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461. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

L’occasion d’entendre sur ce sujet l’opinion de nos poètes est rare ; pour ceux que leur réputation a portés jusqu’ici à l’Académie,  ç’a été presque toujours une affaire de tactique et de bon ton de ne pas se prononcer : leur discours de réception a ressemblé souvent à un discours du trône, vague et insignifiant à dessein. […] Mais c’est quand M. de Lamartine, au terme de son discours, est venu à jeter un regard en arrière et autour de lui, quand il a porté sur le xviiie  siècle un jugement impartial et sévère, quand il s’est félicité de la régénération religieuse, politique et poétique de nos jours, qu’il appelle encore une époque de transition, et qu’il s’est écrié prophétiquement : « Heureux ceux qui viennent après nous ; car le siècle sera beau » ; — c’est alors que l’émotion et l’enthousiasme ont redoublé : « Le fleuve a franchi sa cataracte, a-t-il dit ; plus profond et plus large, il poursuit désormais son cours dans un lit tracé ; et, s’il est troublé encore, ce ne peut être que de son propre limon. » Puis il a insinué à l’Académie de ne pas se roidir contre ce mouvement du dehors, d’ouvrir la porte à toutes les illustrations véritables, sans acception de système, et de ne laisser aucun génie sur le seuil.

462. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Ce qui semblait si puissant et fécond, tant qu’on était sur la rive droite du fleuve, devint tout d’un coup stérile dès qu’on fut porté sur la rive gauche. […] Les coups qu’il a portés, non pas au talent éminent de ces hommes, mais à l’influence prolongée, à l’importance absolue de leurs doctrines, n’ont pas été perdus pour beaucoup d’esprits et ont hâté le désabusement de plusieurs, en même temps que la vieille admiration des autres s’en est émue.

463. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

De plus, il y regne un ton dogmatique & magistral, qui décele un Auteur jaloux de ses petites idées, & indispose contre lui le Lecteur le plus porté à l’indulgence. […] Ange, les d’Abancourt, les Murville, les Viéville & tant d’autres illustres ; nous ne porterons point envie à de si glorieuses félicités ; &, si ce n’est pas assez, qu’après y avoir exercé ses miséricordes, il y fasse de même éclater ses rigueurs.

464. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

Portez-le sur tout ce qui vous affecte. […] Trop de facilité dans les mœurs que vous porteriez dans la Société, finiroit peut-être par les corrompre : trop de misanthropie finiroit sûrement par vous nuire.

465. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

N’est-ce pas porter la question sur le terrain même où le matérialisme a tant d’intérêt à la voir portée ? […] Il faut reconnaître sans doute que, lorsque l’on fait porter un débat sur une question purement expérimentale, on s’engage par là même à changer d’avis, si l’expérience vient à nous donner tort.

466. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Ces deux conjugaisons hébraïque et grecque, l’une si simple et si courte, l’autre si composée et si longue, semblent porter l’empreinte de l’esprit et des mœurs des peuples qui les ont formées : la première retrace le langage concis du patriarche qui va seul visiter son voisin au puits du palmier ; la seconde rappelle la prolixe éloquence du Pélasge qui se présente à la porte de son hôte. […] Un patriarche est porté par ses fils, après sa mort, à la cave de ses pères, dans le champ d’Éphron.

467. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Les grands génies ont plus de choses à faire que les autres, ils sont comme ces arbres qui portent des fruits excellens, et qui dans le printemps poussent à peine quelques feüilles, lorsque les autres arbres sont déja tous couverts de leurs feüillages. […] Mais cette raison prématurée, ne vient que du peu de vigueur de leur esprit : ils se portent bien, plûtôt parce qu’ils n’ont pas de mauvaises humeurs, que parce qu’ils ont un corps robuste.

468. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Il portait sa barbe à peu près comme Alfred de Musset, qu’il avait tant aimé, et sa bouche eût été aisément sensuelle. […] Taine, par exemple, portait volontiers, l’après-midi, une étroite cravate noire, en satin, comme celles que l’on met le soir.

469. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Ils portent en eux, ces Bretons, les conditions du gouvernement d’eux-mêmes et des autres : ils sont réfléchis, ils sont audacieux et ils sont persévérants. […] Devions-nous au Piémont les débarquements scandaleux d’une armée piémontaise en Sicile pendant que ses ambassadeurs assuraient le roi de Naples de son respect pour ses États, et que les ambassadeurs de Naples portaient à Turin une constitution fraternelle en gage de paix et d’alliance ? […] Non, nous ne devons rien de tout cela au roi de Piémont, lors même que, pour légitimer ces énormités monarchiques, il se servirait du beau prétexte de la liberté à porter aux peuples. […] Il portait un défi personnel aux rois et aux peuples, au-dessus desquels il se plaçait ; il était le grand hors la loi, ex lege, du droit des nations. […] Ni l’Angleterre, à cause de la Belgique ; ni la Prusse, à cause des limites du Rhin ; ni la Russie, à cause du Danube, ne porteront défi à ces douze cent mille hommes, soldats de la paix.

470. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

VIII Et moi aussi, lui disais-je, j’ai porté mon refus de service au roi nouveau, favori, complice peut-être de la fortune. […] J’avais porté le poids d’un interrègne, j’avais contribué à remettre la France debout, et la France sous le nom de République ; la République s’était hâtée d’être ingrate ; elle avait remis l’épée à un soldat. […] Sans jamais conspirer, ni même agiter son pays, il allait souvent porter l’hommage de sa fidélité à la cour des rois tombés. […] Ce costume est à peu de chose près celui que portent les hommes arabes ; mais, par sa richesse, il n’aurait pu appartenir qu’au chef d’une tribu. […] « — Que n’avez-vous pu, dis-je alors, porter vos secours à un autre voyageur, dont l’entreprise devait être plus utile encore, le malheureux Ali-Bey !

471. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Tant que je vivrai, je me souviendrai de certaines heures de l’été que je passais couché sur l’herbe dans une clairière des bois, à l’ombre d’un vieux tronc de pommiers sauvages, en lisant la Jérusalem délivrée, et de tant de soirées d’automne ou d’hiver passées à errer sur les collines déjà couvertes de brouillards et de givre, avec Ossian ou Werther pour compagnon ; tantôt soulevé par l’enthousiasme intérieur qui me dévorait, courant sur les bruyères comme porté par un esprit qui empêchait mes pieds de toucher le sol, tantôt assis sur une roche grisâtre, le front dans mes mains, écoutant, avec un sentiment qui n’a pas de nom, le souffle aigu et plaintif des bises d’hiver, ou le roulis des lourds nuages qui se brisaient sur les angles de la montagne ; ou la voix aérienne de l’alouette que le vent emportait toute chantante dans son tourbillon, comme ma pensée plus forte que moi emportait mon âme. […] Seulement, de quart d’heure en quart d’heure les deux battants ferrés de toutes les portes de Jérusalem s’ouvraient, et nous voyions passer les morts que la peste venait d’achever, et que deux esclaves nus portaient sur un brancard aux tombes répandues tout autour de nous. […] Il faudrait la force réunie de soixante mille hommes de notre temps pour soulever seulement cette pierre ; et les plates-formes des temples de Balbek en montrent de plus colossales encore, élevées à vingt-cinq ou trente pieds du sol, pour porter des colonnades proportionnées à ces bases ! […] La poésie de nos jours a déjà tenté cette forme, et des talents d’un ordre élevé se sont abaissés pour tendre la main au peuple ; la poésie s’est faite chanson, pour courir sur l’aile du refrain dans les camps ou dans les chaumières ; elle y a porté quelques nobles souvenirs, quelques généreuses inspirations, quelques sentiments de morale sociale ; mais cependant il faut le déplorer, elle n’a guère popularisé que des passions, des haines ou des envies. […] L’idée est mûre, les temps sont décisifs ; un petit nombre d’intelligences appartenant au hasard à toutes les diverses dénominations d’opinions politiques, portent l’idée féconde dans leurs têtes et dans leurs cœurs ; je suis du nombre de ceux qui veulent sans violence, mais avec hardiesse et avec foi, tenter enfin de réaliser cet idéal qui n’a pas en vain travaillé toutes les têtes au-dessus du niveau de l’humanité, depuis la tête incommensurable du Christ jusqu’à celle de Fénélon ; les ignorances, les timidités des gouvernements, nous servent et nous font place ; elles dégoûtent successivement dans tous les partis les hommes qui ont de la portée dans le regard et de la générosité dans le cœur, ces hommes désenchantés tour à tour de ces symboles menteurs qui ne les représentent plus, vont se grouper autour de l’idée seule, et la force des hommes viendra à eux s’ils comprennent la force de Dieu et s’ils sont dignes qu’elle repose sur eux par leur désintéressement et par leur foi dans l’avenir.

472. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il y a d’ailleurs une preuve que, même au plus fort de ses spéculations, loin de négliger l’antiquité, il y puisait des sujets de méditation, et il en portait des jugements pleins de goût. […] Descartes n’exerça donc pas sur son époque cette sorte d’influence qui se manifeste par l’imitation, et qui est comme la livrée qu’un écrivain brillant fait porter à ses contemporains. […] Tout près de lui, les premiers qui portent cette glorieuse marque de liberté, Pascal, le grand Arnauld, l’avaient personnellement connu. […] Descartes a porté la langue française à sa perfection. En même temps que Descartes donnait le premier une image parfaite de l’esprit français, il portait la langue française à son point de perfection.

473. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Il n’en est pas de même, Monsieur, des réclamations qui portent avec elles une apparence de justice, & sont accompagnées des égards, indispensables dans toutes les occasions, & dus à tout Littérateur. […] Permettez-moi, Monsieur, de faire une réflexion sur les motifs qui vous ont porté à agir à mon égard comme vous le faites. […] Plein d'estime pour votre façon de penser & d'agir, je me porterai à tout ce qui pourra vous satisfaire ; mais vous êtes assez généreux pour pardonner à un ennemi aussi abject. […] Ducis me seroit parvenu avant qu'on eût achevé d'imprimer l'article Voltaire, de la nouvelle Edition des Trois Siecles, cette lecture ne m'auroit rien fait changer au jugement que j'ai porté de cet Ecrivain célebre. […] Son but étoit de la porter à solliciter des ordres contre ma liberté, sous prétexte que les hommes que je décriois étoient des hommes de génie & la gloire du Génie François.

474. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Elles portent moins sur le comique lui-même que sur la place où il faut le chercher. […] Un drame, même quand il nous peint des passions ou des vices qui portent un nom, les incorpore si bien au personnage que leurs noms s’oublient, que leurs caractères généraux s’effacent, et que nous ne pensons plus du tout à eux, mais à la personne qui les absorbe ; c’est pourquoi le titre d’un drame ne peut guère être qu’un nom propre. Au contraire, beaucoup de comédies portent un nom commun : l’Avare, le Joueur, etc. […] Seulement, quand il s’agit de la mode actuelle, nous y sommes tellement habitués que le vêtement nous paraît faire corps avec ceux qui le portent. […] Des douaniers, qui s’étaient bravement portés à leur secours, commencèrent par leur demander « s’ils n’avaient rien à déclarer ».

475. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Les observations qui précèdent ne portent que sur la manière dont M.  […] Jusque-là, l’action s’était confondue avec la passion, dont elle pouvait justement porter le nom. […] Tout saint a porté en lui les deux sortes de dons qui distinguent Dante et Goethe. […] Certes cette amitié n’était ni facile ni indulgente, elle ne se portait pas sur le premier venu, mais qu’elle était précieuse et rare ! […] Les impressions nées exclusivement de la lecture portent pour titre le Monde des livres.

476. (1774) Correspondance générale

Adieu, mon cher maître, portez-vous bien et aimez-moi toujours. […] Portez-vous mieux. […] Adieu, bonjour, portez vous bien : aimez-moi comme je vous aime, et vous m’aimerez beaucoup. […] Imaginez qu’une fille portait sur ses bras quatre paires de ces draps. […] Bonjour, portez-vous bien.

477. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Entouré de flatteurs de bas étage qui comptaient se servir de lui et l’exploiter, ivre la plupart du temps, se croyant un grand soldat et fier de son admiration servile, non pour le génie, mais pour les uniformes et les parades du grand Frédéric, il avait fait venir du Holstein tout un détachement, une troupe à lui (1,300 hommes), qu’il fit camper près d’Oranienbaum, et qu’il soignait comme la prunelle de ses yeux ; il s’en fit le colonel, n’en porta plus que l’uniforme et s’aliéna l’opinion russe par cette affectation tout allemande. […] Dans cette atmosphère imprégnée de vin et de tabac où il vivait et qu’il portait avec lui, il avait acquis (ce qui est désagréable à dire, mais ce qui était encore plus odieux à éprouver) une odeur particulière, sui generis, qui le rendait insupportable, inabordable en certaines saisons. […] La disgrâce de Bestoucheff, avec qui elle se trouvait, à quelque degré en liaison et en intelligence, fit redoubler autour d’elle les précautions, les entraves, et la porta un moment à un parti qui semblait désespéré : c’était de demander tout net à l’Impératrice son renvoi de Russie et de mettre en quelque sorte le marché à la main à ceux qui la persécutaient.

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