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452. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Le travail publié dans cette Revue 85 sur la jeunesse de Benjamin Constant et ses relations avec madame de Charrière a produit son effet, l’effet que permettaient d’en attendre la quantité et la qualité des documents intimes versés pour la première fois dans le public. […] On a bien voulu pourtant nous mettre en cause : dans une biographie de Benjamin Constant, qui fait partie de la Galerie des Contemporains illustres par un Homme de rien, le spirituel auteur (M.de Loménie) a cru devoir, en se déclarant le champion de Benjamin Constant, faire de nous un adversaire de l’illustre publiciste, et nous prendre à partie sur les notes et réflexions qui accompagnaient les lettres produites, comme si elles étaient en désaccord criant avec les textes mêmes. […] Une masse de pièces authentiques, de révélations directes, nous était confiée : nous ne pouvions tout produire, et nous nous en remettions de ce soin à qui de droit. […] Une conséquence de ce capricieux et subtil détournement de la sensibilité dans la jeunesse, c’est de produire, jusque dans un âge assez avancé, des retours simulés, des chaleurs factices, des excitations énervées : on dirait par moments que l’orage de la passion se retrouve et s’amasse tel qu’il n’a jamais été aux années les plus belles, et que le vrai tonnerre, la foudre divine enfin, va éclater.

453. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Il compose avec infiniment de sagacité et d’originalité les deux milieux, dont les pressions, agissant tantôt dans le même sens et plus souvent en sens contraire, produisent les humeurs, les volontés, les actes : le milieu moral, éducation, société, profession, et le milieu physique, où Montesquieu distingue comme facteur principal le climat. […] Ainsi les lois d’un peuple ne sont ni le produit logique de la raison pure, ni l’institution arbitraire d’un législateur : elles sont le résultat d’une foule de conditions physiques, météorologiques, sociales, historiques. […] Pour Montesquieu, la loi n’est pas par elle-même une forme vide : c’est un ressort, qui, dès qu’il est placé, produit la sorte et la quantité de travail que le constructeur voulait obtenir. […] Il est impossible, dans l’infinie complexité des choses humaines qu’une infinité de forces concourent à produire, quand les causes physiques et les causes morales se perdent dans les obscures profondeurs de notre organisme et de notre conscience, quand on ne démêle encore — et au temps de Montesquieu on était loin d’être aussi avancé que nous sommes — quand on ne démêle que les plus superficielles réactions et les plus grossiers enchaînements de phénomènes, il est impossible de déterminer ce qu’il aurait fallu ôter ou retrancher d’énergie humaine ou de travail législatif pour détourner ou barrer le cours des événements.

454. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

C’est ainsi que ses poèmes mûrissent pendant des années avant de se produire au grand jour, selon le précepte d’Horace que Jasmin a retrouvé à son usage, et c’est ainsi que ce poète du peuple, écrivant dans un patois populaire et pour des solennités publiques qui rappellent celles du Moyen Âge et de la Grèce, se trouve être en définitive, plus qu’aucun de nos contemporains, de l’école d’Horace que je viens de nommer, de l’école de Théocrite, de celle de Gray et de tous ces charmants génies studieux qui visent dans chaque œuvre à la perfection. […] L’art qui produit les vers un à un ne peut entrer en concurrence avec la fabrique… Donc, ma muse se déclare d’avance vaincue, et je vous autorise à faire enregistrer ma déclaration. […] La langue du midi de la France, la plus précoce de celles qui naquirent du latin après la confusion de la barbarie, cette langue dite provençale-romane était arrivée à une sorte de perfection classique durant le xiie  siècle, de 1150 à 1200 ; elle avait produit en poésie des œuvres diverses et des plus distinguées, et elle était en plein épanouissement lorsqu’elle fut violemment dévastée et ravagée au commencement du xiiie  siècle, dans la guerre dite des Albigeois (1208-1229). […] Ce qui fait que la poésie de Jasmin produit tant d’effet, c’est que tout en lui est d’accord, tout coule de source : on sent que l’homme et le poète ne sont qu’un ; et, comme l’homme est à la hauteur du poète, on s’abandonne bien vite, en l’écoutant, à la sincérité de l’impression qu’il partage.

455. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Il en résulte un effet d’optique tel que ces lignes semblent partir d’un objet particulier qui serait placé en dehors du champ de la connaissance expérimentale, « de même que les objets paraissent être derrière le miroir où on les voit. » III Idée de vérité absolue et universelle Les platonisants font de l’idée de « vérité » le produit d’une « conscience intellectuelle » supérieure à la conscience sensible. — Nous croyons tous, disent-ils, à l’objectivité, à l’existence réelle du monde extérieur ; nous avons donc une conscience intellectuelle qui, en pensant le monde extérieur, l’affranchit de la subjectivité de la conscience sensible et l’érige en vérité. […] 2° — Nous ne trouvons en nous, dit Descartes, que la puissance de progrès ; or la perfection est en acte, non pas seulement en puissance ; donc ridée de perfection ne peut avoir en nous son origine. « Peut-être, s’objecte Descartes à lui-même, que je suis quelque chose de plus que je ne m’imagine, et que toutes les perfections sont en quelque façon en moi en puissance, quoiqu’elles ne se produisent pas encore et ne se fassent point paraître par leurs actions. […] La science produit, par exemple, la puissance et le bonheur. […] L’impossibilité pour la volonté et la pensée de sortir de sa propre nature crée la nécessité subjective, laquelle produit la nécessité et l’universalité objectives.

456. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Quoiqu’on ait essayé, dans ce pays de la rêverie, qui est aussi la terre de la raison, les dogmes n’ont pu y revivre ; et si l’on s’est beaucoup efforcé pour, au moins, les galvaniser, c’est que sous ces dogmes on cachait une pensée qui n’est pas toujours libre de se produire dans sa hardiesse et dans sa force. […] Quand l’ancien pasteur de Schaffouse écrivait son Innocent III, les circonstances qui ont déterminé depuis sa conviction en ébranlant sa sensibilité ne s’étaient pas produites. […] Cela seul produisit un mal immense que toute sa vie ne put racheter. […] Après Innocent, le mouvement d’indépendance qu’on avait voulu comprimer se produisait toujours, et en 1222 les bulles d’Honorius III ne faisaient déjà plus naître de croisés contre l’Albigeois.

457. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Que nos graves adversaires regardent autour d’eux : le sot de 1780 produisait des plaisanteries bêtes et sans sel ; il riait toujours ; le sot de 1823 produit des raisonnements philosophiques, vagues, rebattus, à dormir debout, il a toujours la figure allongée ; voilà une révolution notable.

458. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

C’est pourquoi, lorsque nous voulons comprendre notre situation présente, nos regards sont toujours ramenés vers la crise terrible et féconde par laquelle l’Ancien Régime a produit la Révolution, et la Révolution le Régime nouveau. […] Il n’y a qu’eux pour nous faire voir en détail et de près la condition des hommes, l’intérieur d’un presbytère, d’un couvent, d’un conseil de ville, le salaire d’un ouvrier, le produit d’un champ, les impositions d’un paysan, le métier d’un collecteur, les dépenses d’un seigneur ou d’un prélat, le budget, le train et le cérémonial d’une cour.

459. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Il a fallu, pour produire cette pauvre forme d’embryon, il a fallu que la population gallo-celtique de la Gaule fût réduite sous la loi de Rome, qu’elle prît les mœurs, la culture, la langue de ses vainqueurs, que l’empire romain et la culture latine, formes vénérables et vermoulues, tombassent en poussière au contact, non hostile, mais brutal, des barbares, et que les Francs, fondus dans la masse gallo-romaine, y déterminassent cet obscur travail, d’où sortirent ces deux choses, une race, une langue française. […] Donc la primitive province romaine, et tout ce vaste bassin de la Garonne où le premier élément de la race est fourni par un fond indigène de population non celtique mais ibère, d’autres régions encore, comme l’Auvergne et le Limousin, presque la moitié de la France ne parlait pas français, et ne produisit pas au moyen âge une littérature française.

460. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Nous voyons par exemple un musicien médiocre ne produire qu’un effet médiocre avec un excellent instrument, et au contraire un excellent musicien produire un admirable effet avec un instrument médiocre.

461. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Un poëme, ainsi qu’un tableau, ne sçauroit produire cet effet, s’il n’a pas d’autre mérite que la régularité et l’élegance de l’execution. […] Un homme qui invente mal, qui produit sans jugement, ne mérite pas le nom d’inventeur.

462. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Comment négliger de marquer que le sol d’où sortit ce maître est le même qui produisit Turenne et que l’un et l’autre représentent la discipline la plus haute de cet esprit français que des plaisantins et des irrespectueux veulent trop souvent définir par la nomenclature de nos vaudevillistes plus ou moins amusants à travers les âges ?‌ […] On peut encore rappeler utilement que ce territoire produisit le savant et mystique Gerson, Mabillon, l’une des gloires de notre érudition nationale.

463. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

La musique française n’a pas produit d’art ? […] L’année dernière, Lohengrin devait être joué à l’Opéra-Comique, lorsque se produisit la honteuse et lâche cabale que l’on n’a pas oubliée. […] Le jardin, pendant le dialogue, semble, comme un autre Paradou, les écouter et envelopper Parsifal de sa chaude étreinte ; les divers plans de fleurs et de feuillages colorés, déjà transparents, semblent se rapprocher et s’éloigner les uns des autres, glissant doucement et toujours, et produire comme une aspiration irrésistible, une fascination autour de Kundry étendue… Et Parsifal est enveloppé dans cette involution, cette constriction du milieu brillant et chaudement coloré qui ne se dissipera que quand le charme cessera d’opérer, quand Kundry suppliante sera dominée par un autre charme plus violent, la vision d’Amfortas, la blessure, qui, désormais, triomphante, appelle Parsifal loin d’elle, la lance en main, dans la ruine soudaine et définitive de toute cette hostilité magique dont il ne reste plus que la malédiction de Kundry et l’erreur attachée au héros vainqueur. […] Schuré et Ernst ont adressé à Wagner à ce sujet, il n’était pas nécessaire de plus développer ce caractère et cette attitude de magie, dont l’influence doit être vague et surtout se comprendre d’après les effets qu’elle produit sur la sainteté du Gral. […] La Chronique : Un double courant d’idées s’est produit dans les différents articles publiés par ce journal.

464. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Après avoir donné le plan, élargi depuis, des livres qu’il devait produire pour harmoniser une Œuvre-une, il répudiait les « recueils de vers », pour n’admettre que l’œuvre capitale de l’artiste. […] Georges Bonnamour a produit la série de romans que l’on sait où triomphent sans doute les pénétrantes et poétiques études : Trois femmes, Trois hommes, Le vent emporte la poussière. […] Mais, tout naturellement, il manque, lui, de cet art d’admirable équilibre, produit d’un long essai, d’une longue patience. […] Nous comprenons qu’il se produisit tout naturellement, de Mallarmé non encore en possession d’une volonté soutenante, vers Baudelaire aux puissances tant concentrées, un transport passionné ! […] Quels sont les thèmes nouveaux, capables d’universelle émotion, qui, de cette complexe et simultanée Figuration, doivent produire une communion nouvelle ?

465. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

L’illustre dominicain aurait-il produit mieux encore que l’œuvre qui honore le plus l’esprit humain ? […] Cela a permis au goût individuel de se produire d’une façon souvent piquante. […] Dans les exagérations morales il arrive tout ce que nous voyons se produire dans les difformités physiques. […] Espérons toutefois que le voyage de M. le procureur général pourra produire quelques utiles modifications. […] C’est là un luxe qui, à mes yeux du moins, produit facilement l’encombrement.

466. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Ces grands orateurs composaient leurs sermons et les apprenaient, les récitaient avec plus ou moins d’art ou de naturel : le discours qu’ils savaient le mieux par cœur était celui qu’ils disaient le mieux et qui souvent aussi produisait le plus d’effet. […] Bossuet n’a rien d’un homme de lettres dans le sens ordinaire de ce mot ; ayant de bonne heure connu ces triomphes de la parole qui ne laissent rien à désirer en satisfactions immédiates et personnelles (s’il avait été disposé à les savourer), s’étant dès sa jeunesse senti de niveau avec la haute renommée qui lui était due, naturellement modéré, et avec, cela habitué à tout considérer du degré de l’autel, on ne le voit rechercher en rien les occasions de se produire par la plume et de briller. […] L’abbé Le Dieu n’a peut-être pas sur ces points toute l’exactitude et la connaissance de détail qu’on désirerait : ce qui du moins reste bien manifeste, c’est que la littérature profane, en prenant alors une grande place dans les études de Bossuet, n’y envahit rien, n’y empiète point sur le reste ; elle a ses limites arrêtées à l’avance : bien qu’on nous dise qu’il lui arrivait quelquefois de réciter des vers d’Homère en dormant, tant il en avait été frappé la veille, il n’éprouva jamais dans ces sortes de lectures cette légère ivresse poétique qui, dans l’âme et rimagination séduite de Fénelon, se produira par le Télémaque.

467. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Le règne de Louis XIV avait trop duré : la dernière partie de ce règne produisit un bon nombre d’esprits, très sensibles aux défauts, aux abus et aux excès d’un si long régime, qui passèrent à une politique tout opposée et rêvèrent une amélioration sociale moyennant la paix, par de bonnes lois, par des réformes dans l’État et par toutes sortes de procédés et d’ingrédients philantrophiques. […] Il se produisit, à ce moment, un phénomène assez singulier : sur la fin et comme à l’arrière-saison d’un siècle si riche par l’ensemble et la réunion des plus belles facultés de l’esprit et de l’imagination, on vit paraître plusieurs hommes distingués, et quelques-uns même éminents par certaines parties de l’intelligence, mais notablement privés et dénués d’autres facultés qui se groupent d’ordinaire pour composer le faisceau de l’âme humaine : — Fontenelle en tête, le premier de tous, une intelligence du premier ordre, mais absolument dénué de sensibilité ; La Motte, l’abbé Terrasson, qui l’un et l’autre, avec l’esprit très perspicace sur bien des points, raisonnaient tout à côté comme s’ils étaient privés de la vue ou du goût, de l’un des sens qui avertissent. […] Vers cette date de 1686, quand on parlait des réunions du faubourg Saint-Jacques, on pensait généralement à Messieurs de Port-Royal, dont les derniers débris s’y rassemblaient avec mystère ; on était disposé à se les exagérer, soit qu’on les admirât ou qu’on les craignît ; on ne se doutait pas qu’il y avait là, tout près d’eux, quatre ou cinq jeunes gens encore ignorés, à la veille de se produire, animés de l’esprit le moins théologique, et qui feraient faire aux idées et aux sciences bien plus de chemin désormais que tous ces jansénistes dont les coups étaient depuis longtemps portés, qui avaient vidé leur carquois depuis Pascal, et qui finissaient de vider leur sac avec Arnauld.

468. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Topffer le père, non moins passionné qu’eux pour son art, c’était des joutes de dessins, de lavis, qui produisaient dans la soirée une foule de vivantes pages. […] Son séjour à ces tristes bains produisit un charmant cahier de paysages qui fut publié au bénéfice des pauvres baigneurs de l’endroit. Ces bains d’ailleurs n’avaient produit aucun résultat ; l’affaiblissement, la maigreur augmentaient ; une fatigue insurmontable enchaînait déjà le malade sur un canapé.

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