est regardée, par Pierre se représentant Paul, dans le miroir du mouvement. […] Sans même aller jusque-là, je n’ai qu’à regarder les astres ; je vois des corps en mouvement par rapport à la Terre.

782. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Jocelyn, sans être prêtre, était déjà près de l’autel ; il ne pourrait désirer sans honte une Éve inconnue ; il s’est enfui un jour, tout effrayé de lui-même, pour avoir trop complaisamment regardé, à travers les châtaigniers, l’adorable sourire satisfait d’un jeune pâtre et de sa compagne ; mais il voudrait un cœur d’ami, un compagnon du moins de son exil et de cette félicité que ne troublent que par instants les orages et les crimes d’en bas. […] Le plus sublime moment de la situation, après l’hymne exhalé vers l’idéale et chaste beauté, vers la beauté sans sexe encore, est cette vaste éclosion du printemps qui éclate, en quelque sorte, un matin, dans la haute vallée : du sein de cette nature soudainement attiédie et ruisselante, s’élève le chant en chœur des deux enfants qui s’ignorent l’un l’autre et qui se regardent avec larmes. […] Son front a-t-il gardé ce petit pli rêveur  Que nous baisions tous deux pour l’effacer, ma sœur, Quand son âme, le soir, au jardin recueillie, Nous regardait jouer avec mélancolie ? […] Lamartine réfléchit volontiers les objets en sa poésie, comme une belle eau de lac, parfois ébranlée à la surface, réfléchit les hautes cimes du rivage ; Wordsworth est plus difficile à suivre à travers les divers miroirs par lesquels il nous donne à regarder sa pensée.

783. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Tout au contraire ; et, si l’on regarde dans le passé, combien, sans remonter plus haut que le règne de Louis XIV, cette rencontre inouïe, cette émulation en tous genres de grands esprits, de talents contemporains, ne contribue-t-elle pas à la lumière distincte dont chaque front de loin nous luit ! […] Et si, à un horizon beaucoup plus rapproché, et dans des limites moindres, nous regardons derrière nous, a-t-il donc nui aux hommes qui président à cette ouverture de l’époque de la Restauration, à cette espèce de petite Renaissance, et qui composent le groupe de l’histoire, de la philosophie, de la critique et de l’éloquence littéraire, à cette génération qui nous précède immédiatement et dans laquelle nous saluons nos maîtres, leur a-t-il nui d’être plusieurs, d’être au nombre de trois, rivaux et divers dans ces chaires retentissantes, dont le souvenir forme encore la meilleure partie de leur gloire ? […] Villemain, exerçait sa critique sur l’érudition et sur la philosophie plus que sur le goût, n’y regardait pas de bien près en délicatesse, et Voltaire, par passion, se permettait souvent d’étranges familiarités. […] Fontanes, de quelque endroit du plafond, regardait ses deux amis, et jouissait, mais s’étonnait de tant d’audace.

784. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

moi qui le voyais faire, qui le regardais tant dans ses dernières actions, j’ai dit, mon Dieu, j’ai dit qu’il s’en allait en paradis. […] Je regardais l’endroit où tu vins t’asseoir il y a deux ans, le premier jour, je crois, où tu fis quelques pas dehors. […] Ce soir, je me suis bien trouvée d’un repos sur la paille, au vent frais, à regarder les batteurs de blé, joyeuses gens qui toujours chantent. […] « La lune se lève à l’horizon où j’ai si souvent regardé : le vent souffle à ma fenêtre comme je l’ai si souvent entendu ; je vois ma chambrette, ma table, mes livres, mes écritures, la tapisserie et les saintes images, tout ce que j’ai vu si souvent et que je ne verrai plus bientôt.

785. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Cette singulière peinture d’une volonté impuissante pour des raisons métaphysiques n’eut aucun succès en 1804 : le roman de Senancour dut attendre 1830 pour être en vogue, je ne dis pas pour être compris, car les romantiques y virent surtout l’inertie désespérée qu’ils sentaient en eux, sans regarder aux doctrines et au tempérament qui faisaient Obermann tout à fait distinct de René ou de Lélia. […] Puis la vue de George Sand s’élargit : un peu apaisée par sa liberté reconquise, elle regarde hors d’elle-même, et sa sympathie cherche d’autres objets que les affaires ou les états de son propre cœur. […] Cependant elle sait que les modèles dont son art a besoin sont dans la vie ; elle professe que, pour trouver des sujets de roman, il n’y a qu’à regarder autour de soi ; elle prend son point de départ dans la réalité. […] Il regarde dans le secret des âmes comment se forme la disposition d’où sortent tous les effets qui donnent à la société contemporaine sa physionomie : il trouve que la Révolution a établi l’égalité entre tous les Français, et, supprimant tous les privilèges, a proportionné les droits au mérite.

786. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Maître Guérin ne se dément pas, au milieu de cette tempête domestique ; il maintient son droit, le prouve par des textes et par des articles de lois, essuie, sans sourciller, le réquisitoire de son fils et les jérémiades de sa femme, les regarde partir en haussant les épaules, et, resté seul dans sa maison vide, il invite à dîner son homme de paille pour remplacer sa famille absente. — « Bon appétit, maître Guérin !  […] Pénélope, de la fenêtre de son gynécée, regarde souvent dans le boudoir de Phryné ; Cornélie écoute aux portes de Messaline. […] Elles regardent avec une curiosité rougissante son luxe profane ; elles respirent avidement les senteurs aphrodisiaques qu’il exhale. […] Je n’ose devant vous regarder la lumière Mais toi, de qui ce fer allait percer le coeur, Oublieras-tu jamais mon crime et ma fureur ?

787. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

, je n’estime pas beaucoup meilleur le volume, mais je le regarde, ainsi que Mme Sand m’a appris à le considérer, comme un intéressant embryon de nos romans de plus tard, comme un premier livre, contenant très curieusement en germe, les qualités et les défauts de notre talent, lors de sa complète formation, — en un mot, comme une curiosité littéraire, qui peut être l’amusement et l’instruction de quelques-uns. […] Puis, un long moment, elle regarde les choses avec ces yeux de mourant qui paraissent vouloir emporter le souvenir des lieux qu’ils quittent, et la porte de l’appartement, en se fermant sur elle, fait un bruit d’adieu. […] De ses yeux ouverts et vides, elle regarde vaguement défiler les maisons, elle ne parle plus… Arrivée à la porte de l’hôpital, elle veut descendre sans qu’on la porte : « Pouvez-vous aller jusque-là ?  […] Revenus chez nous, il a fallu regarder dans ses papiers, faire ramasser ses hardes, démêler l’entassement des choses, des fioles, des linges que fait la maladie… remuer de la mort enfin.

788. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

On regarde cependant comme les meilleurs prologues ceux qui ont du rapport à la pièce qu’ils précèdent, quoiqu’ils n’aient pas le même sujet : tel est celui d’Amadis des Gaules. […] Dans l’ancien théâtre, on appelait prologue l’acteur qui récitait le prologue ; cet acteur était regardé comme un des personnages de la pièce, où il ne paraissait pourtant qu’avec ce caractère. […] Mais ce qui n’avait été qu’un ornement dans la tragédie, en étant devenu la partie principale, on regarde la totalité des épisodes comme ne devant former qu’un seul corps dont les parties soient dépendantes les unes des autres. […] Regarde-le plutôt pour exciter ta haine, Pour croître ta douleur et pour hâter ma peine.

789. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Borel, Petrus (1809-1859) »

Il souffre, il se plaint ; je veux bien croire qu’il y a dans sa douleur quelques exagérations ; cette fois, le désespéré se regarde un peu trop dans la glace ; pourtant, comment ne pas se sentir ému par ce cri, par ce sombre aveu qui éclaire tristement l’époque de ses débuts ?

790. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Trimouillat, Pierre (1858-1929) »

Quand on le regarde, pâlit ; quand on l’écoute, grandit, et quand on l’en prie, ténorise assez désagréablement des choses agréablement modernistes.

791. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 298-300

Sa Traduction de l’Iliade parut d’abord, en 1760, sous le titre d’Essai, & fut suivie, deux ans après, de ce que l’Auteur appelle une Traduction libre, & qu’on peut regarder plutôt comme un bizarre travestissement ; Homere y est défiguré d’un bout à l’autre, plus qu’il ne l’a jamais été par la Mothe.

792. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 371-373

Celle qui regarde les Agrémens du Langage, fait sur-tout honneur à sa sagacité & à son goût.

793. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 157-158

Bailly, de l’Académie des Sciences, M. l’Abbé Arnaud, M. l’Abbé Barthelemy, &c. regardent cette savante Production comme la meilleure qu’on ait encore publiée sur la théorie de la Musique.

794. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 366-368

Il est étonnant que de plus de deux mille Traductions d’Auteurs Grecs & Latins, qui ont été faites en notre Langue, on en trouve à peine dix qu’on puisse regarder comme bonnes.

795. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre premier. Caractères naturels »

L’Écriture nous apprend notre origine, nous instruit de notre nature ; les mystères chrétiens nous regardent : c’est nous qu’on voit de toutes parts ; c’est pour nous que le Fils de Dieu s’est immolé.

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