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2243. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

Si l’on veut en effet se faire une fois le spectateur de sa réflexion solitaire, on s’apercevra qu’on ne pense point avec le langage de tout le monde, et que la rapidité de la conception crée à chaque moment un langage nouveau, hiéroglyphique, symbolique, sténographique surtout, où les mots prennent des sens étranges, lointains, méconnaissables à tous, où ils s’associent selon des affinités créées par les caprices les plus imprévus de notre mémoire, où ils se groupent selon les lois d’une grammaire et d’une syntaxe qui sont un perpétuel défi à la grammaire et à la syntaxe établies. Rien de complet, ni d’achevé : il nous suffit, sans dérouler les pensées dans toute leur étendue, d’en prendre un échantillon et de le fixer à l’endroit convenable.

2244. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Giraud, Albert (1848-1910) »

C’est un des rares poètes qui aient pris pour guide la ligue droite. […] Après avoir manié pendant quelque temps le martelet du joaillier et fabriqué de fins rondels, il a pris le lourd marteau de Vulcain et, dans une auréole d’étincelles et de flammes, il s’est mis à façonner son rêve à l’image de son âme.

2245. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

Devenus les esclaves de la superstition scientifique, nous avons donné aux pédants tout pouvoir sur une activité intellectuelle qui est du domaine absolu de l’instinct ; nous avons cru que notre parler traditionnel devait accueillir tous les mots étrangers qu’on lui présente et nous avons pris pour un perpétuel enrichissement ce qui est le signe exact d’une indigence heureusement simulée. […] Il vaut mieux, à tout prendre, renoncer à l’expression d’une idée que de la formuler en patois.

2246. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Il les justifie encore sur leur familiarité avec les auteurs Latins, dont ils prennent insensiblement le ton, les manières & le stile injurieux ; sur l’indépendance attachée à la profession d’homme de lettres ; sur le goût du public pour la satyre ; plaisantes raisons pour dispenser un sçavant de la première science dont tout homme doit se piquer, celle de sçavoir vivre. […] Il a fallu nécessairement abandonner ici l’ordre chronologique, pour éviter la répétition ennuyeuse des mêmes disputes ; pour ne les pas voir prises & reprises, & souvent effleurées ; pour avoir un but fixe, & ne pas faire un cahos de tant d’objets différens.

2247. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

C’est la Folie & l’Amour qui prennent querelle au sujet du pas de préséance. […] L’affaire bien discutée, Jupiter prend l’avis des dieux, & prononce ainsi : « Pour la difficulté & importance de vos différends & diversité d’opinions, Nous avons remis votre affaire d’ici à trois fois sept fois neuf siècles.

2248. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

Tiens, ma bien-aimée, prends cette branche fleurie de citronnier, que j’ai cueillie dans la forêt. […] Mange ce rayon de miel, je l’ai pris pour toi au haut d’un rocher ; mais auparavant repose-toi sur mon sein, et je serai délassé. » Virginie lui répondait : « Ô mon frère !

2249. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Mais, me direz-vous, vous préférez donc Le Lorrain à Vernet ; car quand on prend la plume ou le pinceau, ce n’est pas pour dire ou pour montrer une chose commune ? […] c’est qu’il ne faut rien commander à un artiste, et quand on veut avoir un beau tableau de sa façon, il faut lui dire, Faites-moi un tableau, et choisissez le sujet qui vous conviendra ; encore serait-il plus sûr et plus court d’en prendre un tout fait.

2250. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

Oui, c’est un sujet à tenter le pinceau d’un grand artiste : Prendre huit verres, remplis chacun d’un vin différent, et les peindre avec une telle vérité qu’on puisse dire, au premier coup d’œil jeté sur la toile, le cru de chaque vin et l’année ! […] Omer, tiens, prends ma carabine.

2251. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

En revanche, la lecture, certaines précautions prises, est un des moyens de bonheur les plus éprouvés. […] Je le félicitai, en lui recommandant de ne pas se faire d’amis, la Bibliothèque nationale regorgeant d’aimables causeurs qui semblent ne pas aimer la lecture des autres et qui se relayent pour vous empêcher de prendre connaissance du livre que vous venez d’ouvrir.

2252. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Ce qui fait l’étonnant mérite de la Princesse de Clèves et de Madame de La Fayette, ce sont les nuances les plus tendres et les plus choisies qu’on ait jamais vues fleurir, un matin, dans la délicatesse humaine, et que madame de la Fayette nous a offertes avec l’adorable simplicité qui prend de l’eau de source dans ses belles mains pour nous montrer combien elle est pure. […] Ce fut un dompteur de difficultés ; seulement il ne prit pas dans ses fortes mains, qui auraient pu fermer la gueule des lions, cette petite chose ailée qu’on appelle le style, et, parce qu’il ne l’avait pas, il restera, malgré sa verve d’invention, un grand dramaturge inférieur, quelque chose comme le Shakespeare des portières.

2253. (1888) Portraits de maîtres

Car nous sommes de ceux qui ont toujours pris et proposé de Vigny comme un modèle. […] Aussi se prit-il à traiter des sujets relevant du moyen âge ou tout à fait modernes. […] Il avait pris dans la triple antiquité la sève de sa pensée, le suc de son style. […] Il leur a pris le don de la joie robuste, de la verve ironique, de la bouffonnerie qui fait penser. […] Prenons au hasard une lettre écrite pendant un voyage à Londres (t. 

2254. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

La littérature prit une magnificence somptuaire. […] Dans une nature terrorisée, des paysages prennent une apparence d’enfer. […] Les Parnassiens avaient pris coutume de réunir sous un titre vague et évasif des poèmes composés au hasard, sans suite aucune. […] Il s’éprit des campagnes tourangelles, et comme emblème de son âme, il prit des objets quotidiens et familiers. […] C’est sans doute en ces fréquentions si choisies, qu’il prit cette forme dogmatique que tant d’acerbes esprits lui ont frivolement reprochée.

2255. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Comme le goût tient à la vérité, & qu’il étoit perdu depuis long-temps, le faux prit la place du vrai. […] Les Lettres, sous le règne de Louis XIV, parvinrent au plus haut degré de splendeur, & la nature parut prendre plaisir à s’épuiser, pour rendre le siècle de ce Monarque un des plus célèbres de l’Histoire. […] Au moyen de la foible nourriture qu’on lui donne, il ne prend qu’une consistance factice. […] Il se forma particulièrement sur les Grecs qu’il aimoit, qu’il avoit étudiés & approfondis ; il semble sur-tout qu’il ait pris Eschyle & Sophocle pour modèles & pour maîtres. […] On songea moins alors à rendre l’éducation utile que somptueuse, & la mollesse prit la place de l’austérité des mœurs antiques.

2256. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Mais sur ce terrain le gouvernement central a pris leur place. […] Sur ce sol ruiné par le fisc, il vient prendre une part du produit, tant de gerbes de blé, tant de cuvées de vin. […] Ne prenons que celui des prélats, et par un seul côté, celui de l’argent. […] Dans le bailliage de Pont-l’Évêque, en 1789, on cite quatre exemples « d’assassinats récents commis par les gardes-chasses de Mme d’A., de Mme N., d’un prélat et d’un maréchal de France sur des roturiers pris en délit de chasse ou de port d’arme. […] En France, dit-il, elle est du onzième au trente-deuxième. « Mais on ne connaît rien de tel que les énormités commises en Angleterre, où l’on prend réellement le dixième. » 49.

2257. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Prenons d’abord les plus fréquents, c’est-à-dire les représentations, idées, conceptions que nous avons des objets et notamment des corps extérieurs : par exemple, je me représente la vieille pendule à colonnes qui est dans la chambre voisine. […] Chez les peuples barbares, dans les âmes incultes et enfantines, beaucoup de souvenirs faux prennent ainsi naissance. […] Or, celles-ci subsistent toujours ; un accident peut leur donner la prépondérance ; il s’en faut de peu qu’elles ne la prennent ; une légère altération dans la proportion des affinités élémentaires et dans la direction du travail formateur amènerait une dégénérescence. […] En d’autres termes, si nous les explorons, ils provoquent en nous des sensations de contact, de résistance, de température, de couleur, de forme et de grandeur tactile et visuelle, à peu près analogues à celles que nous éprouvons lorsque par l’œil et la main nous prenons connaissance de notre propre corps. […] Soumis à cette opération, les couples qui composent notre pensée animale prennent un nouvel aspect, et, sous le flot des événements passagers et compliqués, nous apercevons le monde des lois simples et fixes.

2258. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Bonaparte, initié par ce grand homme d’État à la diplomatie européenne, prend de son ministre la science des traditions, mais ne suit en rien ses conseils à longue vue. […] Son rappel des émigrés était une préface à une cour ; son institution de l’ordre de la Légion d’honneur, sacrifice à la vanité qui fonde la vertu civique sur une distinction extérieure puérile en elle-même, comme un ruban sur un habit, préparait les âmes aux faveurs d’un souverain ; il prenait ainsi le privilège de décerner seul l’estime publique. […] Le défaut de cette histoire est de prendre trop souvent l’expédient pour droit et l’habileté pour principe de gouvernement. […] Qu’il s’arrêtât sur la route du pouvoir monarchique, et qu’après en avoir pris la souveraineté il en écartât tout ce qu’elle a de bon, c’est-à-dire l’hérédité, ce hasard, il est vrai, mais ce hasard qui coupe la route aux révolutions ? […] L’entretien se porta ensuite sur l’ensemble de la situation, Napoléon soutenant qu’il avait été entraîné à la guerre malgré lui, dans le moment où il s’y attendait le moins et lorsqu’il était exclusivement occupé de l’Angleterre ; l’empereur d’Autriche affirmant qu’il n’avait été amené à prendre les armes que par les projets de la France à l’égard de l’Italie.

2259. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Draghicesco nous semble prendre l’effet pour la cause quand il affirme que la complexité des intelligences individuelles provient de la complexité croissante de l’évolution sociale. […] Draghicesco, partisan de la loi du nombre, prend ses exemples dans la catégorie d’hommes qui réalisent le mieux son idéal du grand homme : les politiciens démocrates, et il arrive à cette énormité qui consiste à faire du vote populaire la mesure de la supériorité d’un homme et le signe d’élection du génie. […] On peut entendre d’abord une science idéale, au sens où Berthelot et Renan prenaient ce mot, science totale ou du moins aspirant à la totalité de la connaissance et se flattant de solutionner une fois pour toutes les questions relatives à l’univers et à l’homme. […] Un conflit apparaît ici comme possible et même comme nécessaire entre deux pragmatismes : un pragmatisme social dans lequel on prend comme mesure de la vérité l’utilité sociale et un pragmatisme individualiste ou égotiste dans lequel on prend comme mesure de la vérité l’utilité individuelle ou même la fantaisie et le caprice individuels21. […] Le pessimisme aristocratique prend lui-même la forme d’un individualisme très particulier que nous appellerons l’individualisme spectaculaire.

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