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16. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons. […] Mais cela dépend de la façon dont il les fait parler. Or, les fait-il parler d’une façon sotte ? […] Il les fait parler d’une façon très raisonnable, très rationnelle. […] Ce qui vous intéressera peut-être, c’est que là où La Fontaine n’a pas parlé, ou a peu parlé d’une qualité des animaux, c’est Pascal qui vient, en quelque sorte, à son secours et qui le complète.

17. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Parler comme tout le monde, comme les bourgeois, comme les boutiquiers, fi donc ! […] § 2. — Mais c’est assez parler de la langue et du style. […] Ils créent des dilettantes qui parlent de tout sans rien connaître à fond. […] Un enfant parle comme un maître des cérémonies. […] Il veut parler de la robe verte du prophète qu’on arbore chez les Turcs en cas de péril grave.

18. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Maurel et traitant de l’une des gloires du pays, Vaugelas, lequel se trouve, par une singulière destinée, avoir été en son temps l’organe accrédité du meilleur et du plus pur parler de la France. […] Cet homme au parler si pur était né non à Chambéry, comme on l’a cru d’abord, mais à Meximieux, dans l’ancien Bugey, province de Savoie. […] « Quelle destinée, disait Mme de Rambouillet, pour un homme qui parle si bien et qui peut si bien apprendre à bien parler, qu’être gouverneur de sourds et muets !  […] Sa pension, dont on a tant parlé, lui était, à ce qu’il paraît, fort mal servie. […] Ce n’était pas trop, à ses yeux, pour acquérir la perfection du bien parler et du bien écrire, de ces trois moyens unis ensemble et combinés.

19. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Ciceron après avoir parlé des vers grecs, dont le métre n’est presque pas sensible, ajoute que les latins ont aussi des vers que l’on ne reconnoît pour être des vers, que lorsqu’on les entend reciter avec un accompagnement. […] Il faisoit durer plus long-temps les mesures, il obligeoit l’acteur qui recitoit à parler plus lentement, et il falloit que les instrumens qui les accompagnoient suivissent ce nouveau mouvement. […] Il faut que d’autres orateurs eussent suivi l’exemple de Gracchus, puisque la flute qui servoit à l’usage dont nous parlons, avoit un nom particulier. […] Non seulement l’éloquence y menoit aux fortunes les plus brillantes, mais elle y étoit encore, pour parler ainsi, le merite à la mode. […] Enfin c’étoit la mode que les souverains parlassent souvent en public.

20. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

C’est de ce mot qu’est venu celui de Grammaire, qui est l’Art de bien parler & de bien écrire. […] Tous ceux qui parlent en public doivent étudier son traité de la prosodie ; c’est un livre classique. […] Mais s’il ignoroit l’art de penser, il apprit du moins à bien des gens à parler purement. […] Il paroît que ceux qui parlent ainsi, ont reçu eux-mêmes une fort mauvaise éducation. […] Il travaille moins à leur apprendre à bien parler, qu’à ne pas parler mal.

21. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Aux fougues du jeune homme il joint même des naïvetés de fillette ; il met des coquillages à ses oreilles et parle avec ses coquillages. Nous, nous laisserons les coquillages, et c’est à ses oreilles que nous parlerons. […] Il parle des pics qui racontent les empires souterrains du chaos. […] À tout bout de champ Quinet trouve le moyen de se citer, de nous parler de ses autres ouvrages, pressentiments justifiés par celui-ci, éclairs dont voilà le foyer. […] s’il n’y avait eu ici que ce même livre de la Création écrit par le premier venu, on n’en aurait pas parlé.

22. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Je l’ai vu au fort d’Issy, un jour, où ça pleuvait rudement, et où sa nature sanguine se grisait du spectacle, sans pouvoir s’en arracher.” » Le général se sent écouté, et il parle, il parle beaucoup, et de beaucoup de choses et de personnes. […] Elle me parle de sa mort prochaine… qui ne fera pas de vide. […] La littérature ne me parle plus. […] On parle des cerveaux de Sophocle, de Shakespeare, de Balzac. […] Rien là, ne me parlait d’un mort moderne.

23. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Si les associations antérieures ont toujours été réglées par un esprit juste, rigoureux, soumises à une discrimination attentive, la mémoire verbale peut être consultée avec profit pour la pensée même : avant de parler, on ne savait pas au juste ce que l’on voulait dire ; après qu’on a parlé, on s’admire, on s’étonne d’avoir si bien dit et si bien pensé. […] Mais cette parole intempérante remplit plutôt les lacunes de sa pensée ; il parle quand il ne pense guère ; il se repose ainsi, il joue ; quand il pense, au contraire, il parle peu ; c’est en silence qu’il fait ses notions et qu’il s’exerce au jugement. […] Quiconque parle d’un sujet sans avoir l’habitude d’en parler cherche ses mots, parle lentement, hésite, tout en sachant bien ce qu’il veut dire ; les intervalles qu’il met entre ses mots prouvent qu’un intervalle existe également entre sa pensée et ses paroles. […] Dans notre enfance, nous avons appris lentement à nous parler intérieurement, comme à parler tout haut, comme à écrire. […] XI : « Il pense et il parle tout à la fois ; mais la chose dont il parle est rarement celle à laquelle il pense ; aussi ne parle-t-il guère conséquemment et avec suite. » [Il s’agit du portrait de Ménalque ou le caractère distrait dans La Bruyère, Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle, « De l’homme », 7 (VI), éd.

24. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

La raison en est toute simple : ou ils écrivent comme ils parleraient, persuadés qu’ils parlent comme on doit écrire ; et ils se permettent, en ce cas, une infinité de négligences et d’expressions impropres, qui échappent, malgré qu’on en ait, dans le discours : ou ils mettent, proportion gardée, le même soin à écrire qu’ils mettent à parler ; et, en ce cas, l’affectation dans leur style est, si l’on peut parler ainsi, proportionnelle à celle de leur langage, et par conséquent ridicule. […] La matière dont je vais parler intéresse le gouvernement et la religion, et mérite bien qu’on en parle avec liberté sans que cela puisse offenser personne : après cette précaution j’entre en matière. […] Les successeurs du rhéteur dont je parle ne sauraient trop s’éloigner de ses traces. […] Ils se trompent, s’ils s’imaginent en cela avoir le mérite de la difficulté vaincue : il est plus difficile d’écrire et de parler bien sa langue, que de parler et d’écrire une langue morte ; la preuve en est frappante. […] Que de traducteurs sont dans le cas dont nous parlons, surtout dans la plupart de nos traductions.

25. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Je n’en sçais rien, mais la chorégraphie de Feuillée dont j’ai déja parlé, montre suffisamment que la chose étoit possible. […] Certainement Seneque n’entend point parler ici d’un homme qui parle et qui fait les gestes en même-temps. […] Elle ne peut être admirable que lorsque c’est un acteur qui parle, et un autre acteur qui fait les gestes. […] Il est facile de concevoir que ces danses n’étoient autre chose que les gestes et les démonstrations que les personnages des choeurs faisoient pour exprimer leurs sentimens, soit qu’ils parlassent, soit qu’ils témoignassent par un jeu muet combien ils étoient touchez de l’évenement auquel ils devoient s’intéresser. […] Enfin nous avons vû des choeurs qui ne parloient pas, et qui ne faisoient qu’imiter le jeu muet des choeurs de la tragédie antique réussir sur le théatre de l’opera, et même y plaire beaucoup, tant qu’ils y ont été executez avec quelque attention.

26. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

je parle de la lumiere du soleil. […] Partout les hommes ont un visage, & pas un ne ressemble parfaitement à un autre ; partout les hommes parlent, & chaque pays a sa maniere particuliere de parler, & de modifier la voix. […] Il reste à parler de la syntaxe des adjectifs. […] Joseph garda la conduite dont nous parlons. […] vous qui êtes l’homme à qui je veux parler, &c.

27. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Parlez ! Parlez ! […] — Parlez ! Parlez ! […] Non, non, au contraire, parlez !

28. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Ces derniers personnages allegoriques sont le plus grand ornement de la poësie, qui n’est jamais si pompeuse que lorsqu’elle anime et qu’elle fait parler toute la nature. […] On peut s’en servir avec succès dans les fables et dans plusieurs autres ouvrages qui sont destinez pour instruire l’esprit en le divertissant, et dans lesquels le poëte parle en son nom et peut faire lui même l’application des leçons qu’il prétend nous donner. […] Comme l’auteur ne nous parle point directement dans ces sortes de poëmes, et qu’ainsi il ne sçauroit nous expliquer lui-même ce qu’il veut dire par son allegorie, il nous exposeroit souvent à la lire sans que nous puissions comprendre son idée. […] Notre coeur exige de la verité dans la fiction même, et quand on lui présente une action allegorique, il ne peut se résoudre, pour parler ainsi, à entrer dans les sentimens de ces personnages chimeriques. […] Or une piece de théatre qui ne parle qu’à l’esprit, ne sçauroit nous tenir attentifs pendant toute sa durée.

29. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Personne ne parle le langage en général, car il n’y a pas de langue universelle ; on parle toujours une langue particulière, qui est d’ordinaire la langue de la nation dont on fait partie ; et l’on fait ainsi quand on parle intérieurement comme quand on parle à haute voix. […] Si enfin il s’obstine dans son effort infructueux, deux habitudes indépendantes peuvent se créer et coexister en lui, l’une, involontaire et purement musculaire, de mal parler extérieurement, l’autre, volontaire et psychique, de bien parler intérieurement. […] Nous ne retrouvons pas dans la parole intérieur l’image de cette dernière sensation ; quand nous ne parlons que des lèvres [ch. […] Je rattache à cette double source les expressions comme : « cela ne dit rien à l’esprit ; — cela parle au cœur » ; et chez les poètes : Tout parle de sa gloire. […] […] N’a-t-on pas dit qu’entendre, c’est se parler à soi-même ?

30. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Il ne sortait encore presque personne de la chambre, et ceux qui en sortaient ne parlaient pas ; on ne disait rien. […] Le roi, inquiet et souffrant, ne parlait que de lui quand il parlait, mais parlait peu. […] M. d’Aumont même se recordait à cet avis, car M. de Bouillon parlait plus fort, et c’est toujours ce qui entraîne les sots. […] Je parlai de sa peur, de sa faiblesse, que je donnai pour motif de mon opinion, et je conclus avec fermeté à ce qu’on ne lui dit pas. […] Il ne parlait pas, et avait les yeux fixes et hagards.

31. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Faut-il lire, concurremment avec les bons auteurs, ceux qui ont parlé d’eux ou qui en parlent ? […] Le critique qui parle de Corneille, avant d’avoir lu Corneille lui-même, ou après que vous aurez lu Corneille ? […] Je les avais presque toujours lus avant qu’ils n’en parlassent et j’écoutais ces messieurs avec un très vif intérêt. […] Je rentrais chez moi toujours avec le véritable besoin de relire le livre dont ils avaient parlé et de comparer mes impressions aux leurs. […] Je parle de la majorité des enfants qui, même en France, est assez docile.

32. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Je parle à Carrière de la dépopulation de la France. […] … Le peintre Renoir, se trouvant, ces jours-ci, dans une maison protestante, où je ne sais quoi l’amena à parler des Valois, de Charles IX, le maître de la maison l’interrompit, en lui disant : « On ne parle pas de ces gens-là, ici !  […] Il parle avec passion de ces pays, qui apportent une espèce d’assoupissement à la nervosité parisienne. […] Henry Standish me parle du marquis de Herfort et de son fils Richard Wallace. […] On vint à parler d’une de ses amies, toujours en traitement, sans être malade.

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