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1003. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Le critique dont je vais parler est un fantôme, une chimère, un rêve de mon imagination ; ce n’est ni votre portrait ni le mien ; et s’il se rencontre par le monde quelqu’un avec les qualités que je lui attribue ou les défauts contraires, c’est de quoi je ne me suis pas occupé.

1004. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Elle a cru sérieusement qu’avec ses deux volumes d’échos, elle allait dissiper les dernières brumes qui sont peut-être un charme de plus pour nos rêves idolâtres sur l’adorable figure de lord Byron.

1005. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

On croit toujours rêver en les regardant, et on ne rêve pas, tant ces êtres-là sont factices !

1006. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Tout d’abord il ne vit pas l’immense portée d’une chose qu’au début de son action il eût pu prendre pour un rêve.

1007. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Ni Les Nuits du Père-Lachaise, où la nature humaine devient, comme les événements, par trop fantastique, — mais qui n’en sont pas moins ce que Léon Gozlan a produit de plus puissant dans l’outrance, comme Le Rêve d’un millionnaire est ce qu’il a fait de plus doux et de plus charmant (rappelez-vous cette tête suave de Reine Linon !)

1008. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

L’une a grandi jusqu’à son niveau son triste monsieur de la Gervaisais, comme l’autre son triste monsieur d’Oult, son Virgile d’Oult, comme elle l’appelle, et ni l’une ni l’autre ne se doutaient qu’un jour, devant la Critique qui n’a pas, elle, les illusions de l’amour, les hommes de leur rêve apparaîtraient dans leur chétive réalité.

1009. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Ce château, vu de loin, doit envoyer à la tête de madame Bovary bien des rêves et des convoitises ; mais l’auteur ne se contente pas de ces fumées, de ces curiosités qui sont les incubations d’une corruption dont le principe sommeille, mais va tout à l’heure s’éveiller.

1010. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Les diplomates, ces hommes de l’action, n’ont guères le temps, je crois, de s’asseoir dans leur rêve et de le réaliser comme les artistes qui ne bougent pas du fond du leur.

1011. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Point du tout, parce que le plaisir n’est pas autre chose qu’un rêve, qu’une vision de l’imagination ou, tout au moins, pour ne rien forcer, n’est guère autre chose que cela. […] Mais, et dans l’appréciation qu’ils font du monde et dans le rêve qu’ils font d’un monde meilleur, autant dans l’un que dans l’autre il y a cette idée générale : le bien c’est l’harmonie, le bien c’est l’ordre. […] L’homme rêve d’éternité comme homme, comme artiste, comme guerrier, comme homme d’État, comme citoyen et comme amoureux. On peut dire qu’il en rêve toujours. […] L’artiste n’est tenu qu’à réaliser son rêve dans ses écritures.

1012. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Toujours et partout on a plus ou moins à compter avec elles, avec les entêtements ou avec les rêves, avec un faux imprévu qui déjoue. […] Dans les premières pages, l’auteur trace à la politique, à la science de la société (comme il la définit), une sorte de voie moyenne entre l’utopie et l’empirisme, entre l’idée pure et la pratique trop réelle : « Si la politique, disait-il, ne voit dans les événements que de vaines formes, dans les noms propres que de vains signes, elle ne sait qu’inventer des lois chimériques pour un monde supposé ; si elle n’aperçoit ici-bas que des accidents et des individus, elle gouverne le monde par des expédients : placée entre la République de Platon et le Prince de Machiavel, elle rêve comme Harrington ou règne comme Charles-Quint. » S’attachant à dégager le droit sous le fait et à maintenir la part de la raison à travers le hasard, il estime qu’à toutes les époques de la civilisation il est possible et il serait utile de revendiquer la vérité, mais cela lui paraît surtout vrai du temps présent : « On peut juger diversement le passé, dit-il, mais on doit du moins reconnaître que le temps présent a cet avantage que nulle idée n’a la certitude d’être inutile : la raison n’est plus sans espérance ; comme une autre, elle a ses chances de fortune. […] L’artiste enhardi (car il y est devenu artiste) a pris en quelque sorte des portions, des démembrements de lui-même, et les a personnifiés dans des êtres distincts ; il leur a prêté non-seulement ses facultés, mais ses désirs, ses rêves.

1013. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Mais les images restent nettes ; dans cette folie, il n’y a ni vague ni désordre ; les objets imaginaires sont dessinés avec des contours aussi précis et des détails aussi nombreux que les objets réels, et le rêve vaut la vérité. […] Des métaphores excessives font passer devant l’esprit des rêves grotesques. […] Le rêve est si fort, qu’il n’est pas bien sûr de n’être pas là-bas à Londres. « Il devient ainsi son propre spectre et son propre fantôme. » Et cet être imaginaire, comme un miroir, ne fait que redoubler devant sa conscience l’image de l’assassinat et du châtiment.

1014. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Je ne puis m’arrêter devant la Tête de jeune homme, par Raphaël, sans m’attendrir pour ce charmant adolescent, qui rêve à l’entrée de la vie, dont il ignore encore les biens et les maux, et qui semble se recueillir avant l’action. […] C’est par de petites raisons que l’une regrette le pouvoir et que l’autre craint de le perdre : et malgré l’audace virile que leur a prêtée Racine, malgré l’énergie qui les rend capables de ces crimes où l’on risque sa propre vie, malgré des traits d’habileté politique, la nature féminine se décèle dans Agrippine par un dépit puéril, par des imprudences qui compromettent le succès à peine obtenu, par l’impatience d’abuser du pouvoir avant même de l’avoir reconquis ; dans Athalie, par la croyance aux rêves, par des terreurs superstitieuses qui se trahissent sur son visage, par une imprévoyance qui la livre à ses ennemis. Je sais bien que, dans la pièce de Racine, les rêves d’Athalie se réalisent, et que Dieu ajoute à son châtiment l’horreur de voir en songe l’abîme où il la pousse ; mais il l’y pousse par ces passions qui ôtent le sens aux femmes, dans les pays où la loi de l’État leur donne la souveraine puissance sans leur donner la force d’en user.

1015. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

D’abord, le sommeil imite et ne répète pas ; le souvenir, dans le rêve, est de courte haleine ; l’imagination seule est féconde. […] Le propre du sommeil est la suspension de l’habitude ; tant qu’il dure, les habitudes de la veille ne passent plus à l’acte, et de nouvelles habitudes, dont les phénomènes du rêve seraient la matière, ne se forment pas. […] Si nous traitions ici ex professo de la distraction, nous serions conduits à citer des cas où la distraction reproduit exactement l’incohérence des paroles du rêve ; mais, alors même, la distraction se distingue nettement du sommeil : nos actes, auxquels nous sommes attentifs, sont cohérents, tandis que la parole intérieure est incohérente ; durant la veille, même distraite, quelque chose de nous est toujours cohérent ; dans le sommeil, l’incohérence de la parole n’est qu’un cas particulier d’une loi qui s’applique à tous nos faits sans exception. […] Maury, Le sommeil et les rêves, note G : Des mouvements inscients.

1016. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

— sans songer que ce Don Juan était sa plus vivante création ; que ce Don Juan sceptique allait remplir tout le xviiie  siècle ; que ce Don Juan amoureux allait devenir le type élégant et licencieux de toute la nation de Shakespeare, et aussi que Mozart, d’un côté, lord Byron d’autre part, et la jeunesse de notre siècle, éperdue, hors de sa voie, impuissante à reproduire même ses rêves, n’auraient pas d’autre héros que Don Juan. […] Il est le rêve des femmes oisives à qui tout a manqué, même la séduction et la haine ! […] Quel Amphion a construit la comédie à machines, afin que les plus beaux rêves amoureux d’un roi de vingt ans soient réalisés sur un théâtre ? […] Bulwer prétend ressusciter le xviie  siècle, dont on peut dire ce que disait Bossuet23 d’Alexandre le Grand : « Il vit dans la bouche de tous les hommes sans que sa gloire soit effacée ou diminuée depuis tant d’années. » Mais si madame de Montespan parle comme une bacchante à jeun, Louis XIV, de son côté, lui répond comme le vieux célibataire ne répondrait pas à sa servante Babet : « Belle dame quand tu parles, je rêve ce que devrait être l’amour. […] J’avoue très volontiers que cette suite de raisonnements, de proverbes, de choses vraies, de choses fausses, d’inductions naïves que Molière place dans la bouche de ce digne Sganarelle me conviennent moins que le monologue d’Hamlet, ce rêve d’un esprit éveillé, cette suite de conséquences logiques, ce grand : peut-être 29 !

1017. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Mais Rossetti veut qu’elle soit la personnification de la monarchie impériale ; tandis que pour Ancona elle est une vérité mêlée de rêve, une réalité qui s’élève à l’allégorie. […] Le Jardin des Plantes, appelé alors Jardin du Roi, leur offrait à proximité ses ombrages solitaires ; et ils pouvaient poursuivre leurs rêves dans le confortable restaurant de l’Arc-en-Ciel, où il y avait pour eux une petite salle toujours prête. […] Non, elle n’était pas froide et rigide, son cœur pur et triste, hanté par les rêves, aussitôt découragé, souhaitait la droiture qui console et soutient. […] Cependant, comme par son mariage avec Sliman Ehnni, fils d’un père naturalisé, Isabelle Eberhardt était devenue Française, elle ne tarda point à obtenir l’autorisation de retourner en Algérie où elle reprit son existence partagée entre ses affections et ses rêves. […] Et il fait un beau rêve en se disant : — Voilà un comique mêlé à la terreur d’étrange façon !

1018. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Souhaitez plutôt à cet ami qu’au déclin d’une vie tenue en haleine jusqu’au bout par les contradictions nécessaires de la critique et de l’apologie, il ait la douceur d’ouïr dans ses derniers rêves les voix lointaines de la postérité qui l’appelle. […] C’est donc un rêve que je viens de faire. […] Un comité électoral où l’on s’occupe de former une liste de conciliation — c’est le rêve de tous les politiques des temps d’anarchie — amène sur la scène des originaux d’une autre catégorie. […] Tout cela est-il une réalité ou un rêve ? […] C’est pour cela que j’ai reculé, pour le consigner ici à la suite, et comme une confirmation imposante de ce qu’on vient de lire, cet extrait d’une lettre écrite par le maréchal de Moltke à un professeur de Berlin, le 2 février 1881 : « La paix perpétuelle est un beau rêve ; ce n’est même pas un rêve.

1019. (1930) Le roman français pp. 1-197

Faisant beaucoup moins de « conquêtes » qu’il n’en rêve. […] Mais c’est en vérité, malgré la lucidité pure, candide, du style, à l’état de rêve : si le rêveur disparaissait, il n’y aurait plus rien, plus, d’univers. […] Sans doute rêve-t-il, comme le Père de Foucauld, le baptême de tous les musulmans. […] Rêve aussi chez Paul Adam d’une sorte d’impérialisme latin. […] Par instant il se réveille de ce rêve, s’en souvenant à moitié : il lui paraît alors beaucoup plus absurde.

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