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222. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Le gentilhomme castillan mène le roi devant les portraits de ses aïeux : d’abord C’est l’aîné, c’est l’aïeul, l’ancêtre, le grand homme, Don Silvius, qui fut trois fois consul de Rome ; puis Galceran, Blas, Christoval, Jorge, Ruy Gomez, Gil, Gaspard, Vasquez dit le Sage. […] Enfin il s’arrête au dernier portrait : Ce portrait, c’est le mien.

223. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Eugénie de Guérin ressemble à ce portrait de sainte Germaine dans lequel on fait passer si gentiment et si chastement à la petite pastoure un ruisseau avec ses pieds nus… Elle n’a pas, en toute sa personne, la moindre nuance de bas-bleuisme. […] Je ne chercherai point ; Quelque habiles que soient à costumer des poupées les petites filles grandies qu’on nomme des femmes, elles ne costument point d’abstraction ; et sous leur plume, je ne crois, moi, comme un beau diable, qu’à des portraits ! II Et pour ne parler que de celle-là, à qui l’Opinion, cette femelle, décerne actuellement le titre d’homme de génie, Mme George Sand, qui, dans sa Lélia, ayant voulu montrer des abstractions et des types revêtus d’une humanité agrandie, a glissé bien vite, de cette hauteur de conception et de résolution, dans cette fatalité des portraits, imposés, de par la nature, à la femme, laquelle ne pense guère que quand elle se souvient.

224. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Pour attirer à celui-ci, on a placé, à son frontispice, le portrait de la Papesse Jeanne, tiare en tête, avec son bâtard dans les bras ; et comme on l’a posée, elle a l’air de rappeler, avec affectation, une image sacrée… Intention lâchement sacrilège ! Le livre nous dit que ce portrait est copié sur le manuscrit de Cologne. Rhoïdis, coupable de son livre, n’est donc pas coupable de cet atroce portrait.

225. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Le portrait qu’il en trace n’est pas du xviiie  siècle… On n’y a jamais peint dans cette manière juste, méprisante, inflexible : « Un singulier homme, ce jeune mari, — dit-il, — ce jeune souverain, que, hors la chasse et les chiens, rien n’intéressait, n’amusait, ne fixait, et que le cardinal — (le cardinal de Fleury) — promenait vainement d’un goût à un autre, de la culture des laitues à la collection d’antiques du maréchal d’Estrées, du travail du tour aux minuties de l’étiquette et du tour à la tapisserie, sans pouvoir attacher son âme à quelque chose, sans pouvoir donner à sa pensée et à son temps un emploi… Imaginez un roi de France, l’héritier de la régence, tout glacé et tout enveloppé des ombres et des soupçons d’un Escurial, un jeune homme, à la fleur de la vie et à l’aube de son règne, ennuyé, las, dégoûté, et, au milieu de toutes les vieillesses de son cœur, traversé des peurs de l’enfer qu’avouait, par échappées, sa parole alarmée et tremblante. […] L’oubli de son personnage de roi, la délivrance de lui-même, toutes choses que ne lui donnait pas la reine, voilà ce que Louis XV demandait à l’adultère, voilà ce que, toute sa vie, il devait y chercher… » Tel il est, ce portrait que je n’ai pas voulu abréger et que je trouve, presque à ma surprise, dans cette histoire de Madame de Châteauroux, dans le récit des amours de madame de Mailly, de ce premier de tous les adultères qui vont suivre ! […] Il avorta lâchement dans la monstruosité… En traçant ce portrait, le peintre qui tenait le pinceau ne l’a pas laissé mollir une seule fois.

226. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Un portrait, gravé par Rajon, et qui doit être ressemblant, car il est copié d’un portrait de famille appartenant aux Poniatowski, nous donne l’idée de cette beauté qui séduisit Catherine à l’âge où cette femme, quand il s’agissait de choisir ses amants, avait son libre arbitre encore. […] V Le portrait gravé par Rajon à la tête du volume, et qui représente ce Roi de beauté créé Roi politique par une femme, nous le montre avec son cou nu de taureau adouci découvert jusqu’à la poitrine, et ses magnifiques épaules pleines de promesses viriles et nonobstant d’une grâce tombante d’épaules de femme.

227. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Ce que j’aime le mieux, ce sont des portraits, parce que ce n’est pas inventé, composé, arrangé. […] Quand je te reverrai, je ferai ton portrait. Donne-moi des nouvelles de tous les tiens et envoie-moi sans faute le portrait de ton fiancé. […] J’avais déjà vu son portrait hier, et je savais qu’il a des yeux splendides (beauté qui manque à L. […] les horribles mastodontes, des gens qui ont des poses et des mains comme sur les vieux mauvais portraits.

228. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

C’est ce que j’ai essayé de déterminer en esquissant ces portraits. […] Études et Portraits, I, p. 62. […] Études et Portraits, I, p. 60. […] Études et Portraits, I, p. 21. […] Études et Portraits, p. 174.

229. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Vos portraits du comte de Maistre sont des portraits d’imagination ; le mien est un portrait d’après nature. […] Je vous ferai son portrait physique comme s’il était là sous ma plume, mais laissez-moi vous transcrire avant le cadre de ce portrait, aussi original et aussi pittoresque que la figure. […] Mais maintenant que nous avons le portrait de cet homme devenu l’entretien du monde, voyons en peu de mots sa vie, et mêlons-y ses œuvres ; car l’homme, la vie et l’œuvre se tiennent indissolublement dans le philosophe, dans le politique et dans l’écrivain. […] le portrait du prince Schwarzenberg. […] XXVII Voilà, comme homme, le véritable portrait du comte de Maistre, avant l’époque où il devint illustre par sa plume : une famille angélique, un époux irréprochable, un père tendre, une piété de femme sucée avec le lait d’une mère, une vertu antique, sauf quelques égarements d’esprit, une ambition honnête, mais trop active et peu modeste, une fidélité à son roi bien récompensée, mais une fidélité impérieuse forçant la main à son gouvernement, enfin un publiciste très contestable et très variable, qui, pour conserver sa réputation d’infaillibilité, corrigeait après coup ses oracles quand la fortune démentait ses prévisions, et qui savait être toujours de l’avis des événements, ces oracles de Dieu.

230. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Quand on parle de Santeul, l’inconvénient et le péril à chaque instant est de tomber dans la caricature ; aussi faut-il avoir sous les yeux le portrait qu’a tracé de lui La Bruyère et n’en jamais sortir. […] Un portrait que je conseillerais encore d’avoir sous les yeux quand on veut parler de lui, c’est celui qui est dans le recueil des Hommes illustres de Perrault, le beau portrait peint par La Grange et gravé par Edelinck. […] Le portrait extérieur que l’on donne de l’homme, et qui va si aisément à faire grimacer ce gai visage, n’offre pourtant pas une juste idée de l’élégance et de l’esprit qu’il y avait souvent dans ces vers de Santeul, dignes d’une dernière anthologie latine.

231. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Quant à la personne même qui les a écrites, Saint-Simon, si sévère, si injuste pour l’illustre maréchal, son fils, a tracé d’elle, dans sa vieillesse, un portrait unique : « Cette marquise, nous dit-il, était une bonne petite femme sèche, vive, méchante comme un serpent, de l’esprit comme un démon, d’excellente compagnie, qui avait passé sa vie jusqu’au dernier bout dans les meilleures et les plus choisies de la Cour et du grand monde, et qui conseillait toujours « son fils de ne point donner de scènes au monde sur sa femme, de se vanter au roi tant qu’il pourrait, mais de jamais ne parler de soi à personne. […] Elle était presque du même âge que le roi, et celui-ci l’aimait déjà sur ses portraits et sur le rapport de quelques seigneurs qui avaient vu en France la jeune princesse. […] Son corps fut porté à l’Escurial, dans la sépulture des Princes à côté du Panthéon. » On le traitait jusqu’au bout en fils de roi, bien qu’il y eût fort à dire sur l’authenticité et la légitimité de cette bâtardise ; mais Philippe IV l’avait reconnu — Le marquis de Villars a tracé de lui le portrait suivant, qui, dans un ton simple, est d’une belle langue : « Sa naissance lui avait donné un grand rang et de grands emplois, mais on ne vit point la suite de sa vie répondre à cette éducation : on le vit malheureux dans la plupart de ses entreprises, souvent battu à la guerre, toujours éloigné de la Cour ; son dernier malheur fut d’être devenu enfin la première personne de l’État. […] Un beau volume, avec portrait, imprimé à Londres, 100 exemplaires seulement sont en vente ; Paris, Klincksieck, rue de Lille.

232. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Guizot, le portrait d’un philosophe pur, d’un savant et d’un critique de bonne foi qui ne recule devant aucun problème, devant aucune solution, devant aucune absence de solution. Le portrait ne sera ni flatté ni noirci : je tâcherai seulement qu’il soit fidèle, et qu’il exprime la parfaite idée de l’esprit critique en ces matières, tel que je le conçois. […] Dans ce qu’il nous offre comme une solution générale, je reconnais et j’étudie avant tout l’empreinte personnelle distincte : là où il prétend me donner une philosophie, une théologie, je vois un homme, l’homme d’État, l’historien encore, et son portrait, en achevant de se graver dans mon esprit, n’obtient et n’entraîne rien de plus sûr ni de plus sincère que mon respect 21. […] Il ne serait pas exact de penser, comme paraît l’avoir cru l’illustre écrivain, d’après une autre lettre de lui écrite à la même date et dont j’ai eu communication, que ce « philosophe critique, sans femme, sans enfants, sans affaires, spectateur curieux et douteur, ce soit moi-même », et que j’aie mis là mon portrait en regard du sien.

233. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Il eut dans le monde une autre maîtresse très agréable et l’une des femmes les plus distinguées d’alors, Mme d’Aligre, née Turgot, la même que La Bruyère a célébrée dans l’un de ses portraits les plus flatteurs. Ce portrait est très singulier de physionomie chez La Bruyère, et ressemble tout à fait pour la forme à quelque page moderne. […] Je ne sais si Mme d’Aligre mena La Bruyère plus loin que l’amitié ; quant à Chaulieu, qui la posséda, la perdit et la reconquit tour à tour, il l’a célébrée elle et sa grâce, son esprit de saillie, ses vivacités brillantes et ses infidélités même, d’une manière qui fait un contraste piquant, mais non pas un désaccord avec le portrait nuancé de La Bruyère. […] Quatre ou cinq pièces de lui seulement seraient à lire, et il y gagnerait : Fontenay, La Retraite, son Portrait à La Fare, quelques vers sur la goutte, quelques autres Sur la mort, et puis c’est tout.

234. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

Renée, dans un intéressant chapitre, a tracé avec une parfaite justesse le portrait de ce roi qu’il ne s’agit pas d’idéaliser, à cause de son suprême malheur ; c’est assez que le respect contienne la plume lorsque l’historien est obligé de noter en lui, à côté des vertus et de l’honnêteté profonde, l’absence totale de caractère et de relever les défauts habituels de forme, de dignité extérieure et de convenance qui, par malheur, n’étaient pas secondaires dans ce premier rang qu’il occupait. Je recommande dans ce même chapitre (le chapitre iv) les portraits de la reine et des princes de la famille royale.

235. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Le roi savait la douleur profonde que madame de Maintenon ressentait de la perte de cet ami : il fait placer le portrait du maréchal d’Albret dans la galerie de Maintenon. Et cependant madame de Maintenon n’était point heureuse : on devinera aisément pourquoi, en lisant ce qu’elle écrivait à son frère après un nouveau séjour à Maintenon, « Maintenon, dit-elle, est fort embelli ; en entrant dans la galerie, la première chose que j’ai vue, c’est le portrait du maréchal d’Albret : j’ai pleuré.

236. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Examen du clair-obscur » pp. 34-38

On lui envoya un beau portrait de son père, en pied, avec une belle perruque, un bel habit, de beaux bas, une belle tabatière à la main. […] Je vous avais demandé mon père de tous les jours, et vous ne m’avez envoyé que mon père des dimanches… C’est par la même raison que M. de La Tour, si vrai, si sublime d’ailleurs, n’a fait du portrait de M. 

237. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

De grands seigneurs retirés, de belles dames oisives s’amusent à démêler les nuances des termes pour en composer des maximes, des définitions et des portraits. […] Tous les récits, tous les portraits, tous les exposés d’affaires pourraient être détachés et proposés en modèle dans les écoles, avec les chefs-d’œuvre de la tribune antique. […] Il n’y a de vivant au dix-huitième siècle que les petites esquisses brochées en passant et comme en contrebande par Voltaire, le baron de Thundertentrunck, mylord Whatthen, les figurines de ses contes, et cinq ou six portraits du second plan, Turcaret, Gil Blas, Marianne, Manon Lescaut, le neveu de Rameau, Figaro, deux ou trois pochades de Crébillon fils et de Collé, œuvres où la familiarité a laissé rentrer la sève, que l’on peut comparer à celles des petits-maîtres de la peinture, Watteau, Fragonard, Saint-Aubin, Moreau, Lancret, Pater, Baudouin, et qui, reçues difficilement ou par surprise dans le salon officiel, subsisteront encore, lorsque les grands tableaux sérieux auront moisi sous l’ennui qu’ils exhalaient. […] Les portraits par Dorine, dans le Tartufe, I, 1. — Le portrait de l’hypocrite par don Juan (Festin de Pierre, V, 2).

238. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

En attendant, je me contente d’un récit qui m’en apprend assez sur les causes de la guerre pour que je ne confonde pas cette conquête manquée avec une guerre juste, et l’ambition du roi avec la querelle de la France ; qui des luttes intérieures de la Hollande fait ressortir cette triste vérité, que l’invasion même ne réconcilie pas les partis ; qui m’intéresse aux deux nations, à la Hollande par la justice et par le respect du faible, à la France par le patriotisme et l’amour de la gloire ; qui, parmi plusieurs portraits d’un dessin aussi juste que brillant, me laisse imprimées dans l’esprit les deux grandes figures royales du siècle, Louis XIV et Guillaume III, esquissées comme certains croquis de grands maîtres, dont le crayon ne laisse plus rien à faire au pinceau. […] Le premier est une histoire familière de la cour de Louis XIV ; vrai tableau, ou plutôt vraie galerie de tableaux imposants et charmants, au-dessus desquels domine, tracé d’une main libre, pour l’histoire et non pour la tragédie, le portrait du grand roi. […] Il y a là encore des portraits, ceux de nos pères par l’esprit, de ces beaux génies qui, selon les paroles de Voltaire, « ont préparé des plaisirs purs et durables aux hommes qui ne sont point encore nés. » Rien n’a vieilli des jugements sommaires et pourtant si pleins qu’il en a portés ; la critique la plus profonde ne réussit qu’à nous en donner les motifs. […] Et pourtant, dans la passion de l’incrédule, l’impartialité du génie se fait jour par moments, et de la même plume qui rapetissait les choses il a tracé des personnes des portraits qui les grandissent. […] Le promoteur de la première croisade, Pierre l’Ermite, c’est « Coucoupètre ou Cucupiètre, ce Picard qui marche à la tête de l’armée, en sandales et ceint d’une corde, nouveau genre de vanité. » L’éloquence de saint Bernard lui vaut quelque justice ; mais Voltaire s’en rachète bien vite aux yeux de Frédéric, par un portrait de saint Bernard « refusant l’emploi de général pour se contenter de celui de prophète, prêchant partout en français à des Allemands, et prédisant des victoires à des armées qui sont battues. » Pour saint Louis, auquel il n’a pas nui, aux yeux de Voltaire, d’avoir tenu tête à Rome, il l’admire sincèrement ; mais Saladin lui est plus cher.

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