Destouches est le témoin d’une modification-profonde qui s’est produite dans le sentiment du public. […] Une âme sensible est celle qui comprend les occasions où elle doit sentir, et qui produit avec le plus de vivacité possible toutes les actions extérieures qui répondent à ces occasions de sentir. […] Car un fait curieux se produisit. […] Mais il ne produit pas une œuvre où il y ait lieu de s’arrêter aujourd’hui.
La même conception humanitaire et démocratique qui a produit, dans un style direct et subjectif, le galimatias apocalyptique d’un « Jocrisse », donne, dans une forme objective et mythique, un chef-d’œuvre réellement unique. […] De là ces énumérations écrasantes dont il nous étourdit : sa vanité, de plus, s’y détecte dans une apparence de science qui produit l’impression d’un monstrueux pédantisme. […] Je ne lui reprocherai pas d’avoir peu produit : ce peut être d’un sage autant que d’un stérile. […] Son dégoût d’être ne paraît pas un produit de mésaventures biographiques : il se présente comme une conception générale, supérieure à l’esprit qui se l’applique885.
L’histoire, remarquez-le, ainsi vue à distance, subit une singulière métamorphose, et produit une illusion, la pire de toutes, celle qu’on la croie raisonnable. […] On veut dans ce présent, et dès le jour même, des produite nets comme on se figure qu’ils ont eu lieu dans le passé. […] On supprime toutes les forces qui n’ont pas produit leur effet et qui auraient pu cependant le produire.
Chaque grande époque produit de ces esprits qui sont faits avant tout pour la servir, qui s’en enflamment, qui s’en enivrent, et qui ne datent que d’elle en quelque sorte. […] Voici en ce sens quelques vers qui ne me semblent nullement méprisables : À former les esprits comme à former les corps, La Nature en tous temps fait les mêmes efforts ; Son Être est immuable, et cette force aisée Dont elle produit tout ne s’est point épuisée : Jamais l’astre du jour qu’aujourd’hui nous voyons N’eut le front couronné de plus brillants rayons ; Jamais dans le printemps les roses empourprées, D’un plus vif incarnat ne furent colorées : Non moins blanc qu’autrefois brille dans nos jardins L’éblouissant émail des lis et des jasmins, Et dans le siècle d’or la tendre Philomèle, Qui charmait nos aïeux de sa chanson nouvelle, N’avait rien de plus doux que celle dont la voix Réveille les échos qui dorment dans nos bois : De cette même main les forces infinies Produisent en tout temps de semblables génies. […] La Renaissance avait produit son effet ; elle avait inondé et pénétré toutes les branches de l’esprit ; elle les avait même encombrées.
Mais comme la nature ne nous montre nulle part ce modèle ni total ni partiel, comme elle produit tous ces ouvrages viciés ; comme les plus parfaits qui sortent de son attelier ont été assujettis à des conditions, des fonctions, des besoins qui les ont encore déformés, comme par la seule nécessité sauvage de se conserver et de se reproduire, ils se sont éloignés de plus en plus de la vérité, du modèle premier, de l’image intellectuelle, en sorte qu’il n’y a point, qu’il n’y eut jamais, et qu’il ne peut jamais y avoir ni un tout, ni par conséquent une seule partie d’un tout qui n’ait souffert ; scais-tu, mon ami, ce que tes plus anciens prédécesseurs ont fait. […] Avec le tems, par une marche lente et pusillanime, par un long et pénible tâtonnement, par une notion sourde, secrette, d’analogie, acquise par une infinité d’observations successives dont la mémoire s’éteint et dont l’effet reste, la réforme s’est étendue à de moindres parties, de celles-cy à de moindres encore, et de ces dernières aux plus petites, à l’ongle, à la paupière, aux cils, aux cheveux, effaçant sans relâche et avec une circonspection étonante les altérations et difformités de nature viciée, ou dans son origine, ou par les nécessités de sa condition, s’éloignant sans cesse du portrait, de la ligne fausse, pour s’élever au vrai modèle idéal de la beauté, à la ligne vraie ; ligne vraie, modèle idéal de beauté qui n’exista nulle part que dans la tête des Agasias, des Raphaëls, des poussins, des Pugets, des Pigals, des Falconnets ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont les artistes subalternes ne puisent que des notions incorrectes, plus ou moins approchées que dans l’antique ou dans leurs ouvrages ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie que ces grands maîtres ne peuvent inspirer à leurs élèves aussi rigoureusement qu’ils la conçoivent ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie au-dessus de laquelle ils peuvent s’élancer en se jouant, pour produire le chimérique, le sphinx, le centaure, l’hippogriphe, le faune, et toutes les natures mêlées ; au-dessous de laquelle ils peuvent descendre pour produire les différents portraits de la vie, la charge, le monstre, le grotesque, selon la dose de mensonge qu’exige leur composition et l’effet qu’ils ont à produire, en sorte que c’est presque une question vuide de sens que de chercher jusqu’où il faut se tenir approché ou éloigné du modèle idéal de la beauté, de la ligne vraie ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie non traditionelle qui s’évanouit presque avec l’homme de génie, qui forme pendant un tems l’esprit, le caractère, le goût des ouvrages d’un peuple, d’un siècle, d’une école ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont l’homme de génie aura la notion la plus correcte selon le climat, le gouvernement, les loix, les circonstances qui l’auront vu naître ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie qui se corrompt, qui se perd et qui ne se retrouveroit peut-être parfaitement chez un peuple que par le retour à l’état de Barbarie ; car c’est la seule condition où les hommes convaincus de leur ignorance puissent se résoudre à la lenteur du tâtonnement ; les autres restent médiocres précisément parce qu’ils naissent, pour ainsi dire, scavants.
En somme, la valeur d’une chose serait simplement la constatation des effets qu’elle produit en raison de ses propriétés intrinsèques. […] Ces variations ne sont pas le produit de l’aveuglement humain ; elles sont fondées dans la nature des choses. […] S’il était le produit de la raison individuelle, d’où lui pourrait venir cette impersonnalité ? […] C’est que, non seulement toutes les forces de l’univers viennent aboutir en elle, mais de plus, elles y sont synthétisées de manière à donner naissance à un produit qui dépasse en richesse, en complexité et en puissance d’action tout ce qui a servi à le former.
Un fait étant donné, un autre fait devient nécessaire, et l’on dit que le premier a la force de produire l’autre. […] La résolution produit une certaine modification dans le cerveau : voilà toute son œuvre. Celle-ci en produit une dans la moelle, la moelle dans le nerf, le nerf sur le muscle ; c’est le nerf qui agit sur le muscle et ce n’est pas la volonté. […] Nous érigeons cette dépendance en loi générale ; nous sentons que toutes les conditions restant les mêmes, il serait absurde que cette loi fût démentie ; nous prévoyons que la résolution étant donnée, le mouvement se fera ; nous jugeons nécessaire qu’il se fasse, et transportant cette nécessité dans la résolution, nous disons que la résolution est une force et produit le mouvement.
Sans élargir outre mesure le cadre de cette étude, nous pouvons, comme pour la période précédente, tâcher de définir en deux mots le milieu social où se produit le naturalisme. […] Puis l’écrasement des partis monarchiques, la retraite de l’Eglise hors du champ de bataille politique, donnèrent au régime républicain une assiette solide : mais au lendemain de la victoire s’est produit, comme on pouvait s’y attendre, la dislocation de la majorité. […] Ce qui maintient et produit la grande, la retentissante éloquence, ce sont les luttes de principes, les questions universelles : à mesure que les intérêts deviennent plus nombreux et plus pressants, l’orateur est sollicité à devenir un homme d’affaires, capable surtout d’exposer clairement, de discuter précisément, sans bruyants éclats, sans gestes violents, qui troublent l’intelligence et distraient l’attention.
Convaincus que rien n’arrive sans raison d’être, nous ne sommes pas satisfaits, quand nous avons établi la réalité et même l’importance relative de certains phénomènes ; nous nous demandons forcément de quelles causes inconnues ils sont le produit. […] Qui n’est obligé de reconnaître qu’une œuvre, tout en étant le produit direct des aptitudes de l’auteur, est encore déterminée par d’autres causes, dont la recherche est précisément la fonction de l’histoire ? […] Cela se produit surtout pour les écrivains qui ont été prodigues de confidences sur eux-mêmes.
Plusieurs des collaborateurs de la Revue bleue ont précédemment signalé l’évolution profonde qui se produit actuellement en poésie, et dont les manifestations ont déjà retenu l’attention du public et des lettrés. […] Au bout d’un certain temps, les impressions produites, toujours répétées, se mécaniseront pour ainsi dire, dans l’esprit de l’auditeur. […] C’est un phénomène occulte qui se produit dans la subconscience.
* * * L’Académie des Jeux-Floraux — comme toute académie de province — devait apporter sa manifestation contre la Centralisation littéraire Qui produit tant de ravages, Qui pervertit le goût public, Qui n’enfante que des œuvres immorales, Qui danse irrévérencieusement sur les saines traditions et les saintes routines, etc., etc. […] Et dites-moi, je vous prie, quel est l’homme supérieur qui se résignerait aujourd’hui à rentrer dans ce huis-clos étouffant de la décentralisation, et qui s’habituerait à cette pensée : « Tout ce que j’ai dans la tête, toutes ces idées que je sens vivre, marcher, s’agiter dans mon cerveau, je vais les produire au dehors, les formuler dans une magnifique expression, pour qu’elles meurent entre Angoulême et Barbezieux ? […] Que je comprends bien cette parole d’un jeune écrivain plein de sève et de fougue, qui était venu passer six mois dans un département du Midi, six mois de commerce journalier avec des gens qui ne hasardent jamais une idée sans s’être assurés qu’elle a pour elle la prescription : « Si je devais rester ici trois mois de plus, je n’aurais plus la force de produire une pensée. » C’est grâce à la centralisation — maudite et honnie — que sont possibles ces hardies innovations où se retrempent les littératures fatiguées.
Il se fait compter par le genre de talent qui y brille, et qui, plus qu’un autre, impliquerait, pour produire, la nécessité du temps. […] Mais, disons-le, tout cela, si étonnant que ce puisse être, si produisant sur nous l’effet que les bijoux dont elles raffolent produisent sur les femmes, ne serait, après tout, rien de plus que le flamboyant écrin d’un Juif d’Orient venu à la foire de Beaucaire, si derrière toutes les ciselures et les pierreries de cette forme travaillée, exaspérée, diabolisée, qui est celle de Gozlan, il n’y avait pas la réalité toute-puissante, qui n’est plus de l’Orient, mais de l’Occident, et surtout de l’Occident-France, — et qui s’appelle dans ce pays-là simplement « l’esprit » ! […] Ni Les Nuits du Père-Lachaise, où la nature humaine devient, comme les événements, par trop fantastique, — mais qui n’en sont pas moins ce que Léon Gozlan a produit de plus puissant dans l’outrance, comme Le Rêve d’un millionnaire est ce qu’il a fait de plus doux et de plus charmant (rappelez-vous cette tête suave de Reine Linon !)
Tout homme qui produit un ouvrage dans un genre auquel nous ne sommes point préparés, excite aisément notre admiration. […] Or le seul moyen de produire & d’entretenir l’illusion, c’est de ressembler à ce qu’on imite. […] Le préparer, c’est disposer l’action de maniere que ce qui le précéde le produise. […] Il arrive quelquefois que ce qui a produit l’un pour un tems, nuit dans tous les tems à l’autre. […] Ceia posé, voyons ce qui constitue la naïveté dans la fable, & l’effet qu’elle y produit.
L’homme qui a écrit Adolphe, Benjamin Constant, ce produit le plus distingué de la Suisse française, cet élégant musqué du Directoire, ce tribun parisien croisé d’Allemand, était une des natures les plus compliquées et les plus subtiles qui se pussent voir. […] Cette étude faite évidemment sur nature, et dont chaque trait a dû être observé, produit dans l’âme du lecteur un profond malaise moral, au sortir duquel toute fraîcheur et toute vie est pour longtemps fanée ; on se sent comme vieilli avant l’âge.
Dans le commerce des femmes les plus distinguées que la société française ait produites, au contact de ces esprits ex quis qui ont mis, sans y penser, le meilleur d’eux-mêmes dans des œuvres légères et charmantes, nos écoliers compenseront en quoique sorte le défaut de notre système d’éducation qui, jusqu’à l’âge d’homme, les soustrait aux influences féminines. […] Jusqu’à ce que leur intelligence ait acquis un peu de force et de fécondité, permettons-leur les écarts et l’irrégularité, ou plutôt redressons les fautes quand elles se produisent, aux occasions particulières ; n’essayons pas de les prévenir par un règlement universel qui paralyserait les esprits et les empêcherait de remuer.
En notre temps notoirement pratique, où, si peu de chose se créent, du moins aucune ne se perd, le jeune homme qui sait tourner avec une égale aisance, et au gré du jury, une « lettre de Varius à Virgile pour lui faire compliment des Géorgiques », ou un « billet de Maucroix à La Fontaine pour le féliciter de ses Fables », le jeune bachelier songe à ne pas laisser inexploité l’heureux produit d’un naturel de choix et d’une éducation de luxe. […] Des esprits nés sans doute pour créer de belles œuvres sont incités par contagion à produire ces articles méprisables, mais d’une bonne vente courante.
En y réfléchissant, si cela pourtant vaut la peine qu’on y réfléchisse, peut-être trouvera-t-on moins étrange la fantaisie qui a produit ces Orientales. […] Il faut se rappeler que c’est elle qui a produit le seul colosse que ce siècle puisse mettre en regard de Bonaparte, si toutefois Bonaparte peut avoir un pendant ; cet homme de génie, turc et tartare à la vérité, cet Ali-pacha, qui est à Napoléon ce que le tigre est au lion, le vautour à l’aigle.