La révolution a fait perdre aux femmes de leur influence, mais elle leur a laissé l’empire de nos mœurs, que rien ne pourra leur arracher. […] Mais ce qu’il ne faut point perdre de vue, et ce qu’on est beaucoup trop disposé à oublier, c’est que la nation française n’a jamais été sans libertés. Ce qu’il ne faut point perdre de vue non plus, c’est que la couronne a toujours été l’alliée de la nation, surtout depuis que la race des Bourbons est montée sur le trône. […] Le guerrier le plus fameux, le plus brave sur le champ de bataille, s’il n’est pas un homme aimable dans la société, perd tout le fruit des dangers qu’il a courus. […] Je le dis avec une entière conviction, le jour où nous perdrions la légitimité nous cesserions d’exister comme nation.
Car tout cela (il faut bien nous le dire) s’est perdu, s’est dissipé, s’est oublié, et il n’en est rien entré dans la formation définitive, je ne dis pas de la langue, mais certainement de la poésie française. […] Régnier, vis-à-vis de Malherbe, n’a rien perdu, mais il ne gagne pas tout. […] C’est tout à fait le ton de Molière avec plus de pureté, et sans rien de ces étrangetés qui nous déroulent ailleurs chez Régnier et nous font perdre la trace. […] C’est le meilleur exemple de poésie de pure race, franche du collier, gauloise de suc et de sève, qui s’est trop perdue. […] C’est singulier à dire d’un poète aussi libertin que l’était Régnier ; mais dans l’accent ému et pénétré de ces Stances, il y a de l’Orphée qui a perdu son Eurydice.
Ô illusions de l’enfance et de la patrie, ne perdez-vous jamais vos douceurs ! […] « L’hiver finissait, lorsque je m’aperçus qu’Amélie perdait le repos et la santé qu’elle commençait à me rendre. […] Je sortis du monastère comme de ce lieu d’expiation où des flammes nous préparent pour la vie céleste, où l’on a tout perdu comme aux enfers, hors l’espérance. […] D’un côté s’étendent les vagues étincelantes, de l’autre les murs sombres du monastère se perdent confusément dans les cieux. […] Ils y étaient avec leurs larmes, et employaient à éteindre leurs passions le temps que vous perdez peut-être à allumer les vôtres.
L’Asie a perdu sa fleur et sa force, la guerre a enlevé sa jeunesse dans un tourbillon. […] Pas plus de nouvelles de l’armée bruyante partie l’autre année, que d’un torrent perdu dans les sables. […] — Certes jamais celui-là ne perdit les hommes dans une guerre désastreuse. […] Il fait appel non pas aux armes, mais aux cris du peuple qu’il a perdu. — « Hélas ! […] Mais voilà que l’humiliation de Xerxès enhardit le Chœur, il perd le respect.
Marguerite veut fuir la ville qui l’a perdue et se réfugier, avec Armand, à la campagne, dans un ermitage de solitude et d’intimité. […] Le bruit a couru, dans sa petite ville, que son fils vivait avec une femme perdue, et, dès lors, le scandale est dans sa maison. […] Cette femme se perd, elle veut se perdre, elle a prémédité et résolu sa faute ; l’amant, après l’hésitation d’un instant, se jette, tête baissée, dans ses bras ravisseurs : que signifient, dès lors, ces contritions et ces remontrances, ces airs de prêcheur et ces simagrées de repentir ? […] Décidément c’est une âme perdue, le naufrage est accompli ; la femme du monde n’est plus, l’aventurière commence, et elle ira loin. […] Ces anges-là mettent à se perdre je ne suis quelle ardeur d’étourdissement et de vertige, inconnue aux femmes vulgaires.
Ayant perdu des biens considérables, il ouvrit une école et y acquit des richesses immenses ; le fils d’un roi lui paya soixante mille écus un discours ou il prouvait très bien qu’il faut obéir au prince ; mais bientôt après, il en composa un autre, où il prouvait au prince qu’il devait faire le bonheur des sujets. […] Ainsi presque toutes les réputations sont des procès indécis, qu’on perd d’un côté et qu’on gagne de l’autre ; l’un méprise, l’autre admire. […] Admettez un tiers à cette conversation, il ne concevra point ce que ces mots ont de touchant, ni pourquoi ils excitent une émotion si tendre, et font peut-être verser les plus douces larmes : telle est l’image du différent effet que produisent les beautés accessoires et les finesses d’expression dans une langue vivante ou dans une langue morte ; plus un écrivain a de ce genre de beautés, plus il doit perdre. Enfin, le philosophe attache par l’étendue et la profondeur des idées ; l’orateur ne peut attacher que par les passions fortes ; l’effet des mouvements doux et tranquilles se perd, et n’arrive à la postérité que comme le ressouvenir d’un songe à demi effacé.
Mercure descendit une troisième fois, et lui rapporta la sienne, lui demandant encore s’il avait perdu celle-là. C’est bien celle-là que j’ai perdue, dit-il. […] Advint qu’il perdit sa coignée. […] Quand Pilpay veut ouvrir son drame d’une façon naturelle, il se perd dans des récits sans fin, et souvent détruit d’avance sa morale. […] C’est une radoteuse ; elle a perdu l’esprit.
Aux autres, il faut, en tout cas, un sacré bon grand coup de colère, pour se venger du temps perdu et faire aussi et surtout que nul, dorénavant, n’ait à le perdre. […] Ce petit jeu n’est pas le qui perd gagne, mais le qui gagne, perd. […] Donc tout est perdu. […] Afin de ne rien perdre de cette harmonie il a rabattu son couvercle. […] Le christianisme n’a jamais perdu le goût médiéval des écrouelles.
Le sens de ces origines obscures se perdit avec le temps. […] Après qu’Orphée, ayant perdu son idéal, eût été mis en pièces par les ménades, sa lyre ne savait toujours dire que « Eurydice ! […] La femme blesse de loin et voilà que d’autres fois on est perdu pour la toucher. […] À l’époque des indemnités, on essaya de lui persuader qu’il avait perdu quelque chose, et il y avait plus d’une bonne raison à faire valoir. […] Quand on lui demanda de déclarer ce qu’il avait perdu : « Je n’avais rien, dit-il, je n’ai pu rien perdre. » On ne réussit pas à tirer de lui autre réponse, et il resta pauvre comme auparavant.
Bien que vite dépassé et oublié, l’ébionisme laissa dans toute l’histoire des institutions chrétiennes un levain qui ne se perdit pas. […] » Jésus avait alors de fines réponses, qui exaspéraient les hypocrites : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin 521 » ; ou bien : « Le berger qui a perdu une brebis sur cent laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres pour courir après la perdue, et, quand il l’a trouvée, il la rapporte avec joie sur ses épaules 522 » ; ou bien : « Le fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu 523 » ; ou encore : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs 524 » ; enfin cette délicieuse parabole du fils prodigue, où celui qui a failli est présenté comme ayant une sorte de privilège d’amour sur celui qui a toujours été juste. […] Il ne perdait aucune occasion de répéter que les petits sont des êtres sacrés 540, que le royaume de Dieu appartient aux enfants 541, qu’il faut devenir enfant pour y entrer 542, qu’on doit le recevoir en enfant 543, que le Père céleste cache ses secrets aux sages et les révèle aux petits 544.
Ce n’est pas un de ces ardents épouseurs du passé qui aiment et défendent les causes perdues, et le pauvre René d’Anjou a perdu toutes les siennes ! […] « Pour un prince déjà pauvre, — dit Lecoy de la Marche, — ayant une expédition maritime, des luttes à soutenir en Italie, et des charges de toute espèce, c’était là un véritable désastre, et jamais sa position financière ne devait s’en relever. » Et, de fait, elle ne s’en releva pas, et jusqu’à l’heure où elles lui tombèrent du front, il resta embarrassé et empêtré dans ses couronnes, ce Roi qui finit par les perdre, et par les perdre avec tout ce qu’il fallait pour les conserver ! […] placé par ses relations de famille et ses alliances au confluent de tous les héritages, quand il perd un royaume (la Sicile), il en gagne un autre (l’Aragon), et les peuples semblent enchantés de lui échoir ; mais cela ne l’avance guères. […] Après avoir perdu la Sicile et manqué l’Aragon, il se rabattit sur ses duchés et il y montra toujours le roi sous le duc.
Ce n’est plus là le paysan éternel, retrouvé dans quelque anse des Cyclades, entre sa charrue et sa barque ; le même qu’il fut depuis la Bible jusqu’à Homère, et depuis Homère jusqu’aux chansons des Palikares, mais le paysan des temps où nous sommes, ce débris d’homme fruste qui se polit chaque jour, la dernière goutte du limon créateur, qui n’ait pas perdu sa virginité ! […] La douceur de M. de La Madelène n’a rien de béat, ni d’optimiste, ni de sympathique à côté, ni de dupe, comme bien des talents qui n’en sont pas plus doux pour cela ; et sa lumière est faite d’une chaleur et d’une flamme, dont les rayons peuvent se velouter en passant par le milieu de sa pensée, mais n’y perdent pas de leur pénétrante intensité ! […] Ces enfants gâtés du soleil et souvent terribles, M. de La Madelène les a fait vivre tels qu’ils sont, non pas seulement dans leur vie domestique et de foyer, mais dans leur vie collective, leur vie d’assemblée, d’émeute, de farandoles et de batailles, car le plein air, le dehors, la place publique, sont pour eux bien plus le foyer que le coin du feu de la maison ; il nous les a montrés en plein dix-neuvième siècle et à cette heure du dix-neuvième siècle, dominés par l’incoercible élément méridional, qui leur donne encore la physionomie des ancêtres ; par ce caractère héréditaire et local que la poussière humaine ne perd que le dernier, et qui se révolte avec tant d’énergie sous l’émiettant et l’aplanissant rouleau que la civilisation, cette Tarquine à la main douce, qui ne fait pas voler les têtes de pavot sous les coups de baguette, mais qui se contente de les coucher par terre en les caressant, promène par-dessus toutes choses, comme dans une allée de jardin ! […] Certainement, c’est là ce qu’il y a de moins réussi dans Le Marquis des Saffras, c’est cet amour sans relief de Marcel et de Sabine, qui s’y perd et qui ne s’y perd pas assez.
Cette sœur que vous avez perdue vivait-elle avec vous ? […] Je vis un nuage se répandre sur ma vue, et pendant quelque temps je perdis à la fois le souvenir de mes maux et le sentiment de mon existence. […] Quel âge avait votre sœur lorsque vous la perdîtes ? […] Vous l’avez perdue bien jeune. […] Il avait une sœur, il la perd : comme son deuil est profond !
Quand j’ai vu ce que tant de grands hommes en France et en Allemagne ont écrit avant moi, j’ai été dans l’admiration, mais je n’ai point perdu le courage : Et moi aussi, je suis peintre ! […] « Sitôt que les hommes sont en société, ils perdent le sentiment de leur faiblesse ; l’égalité qui était entre eux cesse, et l’état de guerre commence. […] Il saura que, si son gouvernement n’est pas bon, il perdra l’empire et la vie. […] Il ne songea qu’à unir les deux nations, et à faire perdre les distinctions du peuple conquérant et du peuple vaincu. […] « Les grands princes, non contents d’acheter les troupes des plus petits, cherchent de tous côtés à payer des alliances, c’est-à-dire presque toujours à perdre leur argent.
Napoléon, qui découvre des ressources là où les autres n’en soupçonnent pas, n’a rien perdu de sa confiante certitude pendant les jours suivants. « Point troublé, point déconcerté, point amolli surtout, supportant les fatigues, les angoisses, avec une force bien supérieure à sa santé, toujours au feu de sa personne, l’œil assuré, la voix brusque et vibrante », il porte fièrement son fardeau ; il attend, il espère une faute des ennemis qui ne peuvent manquer d’en faire. […] Car si cette masse compacte, ce noir nuage « qui offusquait tous les yeux et terrifiait tous les cœurs » ne s’entrouvrait pas, si l’ennemi assemblé s’obstinait à refouler étape par étape Napoléon, chacun se voyait réduit à recommencer deux et trois fois peut-être, et en nombre de plus en plus disproportionné, cette glorieuse, mais désespérée, mais accablante bataille de la Rothière, qui finirait fatalement sous les murs de Paris et serait tôt ou tard perdue. […] Sacken y a perdu 8000 hommes, Napoléon de 7 à 800. […] Mais, apprenant que Blucher en personne s’avance pour avoir raison de l’affront de ses lieutenants, il revient sur Montmirail ; le 14 au matin, rejoignant Marmont qui tient tête à Blucher, il prend à l’instant l’offensive et fait perdre au généralissime prussien de 9 à 10000 hommes ; c’est la journée dite de Vauchamps. […] la partie est déjà perdue quand on en est là. » Et il y avait de belles, de spécieuses raisons de civilisation, d’humanité, à l’appui de leur thèse.
Se peut-il que, sur cette terre, on veuille du don de la vie, lorsqu’elle ne sert qu’à former des liens que doit briser la mort, qu’à aimer ce qu’il faut perdre, qu’à recueillir dans son cœur une image dont l’objet peut disparaître du monde où l’on reste encore après lui ! » En commençant la lecture de la Messiade, on croit entrer dans une atmosphère sombre où l’on se perd souvent, où l’on distingue quelquefois des objets admirables, mais qui vous fait éprouver constamment une sorte de tristesse dont la sensation n’est pas dépourvue de quelque douceur. […] Accoutumé à veiller sur soi-même, on perd nécessairement, au milieu de la société, ces mouvements impétueux qui développent à tous les regards ce qu’il y a de plus vrai dans les affections de l’âme. […] Le vrai talent a peine à se reconnaître au milieu de cette foule innombrable de livres : il parvient à la fin, sans doute, à se distinguer ; mais le goût général se gâte de plus en plus par tant de lectures insipides, et les occupations littéraires elles-mêmes doivent finir par perdre de leur considération. […] Leur génie leur inspire souvent les expressions les plus simples pour les passions les plus nobles ; mais quand ils se perdent dans l’obscurité, l’intérêt ne peut plus les suivre, ni la raison les approuver.
Et ne dites pas que celui qui sera arrivé à ce résultat tout négatif aura perdu sa peine. […] Telle religieuse qui vit oubliée au fond de son couvent semble bien perdue pour le tableau vivant de l’humanité. […] Le sauvage, qui vit à peine la vie humaine, sert du moins comme force perdue. […] Toute cette dépense de force intellectuelle n’est pas perdue, si ces controverses ont fourni un atome à l’édifice de la pensée moderne. […] Je regarde pourtant comme à peu près perdu pour l’acquisition des données positives le temps qu’on donne à cette lecture.