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630. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

La simplicité des paroles égale la situation. […] Elle souriait en disant ces dernières paroles. — Il ne sera donc pas nécessaire qu’il la revoie ? […] Les derniers accents s’élèvent : « …Nos paroles ont fini là, écrit la mère, mais non pas nos pensées… Les intervalles d’inquiétude sont remplis par l’ennui. […]  — Ces paroles presque mystifiantes de Benjamin Constant m’en rappellent une autre qui n’y ressemble qu’extérieurement et pour la forme, mais dont le sens affectueux, judicieux et large, est bien différent : c’est le mot charmant d’une femme que l’avenir aussi connaîtra (Mme d’Arbouville) : « Eh ! […]  » Quand je lus pour la première fois cette parole, je me dis : Ce devrait être là la devise du critique étendu et intelligent.

631. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

» On voit leurs yeux ardents fixés sur la lettre, sur Séjan qui sue et pâlit ; leurs pensées courent à travers toutes les conjectures, et les paroles de la lettre tombent une à une dans un silence de mort, saisies au vol avec une énergie d’attention dévorante. […] » C’est avec ces paroles précises, avec ces détails sensibles qu’on allume les imaginations. […] Recommencez150. » Ils font apporter Volpone qui a l’air expirant ; ils fabriquent de faux témoignages, et Voltore les fait valoir, de sa langue d’avocat, avec des paroles « qui valent un sequin la pièce. » On met Célia et Bonario en prison, et Volpone est sauvé. […] Quelle distance il y a entre cette conception et l’objet, combien elle le représente imparfaitement et mesquinement, à quel degré elle le mutile, combien l’idée successive, désarticulée en petits morceaux régulièrement rangés et inertes, ressemble peu à la chose simultanée, organisée, vivante, incessamment en action et transformée, c’est ce que nulle parole ne peut dire. […] « Mountain belly, ungracious gait. » Paroles de Jonson sur lui-même.

632. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Enfant, Dieu vous nourrit de sa sainte parole : Mais bientôt le laissant pour un monde frivole, Et cherchant la sagesse et la paix hors de lui, Vous avez poursuivi les plaisirs par ennui ; Vous avez, loin de vous, couru mille chimères, Goûté les douces eaux et les sources amères, Et sous des cieux brillants, sur des lacs embaumés, Demandé le bonheur à des objets aimés. […] Ton merveilleux laurier sur chacun de tes pas Étendait un rameau que tu n’espérais pas ; L’écho te renvoyait tes paroles aimées ; Les moindres des chansons anciennement semées Sur ta route en festons pendaient comme au hasard ; Les oiseaux par milliers, nés depuis ton départ, Chantaient ton nom, un nom de tendresse et de flamme, Et la vierge, en passant, le chantait dans son âme. […] Je fus quelque temps ainsi, moi aussi, quand, après avoir brisé la plume de Jocelyn, je pris avec un certain effort la plume des Girondins, puis la parole des orateurs. […] ” « Toute la biographie intime et morale de Virgile est dans ces paroles et dans ce sentiment. […] Ce qui a trompé l’illustre auteur, qui, à tous autres égards, a parlé si excellemment de Virgile, c’est qu’il est dit en un endroit de la Vie du poète par Donat, qu’il était sermone tardissimus ; mais cela signifie seulement qu’il n’improvisait pas, qu’il n’avait pas, comme on dit, la parole en main.

633. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Ducomar vint ensuite à la grotte de Tura, et adressa ces paroles à l’aimable Morna : « Morna, la plus belle des femmes, aimable fille de Cormac, pourquoi te tiens-tu seule dans l’enceinte de ces pierres, dans le creux de ce rocher ? […] Lève-toi, vénérable Carril, et porte mes paroles à Swaran. […] Ses paroles n’ont pas été vaines, et la main de Fingal s’est rougie du sang de mon peuple. » « Elle parut les yeux baignés de larmes, ses cheveux noirs étaient épars ; son sein, éclatant de blancheur, était gonflé de soupirs. […] Deux lances sont dans sa main, et son armure jette un éclat terrible… Il abandonne au vent ses cheveux blancs : souvent il se retourne et jette un regard sur le champ de bataille : trois bardes l’accompagnent, prêts à porter ses paroles à ses héros. […] Son épée étincelle devant lui : il rencontre un des chefs de Loclin, et lui adresse ces paroles : « Quel est celui que je vois appuyé contre le rocher ?

634. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Prends garde que je ne te pique le col avec mon aiguillon. » L’autre répondit : « Je ne m’émeus pas de tes paroles ; celui que je crains est l’homme qui, assis sur le siège de devant, gouverne mon joug de son fouet flexible, et retient ma bouche par le frein écumant. […] Ils interrompent le poète et lui ôtent la parole. […] La Fontaine trouve plus d’idées que Rabelais, et dit moins de paroles qu’Esope. […] S’il vient ici quelque pauvre homme vous demander justice, mais si pauvre qu’il n’ait ni argent à donner, ni vin fin à présenter, ni huile à promettre, ni pourpre à offrir, en un mot, qui n’ait ni support, ni faveur, ni revenu (compendieusement, comme dit l’Intimé), après qu’il a rendu sa plainte dans le sénat, d’abord on le contente de paroles », etc. […] Il ne se traîne pas dans la prose plate comme Cassandre, il atteint à chaque pas les audaces de la poésie, et vous entendez la parole solennelle et véhémente de la juste indignation contenue.

635. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

La vérité n’a pas besoin de la violence des paroles. […] Thiers lui-même sur ce sujet, et remarquez de combien de contradictions inaperçues son sophisme historique se compose sous l’apparente justesse des paroles. […] Les prétendus chrétiens qui se déclarent satisfaits de pareilles théories religieuses ne sont pas exigeants en profession de foi ni même en politesses de paroles envers la divinité des cultes. […] C’est ce qu’il faisait à Paris, en affectant l’estime pour un génie de parole dont il méprisait au fond les doctrines. […] La France exige, l’Angleterre récrimine sur ses envahissements ; le premier Consul éclate en paroles foudroyantes, quoique calculées, dans une audience de l’ambassadeur britannique.

636. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Constant était un homme d’un esprit trop supérieur pour qu’on pût s’en prendre à une femme de ses opinions, et que d’ailleurs le discours dont il s’agissait ne contenait absolument que des réflexions sur l’indépendance dont toute assemblée délibérante doit jouir, et qu’il n’y avait pas une parole qui dût blesser le premier consul personnellement. […] « Le don de révéler par la parole ce qu’on ressent au fond du cœur est très-rare ; il y a pourtant de la poésie dans tous les êtres capables d’affections vives et profondes ; l’expression manque à ceux qui ne sont pas exercés à la trouver. […] Si le talent n’était pas mobile, il inspirerait aussi souvent les belles actions que les touchantes paroles ; car elles partent toutes également de la conscience du beau, qui se fait sentir en nous-mêmes. […] De beaux vers ne sont pas de la poésie ; l’inspiration dans les arts est une source inépuisable qui vivifie depuis la première parole jusqu’à la dernière : amour, patrie, croyance, tout doit être divinisé dans l’ode, c’est l’apothéose du sentiment ; il faut, pour concevoir la vraie grandeur de la poésie lyrique, errer par la rêverie dans les régions éthérées, oublier le bruit de la terre en écoutant l’harmonie céleste, et considérer l’univers entier comme un symbole des émotions de l’âme. […] Traduire en vers ce qui était fait pour rester en prose, exprimer en dix syllabes comme Pope, les jeux de cartes et leurs moindres détails, ou comme les derniers poëmes qui ont paru chez nous, le trictrac, les échecs, la chimie, c’est un tour de passe-passe en fait de paroles, c’est composer avec les mots, comme avec les notes, des sonates sous le nom de poëme.

637. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Pour écrire de génie dans la comédie, il faut savoir écouter ses originaux, saisir au passage leurs paroles toutes chaudes et les fixer sur le papier. […] Par l’élévation de leur condition, les personnages du Misanthrope voient les choses de plus haut ; leurs paroles ont plus de portée que dans la comédie bourgeoise. […] Jamais paroles plus charmantes ne sont sorties d’un cœur paternel. […] Tantôt il prête à un personnage des paroles que l’original met dans la bouche d’un autre, et, par ce changement d’interlocuteur, il leur donne plus de vérité et de sel. […] Molière prend le trait à Térence, qui n’en a pas vu la pointe ; il fait tenir le même discours à Scapin, qui le débite au bonhomme Argante comme paroles d’un ancien qu’il a toujours retenues, et ces aphorismes deviennent une vérité de comédie.

638. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Ils sont des opéras : des ouvrages essentiellement de musique, avec paroles, en forme dialoguée et concertante, et accompagnés de spectacle ; la générale ordonnance des pièces et la spéciale ordonnance de chaque scène est soumise, par principe, à l’ordonnance supérieure de formes purement musicales, airs, duos, chœurs, morceaux d’ensemble, finales ; toutes tendances dramatiques, soucis de l’expression, d’une humaine vérité, faisant ces œuvres des opéras plus dramatiques, plus expressifs, plus vrais, les laissent, encore, des opéras, des festivals de concert perfectionnés, des chefs-d’œuvre musicaux, la continuation d’Alceste, d’Euryanthe, d’énormes essais, tourmentés, des floraisons étranges miraculeusement surgies au dessus des banales forêts connues, d’indécises croissances, vagues enfantements de désir. — Tristan et la Tétralogie sont des drames littéraires, avec musique et plastique : le texte littéraire est fondamental de l’œuvre, il est le commencement, le moyen, et la fin ; la représentation scénique l’éclaire seulement, et la musique, aussi, l’éclaire, par son commentaire, sa psychique explication, prodigieuse glose à la parole et à l’acte. […] Interprétation par Baudelaire30 bk M’est-il permis de raconter, de traduire avec des paroles la traduction inévitable que mon imagination fit de ce morceau, lorsque je l’entendis la première fois, les yeux fermés, et que je me sentis pour ainsi dire enlevé de terre ? […] Et dans ce dénoument de Sigurd, combien paraît froide la situation, en dépit de quelques paroles bien déclamées, comme celles de la Walkyrie : « Terre, engloutis-moi !  […] Sans doute ; et l’on peut trouver aussi quelque analogie entre l’Iliade et les paroles de l’air de Malbrough. […] Beethoven, dans le cours de sa Neuvième symphonie, est, simplement, revenu au formel Choral avec Chœurs et Orchestre : et cela ne nous a point trompé, dans notre jugement de cette mémorable évolution musicale : nous avons mesuré la signification de cette partie chorale de la symphonie, et nous avons reconnu qu’elle appartenait, exclusivement, au champ de la Musique ; sauf cet anoblissement — déjà exposé — de la Mélodie, l’œuvre de Beethoven ne nous offre, ici, nulle nouveauté formelle : elle est une Cantate avec un texte de paroles, et son rapport à la musique est le même que celui de tout autre texte chanté.

639. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Flaubert connaît les termes techniques des matières dont il traite ; dans Salammbô et la Tentation, les langues anciennes, de l’hébreu au latin, aident à désigner en paroles propres les objets et les êtres. […] Les paroles sollicitent les sens à tous les charmes ; elles brillent comme des pigments ; elles sont chatoyantes comme des gemmes, lustrées comme des soies, entêtantes comme des parfums, bruissantes comme des cymbales ; et il en est qui, joignant à ces prestiges quelque noblesse ou un souci, figent les émotions en phrases entièrement délicieuses : « Les flots tièdes poussaient devant nous des perles blondes. […] Par des faits, des paroles, des gestes, des actes, sont signifiés les débuts de son hystérisme, son aversion pour son mari, son premier amour, les crises décisives et finales de sa douloureuse carrière. […] Et il est dans la Tentation de plus belles scènes encore et de plus magnifiques paroles. […] Le mystère, le symbolisme : Cet artiste explicite et précis qui excelle à montrer la beauté sans voile par des phrases qui l’expriment toute, sait aussi, dans des occasions plus rares mais marquantes, susciter la délicieuse émotion qui résulte de la réticence, de la prétérition du mystère suggéré, sait avec un art profond et charmant s’arrêter au bord des images et des pensées auxquelles la parole est trop pesante.

640. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mais, un jour, un été, à une certaine saison d’ennui, après les années brillantes, cette personne, à la campagne, prend une plume, et trace, sans but arrêté d’abord, un roman ou des souvenirs pour elle, pour elle seule, ou même seulement ce sont des lettres un peu longues qu’elle écrit à des amis sans y trop songer ; et dans cinquante ans, quand tous seront morts, quand on ne lira plus l’homme de lettres de profession à la mode en son temps, et que ses trente volumes de couleur passée iront lourdement s’ensevelir dans les catalogues funèbres, l’humble et spirituelle femme sera lue, sera goûtée encore presque autant que par nous contemporains ; on la connaîtra, on l’aimera pour sa nette et vive parole, et elle sera devenue l’un des ornements gracieux et durables de cette littérature à laquelle elle ne semblait point penser, non plus que vous près d’elle. […] Du milieu social où elle naquit, comme de celui où se forma son aînée, Mlle Pauline de Meulan, on peut dire (et je m’appuie ici pour plus de facilité sur des paroles sûres) que « c’était une de ces familles de hauts fonctionnaires et de bonne compagnie, qui sans faire précisément partie ni de la société aristocratique, ni même de la société philosophique, y entraient par beaucoup de points et tenaient du mouvement du siècle, bien qu’avec modération, à peu près comme en politique M. de Vergennes, qui contribua à la révolution d’Amérique, fut collègue de Turgot et de M. […] ma sœur, que les paroles des rois ont de force et de puissance ! […] La nature n’a pas cette unité, et parce que la vie de la cour et la pratique de ses intrigues auront émoussé les facultés sensibles de tel personnage, il ne faut pas conclure pourtant qu’elles soient entièrement détruites. » — Un jour, après un dîné d’apparat chez ce ministre, la conversation se soutient avec un remarquable intérêt : « Chose assez étrange (dit l’un des personnages du roman), grâce à la liberté d’esprit dont le ministre donnait l’exemple à tous, ses conviés diplomatiques n’avaient point l’air de s’étudier à ne prononcer que des paroles qui n’eussent aucun sens. […] Disposez-vous d’avance à la résignation, et, en attendant, ne cessez de rendre grâces à Dieu de la paix qui habite autour de vous. » De si sages paroles la calmèrent, et elles achevèrent probablement de régler sa ligne intérieure de conduite.

641. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Voici ces axiomes de Jean-Jacques Rousseau, préconisés par Robespierre et adoptés sur parole par la Convention. […] On n’a vu encore qu’une révolution, arrêtée dans sa fougue et refoulée en arrière par sa propre prudence, rentrer dans l’ordre et dans le juste sous la parole de ses chefs : c’est la révolution de 1848, plus calomniée pour sa modération par ceux qu’elle a sauvés que la Convention pour ses crimes. […] L’histoire se demande à son tour si le triomphe de la Gironde au 31 mai aurait sauvé la république ; s’il y avait dans ces hommes de paroles, dans leurs conceptions, dans leur union, dans leurs caractères et dans leur génie politique, les éléments d’un gouvernement à la fois dictatorial et populaire, capable de comprimer les convulsions de la France au dedans, de faire triompher la nation au dehors, et de procurer l’avènement d’une république régulière en la préservant des rois et des démagogues. […] Tout périssait entre les mains de ces hommes de paroles. […] Le prêtre placé à côté d’elle sur la banquette s’efforçait d’appeler son attention par des paroles qu’elle semblait repousser de son oreille.

642. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Les habitants d’un vaisseau recherchent la vue d’un homme étranger ; ils voudraient entendre le son de la parole d’une bouche étrangère, venant d’un autre pays… c’est donc un événement qui saisit de joie, quand vient à passer un autre navire ; on se précipite sur le pont, on s’appelle, on se demande son nom, son pays, on se salue et bientôt on se voit réciproquement disparaître à l’horizon. […] L’émotion qu’il ressentit à cette heure de sa vie, ses propres paroles nous la révèlent : « Quand on commence à jeter les yeux sur les cartes géographiques, et à lire les descriptions des voyageurs, on éprouve pour certains pays, pour certains climats, une sorte de prédilection dont, arrivé à un âge mûr, on ne peut pas trop bien se rendre compte. […] Son extrême timidité et son extrême prétention nuisaient au succès de sa parole. […] Un état de demi-sommeil, c’est-à-dire un sommeil long mais très agité, et à chaque réveil des paroles d’affection, de consolation, et toujours cette grande clarté d’esprit qui saisit et distingue tout et qui observe son état. […] Alors sa conversation devenait ouverte et pétillante d’esprit ; néanmoins ses jugements étaient pleins de réserve et il était toujours maître de sa parole.

643. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

CXC J’affectai l’air indifférent à ces paroles du petit enfant ; je lui donnai cinq ou six grosses bottes de paille des prisons à tresser proprement pour le pavé des cachots, et je lui recommandai bien de ne pas se déranger de son ouvrage entre les deux portes, jusqu’au moment où il aurait fini tout son travail et où je viendrais le chercher pour étendre les nattes avec lui sur les dalles des cachots. […] CXCVII Je finis, la première, par sangloter tellement qu’aucune parole articulée ne pouvait sortir tout entière de mes lèvres. […] que nous nous dîmes de douces paroles alors, à travers les barreaux, ma mère ! […] CCV Je buvais toutes ces paroles et je roulais déjà dans ma pensée, avec l’horreur de notre sort à tous les deux, le rêve d’y faire échapper, malgré lui s’il le fallait, celui qui ne voulait pas vivre sans moi et après lequel moi-même je ne voulais que mourir. […] Lorsque je fus arrivée à la dernière loge, dont le pilier du cloître empêchait la vue aux autres, j’appelai à voix basse Hyeronimo et je lui dis rapidement ce que m’avait dit longuement la maîtresse des prisons, afin que, si c’était pour lui la mort, la voix qui la lui annonçait la lui fît plus douce, et que, si c’était la vie, la parole qui la lui apportait la lui fît plus chère.

644. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

… chants qui vont et qui vont, s’éparsemant dans l’âme de celui que tient l’angoisse mortuaire du proche crucifîment ; dans son âme il les ouit murmures ; et les paroles de ces silences, comme de ces chants, autour de son âme bourdonnent. […] et l’impérieuse et mélancolique parole qui commande l’action, parle. […] paroles, parlez, toutes, en la précursion du Seigneur qui vient ! […] Pour les mondes pécheurs Christ a agonisé, à cause qu’il avait la désirante pitié des Désirs… ô pitié du Seigneur, vois ton fils agonisant, palpitant, crucifié : il fut le Saint, et le Pur, et le Bon ; il chanta ton nom, lui qui pleure aujourd’hui ; agréable il te fut, ce réprouvé ; il fut ton garde, ton serviteur, ta force, ta splendeur, ta joie, lui qui presque blasphème, et qui se perd, l’affolé des sensuels souvenirs, et qui tournoie en la démence de sa chair, et se maudit, ne connaissant plus ta parole… ta divine parole sous l’effort des concupiscences se fait étrange, elle s’altère, elle se corrompt, voilà qu’elle se fait autre affreusement, et c’est des sons magiques : la prière à Dieu se tourne en suggestion d’enfer : rude, le sortilège ramène la mauvaise ; et elle est… Ô pensée toujours vive des délices coupables, inoubliable, inoubliable pensée !

645. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

» — Le Messager la comprend : — « Xerxès vit et voit la lumière. » — L’égoïsme de la mère éclate en un cri de joie : — « C’est une lumière que tu apportes dans ma maison, avec cette parole ! […] Il s’arrêta sur la parole d’un oracle qui l’avertit qu’il travaillait pour un conquérant. — Les Cnidiens, menacés dans leur presqu’île par le satrape Harpage, voulurent couper l’isthme qui lui donnait accès par la terre ferme. […] Mais jamais, moi régnant, la Perse ne subit un pareil échec… Certes, sachez bien ceci, ô mes égaux par l’âge, nous tous qui nous sommes transmis cet empire, jamais nous n’avons attiré sur lui de si grands malheurs. » Le Chœur, remis de son trouble, s’enhardit à l’interroger : — « Ô roi Darius, quel augure tirer de tes paroles ? […] Console-le par de douces paroles, il ne voudra écouter que toi. […] Il y a de la cendre mêlée à ses paroles, l’amère poussière que recèlent, comme les fruits de la Mer Morte biblique, les grenades qui croissent dans les jardins de l’Hadès.

646. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Aux brûlantes paroles d’Armand, ce cœur engourdi se réchauffe. […] A cette parole moqueuse, à ce regard fébrile, à ces allures détachées et vives, à cette désinvolture de façons et de fantaisies, à la tournure cambrée, souple, hautaine et lascive de toute sa personne, vous avez reconnu la grande dame ennuyée qui cherche aventure et visite le moulin par-dessus lequel elle va jeter sa couronne de comtesse, à fleurons d’argent. […] Rien de plus simple cependant : les phrases vagues et banales que deux indifférents échangent avant un départ ; mais elles distillent un froid sinistre qui transit le cœur et puis ce mari fait peur : sa politesse est rigide, sa parole stricte et coupante ; on sent la glace de l’acier sous le velours serré et piquant de sa courtoisie. […] Et le voilà qui fait le fier tout d’abord, et qui repousse, avec de sévères paroles, cette fantaisie passionnée ; si bien que la grande dame s’humilie, qu’elle se confesse, qu’elle raconte, tout du long, sa vie à ce jeune homme de vingt-six ans, à peine entrevu, qu’elle lui demande d’être son ami, son conseil, son frère, L’artiste se laisse aller à ces enchantements de sirène, à ce point que, lorsqu’il sort, à deux heures du matin, de cette étrange visite, il est amoureux fou de la comtesse et résolu de la suivre partout où elle voudra bien le mener. […] Certes, on ne saurait être de meilleure compagnie que ce mari offensé, et il faut que l’auteur ait fait bien séduisante sa belle pécheresse pour qu’on ne s’indigne pas de la voir muette et endurcie dans son péché, sourde à ces sages paroles ; mais non, elle leur oppose le front têtu et fermé de l’impénitence finale.

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