La France donna alors le magnifique spectacle d’une nation tout entière qui cherche de bonne foi le vrai et le juste, et ne reconnaît en toute chose d’autorité que la raison. […] Au xixe siècle, les principes des philosophes ont passé dans les faits ; la Révolution est accomplie ; la nation, reconnue souveraine. […] Qu’importe qu’il y ait quelques gros livres de moins condamnés à dormir dans la poussière des bibliothèques, si l’instruction se répand, si la masse de la nation devient plus éclairée et meilleure ? […] Une nation n’est pas suspecte de camaraderie : la gloire ne sait pas mentir. […] Nous pourrions citer mille exemples d’humanité et de courtoisie donnés dans la guerre présente par les officiers des nations belligérantes.
Cette barbarie, cette demi-civilisation saxonne, croisée d’habileté et de finesse normande, le tout enfermé, tassé dans son île, travaillé, trituré, pétri et mûri durant des siècles, selon ce que l’auteur nous a si bien fait voir, se retrouve, dans la conclusion, à l’état de la plus forte, de la plus solide, de la plus sensée, de la mieux tenue, de la mieux pondérée, de la plus positive et de la plus poétique des nations libres. […] Cromwell fut longtemps le rempart de tout ce qu’il y avait d’énergique, de vertueux, de religieux, d’intègre, de radicalement anglais dans la nation. […] Cromwell ne brisa pas le caractère de la nation ; il le pétrit, il le cimenta et le consolida. […] Plus qu’aucun roi de ce royaume, Mylord protecteur a contribué à faire passer le caractère hautain de la nation dans sa politique extérieure, à faire d’elle ce qu’elle se vanta d’être si longtemps, l’arbitre et la modératrice des tempêtes, la souveraine des mers (celsa sedet Æolus arce). […] Taine ne fait pas cet effort qu’il convient à l’historien littéraire d’exercer au besoin sur lui-même et contre lui-même, et il nous présente, avec une défaveur et une déplaisance marquées, ce poète réputé si longtemps le plus parfait de sa nation et que Byron saluait comme tel encore.
Aussi les bibliothèques sont-elles pleines d’histoires médiocres, triviales, sans génie, sans philosophie, sans politique, sans couleur, sans pathétique, sans moralité, écrites par des annalistes de tous les pays ; enregistreurs de dates, de nomenclatures, de faits, ils tiennent la chronologie du monde, l’état civil des nations. […] V Il faut que l’historien soit homme d’État : car l’histoire est pleine de politique, et s’il n’a pas l’intelligence de la politique, cette bonne conduite de la vie appliquée en grand aux nations, aux sociétés, aux empires, il écrira au hasard des récits pleins d’ignorance, de contresens et de non-sens. […] On voit, à ces principales conditions d’un historien parfait, combien il est rare que toutes ces conditions se trouvent réunies dans un même homme, et combien peu de chefs-d’œuvre historiques doivent exister et surnager sur cet océan d’annales ou de chroniques qui encombrent les archives des nations. […] Dans ce genre d’histoire parfait, l’historien n’est plus seulement un annaliste : il est citoyen, il est moraliste, il est politique, il est poète, il est peintre, il est législateur, il est apologiste, il est satiriste, il est homme d’État, il est juge, il est instituteur des nations, il est Tacite. […] Rome vieillit ; car, malgré les illusions toujours déçues et toujours renaissantes des utopistes, les nations vieillissent comme l’homme, unité mortelle dont elles parcourent toutes les phases avec plus de lenteur, mais avec la même vicissitude de naissance, de jeunesse, de maturité, de caducité et de mort.
La première idée, la conception du Globe, lorsqu’il fut fondé il y a près de sept ans (et celui qui parle ici est plus compétent que personne pour décider ce point), consistait à recueillir et à présenter au public français tous les travaux scientifiques, littéraires et philosophiques de quelque importance dans le grand mouvement pacifique qui commençait à emporter de concert les nations civilisées du monde. […] L’idée de liberté, ainsi adoptée dans sa plénitude rejoignait si bien l’autre idée première d’association pacifique et d’unité intellectuelle à établir entre tous les peuples ; elle y ramenait si directement en faisant tomber les douanes de diverse nature qui s’opposaient à la communication libre des nations les unes avec les autres ; le moyen, en un mot, semblait si bien adapté au but, et le but tellement ressortir du moyen, qu’un homme dont toute la vie avait été consacrée à produire cette association et cette unité, Saint-Simon, frappé vivement de l’aspect du journal et de sa tendance définitive, crut un moment qu’il y avait peu à faire pour élever et consacrer l’idée du Globe à sa propre conception. […] Nous étions loin de regarder les quatre grandes lois, municipale, électorale, de la garde nationale et du jury, comme la conception définitive qui allait désormais régler et clore les destinées de l’humanité ; mais nous pensions qu’en s’appuyant là-dessus conformément à l’opinion du grand nombre, un gouvernement intelligent et fort aurait pu noblement vaquer à la double tâche qui lui était imposée, d’émanciper graduellement les classes pauvres et laborieuses, de favoriser et de garantir l’affranchissement des nations européennes.
La courbe d’un mouvement aussi complexe que celui d’une nation ne saurait se calculer, quand on n’en voit qu’une très faible portion. […] Si l’on cherche un point d’arrêt naturel, un moment critique qui marque un changement grave dans les mœurs et la marche de la nation, force est de pousser jusqu’en 1715. […] Voltaire écrivait3 : « Vers l’an 1750, la nation rassasiée de vers, de tragédies, de comédies, d’opéra, de romans, d’histoires romanesques, de réflexions morales plus romanesques encore et de disputes théologiques sur la grâce et les convulsions, se mit enfin à raisonner sur les blés.
La raison en est simplement que je la connais mieux que toute autre ; il sera facile ensuite, à ceux qui le voudront, d’appliquer des procédés analogues aux littératures des diverses nations. […] Autour d’un individu, il faut tracer, si l’on veut avoir de lui une idée suffisante, des cercles concentriques qui sont la famille, le groupe de ses amis et camarades, sa ville, sa province, sa nation, sa race.
Tanevot, en bon Citoyen, prévit tout le mal qu'ils alloient faire à la Nation, & fut un des premiers à employer les armes du ridicule, afin d'en arrêter les progrès. […] Que deviendra l'espoir de la Nation, lorsque ses enfans, livrés de bonne heure à l'incrédulité & la licence, abjureront, du moins dans leur cœur, la foi & les vertus de leurs peres, & qu'ils n'auront désormais, pour la servir, d'autre motif & d'autre aiguillon, qu'un intérêt bassement personnel, aussi éloigné du Citoyen que du Héros, &c. » ?
Il montra les erreurs qu’ils avoient accréditées dans leur nation. […] D’autres écrivains de diverses nations se mêlèrent dans cette dispute. […] Un esprit d’enthousiasme saisit alors la nation. […] Ils étoient l’élite des écrivains de la nation. […] Cet accord mutuel fut un événement remarquable dans la nation.
Les Anciens comme les Modernes ont eu des Ecrivains qui ont traité l’histoire de toutes les nations de l’univers. […] En un mot, chaque nation se trouvoit dans son recueil, dont nous n’avons que quinze livres avec quelques fragmens ; il s’en est perdu vingt-cinq. […] C’est proprement l’histoire des guerres de France qu’il nous a données & non pas celle de la nation. […] Il prétend que la plûpart de nos historiens n’ont donné que l’histoire de nos Rois & non celle de la nation. […] Cette histoire est divisée en quatre parties, en sorte qu’on peut lire de suite ce qui concerne une même nation.
Ils agirent comme un puissant réactif, ajoutant sans doute aux éléments celtique et latin, mais surtout les forçant à se combiner, à s’organiser en une forme nouvelle : en leur présence, et à leur contact, se forma, se fixa ce composé qui sera la nation française, composé merveilleux, où l’on ne distingue plus rien de gaulois, de romain ni de tudesque, et dont on affirmerait l’absolue simplicité, si l’histoire ne nous faisait assister à l’opération qui l’a produit. Notre nation, ce me semble, est moins sensible que sensuelle et moins sensuelle qu’intellectuelle : plus capable d’enthousiasme que de passion, peu rêveuse, peu poétique, médiocrement artiste, et, selon le degré d’abstraction et de précision que comportent les arts, plus douée pour l’architecture que pour la musique, curieuse surtout de notions intelligibles, logicienne, constructive et généralisatrice, peu métaphysicienne ni mystique, mais positive et réaliste jusque dans les plus vifs élans de la foi et dans les plus aventureuses courses de la pensée.
Dès qu’il s’agira de Tragédies, de Pastorales lyriques, de Poésies légeres, le Public a déjà décidé que cet Auteur ne figureroit jamais parmi les bons Poëtes de notre nation. […] Ceux qui ont osé comparer ce Conte à Télémaque, ont outragé, tout à la fois, la raison & la gloire de la Nation Françoise.
Celui-ci est un des plus grands Littérateurs & un des meilleurs Poëtes Latins qu’ait eus notre Nation. […] Il est donc incontestable que M. de Voltaire, & ceux qui sont de son avis, n’auroient pas dû chercher à dérober à notre Nation un genre de gloire pour lequel on conviendra qu’ils ne sont pas nés, mais que d’autres Littérateurs ont su nous procurer par des travaux qui auront toujours leur prix, malgré leurs décisions.
Cochut cite, comme une opinion qu’il épouse, les paroles de Gautier sur Law dans l’Encyclopédie du Droit : « La conception de Law, malgré les vices originaires qui rendaient le succès impossible, malgré la témérité aveugle et les fautes graves qui rendirent sa chute si soudaine et si terrible, n’en atteste pas moins chez son auteur, outre un génie puissant et inventif, la perception distincte des trois sources les plus fécondes et jusque-là les plus ignorées de la grandeur des nations : le commerce maritime, le crédit et l’esprit d’association. » On a droit de s’inscrire en faux contre un tel jugement. Ne dirait-on pas que la grandeur des nations, avant Law, était ignorée !
Nous n’en deviendrions pas moins les esclaves de ces durs maîtres qui se croient la nation élue. […] La nation armée, c’est proprement la horde. Une armée nationale, c’est la partie civile de la nation s’amalgamant à l’armée tout court. […] L’observation scientifique nous apprend encore qu’un groupement de ces individus crée, lui-même, une personnalité globale, la nation, douée d’une âme à elle et qui n’est pas identique à celle des individus dont cette nation est composée. […] Elles étaient la nation en armes.
quelle vue sympathique, non systématique, sur tout ce qui tient au cœur de la nation et s’y rattache par quelque fibre profonde ! […] Il suffit chez une nation vive qu’un goût l’ait longtemps dominée pour qu’elle soit prête à en éprouver un autre. […] Le spectacle d’hommes remarquables par le caractère, l’intelligence, le talent, pensant différemment les uns des autres, se le disant vivement, rivaux sans doute, mais rivaux pas aussi implacables que ces généraux qui, en Espagne, immolaient des armées à leurs jalousies ; occupés sans cesse des plus graves intérêts des nations, et élevés souvent par la grandeur de ces intérêts à la plus haute éloquence ; groupés autour de quelques esprits supérieurs, jamais asservis à un seul ; offrant de la sorte mille physionomies, animées, vivantes, vraies comme l’est toujours la nature en liberté ; — ce spectacle intellectuel et moral commençait à saisir et à captiver fortement la France.
« La nation est vraiment comédienne, disait encore le président de Brosses en 1740 ; même parmi les gens du monde, dans la conversation, il y a un feu qui ne se trouve pas chez nous qui passons pour être si vifs. » Ajoutez que dans l’Italie catholique la profession du théâtre fut sans contredit plus considérée qu’en aucun pays du monde ; les princes et les cardinaux témoignaient pour cet art une admiration sans scrupules. […] Une imagination vive, un langage souple et harmonieux leur rendaient facile l’improvisation qui était, du reste dans les habitudes de la nation. […] « Il est habillé selon la nation », dit Riccoboni.
Martin a donc agi avec une vigueur de procédé qui l’honore en retraçant d’abord, et avant toutes les autres nations, la Chine et l’influence qu’y exerce la morale, pour montrer que la morale est quelque chose en soi, car elle y est tout, et après l’avoir montré, M. […] et tout cela, c’est la vérité, est d’une majesté à laquelle, dans l’histoire intellectuelle des nations, il n’y a rien à comparer. […] Or, depuis Confucius, la corruption, qui va toujours son train, n’a fait que ronger davantage ce cadavre de nation !