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784. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

M. de Ruvigny a permission de se retirer en Angleterre avec sa femme et ses deux fils : « Le roi lui laisse son bien et lui conserve même ses pensions. » Le maréchal de Schomberg eut également permission de se retirer en Portugal « avec madame sa femme et M. le comte Charles son fils ; il conservera, dit Dangeau, son bien et les pensions que Sa Majesté lui donne. » Duquesne, lieutenant général de la mer, eut permission de se retirer en Suisse avec sa famille ; mais, avant d’en pouvoir profiter, il mourut subitement à Paris. Schomberg pourtant ne mourut pas si vite ni sans s’être vengé à sa manière ainsi que la cause à laquelle il restait fidèle. […] La guerre s’ouvre avec vigueur ; le fils du roi, Monseigneur, est mis à la tête de l’armée du Rhin : « Le roi et Monseigneur se sont fort attendris en se séparant (25 septembre 1688). » Louis XIV dit à son fils une belle parole : « En vous envoyant commander mon armée, je vous donne des occasions de faire connaître votre mérite ; allez le montrer à toute l’Europe, afin que quand je viendrai à mourir, on ne s’aperçoive pas que le roi soit mort. » Monseigneur se conduit bien et vaillamment ; il a un éclair d’ardeur : cela même lui donne une étincelle d’esprit ; il écrit à son père devant Philisbourg : « Nous sommes fort bien, Vauban et moi, parce que je fais tout ce qu’il veut. » — « Mais Vauban pourtant, ajoute Dangeau qui s’anime et s’aiguillonne à son tour, n’est pas si content de Monseigneur, qui va trop à la tranchée et y demeure trop longtemps. » On prend Philisbourg, on prend Manheim et Frankendal : après quoi Monseigneur revient.

785. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Et son énumération achevée : Puisque donc, Sire, poursuivait-il, je suis si heureux que de parler devant un roi soldat, qui voulez-vous qui tue neuf ou dix mille hommes, et mille ou douze cents chevaux, tous résolus de mourir ou de vaincre ? […] Il n’y a prince au monde, remarque-t-il à ce propos, qui ait la noblesse plus volontaire que le nôtre : un petit souris de son maître échauffe les plus refroidis ; sans crainte de changer prés, vignes et moulins en chevaux et armes, on va mourir au lit que nous appelons le lit d’honneur. […] Il parle de la mort du frère de M. de Strozzi, le prieur de Capoue, tué en Toscane, dans une reconnaissance, de la main d’un paysan qui lui tira une arquebusade de derrière un buisson : « Voyez quel malheur qu’un grand capitaine meure de la main d’un vilain avec son bâton à feu ! 

786. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Ce qui est certain, c’est qu’en 1589, après avoir prêché le carême à Angers, et un carême très vif38, Charron retourna à Bordeauxk, où, dit-on, il prit connaissance et vécut fort familièrement avec messire Michel de Montaigne, chevalier de l’ordre du roi, auteur du livre intitulé les Essais, duquel il faisait un merveilleux cas ; et le sieur de Montaigne l’aimait d’une affection réciproque, et avant de mourir (ce qui eut lieu trois ans après), par son testament il lui permit de porter après son décès les pleines armes de sa noble famille, parce qu’il ne laissait aucun enfant mâle. […] Le premier mouvement de Charron, frappé d’apoplexie foudroyante dans une rue de Paris où il tomba et où il mourut, fut de se jeter à genoux pour prier Dieu. […] La plus calamiteuse et fragile de toutes les créatures, c’est l’homme, et quant et quant la plus orgueilleuse : elle se sent et se voit logée ici parmi la bourbe et le fient du monde, attachée et clouée à la pire, plus morte et croupie partie de l’univers, au dernier étage du logis et le plus éloigné de la voûte céleste, avec les animaux de la pire condition des trois (espèces) ; et se va plantant par imagination au-dessus du cercle de la lune, et ramenant le ciel sous ses pieds… Dans Charron Liv.

787. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Le prince de Condé meurt empoisonné et le laisse seul à la tête du parti protestant, exposé à toutes les perfidies et à toutes les haines. […] Vous avez tort, car je vous jure que jamais je ne vous ai aimée plus que je fais, et aimerais mieux mourir que de manquer à rien que je vous ai promis. […] Il lui parle du jeune Grammont, qui est près de lui à ce siège, avec intérêt et désir de flatter le cœur d’une mère : « Je mène tous les jours votre fils aux coups et le fais tenir fort sujet auprès de moi ; je crois que j’y aurai de l’honneur. » Les expressions de tendresse, mon cœur, mon âme, s’emploient toujours sous sa plume par habitude, mais on sent que la passion dès longtemps est morte ; et enfin le moment arrive où, après quelques vives distractions qui n’avaient été que passagères, Henri n’a plus le moyen ni même l’envie de dissimuler : l’astre de Gabrielle a lui, et son règne commence (1591).

788. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

En l’envoyant au docteur Arnauld, depuis longtemps réfugié dans les Pays-Bas, et alors près de mourir, il présentait ce volume profane comme lui ayant été arraché par l’imprimeur, qui s’était emparé des pièces volantes ou copies échappées de ses mains, et qui l’allait publier sans sa permission ; moyennant ce tour, il espérait que la sévérité du docteur se laisserait fléchir. […] Il ne fut pas longtemps à en être éclairci, ajoute Saint-Simon, qui a rendu l’anecdote célèbre ; les vomissements et la fièvre le prirent, et en deux fois vingt-quatre heures le malheureux mourut dans des douleurs de damné, mais dans les sentiments d’une grande pénitence. […] Santeul, quand il mourut, avait soixante-sept ans.

789. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Il mourut l’année suivante (1648), à cinquante ans ; il disparut à temps avant la Fronde : « Ce fut son dernier trait d’esprit », M.  […] Et cependant il a tant d’esprit que Mlle de Scudéry conclut en lui pardonnant : Callicrate mourut peu de temps après cette fourbe, extrêmement regretté de tous ceux qui l’avaient connu, et même de celles qu’il avait le plus cruellement trompées, tant il est vrai que les rares qualités de son esprit faisaient excuser je ne sais quelle maligne vanité dont son âme était remplie. […] Ce sont les vers improvisés à la reine Anne d’Autriche dans une promenade à Ruel : Je pensais que la destinée Après tant d’injustes malheurs… C’est surtout l’épître à M. le prince, après son retour d’Allemagne où il avait failli mourir de maladie (1645), pièce charmante, philosophique et de la plus douce veine.

790. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

En même temps il s’inquiète en père de l’éducation des fils du prince Guillaume ; il dresse des instructions pour l’aîné de ses neveux, et quant au cadet qui mourra dans la fleur de l’âge, nous verrons avec quelle tendresse touchante il l’avait adopté et combien il l’aimait, et combien il le pleura. […] Le prince Guillaume ne survécut que d’un an à peine à sa disgrâce ; il mourut l’année suivante (juin 1758), et cette mort, à laquelle Frédéric s’attendait si peu, et à laquelle il put se reprocher d’avoir contribué, vint ajouter dans ces sanglantes années aux peines morales qui assiégeaient de toutes parts son âme. […] Pourtant ce n’est pas à nous d’oublier les intentions bienveillantes du prince Henri, de celui duquel Mirabeau écrivait dans sa correspondance de Berlin en 1786 : « Encore une fois, ce prince est, il sera et mourra Français. » — Dans les deux voyages que fera le prince Henri en France, il en recevra assez de remerciements publics et de flatteuses louanges.

791. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

» don Juan sentant que la partie était perdue et que tout lui échappait, fut pris de désespoir et d’une mélancolie profonde, qui devint une maladie pleine d’incidents inconnus : « Les médecins, qui traitaient son corps d’un mal qui était dans son esprit, lui firent souffrir durant trois semaines assez de tourments pour achever sa vie ; il mourut le 17 septembre 1679, âgé de cinquante ans. […] Elle mourut en février 1689, à l’âge de vingt-sept ans, — au même âge à peu près que son intéressante mère. Mme de La Fayette, dans ses Mémoires de la Cour de France, affirme sans hésiter qu’elle mourut également par le poison.

792. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Vous mourez plein d’éclat et de gloire ; vous vous croyez vainqueur, vous vous endormez heureux dans le triomphe ; comme Mithridate, vos derniers regards ont vu fuir les Romains. […] Je ne puis blâmer la vigilance et la surveillance jalouse d’une noble famille sur cette gloire domestique ; mais, au point de vue du public, et même à celui de l’illustre morte, je ne puis m’empêcher d’avoir un regret. […] Mme Lenormant, en citant cette lettre, en use et en abuse un peu, ce me semble, quand elle en conclut que Schlegel a dû, sous peine d’inconséquence, mourir catholique, et en donnant à entendre que le soin seul de sa position comme professeur à l’université de Bonn le rejeta ensuite dans la profession extérieure du protestantisme.

793. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

La veuve de Louis Racine, la bru du grand Racine, vécut fort longtemps et fort avant dans le xviiie  siècle ; elle vit la Révolution française et mourut en 1794, âgée de 93 ou 94 ans. […] Là encore on peut se figurer une fin touchante d’un père malheureux qui, caché dans son petit jardin du faubourg Saint-Denis, y recevant de loin en loin la Visite de quelque jeune poète déférent et respectueux, d’un abbé Delille naissant, ne songe plus pour son compte qu’à mourir en chrétien, latendo et tacendo. […] Racine avait une autre sœur encore dont l’abbé de La Roque ne parle pas, qui se fit religieuse à Port-Royal, la sœur Marie de Sainte-Geneviève Racine, de laquelle on ne dit rien sinon qu’elle mourut dans de grands sentiments de piété.

794. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Les Barbares exultent de joie, et Carthage, quand elle aura épuisé l’eau de ses citernes, va mourir de soif. […] Quant à Salammbô, à laquelle le lecteur à bout de sensations et d’abominations a moins que jamais le cœur de s’intéresser, dès longtemps fiancée à Narr’Havas, elle meurt en revoyant de ses yeux dans cet état horrible ce Mâtho, ce beau drôle de Lybien pour qui elle s’est sentie allumée dès le premier soir, et à qui elle s’est, de gaieté de cœur, abandonnée. […] Chateaubriand lui-même, dans ce sujet incomplet des Martyrs, avait chance de nous toucher par la fibre grecque ou romaine, qui vit en nous, et à la fois par la fibre chrétienne qui n’est pas morte.

795. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Je puis donc maintenant répondre à cette question : Qu’était-ce au vrai que Patru, cet académicien avocat, cet arbitre de la diction, si souvent cité au xviie  siècle, dont on applaudissait les harangues solennelles, dont on répétait les bons mots, que Retz s’était acquis, que respectait Boileau, et qui mourut avec honneur dans l’indigence ? […] Vaincu par les instances de l’aimable jeune homme, il promit de lui donner la clef et de lui mettre aux mains le filj d’Ariane, mais quand il serait un peu moins jeune et à son retour seulement : « Je vous promets, me dit-il, qu’à votre retour je vous donnerai tout ce que vous souhaitez. — « Et toutefois, lui répondis-je, je n’aurai alors que vingt ans. » — « Cela est vrai, reprit-il en m’embrassant, mais, avec les lumières et les inclinations que vous avez, ce n’est pas peu qu’une année de l’air d’Italie ; et d’ailleurs, vous étonnez-vous si, avant que de mourir, je veux vous voir au moins encore une fois ?  […] On raconte que Bossuet l’étant allé voir, lui dit : « On vous a regardé jusqu’ici, monsieur, comme un esprit fort ; songez à détromper le public par des discours sincères et religieux. » — « Il est plus à propos que je me taise, répondit Patru mourant ; on ne parle dans ses derniers moments que par faiblesse ou par vanité. » Il mourut le 16 janvier 1681, à l’âge de soixante-dix-sept ans.

796. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Le 9 mars 1661, Mazarin mourait à Vincennes, ministre absolu et maître de la France depuis qu’il avait triomphé de la Fronde. […] Mais le plus grand témoignage rendu à Fouquet dans sa disgrâce, fut assurément celui du poète Brébeuf, lequel, dit-on, mourut de chagrin et de déplaisir de le savoir arrêté : voilà une mort qui est à elle seule une oraison funèbre. […] On croit que Fouquet allait obtenir un adoucissement tardif et la permission d’aller aux eaux de Bourbonne, lorsqu’il mourut en mars 1680, à l’âge de soixante-cinq ans.

797. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Cela déplairait à la marquise9, si cela ne plaisait au roi. » Desfontaines, cet autre insulteur de Voltaire, lequel l’avait tiré de Bicêtre, disait à l’abbé Prévost qui l’engageait à faire sa paix avec le philosophe : — Si Alger ne faisait pas la guerre, Alger mourrait de faim. Ce Desfontaines, abbé aussi, mourut d’hydropisie, et ses goûts très connus lui valurent cette épitaphe : Periit aqua qui meruit igné. […] Tous deux moururent, se suivant de près.

798. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Bans le siècle de la prose même, dans le siècle le plus didactique qui fut jamais, des prosateurs comme Montesquieu et Rousseau touchèrent à la poésie, — maladroitement, il est vrai, mais ils y touchèrent… Ils touchèrent à cette reine, bienfaisante et non pas dangereuse, qui ne fait pas mourir, comme la reine de l’ancienne étiquette espagnole, ceux qui l’ont touchée ; et à tous les deux, Montesquieu et Rousseau, il est resté quelque chose de ce contact éphémère : à l’un, dans le brillant diamanté de sa phrase, travaillée comme un vers, à l’autre, dans la passion malade de son accent et son harmonieuse mélancolie. […] Voilà pourquoi il a écrit ce livre, où la pitié déborde dans tous les types ; voilà pourquoi il a raconté ces histoires vraies de vieux soldats, dont l’un devient une véritable mère pour la femme folle de l’homme qu’il fut forcé, par devoir, de faire fusiller, et dont l’autre meurt en bénissant le gamin d’émeute qui l’assassine. […] Vous jugerez de cette lutte acharnée entre l’esprit qui ne croit pas et l’âme qui veut croire : « Bonaparte meurt en disant : Tête d’armée, et repassant ses premières batailles dans sa mémoire ; Canning, en parlant d’affaires ; Cuvier, en s’analysant lui-même et disant : La tête s’engage… « Et Dieu ?

799. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Clerfeyt, René Mary »

Henri Degron J’ai lu, relu, ce charmant petit livre aux vers frais et qui fleurent bon — si discrètement — la marjolaine du printemps et la feuille morte de l’automne.

800. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 189

Il fut Peintre & Poëte, deux titres suffisans pour écarter la fortune ; aussi vécut-il dans la misere, & mourut-il à l’Hôpital des Incurables, où il conserva jusqu’à la mort la manie de faire des vers.

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