Des personnes qui l’ont approché dans ses dernières années (et le nombre en est petit) me le peignent immobile, renfermé, pratiquant plus que jamais cette opiniâtre passion de se taire : « Je ne vois plus, disait-il, je n’entends plus, je ne me souviens plus, je ne parle plus ; je suis devenu entièrement négatif. » Il s’arrêtait quelquefois au milieu d’une phrase commencée, et disait : « Je ne trouve plus le mot, il se cache dans quelque coin obscur. » Il revenait pourtant encore avec quelque plaisir sur ses anciens jours, et y rectifiait quelques points de récit qui appartiennent à l’histoire. […] Mais il dit seulement à Bonaparte, qui lui demandait pourquoi il ne voulait pas rester consul avec lui, et qui insistait à lui offrir cette seconde place : « Il ne s’agit pas de consuls, et je ne veux pas être votre aide de camp. » Il niait aussi avoir prononcé, dans le jugement de Louis XVI, ce fameux mot : « La mort sans phrase. » Il dit seulement, ce qui est beaucoup trop : La mort. Il supposait que, quelqu’un s’étant enquis de son vote, on aurait répondu : Il a voté la mort, sans phrase ; ce qui a passé ensuite pour son vote textuel.
Parfois nous ne pouvons nous rappeler où nous avons vu un visage, où nous avons lu une phrase, et cependant nous sentons que ce visage n’est pas nouveau, que cette phrase nous est déjà familière, à un degré aussi faible que possible, mais réel. […] « Notre mémoire psychologique ignore le nombre des marches, notre mémoire organique le connaît à sa manière, ainsi que la division en étages, la distribution des paliers et d’autres détails : elle ne s’y trompe pas. » Pour la mémoire organique, ces séries bien définies sont « les analogues d’une phrase, d’un couplet de vers, d’un air musical pour la mémoire psychologique ».
Style haché, coupé, tronçonné, où la trame et la liaison de la phrase ne sont plus, avec des idées jetées comme des couleurs sur la palette, et quelquefois une sorte d’empâtement au pouce… Mais plus haut, et au fond, une terrible menace que ce dernier livre du grand poète, et un peu l’ouverture de la grande Ruine qui sera demain. […] * * * — Personne n’a remarqué, et cependant cela saute aux yeux et aux oreilles, combien la langue de Napoléon Ier, cette langue par petites phrases de commandement, la langue conservée par Las Cases dans le Mémorial de Sainte-Hélène, et encore mieux dans les Entretiens de Roederer, a été prise et mise par Balzac dans la bouche de ses types militaires, gouvernementaux, humanitaires, depuis les tirades de ses hommes d’Etat jusqu’aux tirades de Vautrin. […] était la phrase traditionnelle par laquelle il commençait toujours sa classe. — Marmont a trahi !
Il est convenu et entendu que les filles de ferme n’ont ni l’accent ni la correction de phrase d’une Parisienne. […] Elle est dans l’emploi exclusif des termes usuels qui forment le vocabulaire paysan, dans la coupe des phrases, qui doivent être brèves, très pleines de sens, et ne jamais former une période. […] Je citerai des phrases, des mots, des fragments de conversation ou de mémoires, écrits ou dits non par une seule, mais par dix jeunes filles, à Paris ou en province.
Elles s’essayaient avec tant d’adresse à trouver les mêmes intonations, à dire les mêmes phrases avec les mêmes accents, que souvent il ne devinait pas. […] Quand du haut de sa chaire il laissait tomber cette phrase : « Vous me ferez cent lignes, vous, le petit sucré là-bas ! […] Quand je l’interrompais par une question au milieu d’une phrase, il me répondait de sa voix naturelle, puis reprenait sa phrase à l’endroit même où je l’avais coupée. […] La rapidité par le récit, l’événement raconté en une phrase, le fait en un mot, voilà le but auquel il désire surtout arriver et qu’il atteint souvent. […] La phrase, tout unie quand on la parle, s’assouplit quand on la dit, prend forme, devient chose d’art.
Non pas d’un seul coup, certes ; mais, sa phrase du songe et du réveil refusé, M. […] Et la phrase n’a-t-elle pas la fraîcheur, l’odeur, l’inquiétude aussi de la nuit ? […] La phrase n’est pas toujours excellente : elle l’est souvent. ! […] Soudainement, le voici maître de ses mots et de sa phrase. […] Il n’a pas un tour de phrase où l’on ait à le reconnaître.
Dans la deuxième le ton s’élève, l’enthousiasme se montre ; aussi les erreurs deviennent plus graves ; c’est là qu’on trouve des phrases éloquentes, à l’occasion d’une croix grecque gravée sur la pierre qui recouvrait la boîte.
On ne trouverait au reste la plupart du temps que des transitions plates, ou de fausses transitions, qui ne lient pas les choses, mais les phrases : comme sont toutes ces formules banales de rapprochement, de comparaison et d’opposition, qui s’appliquent à tout, pareilles aux crochets dont on raccommode les assiettes cassées ; porcelaine fine ou terre grossière, cela mord partout ; peu importe l’objet, pourvu qu’il ne soit pas entier.
» Eh bien, je vous affirme qu’à l’endroit où elle se trouve, cette petite phrase des faubourgs de la vie est plus conforme à je ne sais quel sourire auguste de notre âme que la page la plus éloquente sur la beauté des soirs… Un poète n’est jugé justement que par ceux qui l’entourent et par ceux qui le suivent.
Mais son ivresse est d’un lettré farci de littérature — s’il était le strict « naturiste » qu’il dit, à quoi bon transposer en des livres son émotion — et il n’est pas sans charme de retrouver en lui, par les réminiscences qui s’y font jour, un culte tacite et éclectique pour les poètes et les penseurs les plus divers ; Denis Diderot, Michelet et Hugo lui enseignèrent à construire les phrases désordonnées seulement en apparence ; Emerson et Carlyle inspirèrent son louable amour pour les paysans et les héros ; il n’ignore ni le Barrès du Jardin de Bérénice, ni le Taine de la Littérature anglaise, et quand il écrit : « Des liserons sonnent et un coq luit » ou qu’il appelle les abeilles « les petites splendeurs des campagnes », je ne sais pas oublier les métaphores chères au magnifique Saint-Pol-Roux.
Il attaque une phrase qu’il croit être de Pline le jeune, dont il se moque comme d’un écrivain affecté. « Ne m’avouerez-vous pas, dit-il, que cela est d’un petit esprit de refuser un mot qui se présente et qui est le meilleur, pour en aller chercher avec soin un moins bon et plus éloigné : Pline est de ces éloquents dont Quintilien dit : illis sordent omnia quæ natura dictavit ?
Et il y avait entre eux deux une émulation pour définir en une phrase, pour faire dire à un mot, le cela presque inexprimable qui est dans un objet d’art.
, n’est pas une tournure bien poétique ni bien française : cependant elle ne déplaît pas, parce qu’elle évite cette phrase : depuis le temps où nous étions ensemble dans la Thrace.
On se sent capable de broder un sujet commun de quelques phrases brillantes ; on ne l’est point de soutenir des recherches fatigantes.
Soyez persuadés qu’il faut un concours de circonstances bien graves pour que je me décide à débiter de pareilles phrases… (Il brandit son yatagan.)
Quand Chateaubriand ayant écrit : « Dans les soirées d’hiver, les vieillards tisonnent au coin du feu » reprend sa phrase : « Dans les soirées d’hiver, les vieillards tisonnent les siècles au coin du feu », il fait ce que seul Chateaubriand pouvait faire.
Après avoir admiré les délicieuses phrases de M. […] Maurice Barrès a pris pour épigraphe une phrase de Sainte-Beuve : « Et pour parler convenablement de M. […] La tyrannie, elle est en germe dans ces phrases éminemment brunetièresques du portrait d’Ibsen : « Je ris d’une sagesse qui détruit tout le bonheur. […] » Certaines de ces phrases semblent annoncer M. […] Les jolies phrases !