Ce qui a plus de prix, c’est le naturel des sentiments, justement senti, curieusement développé par une intuition spontanée : à force de ne pas se guinder, à force de facilité à retrouver dans l’antiquité évangélique et biblique tout le détail de la vie contemporaine, nos découpeurs des Livres saints, sans art, sans goût, sans style, ont donné à quelques scènes un air de vérité aisée, qui est près de charmer, Il y a des coins de pastorale gracieuse dans le Vieux Testament, dans la Passion : mais surtout il y a quelques commencements heureux d’expression dramatique des caractères. […] Sans doute aussi des bourgeois, des artisans se firent affilier à la corporation : mais, comme il est naturel, vu la nature et l’objet de l’association, l’élément jeune, remuant, débauché et bohème dominait et donnait le ton. […] Ainsi, selon les milieux, la farce se diversifie : la farce judiciaire, parodie de la procédure et du jargon de la chicane, amusera les basochiens ; les écoliers feront leurs délices du jargon latin et des calembours ou drôleries pédantesques ; le paysan ne se lassera pas de se voir en scène, lui, son ménage, femme, voisins, M. le curé, le frère quêteur du couvent prochain, parfois le magister de son village, ou le charlatan à qui il demande une drogue quand sa femme ou lui sont bien malades, souvent le soldat, qui est son ennemi naturel.
C’est là une conséquence naturelle chez les hommes qui possèdent un riche fonds de faits particuliers et ont été habitués à conclure de ces faits aux faits nouveaux, sans se préoccuper d’établir les propositions générales correspondantes. » Les propositions générales sont de simples registres des inférences déjà effectuées, et de courtes formules pour en faire d’autres103. […] S’il peut s’appliquer aux agents naturels qui sont pour la plupart irrésistibles, on voit combien son application aux mobiles des actions humaines est inexacte. […] Et je soutiens qu’un être humain qui aime d’une manière désintéressée et constante ses semblables et tout ce qui tient à leur bien ; qui hait d’une haine vigoureuse ce qui tend à leur mal et agit en conséquence, est naturellement, nécessairement et raisonnablement un objet d’amour, d’admiration, de sympathie, qu’il est chéri et encouragé par le genre humain » ; que celui qui a des tendances contraires, est un objet naturel et légitime d’aversion ; et cela soit qu’ils jouissent l’un et l’autre de leur liberté ou non.
Bernard est un enfant naturel ; sa mère, toute jeune, a été séduite par le fils d’une maison où elle donnait des leçons de piano. […] Jusqu’à présent, la question de l’enfant naturel n’avait guère été traitée, au théâtre, que sous son côté violent et hostile : combat ou antagonisme, contraste entre la misère de l’enfant du hasard et la richesse de l’homme sans entrailles qui l’a mis à la porte de la vie, sans pain et sans nom ; représailles du fils reniant le père qui l’a délaissé, lorsqu’une circonstance imprévue le met sous sa main et à sa merci ; l’instinct de la nature aboli dans son âme par l’abandon dénaturé dont il a été la victime. […] Elle impose à son fils le salut de ce père qu’il ne connaît pas, auquel il ne doit rien qu’une juste rancune ; et c’est l’enfant naturel qui remet l’ordre matériel et moral dans la maison légitime, qui la relève et la corrige, qui la réhabilite et la purifie.
Les successeurs de Watteau se complurent unanimement à reconnaître le sceptre de leur protectrice naturelle. […] Tout ceci semble étrange et presque ridicule ; mais, pour peu qu’on étudie la marquise, on reconnaît qu’il y a du vrai dans cette manière de voir, et que le goût même du xviiie siècle s’y retrouve au naturel. […] Tout dans la physionomie, dans l’attitude, exprime la grâce, le goût suprême, l’affabilité et l’aménité plutôt que la douceur, un air de reine qu’il a fallu prendre, mais qui se trouve naturel et qui se soutiendra sans trop d’effort.
Dans l’ordre naturel, nul homme n’est le maître d’un autre homme, quelque supériorité qu’il ait sur lui. […] La richesse et la fécondité des faits humains dépassent toute prévision, et les lois générales ne peuvent être découvertes que par les procédés mêmes des sciences naturelles, l’observation et l’expérience, avec cette différence que, dans les sciences de la nature, c’est le savant qui expérimente, tandis que, dans les sciences politiques, c’est la société qui fait elle-même les expériences pour l’instruction des savants. […] C’est que la politique ne se suffît pas à elle-même et qu’elle doit reposer sur le droit naturel et sur la morale ; c’est ce que pensait M. de Tocqueville.
Vous allez voir que La Fontaine, soit souvenir (je n’en répondrais pas), soit coïncidence, et il est tout naturel que les poètes de cette valeur se rencontrent dans un sentiment pareil, vous allez voir que La Fontaine va exprimer tout à l’heure les mêmes pensées. […] La curiosité fait son effet bien naturel ! […] Voici le passage, le voici tout entier : Psyché, à travers les épreuves dont je vous ai parlé, traversant les déserts, traversant les contrées sauvages, finit, ce qui est tout à fait naturel, par rencontrer un ermite pas tout à fait, puisque c’est un bon vieillard qui vit dans une sorte de cottage avec sa fille qui lui raconte son histoire.
Nul doute que, dans cette sève brûlante d’Eschyle, dans cette lave tragique coulant à pleins bords, la puissance lyrique ne dominât toujours, et sous les deux formes les plus naturelles, l’imagination et la morale, la description et la maxime. […] C’est la perfection du naturel et de l’art, la grandeur simple et la pureté sublime. […] Un naturel plus touchant lui donne moins d’éclat et d’art ; souvent même il n’emprunte pas ces détours impétueux de la strophe et ce vol hardi de Sophocle ou d’Eschyle.
Je regrette qu’au lieu de ranger ses articles sous des divisions un peu arbitraires, il ne les ait pas tout bonnement laissés dans l’ordre chronologique naturel selon lequel il les avait d’abord écrits : on y suivrait mieux le progrès des saisons, dans un même esprit judicieux et constant. […] Tous les lieux communs de Cicéron sont si beaux, si spécieux, si honorables pour la société civile et pour la nature humaine, si accompagnés d’un noble pli et d’un large mouvement de la toge, que l’on conçoit vraiment combien ils doivent être chers à tous ceux qui sont encore moins des observateurs politiques inexorables et des scrutateurs du fonds naturel humain que d’éloquents avocats d’une cause.
— Le style, non pas étranger, mais un peu vieux, en est encore plus gaulois que français : « Du reste, mon parti était pris, et je regardais mon renvoi ou non-renvoi d’un œil très-philosophique ; je ne me serais trouvée, dans telle situation qu’il aurait plu à la Providence de me placer, jamais sans ces ressources que l’esprit et le talent donnent à chacun selon ses facultés naturelles, et je me sentais le courage de monter ou descendre, sans que par là mon cœur et mon âme en ressentissent de l’élévation ou ostentation, ou, en sens contraire, ni rabaissement, ni humiliation. […] Mon esprit était, de son naturel, tellement conciliant, que jamais personne ne s’est trouvé avec moi un quart d’heure sans qu’on ne fût dans la conversation à son aise, causant avec moi comme si l’on m’eût connue depuis longtemps.
Mais son ardeur naturelle était égale au moins à son assiduité et à sa bénignité. […] Il savait du grec ; mais ce qu’il savait à fond, admirablement, ce qu’il savait comme une langue naturelle, c’était le latin, toutes les sortes de latin, celui de Cicéron comme celui des Pères, de Tertullien et de saint Augustin.
Un tel genre de vie anéantit l’esprit faible, mais donne une singulière énergie à l’esprit capable de penser par lui-même. » Ses premiers doutes lui vinrent à Issy, et ils lui arrivèrent par les études naturelles, par les sciences, pour lesquelles il se sentait du goût, et qu’il commençait à cultiver. […] Sa gravité, sa dignité, et, si je puis dire, sa démarche d’intelligence n’eurent en rien à souffrir ni à se déranger d’un changement sincère, naturel, produit en la saison voulue, selon le cours des choses, en vertu d’une crise nécessaire et généreuse, et avant que rien de contraire ni d’irrévocable eût sonné.
Le Play, « à indiquer la tendance naturelle des populations ouvrières, et à prouver qu’elles savent préférer, même à des nouveautés séduisantes, une existence rude, mais fondée en toute sécurité sur le patronage et sur un bon régime de subventions. » Ces problèmes moraux occupèrent bientôt M. […] Quoi qu’il en soit, en fait l’ouvrier littéraire, dans son imprévoyance, se multiplie et pullule chaque jour ; son existence est devenue une nécessité, un produit naturel et croissant de cette vie échauffée qui se porte à la tête et qui constitue la civilisation parisienne.
En examinant les trois différentes époques de la littérature des Grecs, on y aperçoit très distinctement la marche naturelle de l’esprit humain. […] On faisait précéder les repas de libations aux dieux propices ; sur le seuil de la porte, on se prosternait devant Jupiter hospitalier ; la vie agricole, la chasse, les occupations champêtres des plus fameux héros de l’antiquité servaient encore à la poésie, en rapprochant les images naturelles des faits politiques les plus importants.
L’égoïsme, dans le cours naturel de l’histoire de l’âme, est le défaut de la vieillesse, parce que c’est celui dont on ne peut jamais se corriger. […] Quel que soit le parti qu’on ait embrassé, la faction est démagogue dans son essence, elle est composée d’hommes qui ne veulent pas obéir, qui se sentent nécessaires, et ne se croient point liés à ceux qui les commandent ; elle est composée d’hommes prêts à choisir de nouveaux chefs chaque jour, parce qu’il n’est question que de leur intérêt, et non d’une subordination antérieure, naturelle ou politique : il importe plus aux chefs de n’être pas suspects à leurs soldats, que redoutables à leurs ennemis.
Absorbées par cet intérêt, elles abjurent, plus que les guerrières du temps de la chevalerie, le caractère distinctif de leur sexe ; car il vaut mieux partager dans les combats les dangers de ce qu’on aime, que se traîner dans les luttes de l’amour propre, exiger du sentiment, des hommages pour la vanité, et puiser ainsi dans la source éternelle pour satisfaire le mouvement le plus éphémère, et le désir dont le but est le plus restreint : l’agitation que fait éprouver aux femmes une prétention plus naturelle, puisqu’elle tient de plus près à l’espoir d’être aimée ; l’agitation que fait éprouver aux femmes le besoin de plaire par les agréments de leur figure, offre aussi le tableau le plus frappant des tourments de la vanité. […] La grâce, ce charme suprême de la beauté, ne se développe que dans le repos du naturel, et de la confiance ; les inquiétudes et la contrainte ôtent les avantages mêmes qu’on possède ; le visage s’altère par la contraction de l’amour propre.
. — Il est naturel que les signes cessent d’être remarqués et finissent par être considérés comme nuls. — Théories fausses sur l’esprit pur. — Le représentant mental que nous appelons idée pure n’est jamais qu’un nom prononcé, entendu ou imaginé. — Les noms sont une classe d’images. — Les lois des idées se ramènent aux lois des images. […] Grâce à des séries de remplacements superposés, nous pouvons nommer et partant penser certaines propriétés abstraites particulières aux groupes, propriétés que la limitation naturelle de notre imagination et de notre mémoire semblait nous empêcher pour toujours de penser, c’est-à-dire de nommer.
L’utilité intellectuelle est nulle, ou plutôt il y a dommage manifeste ; il est meilleur à tous égards d’entretenir soigneusement sur ces choses l’ignorance naturelle : au moins la curiosité reste-t-elle aussi. […] « Le sublime, dit Michelet, n’est point hors nature ; c’est, au contraire, le point où la nature est le plus elle-même, en sa hauteur, profondeur naturelles. » Vous avez lu Andromaque, et vous avez une mère qui vous aime ; vous savez ce que vous êtes pour elle ; vous le sentez, et que par votre amour de fils vous ne lui rendez pas encore tout ce qu’elle vous donne.