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424. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Pensez donc à moi, mon ami. […] Vous pensez bien que je m’intéresse trop sincèrement à notre cher Docteur pour l’oublier. […] M. le Stolnik m’a demandé ce que je pensais de voir tant de gens se promener : je lui ai dit qu’en Russie c’était la danse favorite de l’Impératrice, et qu’elle me plaisait. […] Dites-moi aussi ce que vous pensez de ma théorie des marées94. […] Je n’aurai donc pas nos savants pour moi ; ils n’encensent que les systèmes accrédités et qui font obtenir des pensions.

425. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Pensez-vous de moi ainsi ? […] J’en serais pourtant fâché, et je ne voudrais pas, avec ce faux air de cosmopolite, perdre la sympathie des amis de mon village et de mon voisinage, auxquels je pense sans cesse et que je reviendrai voir à temps, j’espère, avant les glaces de l’âge infirme et solitaire ; mais laissez-moi courir ma dernière course. » Cette course dernière ne venait jamais. […] « Voyez-vous, mon cher ami, comme je me laisse aller à bavarder, parce que le succès de votre panégyrique d’hier me met en bonne humeur de penser à votre sujet ! […] Toutefois, si j’avais beaucoup l’occasion de vous voir, indépendamment du goût que j’aurais à causer après la pièce de ce que j’aime mieux penser comme vérité, — je m’attacherais dans votre intérêt au point de vue de la prudence qui, sans exiger de vous le sacrifice de vos opinions, doit vous conseiller beaucoup de mesure, en proportion même des applaudissements que recevez.

426. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

En m’entendant parler ainsi, vous pensez sans doute au radium, ce grand révolutionnaire des temps présents, et en effet je vais y revenir tout à l’heure ; mais il y a autre chose ; ce n’est pas seulement la conservation de l’énergie qui est en cause ; tous les autres principes sont également en danger, comme nous allons le voir en les passant successivement en revue. […] Malheureusement, les physiciens se sont longtemps désintéressés de cette question ; on concentre de la lumière pour éclairer la préparation microscopique, pensaient-ils ; la lumière ne va pas sans chaleur, de là des inégalités de température, et dans le liquide des courants intérieurs qui produisent les mouvements dont on nous parle. […] C’est pourquoi j’ai longtemps pensé que ces conséquences de la théorie, contraires au principe de Newton, finiraient un jour par être abandonnées et pourtant les expériences récentes sur les mouvements des électrons issus du radium semblent plutôt les confirmer. […] Et maintenant certaines personnes pensent qu’il ne nous paraît vrai que parce qu’on ne considère en mécanique que des vitesses modérées, mais qu’il cesserait de l’être pour des corps animés de vitesses comparables à celle de la lumière.

427. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Voilà donc des manières d’agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles. […] Voilà donc un ordre de faits qui présentent des caractères très spéciaux : ils consistent en des manières d’agir, de penser et de sentir, extérieures à l’individu, et qui sont douées d’un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s’imposent à lui. […] En effet, certaines de ces manières d’agir ou de penser acquièrent, par suite de la répétition, une sorte de consistance qui les précipite, pour ainsi dire, et les isole des événements particuliers qui les reflètent. […] Pourtant, le nombre et la nature des parties élémentaires dont est composée la société, la manière dont elles sont disposées, le degré de coalescence où elles sont parvenues, la distribution de la population sur la surface du territoire, le nombre et la nature des voies de communication, la forme des habitations, etc., ne paraissent pas, à un premier examen, pouvoir se ramener à des façons d’agir ou de sentir ou de penser.

428. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Pique l’un, pique l’autre et pense à tout moment Qu’elle fait aller la machine, Léger cette fois et presque allègre. […] A peine il la répand qu’une commune erreur, D’eux tous, l’un contre l’autre, anime la fureur ; Ils s’entr’immolent tous au commun adversaire, Tous pensent le percer quand ils percent leur frère, Leur sang partout regorge, et Jason, au milieu, Reçoit ce sacrifice en posture d’un dieu. […] Et si vous me dites qu’à faire ainsi, l’on finit par dénaturer le poète, l’on finit par ne plus chercher en lui que le musicien et par ne plus le trouver poète quand il ne fait plus de la musique ; je vous répondrai que, quand on commence à sentir cela, on doit faire taire l’orchestre comme on éteint une lampe ; qu’on doit cesser de lire tout haut et recommencer à lire tout bas et que, de même que pour saisir l’idée et s’en pénétrer on doit d’abord lire tout bas, de même, après avoir assez longtemps lu tout haut, on doit revenir à la lecture intime pour retrouver devant soi l’homme qui pense. […] Il n’y a pas de rumeur à ce « moment crépusculaire », et il est indifférent pour l’effet à produire qu’il y en ait une ou qu’il n’y en ait pas, et c’est à ce « reste de jour » mêlé à l’ombre que l’auteur et le lecteur doivent penser, pour bien voir le geste du semeur élargi jusqu’au ciel.

429. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

C’était pourtant la meilleure façon de bien montrer que l’antithèse était le procédé instinctif de Pascal, sa méthode d’esprit, sa façon habituelle de penser. « Mais, dit-on, le vrai Pascal émet une telle lumière que l’antithèse y est noyée, invisible. » Oui et non. […] C’était sa tournure d’esprit ; il pensait par antithèses.‌ […] Mais notre crime n’est pas de penser que Stendhal écrivait mal, c’est de l’avoir prouvé, de l’avoir fait toucher du doigt. […] Et il ajoute : « Cela prouve que Pascal aurait mieux fait de continuer ses expériences sur le vide. » Enfin il conclut ironiquement, ne croyant pas si bien dire : « Je pense qu’ayant retouché treize fois ses Provinciales, Pascal n’en fut pas encore content.

430. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Hamon pense qu’elles le peuvent. […] Vous penserez là-dessus qu’il devait être plus difficile à un débutant de se faire jouer. […] Je pense qu’on peut assez souvent croire Grimarest. […] Quoi qu’elle pense ou croie penser dans le moment, Bérénice elle-même, dans six mois, ou dans un an, ou dans dix ans, mésestimerait Titus d’avoir lâché Rome pour elle. […] Je me plains de mon sort moins que vous ne pensez.

431. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

ai-je pensé maintes fois en écoutant quelqu’une des œuvres de la musique moderne. […] Doutez-vous des enchanteurs, la même sainte vous apprendra ce qu’il faut en penser. […] « Fou à lier, aura-t-il pensé, celui qui croit à de telles chimères décevantes !  […] Avec quelle profondeur ils pensent, mais aussi avec quelle puissance ils peignent ! […] Pensent-ils donc que la lutte n’ait pas eu lieu ?

432. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

En général, ce sont les petits penseurs qui ont la vocation de penser pour les autres ; les grands se contenteraient aisément de penser pour eux. […] Je cherche ce qu’il en pense, et ne trouve rien. […] Les Grecs aimaient à penser individuellement. […] Au fond, ils pensent éternellement la pensée de Dieu, ils pensent éternellement une pensée unique. […] Une génération pense en elle, en elle souffre, s’étonne, s’inquiète et espère.

433. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

C’est une étrange situation, et à laquelle nous ne pensons guère, nous qui ne pensons volontiers qu’à nous-mêmes, que celle de ces écrivains qui, sans être Français, écrivent en français au même titre que nous, du droit de naissance, du droit de leur nourrice et de leurs aïeux. […] Quelques-uns disent que c’est là une branche de cette affection égoïste qui attache à un serviteur difficile à remplacer ; moi je pense que c’est un trait honorable de notre nature, lequel ne saurait s’effacer entièrement sans qu’il y ait pour l’âme quelque chose à perdre. […] Dans la Suisse allemande, cela s’est passé un peu autrement, je pense. […] Dans l’idiome du canton de Vaud, on dit encore vulgairement je me suis pensé, pour j’ai pensé ; ainsi dans les Contes et les nouvelles Récréations attribuées à Bonaventure Despériers, à la nouvelle LXV du tome II, on lit : « Ce regent se pensa bien que, pour aller vers une telle dame, il ne falloit pas estre despourveu… » Toutes les locutions singulières du patois genevois ou vaudois sont loin sans doute de pouvoir ainsi s’autoriser par d’authentiques exemples. […] J’avais pensé à détacher et à citer encore, pour finir, deux lettres du Presbytère, à mon gré délicieuses (VIII et IX), l’une de Charles, l’autre de Louise.

434. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

« Aimer remplace presque penser. […] Mais c’est Hugo qui écrit : il y a plus, c’est Hugo qui pense ; il y a plus encore, c’est Hugo qui songe. […] Elle prit le parti de regarder le ciel, comme si elle pensait que Marius pouvait aussi venir de là. […] Toussaint n’était pas levée, et Cosette pensa tout naturellement que son père dormait. […] Ils n’y ont pas pensé ; les morceaux ont le même goût à leur banquet de Platon, de J.

435. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Il sent, il pense, il agit avec ses deux natures. […] C’est encore là un précepte que le nous a tâché d’inculquer au moi, et sur le sens duquel, au reste, je ne pense pas qu’on puisse s’entendre. […] Mais il peut obéir simplement, sans réflexion, parce que son père a parlé, parce que c’est son « devoir » d’obéir et qu’il le remplit sans même y penser, parce que son père a « l’autorité ». […] L’obéissance se rattache étroitement à l’imitation dont Tarde, quoi qu’on puisse penser de la généralisation qu’il a faite, a mis hors de doute l’énorme importance. […] Il est évident que tout cela comporte, au moins dans la forme, une part de fiction, je pense que cette fiction dégage et protège d’essentielles vérités.

436. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Ajoutez toutes les grandes vues d’ensemble que nous ne pouvons pressentir, tout ce que nous révéleront des sciences encore à naître : pense-t-on qu’alors la matière manquera aux esprits philosophiques, c’est-à-dire préoccupés du général. […] Plus on y pense et plus le mot paraît juste. […] Beaucoup pensent de nos jours que l’esprit humain doit renoncer à ses recherches comme à des jeux d’enfance. […] Les préoccupations morales ont nui plus fréquement qu’on ne pense à la psychologie, en empêchant de voir ce qui est. […] Cependant le principe qui dans les êtres animés sent, agit, veut et pense, n’a-t-il pas des variétés presque infinies qui ne se révèlent qu’à une minutieuse investigation ?

437. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

On a toujours dit que l’animal sent, que l’homme pense ; on n’a jamais dit que c’est le cerveau de l’un qui sent, le cerveau de l’autre qui pense. Encore moins est-il permis de parler de la cellule sentante ou de la cellule pensante. — Mais si ce n’est pas l’organe ou la cellule qui sent et pense, disent les physiologistes, qui sera-ce donc ! […] C’est cet être seul pourtant qui vit, sent, pense et veut ; ce n’est point tel ou tel organe, si important qu’il soit, même l’organe central par excellence qu’on nomme le cerveau. […] Pour nous, nous pensons avec Aristote, avec Leibniz, avec Maine de Biran, avec M.  […] Nous pensons qu’au-dessus des conditions et des lois proprement dites il existe une spéculation qui a pour objet de remonter aux vraies causes, aux forces réelles qui meuvent, animent, dirigent cette grande machine de l’univers.

438. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 540-543

Le Lecteur même un peu éclairé n’y peut méconnoître, en plusieurs endroits, la touche & les idées de l’Historien du Siecle de Louis XIV : c’est sa maniere d’écrire, sa tournure d’esprit, sa façon de penser ; ce qui a fait dire à quelques personnes, qu’il avoit eu grande part à cet Ouvrage. […] Bossuet, qu’ils avoient une façon de penser toute philosophique, & que s’ils étoient nés à Londres, ils auroient donné l’essor à leur génie, & déployé leurs principes, que personne n’a bien connus, s’il n’avoit voulu grossir la Liste philosophique de deux noms, qui en seront toujours le fléau ?

439. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

L’invention suppose évidemment une innovation, une façon de sentir, de penser ou d’agir qui ne s’est pas encore produite. […] Darwin se plaignait que la musique le fatiguait en le faisant penser trop fortement à l’objet de ses recherches. […] — Je pense […] moi, je ne pense jamais, mes idées pensent pour moi46” ». […] Or cette scène tue la pièce parce qu’elle tue l’intérêt. — Vous n’y pensez pas !

440. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Est-ce que Téniers lui-même, dans ses grotesques pochades de tabagies, ne vous fait pas penser aux caricatures du comique grec Aristophane ? […] Un philosophe a dit : Je pense, donc je suis ; un autre philosophe pourrait dire de l’âme avec la même justesse : Je suis, donc je pense ; car être, pour l’âme, c’est penser ou sentir. L’âme est donc en nous un je ne sais quoi qui pense et qui sent ; elle est de plus douée par le Créateur de la faculté de percevoir et de communiquer à d’autres âmes analogues elle-même des sensations et des pensées. […] Ce spectacle de l’industrie sédentaire de l’horloger, mêlé aux travaux champêtres du paysan des hautes montagnes, présentait un aspect de bien-être et de bon ordre qui faisait penser aux premiers temps du vieux monde. […] Je pense les reproduire avec ce caractère de simplicité et de noblesse naturelle de ce peuple, caractère transmis par ses aïeux.

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