/ 2077
614. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Vous voyez qu’après avoir placé mon peuple antérieur sur le second plateau (de l’Asie) et sous les remparts de Gog et de Magog, il faut bien que je m’en défasse, puisqu’il a cessé d’exister. […] Je considérais que j’avais joui jusqu’alors d’une réputation littéraire qui m’avait coûté des années à acquérir, et que, placé dans un jour et dans un éclat que je n’avais point cherché, j’allais la perdre en un moment.

615. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Bernardin de Saint-Pierre s’ennuya fort à l’Île-de-France tant qu’il y vécut, mais revenu de là, et de loin, il ne considéra plus que la beauté des sites, la douceur et la paix des vallons ; il y plaça des êtres de son choix, il fit Paul et Virginie. […] Emma a, dans la position où elle est désormais placée et à laquelle elle devrait se faire, une qualité de trop, ou une vertu de moins : là est le principe de tous ses torts et de son malheur.

616. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Nommé professeur de rhétorique après concours, mais en province, puis placé à Paris, puis désigné pour faire partie de l’École d’Athènes à sa fondation, et retenu au moment du départ, appelé comme précepteur auprès d’un des petits-fils du roi Louis-Philippe (1847), Rigault éprouva, par suite de ce choix, plus de vicissitudes qu’il n’avait dû s’attendre à en rencontrer. […] A la tribune même, nous avons vu Benjamin Constant, placé à la fin entre la gauche qui le réclamait et le roi Louis-Philippe qui lui avait payé ses dettes ; il ne savait réellement que dire, et il était aux abois : vite alors il se retournait sur les légitimistes, faisait une sortie d’éloquence et se remontait en popularité à leurs dépens. — Règle générale : une bonne petite polémique bien nourrie, qui s’éternise et qu’on a sa vie durant, comme cela repose et dispense de chercher !

617. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Racine n’avait pas, comme Mme de Sévigné, de l’imagination à revendre et à tout propos, même à propos de nourrice ; sa folle du logis ne lui échappait pas bon gré, mal gré, à tort et à travers ; il savait où placer la sienne, qui n’était pas du tout une folle, et il la distribuait dans ses ouvrages. […] Aussi ne marche-t-on qu’avec eux, en s’appuyant sur eux, sur ce qu’ils ont dit ; on a dans la mémoire toutes sortes de belles ou jolies sentences, recueillies à loisir et qu’on tient à placer ; on dirige tout son discours, on incline tout son raisonnement pour amener une phrase de Quintilien, pour insinuer une pensée de Cicéron, et l’on est tout content d’avoir échappé ainsi à penser par soi-même et en son propre nom.

618. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Placé à l’entrée de nos deux principaux siècles littéraires, il leur tourne le dos et regarde le seizième ; il y tend la main aux aïeux gaulois, à Montaigne, à Ronsard, à Rabelais, de même qu’André Chénier, jeté à l’issue de ces deux mêmes siècles classiques, tend déjà les bras au nôtre, et semble le frère aîné des poètes nouveaux. […] Regnier avait le cœur honnête et bien placé ; à part ce que Chénier appelle les douces faiblesses, il ne composait pas avec les vices.

619. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

La morale doit être placée au-dessus du calcul. […] Il n’existe aucune manière de prouver qu’elle est toujours d’accord avec cet intérêt, à moins d’en revenir à placer le bonheur de l’homme dans le repos de sa conscience ; ce qui signifie simplement que les jouissances intérieures de la vertu sont préférables à tous les avantages de l’égoïsme.

620. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Rien ne paraît plus contraire aux faits que de placer la règle morale dans une législation promulguée et de la considérer comme le type sur lequel se façonne la conscience individuelle. […] Il fait remarquer que « le point de vue auquel s’est placé M. 

621. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Sans doute on ne peut pas plus comparer La Bruyère à Molière qu’on ne compare le talent de peindre les caractères à celui de les faire agir et de faire sortir leurs traits de la situation où l’art sait les placer ; mais, supérieur à Molière par l’étendue, la profondeur, la diversité, la sagacité, la moralité de ses observations, il est son émule dans l’art d’écrire et de décrire, et son talent de peindre est si parfait, qu’il n’a pas besoin de comédiens pour vous imprimer dans l’esprit la figure et le mouvement de ses personnages. […] Il n’y a qu’à prier Dieu pour un tel homme, et à souhaiter de n’avoir point de commerce avec lui. » On peut s’étonner de voir le beau feu de Benserade placé si près des charmes de La Fontaine.

622. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Il eut de vives impressions au camp devant Mayence dans l’été de 1795, et il les a racontées depuis ; Sterne ne les aurait pas éprouvées ni exprimées différemment : Une partie des gardes avancées de l’attaque de gauche, nous dit-il, était placée dans un jardin anglais, près du village de Monback. […] Trois boutons de roses blanches, qui devaient être offerts à Lina pour sa fête, n’ont fleuri que pour orner son cercueil : « Si je voyais de jeunes femmes, disait l’auteur, placer dans leurs cheveux trois boutons de roses blanches, en mémoire d’un événement réel que j’ai retracé, je le déclare, je serais plus fier que si toutes les Académies de l’Empire décidaient que mon ouvrage est sans défaut. » On m’assure que son vœu fut accompli, et que les roses à la Lina eurent leur mode d’une saison.

623. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

À côté de ces vers, qui ne se trouvent pas dans les volumes de Rome chrétienne, et qui ne sont qu’un premier accent, il faut placer comme tableau original et profond, ce qui est dit de la destruction graduelle et lente des corps humains dans les Catacombes. […] En y regardant bien, vous reconnaîtrez des contours humains : ce petit tas, qui touche à une des extrémités longitudinales de la niche, c’est la tête ; ces deux autres tas, plus petits encore et plus déprimés, placés parallèlement un peu au-dessous, à droite et à gauche du premier, ce sont les épaules ; ces deux autres, les genoux.

624. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

quand il s’agit de placer des fadaises, la tête d’une femme a plus d’étendue qu’on ne pense. » Dans La Sérénade il y a un certain Champagne qui est bien l’ivrogne le plus naturel et le plus franc. […] Placé à côté de Molière, Regnard s’en distingue en ce qu’il rit avant tout pour rire.

625. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Ainsi, dans sa fable de Démocrite et les Abdéritains, il placera sa pensée plus haut que les préjugés du vulgaire. […] Mais au premier rang dans l’ordre de la beauté, il faut placer ces grandes fables morales Le Berger et le Roi, Le Paysan du Danube, où il entre un sentiment éloquent de l’histoire et presque de la politique ; puis ces autres fables qui, dans leur ensemble, sont un tableau complet, d’un tour plus terminé, et pleines également de philosophie, Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes, Le Savetier et le Financier, cette dernière parfaite en soi comme une grande scène, comme une comédie resserrée de Molière.

626. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Quant aux bizarreries réelles des hommes supérieurs, il faut d’abord s’assurer si elles sont spontanées et naturelles, ou si elles ne sont pas reflet d’une sorte de charlatanisme très-ordinaire chez les grands hommes : « Girodet, dit-on, se levait au milieu de la nuit, faisait allumer des lustres dans son atelier, plaçait sur sa tête un énorme chapeau couvert de bougies, et dans ce costume il peignait des heures entières. » J’ai peine à croire que ce soit là autre chose qu’une plaisanterie : en tout cas, c’est une bizarrerie tellement arrangée et si peu naturelle que je n’y puis voir qu’une mystification du bourgeois. […] En effet, le génie peut certainement placer l’homme dans des conditions sociales très douloureuses : la supériorité d’un homme sur son temps peut lui rendre l’existence très difficile, et ainsi devenir pour lui cause occasionnelle de certaines douleurs, qui amèneraient la folie tout aussi bien chez un autre que chez lui, si elles s’y produisaient.

627. (1912) Le vers libre pp. 5-41

D’ailleurs nous ne proscrivons pas la rime ; nous la libérons, nous la réduisons parfois et volontiers à l’assonance ; nous évitons le coup de cymbale à la fin du vers, trop prévu, mais nous soutenons notre rime telle quelle par des assonances, nous plaçons des rimes complètes, à l’intérieur d’un vers correspondant à d’autres rimes intérieures, partout où la rythmique nous convie à les placer, la rythmique fidèle au sens et non la symétrie, ou, si vous voulez, une symétrie plus compliquée que l’ordinaire.

628. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

., tel que serait celui-ci s’il était plus poussé, plus entraîné par la fougue de la passion, placé du reste, dans des conditions un peu différentes, dans une petite ville ou dans un village, etc. » La lecture des romans suppose ainsi comme condition nécessaire du second moment, je veux dire de la réflexion qui juge, une assez grande connaissance des hommes, et je n’entends par là qu’une assez grande habitude d’observer les hommes autour de soi. […] On voudrait le plus souvent que ces livres-ci fussent placés par les auteurs en terre étrangère et donnés comme des relations de voyage.

629. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Cette réconciliation cesse, par une raison contraire à celle qui plaça, dans les sociétés anciennes, les mœurs et les opinions sur deux lignes différentes, et que la suite de cet écrit expliquera. […] Il est à remarquer encore que les femmes, conservatrices des mœurs, sont très habiles à s’élever dans la hiérarchie du monde, et à s’acclimater promptement dans les rangs au-dessus de ceux où elles se trouvent placées par la naissance.

630. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Le livre de l’Amour pourrait donc, malgré tout, même dans les conditions désagréablement physiologiques où il est placé, faire son chemin, qui serait une belle route, mais heureusement le ridicule y est et le rire prend. […] Reconnu presque comme un artiste de génie, dans un pays où le talent, à tort ou à raison, rend imposants ceux qui prêtent le plus au sourire, Michelet a, surtout en ces derniers temps, fidèlement porté à sa boutonnière une fleur de gaieté qu’y plaçaient les autres et qui fleurissait d’un peu de ridicule son talent.

/ 2077